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L’ultime crise mortelle du capitalisme ?

vendredi 27 mars 2020, par Mesloub Khider

L’ultime crise mortelle du capitalisme ?

Actualité de crise mondiale oblige, je livre aux lecteurs un texte prémonitoire du 27 août 2019 consacré à la crise économique, publié l’année dernière sur un journal électronique algérien. J’ai partiellement réactualisé mon article, aujourd’hui étrangement d’une brûlante acuité.

Que la théorie marxiste ait été honnie, fustigée, raillée, déclarée mille fois agonisante par la pensée bourgeoise (ses intellectuels organiques : professeurs, politiciens, journalistes), n’est que l’expression normale d’une lutte idéologique menée par les tenants du capital.

Que la théorie marxiste ait été corrompue, falsifiée, altérée, dévoyée par les multiples courants du mouvement ouvrier (partis réformistes, révisionnistes, staliniens, maoïstes, gauchistes), cela fait partie aussi des vicissitudes du cours historique de la lutte des classes.

Mais aujourd’hui, la théorie marxiste des crises triomphe contre ses détracteurs.

En effet, la crise actuelle du mode de production capitaliste vient nous rappeler combien toutes les théories économiques bourgeoises (désignées sous le titre pompeux de « sciences économiques »), forgées depuis deux siècles, n’ont jamais pu obvier la récurrence des récessions et des crises profondes. Le capitalisme n’a jamais connu une période de prospérité permanente. Depuis sa création, il a été jalonné par des cycles d’expansion et de dépression. Au reste, plus singulièrement, depuis plus d’un siècle, le capitalisme fonctionne sur le mode triptyque : crise/guerre/reconstruction.

En effet, au cours du 20ème siècle, à deux reprises, pour résoudre à sa manière impérialiste les crises économiques, il a provoqué deux Boucheries mondiales. Avec comme conséquences les destructions gigantesques de milliards de dollars d’infrastructures et le massacre de millions de prolétaires (20 millions au cours de la première et 60 millions au cours de la seconde). Aujourd’hui, c’est par son impéritie criminelle qu’il provoque des catastrophes sanitaires, comme avec l’exemple actuel de sa gestion chaotique du COVID-19.

A l’issue de la deuxième Guerre mondiale, après une période de moins de 30 ans de reconstruction (les fameuses Trente glorieuses, ainsi dénommées par les économistes bourgeois, mais permises grâce à une exploitation féroce des rares forces productives survivantes européennes et immigrées), le capitalisme est de nouveau entré en crise dès le début des années soixante-dix. Depuis lors, toutes les solutions réformistes tentées pour juguler ou inverser la tendance n’ont pas freiné l’accélération et l’approfondissement de la crise. Avec comme corollaire la fermeture de centaines de milliers d’entreprises et le licenciement de millions de salariés. Cette débâcle vertigineuse a pris une dimension apocalyptique avec la crise systémique actuelle sur fond d’une crise sanitaire catastrophique.

Sans rentrer dans une analyse marxiste rigoureuse de l’origine de la crise actuelle, il n’est pas inutile de rappeler quelques fondements explicatifs des crises.

Le mode de production capitaliste repose sur l’extraction de la plus-value arrachée aux travailleurs, principale source d’accumulation. Mais sous l’effet conjugué de l’augmentation du capital constant de plus en plus performant et de la concurrence exacerbée, le profit moyen ne cesse de baisser. À ce stade productif, la crise est déjà permanente. La contradiction centrale.

Enfin, le capitalisme porte en lui, depuis toujours, une sorte de morbidité congénitale : il produit de manière abondante une toxine que son organisme ne parvient pas à juguler : la surproduction. Il fabrique plus de marchandises que son marché ne peut en absorber. A ce second stade de la circulation, la crise est encore opérante, permanente.

Aussi, pour poursuivre infailliblement son accumulation, son développement, sa valorisation, le Capital doit-il donc trouver des consommateurs autres que les ouvriers et les capitalistes. Autrement dit, il doit impérativement se lancer à la quête (impérialiste) de débouchés en-dehors de son système (de son pays, cristallisé jadis par les nations colonisées), sous peine de saturation de marchandises invendues, entraînant l’engorgement du marché. C’est alors la crise de surproduction. A ce

t ultime stade, c’est la crise explosive, destructrice.

Dernier subterfuge : pour pallier l’absence de solvabilité restreinte par les lois économiques inhérentes à ce mode de production, le capitalisme recourt au crédit. Aussi, depuis plus de 40 ans, le capitalisme use-t-il et abuse-t-il de ce palliatif. Dès les années 1970, le système s’est engagé dans une politique suicidaire du recours illimité au crédit. Conséquence : l’endettement des ménages et des États a explosé : il a atteint des sommes astronomiques. En vérité, ces dernières décennies, le capitalisme survit grâce au crédit. Mais ce remède est pire que le mal. Il accélère et accentue la maladie du capitalisme.

