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Un gouffre entre les classes : Haïti

vendredi 10 juillet 2020, par Robert Paris

D’un côté...

et de l’autre

Des images qui sont encore plus parlantes ! Voir ici

On aurait tendance, vu de loin, à croire qu’il n’y a que des pauvres en Haïti. Quelle erreur ! Il y a une bourgeoisie et même une grande bourgeoisie... Et les inégalités sociales sont plus criantes en Haïti qu’ailleurs entre une bourgeoisie qui vit dans le luxe et des bidonvilles d’une misère record... D’un côté des piscines et de l’autre pas d’eau à boire ! Cette bourgeoisie, du fait de sa diversité (grandes familles, seigneurs grandons (grands propriétaires terriens), anciennement liés ou pas au duvaliérisme, d’origines nationales diverses) et de sa rapacité, a été incapable de s’unir pour garder directement le pouvoir mais tous les pouvoirs issus de l’armée ou de la petite bourgeoisie ont été globalement à son service. Et il est impossible à l’armée, à l’église, à la petite bourgeoisie et ses politiciens ou notables d’être indépendants des intérêts de la grande bourgeoise haïtienne comme étrangère. Avec les politiciens, les notables, les intellectuels, les responsables religieux ou associatifs, des petits potentats locaux, des cadres militaires, bien des gens issus de la petite bourgeoisie ont fait mine d’ouvrir une perspective pour l’ensemble du peuple haïtien mais le "peuple" est divisé en classes et c’est le prolétariat qui a une vraie perspective à offrir...

Quelques uns des vampires d’Haïti

Voici un reportage :

"Les riches Haïtiens n’ont pas senti passer le séisme Les rayons sont bien remplis au Star Meket de Port-au-Prince.

Les rayons sont bien remplis au Star Meket de Port-au-Prince.

Ils continuent à boire de l’eau de source française et mangent du camembert de Normandie : pour les Haïtiens les plus fortunés, le séisme du 12 janvier et le chaos qui a suivi sont passés inaperçus.

Sur les hauteurs de Port-au-Prince, à Pétion-Ville, un chapelet de supérettes tenues par des Syriens courtise le chaland.

Les rayons sont garnis de produits introuvables ailleurs dans la capitale du pays le plus pauvre du continent américain. Les mets de luxe y côtoient... des revues qui prodiguent des recettes pour maigrir.

"Quand on vend de la nourriture, on ne va jamais mal. Les gens achètent toujours à manger", lance Moussa Aballa Nahra, 70 ans, propriétaire du Royal Market. La devanture de son magasin fait dans la simplicité. Mais à l’intérieur, on trouve tant des bonbons européens que des olives portugaises ou du vin chilien. Les prix affichent une santé américaine...

Cela fait presque 50 ans que M. Nahra est installé en Haïti. "En 1961, ce pays était un paradis, très agréable avec beaucoup de prospérité, d’espoir dans l’avenir", dit-il. Son épouse se tient à ses côtés. Elle aussi est originaire du port syrien de Tartous. Non sans fierté, elle explique que ses trois enfants son "tous haïtiens".

"Mon fils a épousé une Haïtienne", poursuit-elle. Mais, prévient Mme Nahra, "pas une noire, une mulâtre, très belle. Mes deux filles m’ont donné des petits Américains parce qu’elles sont allées dans ce pays afin que leurs enfants naissent à l’extérieur".

Mme Nahra, son mari et une bonne partie de leur clientèle font partie des 5% d’Haïtiens qui forment l’élite économique du pays.

Le 12 janvier, lorsque la terre a tremblé, dans leurs maisons perchées sur les collines qui surplombent la mer des Caraïbes, ils n’ont presque rien senti.

"Moi je ne suis là que pour le commerce", explique Joseph Hanna, 28 ans, un Vénézuélien arrivé en Haïti il y a trois ans, et qui travaille à l’Olympia Market.

"C’est tranquille ici. Les gens sont très gentils", dit-il. On trouve de tout dans l’Olympia Market, même de la nourriture pour chiens. Avoir un animal domestique en Haïti est peut-être le luxe ultime dans un pays dont l’histoire est jalonnée de crises, et où le séisme a mis à terre le peu d’infrastructures qui subsistait.

L’argent facilitant bien des choses, seuls les plus fortunés des Haïtiens ont pu se sauver, en jet privé ou par voie terrestre, après le tremblement de terre qui a tué au moins 217.000 de leurs compatriotes

"Heureusement que mes deux enfants étudient à Bordeaux", soupire Patricia Steed Attié, propriétaire du Papaye, un restaurant à la mode. Le cocktail qu’elle boit, la musique d’ambiance et la clientèle européenne feraient presque oublier qu’à seulement quelques kilomètres, plus d’un million de personnes vivent dans des abris provisoires.

"J’ai fermé près de trois semaines, mais j’ai décidé de rouvrir. Je pense que c’est un moyen de ne pas perdre espoir. Mes employés ont recommencé à travailler, c’est un moyen d’aider, de ne pas renoncer", dit Mme Steed Attié.

