Accueil > 13- ART ET REVOLUTION - ART AND REVOLUTION > Théâtre engagé

Théâtre engagé

mercredi 20 janvier 2021, par Robert Paris

Apologie d’un théâtre engagé

de N. Lygeros

Avant de défendre l’idée d’un théâtre engagé, il est sans doute nécessaire d’expliquer ce que nous entendons par cette expression car nous ne la considérons pas uniquement dans le cadre habituel. Il ne s’agit pas seulement d’un contexte politique ou national dans lequel le terme engagé est relativement simple et clair. Dans cette note nous l’envisageons dans un cadre plus large où il s’identifie à une activité cérébrale supérieure de l’homme. En d’autres termes, nous considérons le théâtre comme un moyen efficace et vivant d’atteindre des objectifs philosophiques et de les mettre en évidence grâce à lui. Nous nous situons donc dans la lignée des apports philosophiques de Berthold Brecht, d’Albert Camus et de Jean-Paul Sartre. Ainsi le théâtre n’est pas considéré comme une fin en soi mais comme l’émergence d’une structure cognitive plus abstraite qui peut être une thèse ou même une véritable théorie.
Dire que le théâtre est un art vivant constitue un truisme pour tout le monde ; comme si le caractère vivant de l’art était une évidence. Comme si le fait d’être un spectacle vivant était suffisant en soi. Alors qu’écrire un texte, monter une pièce et jouer du théâtre ne saurait être suffisant. Quelle peut être la valeur de la vie si elle est dépourvue de pensée ? Le théâtre semble omniprésent dans la vie culturelle et sociale. Mais quel théâtre ? La confusion entre le théâtre et le spectacle est si importante qu’il est nécessaire de mettre en évidence le fait que le théâtre est ce que le spectacle n’est pas. Ces nouvelles mises en scène qui tentent d’élever le corps au niveau de l’esprit ne sont que la preuve de la médiocrité de l’esprit de ceux qui n’ont qu’un corps. Les facéties corporelles de Sganarelle n’atteindront jamais le génie de la langue de Dom Juan. Non pas parce qu’elles lui sont inférieures mais parce que celui-ci est incomparable !

La première trahison subie par le théâtre date de l’antiquité. Les théatres grecs ont été transformés en arènes romaines et les tragédies de l’essentiel en jeux de cirque. De nos jours, la trahison est plus subtile car elle utilise le même cadre et emploie la rhétorique pour s’exprimer à travers lui. Sous couvert d’une politique qui agit sous la bannière de l’art pour l’art, le théâtre est ontologiquement aliéné pour être massivement consommé. Comme si la quantité de spectacteurs pouvait être une justification de la médiocrité. La recherche de la nouveauté et de la communication prime sur la qualité et l’esthétique. Faire connaître est devenu une fin en soi alors qu’il ne s’agit que d’un medium qui ne doit être utilisé que de manière axiologique.

Le théâtre est autre. Le théâtre est un autre. Il est le premier moyen cognitif trouvé par l’homme pour s’étudier, se caractériser et se définir ontologiquement. Il est l’autre pensée qui permet de considérer la vie - cet objet unique - comme un objet d’étude. Le théâtre est l’instrument de la multiplicité de l’un, le seul capable de couvrir l’ensemble du spectre humain jusque dans ses bords les plus extrêmes. Au sein du théâtre, tous les sentiments sont permis du plus bas au plus noble car il est pour ainsi dire socialement amoral. L’indépendance sociale du théâtre engagé lui offre l’opportunité de s’enfoncer librement dans les méandres de la pensée humaine sans le carcan consensuel de la masse. Ainsi, il est par essence un lieu expérimental.

Cette caractéristique du théâtre engagé à savoir sa liberté expérimentale doit être comprise au sens intellectuel du terme et non au premier degré comme c’est bien souvent le cas. Et il ne peut exister que dans ce cadre conceptuel. Il est alors naturel qu’il s’imprègne de l’ensemble de la littérature sans pour autant perdre l’essence de sa structure. C’est un arbre qui puise ses forces dans la littérature et la philosophie à l’instar d’une émergence vivante de la matière première. Le théâtre engagé vit par le texte et pour le texte. Sans le théâtre, le texte ne serait pas vivant et sans le texte, le théâtre n’existerait pas. Dans ce cadre il acquiert une nouvelle interprétation. En effet, du point de vue de l’écriture, le théâtre est non seulement la réalisation d’idées abstraites mais aussi la preuve vivante de l’altruisme de l’auteur. L’intelligence de celui-ci offre un texte à la réalité et tant que celui-ci n’est pas réalisé, il n’est qu’une pensée dépourvue de sens pour le monde. L’écriture théâtrale se différencie des autres par le fait qu’elle ne peut exister en soi. Elle n’existe que pour la mise en scène. Et en ce sens, elle s’approche de la composition musicale qui peut alors être considérée comme son équivalent cognitif lorsque celle-ci est un assemblage instrumental.

Le spectacle n’est que la représentation de la mort intellectuelle du théâtre. Alors que le théâtre engagé est la mise en scène de la pensée humaine offerte en don à la réalité sociale. Conscient de n’être rien devant la vie, le théâtre engagé est capable de tout via la multiplicité de l’un. Il représente le choix de la pensée d’agir sur le monde et c’est en cela qu’il est profondément humain.

Menaces sur le monde du spectacle

La colère d’Ariane Mnouchkine

Figure phare du théâtre public, Ariane Mnouchkine critique les choix culturels du gouvernement et attend une mobilisation de la société, pour que tous aient accès à l’art et à la culture