Pour illustrer notre analyse, adoptons cette image médicale : la dette est au capitalisme ce que la morphine est au malade condamné. Certes, en y recourant, le souffrant surmonte temporairement ses crises. Grâce à l’absorption permanente de sa morphine, sa douleur s’atténue et s’apaise. Mais peu à peu, la dépendance à ces doses quotidiennes augmente. Le produit, dans un premier temps salvateur, devient ainsi à son tour nocif jusqu’à l’overdose. Le stade de l’overdose financier se précise, se précipite. Le grand capital financier devient le principal danger mortel pour le système capitaliste. L’endettement et la spéculation financière vont achever le corps malade du capitalisme.

Aujourd’hui, dans l’ensemble des pays développés, particulièrement aux États-Unis et en Chine, la crise économique s’aggrave. La désaffection de l’investissement industriel, pourtant seule source d’accumulation de la plus-value extraite du travail humain, s’accentue. L’activité principale du capitalisme est assurée par la sphère financière au moyen de la spéculation dans les bourses. Les investisseurs se sont totalement détournés de la sphère productive. Preuve de l’irrationalité du capitalisme.

Baisse tendancielle du taux de profit, surproduction, endettement abyssal, guerre économique entre les multiples puissances, destruction d’usines, chômage endémique, tensions impérialistes : jamais le capitalisme, depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale, n’a vécu une crise aussi grave. De toute évidence les tensions commerciales actuelles entre les principales puissances sont annonciatrices de conflagrations armées généralisées.

« Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société, - l’épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce », Karl Marx.

Notre époque a ainsi ouvert un nouveau chapitre au sein de l’histoire de la déliquescence du capitalisme qui a débuté en 1914 avec la Première Guerre mondiale. Une chose est sûre : actuellement, l’habilité de la bourgeoisie à circonscrire et ralentir le développement de la crise par un recours effréné au crédit prend fin. Dorénavant, les secousses économiques et tensions commerciales vont se succéder sans qu’il n’y ait entre elles ni répit ni véritable relance. Et les soubresauts politiques survenus dans de nombreux pays, en France avec les Gilets jaunes, en Algérie avec le Hirak, à Hongkong, au Costa-Rica, constituent l’expression de cette crise systémique du capitalisme.

Quoi qu’il en soit, l’histoire récente de ces dernières décennies, jalonnée de crises économiques récurrentes, nous le prouve, surtout depuis la crise de 2007/2008, la bourgeoisie est aujourd’hui impuissante pour concevoir une solution efficiente et pérenne à sa crise économique. Nullement parce qu’elle serait devenue soudainement incompétente, mais du fait d’un problème insoluble. La crise du capitalisme ne peut pas être résolue par le capitalisme. Encore moins par les experts affidés et charlatans professeurs d’une « science » économique dépourvue de toute efficacité. L’économie est la seule discipline à être encore enseignée en dépit de ses défaillances et inexactitudes. Si la médecine scientifique actuelle avait provoqué autant de dégâts et de morts que l’économie, elle serait depuis longtemps interdite. En vrai, la « science économique » est une discipline nécrologique : elle se contente d’étudier le nombre de cadavres productives massacrés par le capital ; le nombre d’usines fermées, le nombre de travailleurs mis au chômage. D’encenser la spéculation financière, cette sphère stérile de l’économie. De conseiller ses maîtres pour préserver leurs profits. C’est une « science » de la mort et non de la vie. C’est une « science » appelée à disparaître avec son système macabre.