Même note d’optimisme dans la bouche de Moussa Aballa Nahra, le propriétaire syrien de Royal Market.

"Rien ne manque ici. Je n’ai pas de problèmes de sécurité et les affaires sont bonnes. Je n’ai jamais songé à quitter Haïti (...) mais maintenant je suis vieux. Mon rêve est d’aller en Syrie, le meilleur pays du monde. Je veux y mourir", lance-t-il."

c’est dans le confort de Pétionville, dans les stationnements de ses banques, et non dans les misérables bidonvilles que se promènent les 4X4 des ONG et des réseaux d’information. L’argent qu’on donne aux ONG dans l’espoir qu’il nourrisse une famille sans toit servirait-il à fournir un train de vie somptueux à ces représentants étrangers ? Faut-il revoir cette pratique ? « Je ne dis pas qu’il faille éliminer les ONG », ajoute Patrick Elie. « Elles ont aussi leur rôle. Mais elles ne sont pas là pour remplacer l’État, l’éliminer ou le banaliser. Et c’est ce qui se passe depuis des années et c’est devenu encore plus dramatique avec la catastrophe. Cela n’est pas arrivé d’un jour à l’autre, ni par hasard.

La bourgeoisie exploite aussi le tourisme mais elle exploite surtout une main d’oeuvre bon marché... et elle exploite même les bidonvilles ! Déjà, en 1980, la classe bourgeoise était constituée de 2% de la population contrôlant 44% des richesses (chiffres officiels).

N’oublions pas la fraction de la bourgeoisie qui exploite le prolétariat haïtien en vivant de l’autre côté de l’île. L’exploitation des travailleurs d’Haïti se produit également à Saint Domingue : elle vaut l’esclavage. les Haïtiens y sont traités pis que du bétail et surexploités.

On peut lire : La plus riche colonie du monde qu’est Saint-Domingue est en réalité un « eldorado construit sur un volcan ». L’exploitation capitaliste de l’esclavage des noirs, la structure des classes sociales et les antagonismes de classes font de cette société un « grand containeur d’explosif » prêt à exploser à tout moment.

La bourgeoisie locale est formée d’éléments composites et disparates.

Ils sont les seuls exportateurs des denrées nationales : café, cacao, coton, pite, mangues, campêche etc... Ce sont de grands propriétaires fonciers. Ils maîtrisent le bord de mer aussi bien que toutes les avenues de l’économie nationale. Le groupe des mulâtres est en conflit perpétuel avec les libanais qui de leur côté concurrencent les immigrants d’origine européenne. Le sectarisme qui affecte la bourgeoisie haïtienne lui enlève tout pouvoir sur les autres groupes sociaux.

L’apartheid entre classes sociales est une réalité qui frappe : à Port-au-Prince, il y a les quartiers résidentiels et « la basse ville ».

Voici le témoignage d’un Haïtien :

"Cette bourgeoisie n’arrive même pas à arracher de l’occident ses concessions spéculatives : investissements intéressants pour l’économie, mise en place de certaines industries.

De plus, parce qu’elle est crispée dans ses intérêts immédiats, parce qu’elle ne voit pas plus loin que le bout de ses ongles. Cette Bourgeoisie est tout à fait médiocre dans ses réalisations aussi bien que dans sa pensée et tente de masquer cette médiocrité par des constructions prestigieuses à l’échelon individuel à Pétion Ville, Belle Vil, Vivi Michel et autres ainsi que par des voitures flambants neuves valant plus de 60 mille dollars USD, par des vacances en Europe et des weekends aux bords des plages.

Il n’y a rien de plus écœurant que de les voir, tôt le matin, descendre dans leurs entreprises situées autour des orgies de boue, de détritus et, retourner chez eux, dans l’après-midi, dans leur univers de confort et de luxe.

Nous admettons qu’à l’intérieur de leurs voitures climatisées ils ne peuvent pas prendre l’odeur infecte de certaines zones de la capitale, mais nous nous demandons : qu’est-ce qui peut bien les empêcher de voir la fresque dépravante et laide de la capitale ?

Le fait qu’elle soit bornée dans ses idéologies, et parce qu’elle est fermée sur elle-même, coupée du peuple, minée par son INCAPACITÉ CONGÉNITALE à penser à l’ensemble des problèmes en fonction de la totalité de la nation, la bourgeoisie haïtienne reste passive et continue à assumer son petit rôle de négociants et de gérants d’entreprises et d’industries familiales dans lesquelles elle exige des ouvriers, pour 85 gourdes par jour, un travail énorme au nom, bien sûr, de l’effort national.

Les bénéfices énormes qu’elle empoche, compte tenu du revenu national, ne sont pas réinvestis, tandis que, de leur coté, le prolétariat des villes, la masse des chômeurs, les petits artisans continuent à mourir de faim, le peuple stagne lamentablement dans une misère insupportable.

Elle s’en fout complètement et continue par tous les moyens, corruption comprise, à annexer à son profit la totalité des richesses du pays, enrichissement scandaleux, rapide et impitoyable.