Le Nouvel Observateur. - Que pensez-vous des propos du Premier ministre François Fillon, qui affirme que les artistes ne sauraient rester à l’écart de l’effort de solidarité nationale ?
Ariane Mnouchkine. - Cette demande serait légitime de la part d’un gouvernement dont l’un des premiers gestes n’aurait pas été d’augmenter le salaire du président de la République de quelque 200% ni de faire un énorme cadeau fiscal aux plus privilégiés, d’un gouvernement qui mènerait, sincèrement, une politique de solidarité nationale et de lutte contre la pauvreté. Ce n’est pas le cas. De plus, les baisses de budget - j’en parle d’autant plus librement que la subvention du Théâtre du Soleil, tout comme celle des grandes institutions, n’a pas été touchée concernent comme par hasard les plus fragiles et les plus jeunes : soit toutes les compagnies sans distinction, et toutes les petites structures qui mènent une action de terrain importante. Or, en plus de la baisse globale de 6% des subventions, c’est environ 20% qui sont supprimés des crédits affectés à l’action culturelle, ce qui signifie, pour certains, une amputation d’au moins 26% ! C’est totalement destructeur, et François Fillon le sait, tout comme il sait bien que ses propos livrent les artistes à un jugement démagogique, ignorant la variété des situations, des actions, des talents. Le courage politique serait d’énoncer des critères d’appréciation acceptables qui légitimeraient éventuellement le fait de dire : écoutez, vous ne faites pas votre travail. J’admets que ces critères seraient durs à négocier, mais, après tout, c’est cela le courage politique. Mais non, on sabre. Alors, entre nos propres égoïsmes et la politique actuelle, toute une génération va avoir du mal à survivre. C’est extrêmement grave.
N. O. - L’organisation du système culturel français, globalement héritée des années Malraux, ne peut pas rester immuable. Par exemple, le nombre d’intermittents du spectacle inscrits aux Assedic n’a cessé d’augmenter.
A. Mnouchkine. - Rien ne peut rester immuable. Mais tout détruire sans rien proposer à la place, rayer d’un trait tout un travail, ce n’est pas supportable. Etre solidaire comme l’exige le Premier ministre ne veut pas dire accepter de se faire hara-kiri, tout de même !
N. O. - Dans sa lettre de mission à la ministre de la Culture, le président de la République a mis en avant l’échec de la démocratisation culturelle...
A. Mnouchkine. - Quand on évoque cet échec de la démocratisation, je réponds : ce rêve qui date de la dernière guerre, du grand rêve du Conseil national de la Résistance, n’est pas entièrement réalisé, c’est vrai, mais est-ce vraiment un tel échec ? N’y a-t-il vraiment eu aucune démocratisation de la culture en France ? Dasté, Gignoux, Vilar, Jeanne Laurent ont-ils travaillé pour rien ? Aurions-nous dilapidé tout l’héritage ? Les centaines, les milliers de lycéens, de collégiens que leurs professeurs amènent au Théâtre du Soleil, ou dans d’autres théâtres, ce n’est rien, cela ne vaut rien ? Est-ce mieux dans les pays où il n’existe pas ou trop peu de subventionnement de la culture ? Non, c’est désastreux ! De plus, Nicolas Sarkozy a un double discours, il demande « du public dans les salles », or les baisses de subvention frappent au premier chef ceux qui, sur le terrain, mènent des actions d’élargissement du public souvent exemplaires. Et ce qui m’attriste, c’est que ce discours a gagné du terrain, du moins à en juger par certaines réactions sur internet, sur les forums notamment : les artistes seraient des assis, des privilégiés, qui profiteraient des deniers publics pour produire à grands frais des spectacles qui font bâiller le monde. Soit ce ne sont que les mécontents qui s’expriment - et il faut absolument que ceux qui ne pensent pas comme eux nous défendent et répondent -, soit c’est beaucoup plus grave. Car, que notre travail ne soit pas reconnu par le pouvoir actuel, c’est hélas normal, mais que ce mépris trouve des échos dans l’esprit de certains de nos concitoyens, c’est bien contre cela que nous devons agir, nous mobiliser. Ce n’est pas par la dénégation et l’autoproclamation obstinée qu’il faut lutter, mais, bien au-delà de notre public, par le dialogue avec ceux qui composent ce qu’on nommait en 1968 « le non-public », les citoyens qui n’ont pas accès à l’art, ou que l’art n’intéresse pas, et qui estiment qu’ils paient « une danseuse aux bourgeois ».
Nous, nous pensons être utiles à la société, mais après tout, qu’en pense la société ?
La plupart des Français, paraît-il, placent la culture au cinquième ou sixième rang de leurs soucis, derrière le pouvoir d’achat, la santé, la justice, l’éducation. Ce que je trouve normal en ces temps difficiles. Mais quand on dit se soucier d’éducation, je crois que l’accès à l’art fait partie de ce souci. Car, si beaucoup considèrent parfois qu’on dépense leur argent pour une chose dont ils ne profitent pas, il faudrait qu’ils soient sûrs que leurs enfants du moins auront accès à cette culture qui contribue - et je crois qu’ils peuvent le comprendre - à l’humanisation de chaque individu et de notre société.
N. O. - Pensez-vous que la société soit aussi bloquée qu’en 1968 ?
A. Mnouchkine. - La société ? Nous n’avons peut-être pas la place d’en parler ici ! Mais paradoxalement, oui, le système théâtral est bloqué. Il y a de moins en moins d’interstices pour pouvoir entrer dans ce triste jeu de chaises musicales institutionnel qui s’est mis en place au cours des années. Avec la complicité et la responsabilité de tous. Des gouvernements successifs qui soit nous ont méprises, soit, quand ce n était pas le cas, n’ont pas eu le courage de faire des choix. Des syndicats et leur corporatisme à courte vue. Et de nous, les artistes, avec notre narcissisme parfois arrogant, sourd et aveugle. En tout cas, il est urgent que nous, gens de théâtre, et au-delà tous les artistes du service public, acceptions de comprendre ce que la collectivité a le devoir de nous accorder, mais aussi le droit d’exiger de nous. Il nous faut écouter ce qu’elle a à exprimer d’ignorance, d’indifférence, de déception, mais aussi de besoins parfois ignorés, et d’attentes, même confuses. Je suis convaincue que, si nous ne nous mobilisons qu’entre nous, nous obtiendrons au mieux une victoire « à la chauffeurs de taxi », une victoire de corporation qui crie, provoque des embouteillages, fait reculer provisoirement le pouvoir, qui, le moment venu, frappera encore plus fort.

Odile Quirot

Le Nouvel Observateur - 2263 - 20/03/2008

Un mal qui répand la terreur

Une peur sournoise qui s’infiltre dans les salles de répétitions, sur les plateaux de tournage, dans les bureaux des théâtres ; une inquiétude sourde qui modifie les actes, les discours et les pensées de chacun ; un monstre bureaucratique qui méduse les oppositions : ce qu’on rassemble sous le nom générique de « contrôle » apparaît bien comme un mal qui répand la terreur.
Depuis plusieurs mois une politique de contrôles des intermittents et les structures qui les emploient est menée. Ces contrôles diligentés par plusieurs organismes ou ministères ont pris des formes ubuesques et parfois scandaleuses. On se souvient il y a un an de ces intermittents d’Annnecy appréhendés par la police, fouillés au corps et gardés à vue à Annecy à la suite d’une plainte des Assedic. Aujourd’hui c’est un funambule du Jura à qui les Assedic réclament le remboursement d’un trop perçu de cent mille euros, l’accusant d’être son propre employeur. D’un point de vue général, ce sont tous ceux qui ne sont pas employés en CDI qui sont désignés à l’opprobre, accusés d’être des fraudeurs professionnels ou d’occasion, coupable de ne pas travailler ou de ne pas travailler comme il faut sur le même rythme, sur le même mode qui serait celui des honnêtes gens, ceux qui bossent et se lèvent tôt.