Aujourd’hui assiste-t-on à l’effondrement du capitalisme ? Sans conteste, la réponse est affirmative. À l’évidence, la crise sanitaire et économique actuelle va inéluctablement raviver la lutte des classes. Il n’est pas inutile de rappeler que la grippe espagnole n’avait pas entravé l’éruption d’une phase insurrectionnelle révolutionnaire à l’issue de la première Guerre mondiale. Actuellement, partout, dans de nombreux pays, les gouvernements s’affolent sérieusement pour l’avenir immédiat du Capital. Au reste, Macron n’a pas manqué de reconnaître la gravité historique de la crise économique. Lors de son conseil de défense (la terminologie polémologique du nom de ce conseil en dit long sur sa véritable mission : la guerre. Contre qui ? Contre le ridicule microscopique et invisible coronavirus ou le colossal et ostensible peuple menaçant ?). Lors de ce même conseil de défense, Macron a manifesté son inquiétude quant à la pérennité des institutions étatiques. Conscient de la menace d’éclatement des institutions, Macron n’a pas hésité de déclarer que ce n’est que « le début de la crise » mais « l’Etat tient », manière de se rassurer. Jamais, dans l’histoire, un chef d’Etat n’avait tenu une telle déclaration aux accents apocalyptiques, au point de reconnaître que l’Etat est déstabilisé. Incontestablement, aujourd’hui le capitalisme est dans une phase critique. Si le capital ne peut plus se valoriser, se développer, il agonise, s’effondre. Or telle est la situation actuelle. Une chose est sûre : la lutte des classes ne chôme pas, même en période de menace sanitaire « coronavirisque ». Et la bourgeoisie française est consciente de la menace révolutionnaire. D’où l’empressement de Macron à consentir des concessions sociales et économiques aux travailleurs (la veille encore méprisés), notamment par les multiples mesures d’aide opportunément concédées : blocage de la réforme sur les retraites, indemnisation du travail non assuré, des chômeurs, distributions gratuites - au prix d’un endettement incalculable - ; illustration de la frayeur de la bourgeoisie française des explosions de grèves et d’émeutes (inéluctables à terme).
Ce n’est ni un désordre transitoire ni une dérisoire crise boursière (la récession sera « considérable » dixit Christine Lagarde, présidente de la BCE), dont la finance se sauverait avec la planche à billets, mais une fin d’un monde, pas du Monde.

Ce système mortifère, devenu irrationnel, est aujourd’hui en faillite. Une chose est sûre : le capitalisme n’hésitera pas à entraîner l’humanité dans une 3ème guerre mondiale (inéluctablement nucléaire) ou une catastrophe bactériologique, si on n’agit pas immédiatement pour l’anéantir. L’unique perspective à la crise de ce système, c’est donc d’abolir les fondements mêmes du capitalisme. Pour instaurer un nouveau mode de production humain, de nouveaux rapports sociaux fondés sur la communauté humaine universelle débarrassée de la marchandise, de la concurrence, du salariat, de l’argent.

Le capitalisme se meurt : pour le bien de l’humanité, aidons-le à mourir ; il en va de notre survie.

Mesloub Khider

Messages

  • Pas plus que les sociétés de classe avant lui, fondées sur les échanges et le commerce, le capitalisme – en dépit de ses formidables avancées technologiques et médicales – ne peut arrêter la propagation des épidémies, qu’il a d’ailleurs favorisées en détruisant l’environnement naturel, en recherchant un profit-plaisir immédiat (comme celui de la DROGUE), en laissant inexorablement s’effondrer à coup de « coupes budgétaires » tout le système sanitaire, pour autant qu’il soit une réalité pour les deux tiers de l’humanité, en faisant du logement des cages à poules – comme les BATTERIES DE POULES PONDEUSES – où sont entassés dans la pire promiscuité des milliards d’êtres humains, élevés, dressés, nourris, soumis idéologiquement à « la puissance et la gloire » de la machine de guerre médiatique du Capital.
    La guerre est depuis des temps immémoriaux un facteur multiplicateur, favorisant la propagation de l’épidémie. Celle-ci, en retour, engendre des guerres contre le « bouc émissaire » intérieur condamné à être éradiqué, comme les rats et les puces au temps de la peste et du typhus. Pire, les épidémies peuvent être utilisées comme arme de guerre contre « l’ennemi intérieur » ou « extérieur ».

  • Rien qu’aux Etats-Unis, il y a eu 3,3 millions de chômeurs de plus et le chômage de masse, la misère, le dénuement, le manque de nourriture et de soins frappent toute la planète. Cela ne va pas durer bien longtemps. Le système de domination mondiale vit ses derniers instants et les fait subir durement aux peuples. La réponse viendra !

    Face à l’effondrement sanitaire, économique, social et politique : une seule solution, la révolution sociale !

    Depuis le début de la pandémie et de la chute de l’économie, les classes possédantes ont digéré des milliers de milliards distribués par les Etats et les banques centrales, un argent qui aurait pu construire des hôpitaux, embaucher des personnels de santé, produire des matériels de protection et des médicaments, et cette distribution historique de fortunes aux marchés n’a pas pu freiner la chute des bourses et de tout le fonctionnement capitaliste. Les classes possédantes et leurs Etats sont incapables de faire face à la catastrophe, même si elles font semblant de tout faire et d’être indispensables pour nous sauver. Elles ne feront rien de plus en faveur des peuples et ne font que se préparer à nous réprimer violemment.

    Bien sûr, dans l’immédiat, la peur suscitée par la chute générale de la société et par la vague immense de morts ne provoque que le repliement mais la colère monte… Les peuples sont bien conscients que c’est l’incapacité du système d’exploitation qui les livre ainsi à la mort et à la misère à court terme.

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