On a une bourgeoisie en esprit, caractérisée par son petit nombre, sa concentration dans la capitale et ses ACTIVITÉS DE PETIT NÉGOCE, on ne trouve pas en son sein ni d’industriels, à proprement parler, ni de financiers.

Elle n’est pas orientée vers la production, l’invention, la construction et le travail, elle est entièrement canalisée vers des activités intermédiaires.

Être dans la combine, telle semble être sa vocation profonde. Certaines familles bourgeoises haïtiennes, en exemple, la famille Brandt avec Fritz et David (incarcérés pendant plus de deux mois pour fraude douanière), ne trouvent pas suffisants les bénéfices démesurés qu’elles ont soutirés de l’exploitation du peuple haïtien, se plongent à fond dans la corruption pour augmenter plus grandiosement le capital familial.

Peut-on imaginer le nombre de temps qu’elles ont à patauger dans ce circuit ? Peut-on compter le nombre de familles bourgeoises haïtiennes qui fonctionnent dans ce circuit de contre bande et de corruption pour amasser facilement l’argent de l’état en l’occurrence celui du peuple haïtien ? On n’en saura jamais !

Par son comportement, la Bourgeoisie haïtienne rappelle les MEMBRES D’UN GANG qui, après chaque Hold Up, partagent le butin entre les coéquipiers et leurs familles en préparant sagement la retraite.

Vilfredo Pareto dans « le traité de la sociologie Générale » a fait une distinction entre l’élite gouvernementale et l’élite non gouvernementale mais ce qu’il a appelé l’élite non gouvernementale n’en est pas moins que l’autre, une élite de pouvoir.

Notre bourgeoisie ne détient pas, certes, d’autorité politique, mais elle exerce un pouvoir sur d’autres secteurs, notamment dans le domaine économique ; elle exerce aussi une influence considérable sur les décisions que prennent nos dirigeants, sans toutefois, détenir de postes d’autorité et sans avoir de pouvoir reconnu, décrivant son attitude, depuis plus d’un siècle, à pratiquer une politique de doublure.

C’est à la fois la misère du peuple et l’enrichissement désordonné de la caste bourgeoise, son mépris étalé pour le reste de la nation qui durcisse nos réflexions et nos attitudes.

Aujourd’hui, par craintes ou pour bénéficier de leurs faveurs, certains ont tendance à cautionner l’entreprise de cette caste et ferment les yeux sur leur insolence, leur incapacité, leur ignorance, leur médiocrité et leur immoralité foncière. Tandis que dans le pays la plus grande misère continue à côtoyer la plus grande richesse.

Cette dernière consiste pour cette BOURGEOISIE RAPACE une sorte de carapace qui l’empêche de voir le calvaire et la souffrance qui l’entoure. Mais, par-dessus tout ON GARDE L’ESPOIR ; l’espoir que cette dite bourgeoisie se justifie, l’espoir qu’un jour, elle contribue par sa puissance économique à édifier une nation au lendemain meilleur, à créer des conditions de développement d’un prolétariat important, à industrialiser l’agriculture, à réaliser des investissements importants pour une croissance continue, un développement durable, et rendre possible enfin, une authentique culture nationale.

La Mafia Haitienne

Max Chauvet, Franck Helmcke, Adrien Castera Fils, Jean-Pierre Blanchard, F. Carl Braun, Bertrand Buteau, Edouard Baussan, Thierry Gardère, Serge Dévieux."

Voici un autre témoignage :

"D’un côté on retrouve les mulâtres et les grands propriétaires terriens qui monopolisent toutes les richesses du pays et qui constituent la trame de la bourgeoisie haïtienne. De l’autre côté, les masses noires qui représentent les 4/5 de la population ont la portion congrue. Au fil des ans le profil de la société haitienne s’est modelé avec l’arrivée des immigrants d’origine libanaise, syrienne, allemande, italienne etc. Ils arrivent toujours avec les mains vides trainant leurs étals de galerie en galerie. En un temps record ils maitrisent le secteur commercial et industriel et s’intègrent rapidement dans la classe bourgeoise traditionnelle sans aucun lien avec le monde rural. D’ailleurs leurs noms indiquent clairement leurs origines étrangères et leurs comportements trahissent toute volonté d’aboutir à un développement économique national. Ils se contentent des profits réalisés sur la vente de leurs marchandises dont le prix de vente dépasse 2 ou 3 fois le prix CIF. Ainsi nous pouvons saisir tout le secret de leurs réussites faciles. Comme industriels ils se contentent de se lancer dans la sous-traitance. Ils prennent des contrats ou des sous-contrats des multinationales. Ils font crever nos ouvriers pour un salaire tuberculeux qui est 4 à 5 fois inférieur au salaire prévu dans le compte d’exploitation. Le cri de détresse récemment de l’ambassadeur James Foley qui réclame 20 dollars par jour au lieu de 4 pour nos ouvriers est vraiment édifiant. Les industriels haitiens ne mettent pas à profit nos dotations en facteurs de production afin d’assurer la croissance économique du pays par le biais de la production nationale. Ils se contentent seulement de leurs marges bénéficiaires tirés surtout de l’exploitation éhontée de nos forces de travail."

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