On peut s’indigner ou rire de ces discours nous dénonçant comme des assistés, on peut dénoncer la répression qu’il annonce. Cependant, cette suspicion lancée sur nos modes de vie, cette pénalisation de nos pratiques n’obéît ni à un air du temps, une météorologie médiatique dont les foudres s’abattraient au petit bonheur la chance sur les enseignants, les cheminots en grève, les immigrés clandestins, les incendiaires du samedi soir. Les dispositifs bureaucratiques de contrôles qui se multiplient (depuis la licence d’entrepreneurs du spectacle jusqu’au nouveau numéro d’objet qui devra orner chaque feuille de salaire d’intermittent), les accusations de fraudes aux revenus de remplacement lancée par les assedics dés qu’ils constatent une quelconque anomalie sur les feuilles de pointage, la mise en place par le gouvernement de nouveau organes interministériels de lutte contre le travail illégal, les descentes de polices organisées dans les clubs de jazz, ne sont ni un dysfonctionnement due au zèle de quelque fonctionnaire obtus, ni la traduction courtelinesque d’une machine bureaucratique produisant naturellement du formulaire comme la forêt amazonienne produit du carbone. Au contraire, ces contrôles obéissent à une volonté politique.

Un dispositif politique

Programmés depuis août 2003, les contrôles sont une des rares promesses tenues par les gouvernements successifs pour répondre au mouvement des intermittents. La signature du protocole actuel régissant les annexes 8 et 10 était conditionnée par la CFDT à l’engagement par le gouvernement de mener ces contrôles. La CFDT l’a donc voulu, le Médef l’a signé, l’Unedic et le gouvernement l’appliquent. Il convient aussi de rappeler que la lutte contre les abus, responsables supposés du déficit des annexes 8 et 10, fut (à tort ou à raison) une exigence d’une partie du mouvement des intermittents. Étaient visés à l’époque les grandes entreprises de l’audiovisuel public ou privés déclarant comme intermittents des salariés travaillant de fait comme permanent (des permitents).
On pourrait applaudir à ce sursaut vertueux. Mais, après nous être plongé depuis trois ans dans cette question des contrôles, force est bien de constater que ni l’enjeu économique, ni moral ne sont centraux dans la dénonciation des abus ni dans la lutte contre la fraude. L’enjeu est, à notre sens, de disposer avec les contrôles de la seconde mâchoire d’un piège qui se resserre sur les intermittents. La première mâchoire fut constituée par le protocole de 2003 qui brisait l’annualité, et donc la temporalité de travail des intermittents qui permettait d’échapper à l’aliénation du temps de travail. La seconde mâchoire vise à démantibuler les pratiques d’emplois qui sont les nôtres, à briser notre capacité à nous rassembler pour travailler, et donc aussi à nous constituer en force politique. Le but de cette politique n’est pas de nous interdire de produire des spectacles ou des films, elle ne vise pas à brimer l’expression artistique. Cette politique vise à transformer les assistés que sont supposés être les acteurs de la culture en entrepreneurs d’eux-mêmes, à les faire passer -si possible de façon consentante- de l’assistanat débilitant à la saine concurrence. L’enjeu pourrait paraître anecdotique, eut égard à l’ensemble des offensives qui sont menées sur ce terrain d’une « remise au travail » par des forces hétéroclite qui vont de l’Ump au Ps, du Médef à la CFDT. Elle ne l’est pas dans la mesure où la forme de vie artistique, de marginale qu’elle était, est devenue centrale dans notre société. Créatif, disponible, mobile, en perpétuel apprentissage, adaptable, l’artiste présente le salarié idéal des inventeurs du mot « employabilité ». Ce salarié idéal avait deux défauts. D’abord, des droits sociaux qui lui permettaient de refuser, donc de choisir ses emplois. Ensuite, des pratiques d’emploi qui lui permettait d’échapper aux catégories de l’emploi, et notamment à une de ses normes majeures qui est le lien de subordination. Avec le protocole actuel régissant les annexes 8 et 10, la première question semble réglée. Les contrôles règleront la seconde si nous ne parvenons pas à nous y opposer.

Tous ne mouraient pas mais tous étaient touchés

Depuis trois ans se réunit à l’intérieur de la Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile-de-France une commission intitulée Face aux contrôles. Elle s’est constitué devant l’afflux soudain de demandes de renseignement, de conseils, d’aides émanant d’intermittents subissant un contrôle mandataire des assedics, un refus de renouvellement de licence d’entrepreneur du spectacle de la Drac, ou accusé de fraude pour avoir vu ses heures d’enseignement artistique déclaré sous forme de cachet. Certains de ces intermittents posaient des questions embarrassantes pour les militants que nous sommes : une compagnie sans argent peut-elle avoir ses comédiens payés au Smic horaire, et deux heures par jour durant le festival d’Avignon ? Nous avons rassemblé, et continuons de rassembler ces témoignages. (Voir annexe) Tous témoignent d’un désarroi, d’une incompréhension, d’une douleur et d’une colère face à l’expression d’une suspicion infamante à l’égard des plus innocentes ou les plus obligées de nos pratiques. Le fond de l’affaire, et ce qui motive la continuité de notre action sur ce sujet, est que comme dans la fable, si nous ne sommes pas tous contrôlé, en l’état actuel de la législation, nous sommes tous potentiellement coupables. En effet, même si nous proclamons de bonne foi que les compagnies ne sont pas des associations de malfaiteurs, nous savons aussi que chaque déclaration mensuelle de situation est discutable, que chaque déclaration de nombre d’heure, de jour, d’emploi est problématique ou ambiguë. Et nous savons aussi que la plupart des bureaux des associations supposés diriger les compagnies de théâtre sont des fictions, masquant le fait que les intermittents les dirigent et sont leur propre employeur.

L’une des difficultés principale à laquelle nous nous sommes heurtés dans le travail de notre commission a été de chercher le point commun qui unissait tous ces centaines de cas distincts, toutes ces accusations diverses allant du travail au noir, à la fraude aux Assedic, au travail dissimulé, à la sur déclaration ou la sous déclaration des périodes d’emploi, à la mauvaise qualification du travail. Les organes de contrôles sont d’ailleurs aussi extrêmement divers. Certains sont du ressort du Ministère de la Culture, d’autre du Ministère du travail, les activités de certains offices sont du ressort d’un suivi interministériel. On ne peut s’empêcher de sourire en découvrant qu’une « brigade de répression de la délinquance astucieuse » du ministère de l’intérieur est, entre autre choses, chargée de surveiller les fraudes des intermittents .
Pour notre part, la commission à laquelle nous participons n’a, à aucun moment récusé la légitimité des contrôles, ni la nécessité de payer les charges sociale, ou de travailler en conformité avec le code du travail. Ce que nous contestons, c’est la manière dont ces contrôles sont menés, et plus largement des dispositifs réglementaires ou législatifs totalement inadéquats à nos pratiques et à nos usages. Depuis trois ans notre commission s’est aussi heurté à l’individualisation grandissante des situations. Ainsi, si les intermittents en butte à un contrôle viennent nous confier leur situation, si nos avis ou conseil leur permettent d’éviter les dangers le plus évidents, force nous est de constater que la solution des conflits est souvent individuelle. Par exemple, certains, peu confiants en la justice de leur pays, et terrorisés par les menaces des contrôleurs, ont préféré abandonner leur compagnie, trouver un autre métier et payer durant des années les sommes réclamées par les assedics. Par ailleurs, les décisions individuelles de défense politiques peuvent entraîner des conséquences collectives pour des salariés, qui pour être intéressés à l’affaire ne sont pas parties prenantes dans cette décision de défense politique. Ainsi, nous avons pensé un instant écrire un manifeste qui, à l’instar du manifeste dit des « deux cent quarante trois salopes » reconnaissant dans les années 60 avoir avortées, regrouperait un nombre significatif d’artistes reconnaissant avoir fait répéter ou avoir répété sans être payé, avoir déclaré sous forme de cachet des heures d’enseignement, ou proclamant être le dirigeant de l’association qui l’emploie de façon intermittente. Hélas, Ce type d’aveux, pouvaient entraîner un contrôle mettant en cause non seulement l’artiste, mais tous les salariés employés par sa compagnie. En effet, les contrôles ne visent pas uniquement à réprimer une fraude présente, mais à contrôler les activités d’une association ou d’un intermittent sur plusieurs années antérieure. On peut au reste se scandaliser à juste titre de cette justice rétroactive : c’est ainsi que le funambule du Jura se voit réclamer le remboursement de dix ans d’indemnité assedics !
Nous nous sommes pourtant attelés à un projet de défense collective. Le but du présent texte est d’ailleurs (entre autres choses) de nourrir la réflexion commune menée avec d’autres organisations concernées.

Qui c’est qui commande ?

La première réponse qui vient spontanément à l’esprit face aux contrôles est de réclamer le financement de la culture qui permettrait de payer à son juste prix - à supposer que celui-ci existe - le travail artistique. Et ce faisant, de supprimer la majeure partie des fraudes qui est du travail bénévole ou sous-déclaré. Cependant, chacun sait que jamais la marge artistique des théâtres n’a été aussi faible voire inexistante. Et les récentes évolutions budgétaires confirment que cette tendance n’est pas prête de s’inverser. Dans ces conditions, où sont les budgets qui permettraient de payer les répétitions non rémunérées traquées par les contrôleurs des Assedics ? Pour l’heure le seul financement qu’ont trouvés le ministère de la culture comme les théâtres accueillant les spectacles est dans la trésorerie des compagnies et dans le portefeuilles des intermittents : dans les acrobaties financières des associations et dans le bénévolat des artistes et des techniciens. La charge financière, juridique et morale que constitue la feuille de paye est un mistigri que les collectivités locales,comme les théâtres, essayent de se débarrasser auprès des compagnies. Le rapport de force ne leur étant guère favorable, ces dernières ne peuvent que l’accepter. Elles l’acceptent d’autant plus volontiers que cette situation d’employeur leur permet de se constituer une marge de liberté à la fois réelle et illusoire. Au fond, les directeurs de compagnies sont encore les derniers à accepter de se comporter en patron, et non en entrepreneur. Pour le meilleur et le pire, ils endossent la défroque du pater familias qui couvrait encore récemment le patron, et non sans paternalisme parfois, prennent la responsabilité de l’emploi, du contrat, de l’engagement, du soucis de l’autre qu’est l’employé. Ce faisant, il accepte que le théâtre ou la collectivité locale qui est le véritable donneur d’ordre, deviennent un simple client, et lui un vendeur de prestations artistiques.

Cette situation paradoxale a une traduction dans les chiffres.

L’enquête sociologique menée par la Coordination des Intermittents et Précaires a montré que parmi le millier d’intermittents qu’elle a interrogée, un tiers sur l’ensemble de la France reconnaissent être à la fois l’employeur et l’employé d’une des association qui les emploient. En région, le pourcentage monte jusqu’à quarante quatre pour cent. Pour ceux qui l’ignorent encore, au regard de la législation et des contrôleurs des Assedic, cette situation est illégale. On ne peut à la fois décider de son embauche et de son licenciement et bénéficier des allocations réservées aux salariés privés contre leur volonté de leur emploi.

Lors d’une occupation des bureau de la Dilti (l’organisme interministériel chargé de répression du travail illégal), nous avons demandé à son responsable quelle réponse il apporterait aux quelques trente mille employeurs/employé que son service allait immanquablement débusquer lorsque ceux-ci demanderons comment il aurait du se mettre en règle avec la loi. « En créant une entreprise en nom propre » nous fut-il répondu. Cette réponse constante, comme l’observation des évolutions de la société qui encourage chacun chaque jour un peu plus à devenir les entrepreneurs de lui-même, nous fait penser qu’une augmentation des subventions distribuées par le ministère de la Culture pour indispensable qu’elle soit, mais ne réglerait pas le problème de fond, qui est, à notre sens, idéologique et pas comptable, politique et pas économique.

Ce que traquent les assedics, ce qui fait horreur aux adversaires de l’intermittence, ce n’est ni l’augmentation du déficit des annexes 8 et 10, ni la médiocrité supposé de la production artistique française comme ils le clament, mais l’invention d’un type de production, d’une organisation du travail, d’un mode de vie qui déjoue depuis plus de vingt ans les normes du salariat, et sape le lien de subordination qui scelle le contrat entre l’employeur et l’employé. C’est la raison pour laquelle, parmi l’armada hétéroclite des contrôles nous avons voulu nous concentrer sur un seul type de contrôle, à notre sens emblématique de tous les autres : le contrôle mandataire . Nous faisons volontairement l’impasse sur d’autres formes de contrôles qui ne sont pas moins pernicieux comme les contrôles sur les champs d’application (on reproche à un employé de ne pas avoir un emploi compatible avec le code naf de son employeur, ou d’exercer ces activités ne relevant pas de son emploi, pour un comédien de conduire un camion, où à un trapéziste d’aider à monter le chapiteau). Nous n’évoquerons pas non plus les contrôles à venir sur le numéro d’objet (qui permettra de vérifier si tel employé , et jour travaillait sur tel projet et uniquement sur ce projet là, avec les autres salariés employés exclusivement pour ce projet là). Non pas que ces modes d’inquisition ou de délire taxinomique ne nous préoccupent pas, mais ils nous semblent moins emblématiques et politiquement moins significatifs.

Le contrôle mandataire vise à prouver par l’accumulation de preuves concordante qu’un salarié n’a pas de lien de subordination avec son employeur, et dirige de fait l’association qui l’emploie : il signe des chèques au nom de l’association, il a un lien de parenté avec un membre du bureau, le siège social est le même que son domicile par exemple. Remarquons qu’un seul de ces faits ne suffit à prouver la gestion de fait, mais que leur addition, qui est souvent le fait d’intermittents qui ne peuvent déléguer cette gestion, par manque de moyen, dénonce l’absence de subordination, et entraîne les poursuites juridiques.

Rien n’est plus insupportable aux hommes que d’être soumis à leurs égaux et d’être dirigés par eux. (Baruch Spinoza). Cette délicate et complexe question du lien de subordination mérite ici d’être développée. Nous savons que soulevant cette question, nous prenons le risque d¹un désaccord profond avec les alliés syndicaux traditionnels de la Coordination. La définition juridique du salariat par la subordination est un résultat d’un siècle de lutte syndicale pour imposer la reconnaissance du rapport asymétrique entre l’employeur et l’employé. La théorie libérale imagine ce rapport comme un échange entre deux libres propriétaires de deux marchandises différentes. L’un donne sa force de travail, l’autre de l’argent. L’échange entre propriétaires supposés égaux serait régulé par le marché. Marx s’était déjà employé à démontrer l’aspect spécieux de cet échange, en observant que d’abord la marchandise échangée est inséparable du corps du salarié et que dans les conditions de la production capitaliste, le salarié ne peut être qualifié de libre . N’ayant pas d’autres ressources, il est obligé de vendre sa force de travail, - c’est-à-dire ses capacités physiques et intellectuelles - pour vivre. Le salarié vend la disponibilité de sa force de travail : une fois le contrat établi, l’usage de cette marchandise (l’usage de ses capacités physiques et intellectuelles) est à la discrétion de l’acquéreur.

Les luttes syndicales et politiques depuis le dix-neuvième siècle, ont globalement visée à réduire la pouvoir discrétionnaire de l’employeur dans son usage de la force de travail du salarié. Il faut rappeler que, pendant longtemps, elles visaient non pas l’aménagement, mais l’abolition du salariat et donc l’abolition de la subordination : les choses sont allées comment elles sont allées et les syndicats se retrouvent aujourd’hui à défendre le salariat et la subordination. La définition du salariat par la subordination est donc un acquis de ces luttes syndicales.

Elle implique, ce qui n’est pas négligeable, depuis la moitié du vingtième siècle l’accès à la Sécurité sociale pour le salarié, qui voit ainsi compensée l’asymétrie de sa relation avec son employeur. L’entrepreneur, défini par son autonomie ou indépendance n’y a, lui, pas droit. Mais cette victoire du mouvement ouvrier est paradoxale. En imposant la reconnaissance de l’asymétrie dans la relation employeur/salarié, elle institutionnalise la subordination. Les catégories juridiques d’autonomie et de subordination consacrent une division et une hiérarchie des fonctions et de rôles sociaux. Pour l’employeur, le commandement , l’activité , l’indépendance et la liberté d’entreprendre. Pour le salarié, l’obéissance , la passivité , la dépendance et l’exécution. Il s’agit donc une conquête à double tranchant. En posant des limites et un cadre juridique à l’usage de la force de travail, elle donne des droits aux salariés, mais, en même temps, elle légitime et reconnaît la subordination comme seule modalité d’exercice des capacités intellectuelles et physiques des salariés. Les choses se compliquent lorsqu’à partir des années 60 des millions de salariés luttent, non seulement pour défendre et élargir leurs droits de salariés, mais commencent aussi à bricoler, produire, inventer des pratiques de travail, d’emploi et de chômage qui leur permettent de fuir, d’esquiver, de contourner la subordination.

Autour de 68 se produit un tournant politique fondamental : ce n¹est pas seulement la subordination salariale qui est mise en discussion, mais au fond, toute forme de subordination. La subordination de la femme à l’homme, des enfants au père, des élèves aux maîtres, des jeunes aux vieux. C’est la question de l’autorité et du gouvernement des conduites dans tous les domaines de la vie dont nous avons étudié les modalités dans l’Université Ouverte organisée par la Coordination l’année dernière, qui est au coeur des luttes du mai 68.

Le discours conclusif de la campagne électorale de l’actuel président de la République lançait ses foudres sur 68, afin sans doute d’exorciser cette insubordination à l’autorité et à la volonté d’autrui, insubordination qui, même transformée, diminuée et diluée, informe encore les comportements d’une large partie de la population. Les salariés, les femmes, les élèves, comme beaucoup de salariés refusent de se faire gouverner par d’autres, expérimentent d’autres mode de gouvernement des conduites ou expriment le désir de se gouverner eux­mêmes. C’est ici précisément que se situe le décrochages culturel , (c’est le cas de le dire !), entre la gauche syndicale et politique (qu’elle soit réformiste ou révolutionnaire, peu importe) avec les comportements de salariés et les pratiques de la population.

Ce qui est révolutionnaire dans l’intermittence, ce ne sont pas les productions artistiques des intermittents, ce sont leurs pratiques. Les pratiques de travail d¹une partie importante des intermittents participent de cette expérimentation : bricolage, invention des pratiques de production où le principe de ne pas se faire gouverner par d’autres et de se gouverner eux­même reste une des guides de l’action. La création de structures de productions autonomes permettaient d’échapper à l’alternative infernale : soit se soumettre aux règles de la subordination salariale, soit devenir l’entrepreneur de soi­-même. Cette récusation ou plutôt contournement de la subordination a pris différentes formes dans nos métiers. Elle est ambiguë, comme l’enquête l’a montré : « à la fois ultra­libérale et ultra­libertaire », disait un intermittent interviewé. La situation est ambivalente comme toute pratique qui sort des cadres juridiques, des normes, des codes établis .

Face à cette invention politique d’un mode de travail inédit, nous recevons deux réponse différentes. Toutes deux essayent de fixer ou de plier cette ambivalence de la conduite des intermittents à leur logique propre.

1) Le libéraux veulent reconduire cette volonté de ne pas se faire gouverner à la logique de ce qu’ils appellent le « capital humain » . Ils nous disent : « Vous voulez être libres, indépendant, autonomes ? L¹entreprise et le marché doivent alors constituer la finalité et la mesure de votre action. Devenez entrepreneurs de vous mêmes, révélez le micro­capitaliste qui est en vous ».
Pour les libéraux, la liberté est concevable seulement comme liberté individuelle d’entreprendre, dans une concurrence de tous contre tous. Ils voient dans ces nouvelles pratiques l’occasion de requalifier l’asymétrie du contrat de travail en contrat commercial (comme celui de droit d’auteurs par exemple) pour éviter les contraintes et les coûts de la reconnaissance juridique de la subordination.

2) Les syndicats, au contraire, veulent reconduire ces mêmes comportements dans le cadre de la subordination salariale : « Vous voulez des garanties et des droits qui vous protègent dans votre travail ? Vous espérez une couverture sociale pour le chômage, la santé, la retraite ? Alors, vous devez accepter l’institutionnalisation de la subordination, et cessez de faire sortir vos pratiques du cadre et des limites du salariat ». Observons, que les syndicats, à la différence des patrons, essayent au moins de requalifier ces nouvelles situations hybrides que nos pratiques ont développé dans le sens du contrat de travail. La CFDT considère les petites compagnies et les petites structures comme autant des petits patrons, illégitimes, fraudeurs, pillards des caisses chômages des salariés normaux, subordonnés, qui se lèvent tôt, payent leurs cotisations et cessent la grève quand leur syndicat a signé un accord. La CGT, ne sait, ne peut, ne veut rien faire : défendre les figures hybrides des employeurs/salarié l’obligerait à mettre en discussion ce concept de « subordination » qui définit le salariat et dont elle est qu’elle le veuille ou non l’héritière. Pour autant, la solidarité, la fraternité, et simplement leur connaissance de la situation, font que ses fédérations en régions peuvent aussi discrètement donner des conseils avisés aux intermittents craignant un contrôle mandataire.

Derrière le refus de la subordination, il y a des nombreuses questions qui animent des comportements positifs qu’il faudrait interroger et assumer, au lieu de les ignorer ou de les récuser : qu’est-ce qu’on produit ? comment on le produit ? pourquoi et pour qui ? Des questions qui problématisent à la fois le contenu, le sens et les modalités du travail et de l’activité et le contenu, le sens et les modalités de fonctionnement des institutions comme l’Assurance Chômage et la Sécurité sociale.

Brisons le silence, ne nous plaignons pas, portons plainte !
Nous n’avons pas honte de ce que nous sommes. Nous n’avons pas honte de nos pratiques. Nous ne sommes pas des escrocs et nos structures de productions ne sont pas des associations de malfaiteurs. Nous refusons de vivre dans la peur et l’hypocrisie, dans ce monde du contrôle bureaucratique, du petit arrangement entre l’excellence artistique et la nomenclatura culturelle, de la délation et de la répression obtuse . Oui, nous revendiquons nos pratiques. Nous ne sommes pas des entrepreneurs du spectacles vivant réclamant à des commissions se réunissant honteusement dans des bureaux des Dracs la licence de monter des spectacles. La licence, nul n’a à nous la donner. Cela fait des années que nous l’avons prise, parfois sans diplôme, sans protection, et sans filiation. Quant aux structures que nous dirigeons ou auxquelles nous participons, elles ne sont pas des entreprises.

Elles ne comporte aucune des visée de conquête auquel renvoie l’étymologie du mot. Les oeuvres auxquelles nous participons, ne sont pas sans risques, mais notre but n’est pas de retirer un bénéfice proportionnel au risque. Certes, le succès et l’échec sont individuels, mais dans des activités parfois aussi heureusement désuètes que le sont le théâtre ou le cinéma, ou aussi joyeusement primesautière que la vidéo ou le documentaire, le travail est inévitablement collectif. Les contrôles, comme l’ensemble du conflit politique ouvert en 2003, vise à normaliser nos pratiques, à démolir non pas une exception, mais une exemplarité culturelle, une incapacité à travailler seul, un certain mode à être ensemble, de commercer avec la société qui ne passe pas par le profit immédiat.

Le but politique des contrôles n’est pas de purger le corps social de ses parasites, mais de faire vivre chacun dans la peur d’être aujourd’hui stigmatisé comme assisté et demain comme fraudeur. Pour ce faire, nul besoin de contrôler tout le monde. Il suffit de s’attaquer aux plus faibles, aux plus naïfs, aux plus isolés. Le bruit se propage. Qui peut lire les témoignages sur les contrôles sans ressentir stupeur et tremblement ? Qui en s’informant ou en informant ses camarades ne comprends pas qu’il fait ainsi le travail de propagande de la CFDT ?

Alors, qui peut croire qu’il sera possible de sortir seul de cette nasse vers laquelle on nous dirige ? Certes, on peut penser que nous ne serons pas tous contrôlé, mais qui sera certain de ne jamais l’être, et de ne jamais être condamné ? Face au contrôle il est impératif d’être solidaire et de montrer que nous sommes nombreux et déterminés

Être démocrate, c’est être délivré de la peur

Faire face aux contrôles, c’est simplement comprendre quelle est la nature du monstre en face de nous qui nous méduse. Les contrôles, mandataires ou autres ne sont qu’un bras de ce poulpe. Le numéro d’ordre, le refus d’accorder les licences, les diminutions de subvention, l’évaluation à l’audimat des spectacles, sont autant de bras qui s’agitent, enserrent le corps politique qui s’est constitué autour de l’intermittence et lentement le démembre.
Pour lutter et l’emporter, il importe donc d’abord de savoir ce que nous sommes, et de nous souvenir comment nous avons constitués nos vies autour de nos pratiques et de l’intermittence. Il est ensuite nécessaire d’inventer une traduction politique de ces pratiques, de les revendiquer et de bâtir une défense collective autour des cas exemplaires. Il est indispensable enfin de ne pas rester isolé, et de d’établir des liens avec tous ceux (Rmiste, handicapés) qui sont soumis à la même inquisition.

Nous réaliserons alors combien on est seul face à un guichet, et nombreux dans la rue. Combien on est faible seuls... et forts, nombreux.
Brice Philip Donarier

MANIFESTE

juillet 2007

Chômeurs, intermittents, intérimaires, vacataires, pigistes, rmistes, stagiaires, travailleurs pauvres, précaires, étudiants, nous savons compter et les chiffres sont têtus :

Nous vivons dans un pays riche où les politiques successives de l’emploi ont fait preuve de leur impuissance à améliorer notre sort.

L’ANPE compte 4,5 millions d’inscrits. Moins d’un chômeur sur deux est indemnisé. 1,1 millions de personnes percoivent le RMI. Si l’on inclut les conjoints et les enfants, 3 millions de personnes en dépendent. Plus de 12 millions de salariés précaires ou à temps partiel ont un revenu mensuel inférieur à 843 euros.

Et pourtant, les discours de droite comme de gauche prétendent encore « réhabiliter le travail » par l’illusion du rétablissement du plein « emploi ». Aujourd’hui, 80 % des embauches se font en CDD, la flexibilité est la norme.

Le « plein emploi » est un mythe. Il n’a jamais été une donnée mais une représentation par rapport à une « norme » de l’emploi. Depuis 1999, en application de son projet de « refondation sociale », le Medef, avec la complicité de certains syndicats dont la CFDT, sape méthodiquement l’assurance-chômage, en accord avec ce que l’OCDE et les gouvernants appellent « activer les dépenses passives », et qui consiste à transformer le chômeur indemnisé en salarié précaire mal payé, assujetti aux employeurs habilités dans certains cas (RMA, CAE...), à percevoir directement les allocations.

Chômeurs, intermittents, intérimaires, vacataires, pigistes, rmistes, stagiaires, travailleurs pauvres, précaires, étudiants, nous savons lire :

nous trouvons dans les recommandations de l’OCDE [1] le paragraphe suivant :

« Les réformes structurelles qui commencent par générer des coûts avant de produire des avantages, peuvent se heurter à une opposition politique moindre si le poids du changement politique est supporté dans un premier temps par les chômeurs. En effet, ces derniers sont moins susceptibles que les employeurs ou les salariés en place de constituer une majorité politique capable de bloquer la réforme, dans la mesure où ils sont moins nombreux et souvent moins organisés ».

Pourquoi l’assurance-chômage a-t-elle été particulièrement visée ? Parce qu’elle attribuait un revenu aux chômeurs. Pourquoi le système de l’intermittence devait-il être démantelé ? Parce qu’il offrait un modèle alternatif à la précarisation.

Au croisement du droit du travail et du système de protection sociale, il existait une zone d’exception où la flexibilité des emplois se combinait avec une certaine « sécurité » pour lesalarié, garantissant des marges de liberté plus larges et une certaine mobilité choisie. Ainsi, jusqu’à la réforme de juin 2003, pour un bon nombre d’intermittents la flexibilité de l’emploi n’entraînait ni la précarisation, ni la pauperisation et ouvrait des espaces d’autonomie dans les diverses temporalités de la vie.

Le danger de l’attaque qui a été portée au régime spécifique des intermittents du spectacle ne vient pas du fait qu’elle se concentre sur le secteur culturel, mais bien qu’elle détruit un exemple de garantie de revenus, qui aurait pu s’élargir à toute situation de discontinuité de l’emploi, quel que soit le secteur d’activité.

L’ancienne couverture sociale des intermittents du spectacle fonctionnait selon un principe mutualiste de redistribution vers les plus faibles revenus. La réforme de 2003 voulue par les gestionnaires de l’Unedic (Medef et CFDT), a introduit un principe résolument inégalitaire de capitalisation des droits suivant lequel les plus employés et les mieux payés sont également les mieux indemnisés. C’est ainsi que les exclus du régime financent les allocations Assedic de « luxe » versées aux salariés à haut revenu. La réforme du 18 avril 2006 agréée le 2 avril 2007 vient conforter ce principe.

Aujourd’hui, par exemple, un salarié intermittent percevant en moyenne 12 000 euros de salaire mensuel peut se voir octroyer, par le nouveau système de capitalisation, environ 20 000 euros d’allocations Assedic réparties sur 243 jours. Ce type d’aberration n’était pas possible avant les réformes, qui se révèlent au final plus coûteuses. Mais le but clairement avoué par le rapport de la Cour des comptes et par le Medef ne se pose pas en termes de coût, mais de réduction des effectifs. « La question n’est pas le déficit, mais le nombre d’intermittents » déclarait ainsi tranquillement M. Gautier-Sauvagnac, négociateur du Medef à l’Unedic.

Chômeurs, intermittents, intérimaires, vacataires, pigistes, rmistes, stagiaires, travailleurs pauvres, précaires, étudiants, nous observons le fonctionnement politique qui s’installe :

Pour accélérer les radiations des chômeurs, tout un arsenal de dispositifs de contraintes à l’emploi et de contrôles est mis en place. On fabrique ainsi une nouvelle insécurité sociale, faite d’acceptation de n’importe quel emploi, de course aux cachets, de peur de se voir supprimer une allocation.

Quatre ans de lutte, d’actions, de rapports, de missions d’information, de réunions à l’Assemblée nationale et aux Ministères, de réflexions, d’expertises, de propositions sont balayés d’un revers de la main sans aucune discussion.

Avec le laboratoire de recherche Matisse-ISYS de l’Université Paris 1, nous avons mené une enquête sociologique sur l’intermittence. Les analyses et conclusions que nous en tirons dépassent largement le monde spécifique du spectacle. Les constats sont clairs : l’activité déborde largement le temps de travail effectué sous contrat. Il est temps d’arrêter d’opposer de façon binaire emploi et chômage : le temps de non-emploi, considéré comme chômé est aussi sinon plus producteur de richesses que le temps en emploi. Il faut repenser les droits sociaux et le revenu au-delà de l’emploi et du chômage. L’assurance chômage n’est pas un coût. C’est un investissement collectif.

Chômeurs, intermittents, intérimaires, vacataires, pigistes, rmistes, stagiaires, travailleurs pauvres, précaires, étudiants, nous voulons réformer les annexes 8 et 10, et aussi plus largement l’assurance chômage. Mais nous voulons le faire autrement que le MEDEF et la CFDT.

Le Nouveau Modèle d’indemnisation des salariés à l’emploi discontinu, élaboré par la Coordination des intermittents et précaires constitue un au delà de l’indemnisation chômage, et se veut un modèle de garantie de la continuité du revenu en situation de discontinuité de l’emploi. Il répond à un double objectif : d’abord être adapté aux pratiques d’emploi et de travail des intermittents, ensuite assurer un revenu au moins égal au SMIC. Construit sur un principe de mutualisation, le Nouveau Modèle intègre un plafond mensuel calculé sur la base de l’ensemble des revenus perçus dans le mois (salaires et indemnités). Il permet ainsi une redistribution en faveur de ceux qui perçoivent des salaires plus faibles et connaissent une plus grande discontinuité de l’emploi.

Le Nouveau Modèle peut s’appliquer à tout travailleur à employeurs multiples, avec un taux de rémunération variable : c’est-à-dire pas exclusivement aux intermittents du spectacle mais à toutes les personnes en emploi discontinu.

Loin de tout corporatisme ou de défense de privilèges acquis, la philosophie du Nouveau Modèle s’appuie sur la continuité de revenu pour tous, conçue comme bien commun au même titre que le logement, la santé et l’éducation.

Enfin, une refonte politique de l’Unedic s’impose, à commencer par la remise en cause radicale d’un paritarisme initié après la seconde guerre mondiale et aujourd’hui à bout de souffle. Les syndicats de salariés (CFDT, CGC, CFTC) qui ont osé signer les dernières réformes scandaleuses de l’assurance chômage élaborées par le Medef ne représentent aucun chômeur. Il est inconcevable que les premiers concernés, à savoir les chômeurs, les intermittents, les précaires, ne puissent pas discuter des réformes qui décident de leur vie. Il en est de même pour tous les syndicats non représentés à l’Unedic. On peut également s’interroger sur l’absence de l’État. Les 4 derniers ministres des affaires sociales et de l’emploi Martine Aubry, Elizabeth Guigou, François Fillon et Jean-Louis Borloo se sont pliés aux décisions du Medef, avouant ainsi leur totale impuissance ou leur parfait consentement. Il est fort à parier qu’il en sera de même pour Xavier Bertrand, assis aujourd’hui dans ce même fauteuil.

Le temps libre nécessite des supports sociaux. Il s’agit de replacer l’émancipation individuelle et collective au coeur de l’action politique.

Chômeurs, intermittents, intérimaires, vacataires, pigistes, rmistes, stagiaires, travailleurs pauvres, précaires, étudiants, nous ne voulons ni la pseudo loi de l’économie ni une politique compassionnelle.

Nous sommes nombreux et en avons assez d’être plaints.

CIP-IDF, juillet 2007

UNEDIC, LES MOBILES DU CRIME

Libération le 08/04/04

Nous avons beaucoup entendu depuis la débâcle électorale de la droite aux régionales que les réformes accomplies, entreprises ou à venir étaient absolument nécessaires et mal comprises ou mal acceptées. Sans doute la réforme de l’assurance-chômage des intermittents fait-elle partie dans l’esprit du gouvernement de ces potions amères que nos docteurs Diafoirus de la Faculté néolibérale prescrivent avec force lavements de cotisations, saignement des ayants droit et purge des emplois administrés à la malade France. Trop d’allocataires, trop de malades, trop de recherche, trop de notes, trop de trop, une saignée, une saignée ! Nous connaissons un peu le spectacle, c’est notre métier, alors souffrez, Molière oblige, que nous rappelions ici quelques vérités de bon sens concernant tout d’abord notre cas, même si, en cours de route, on verra que le problème est général, d’intérêt général.

Nous, intermittents, nous disons et prouvons depuis un an que la réforme mise en place n’est pas la réforme qu’il faut parce qu’elle est injuste et inefficace. Injuste, car elle n’obéit pas au principe de la solidarité avec les plus fragiles au sein d’une activité imprévisible. Inefficace, car elle ne dissuade nullement les opérateurs publics et privés, centraux et régionaux, de la culture de la communication et de la publicité, de détourner cette forme d’emploi. Certains compensent un sous-financement massif de leur activité, d’autres optimisent leurs profits. Que nos bons docteurs ne nous traitent ni de sourds ni de simples d’esprit. Qu’ils ne comptent pas trop sur leur supplément de pédagogie ou de bâton pour nous mettre « leur » réforme dans la tête. C’est peine perdue. Nous avons étudié de très près la réforme mise en place. Si nous disons avec constance sur tous les toits dans toutes les manifestations culturelles que nous n’en voulons pas, ce n’est pas parce qu’à l’instar d’ânes butés nous refuserions d’avancer, mais tout simplement parce que nous ne sommes pas d’accord.

Mieux encore, nous avons élaboré une alternative au protocole désastreux qui nous a été imposé. C’est le fruit d’un travail collectif, d’une réflexion qui condense l’expérience en première ligne de centaines d’affiliés de l’Unedic, de confrontations kafkaïennes avec les administrations, consternantes avec les employeurs. Les bobos et les maladies graves du système, nous les connaissons bien mieux que nos médecins imaginaires. Vous voulez une réforme, en voici une. Des droits stables pour compenser des emplois aléatoires, le soutien mutuel au lieu de l’exclusion que charrie la capitalisation ; les Assedic doivent être un revenu de remplacement et non de complément, certains doivent accepter de cumuler moins, bref, un peu d’égalité dans ce monde de brutes, voilà ce que nous proposons.

Nous réclamons qu’au minimum nous soyons respectés, et, au-delà, comme le souligne Thomas Piketty dans les colonnes de Libération le 29 mars, que notre modèle de réforme soit examiné sérieusement, avec les moyens que ce travail d’utilité publique requiert, avec un véritable accès aux données administratives retenues par l’Unedic. Prenons le temps d’évaluer notre modèle, ses avantages, ses éventuels défauts, et de mesurer les besoins de financement. C’est la seule garantie d’une expertise incontestable. Que ce soit la mission parlementaire présidée par Dominique Paillé (UMP) qui considère que la réforme ne répond à aucun des critères demandés, ou bien le comité de suivi, rassemblant les groupes parlementaires PS, PC, Verts, UDF au complet et des personnalités de l’UMP, dont Marie-Josée Roig nouvelle ministre, on ne compte plus les voix qui s’élèvent pour demander une solution à ce conflit par « la renégociation de l’accord sur les bases des contre-propositions ». N’étant pas réduit à l’état de ce bon « peuple d’en bas » voué par la grâce de notre grand chambellan du Poitou à la seule intelligence des mains, nous aimons nous servir de notre corps, de notre voix et, au besoin, de notre cerveau. Alors, quelques remarques de plus sur la réforme à long terme du régime des intermittents.

Au chevet des intermittents, se pressent aussi quelques bons conseilleurs ; tel « expert » en statut des artistes s’arroge le droit de juger qui est digne de l’excellence et de trancher dans les effectifs encore plus drastiquement que le protocole du 26 juin. Tel syndicat en la personne de son secrétaire confédéral François Chérèque a, dans les colonnes de Libération du 5 mars, proposé son remède. Ne saignons plus, ne purgeons plus, caisse-complémentarisons ! Ah, la belle médecine générale que voilà ! Chômeurs recalculés, retraités, hospitalisés et autres échaudés, vos pensions, vos indemnités, vos remboursements battent de l’aile, un seul remède : caisse-complémentarisez-vous ! Intermittents, votre régime sera toujours boiteux. Caisse-complémentarisez-vous !

Docteur Chérèque, nous sommes d’avis qu’indemniser des travailleurs précaires à l’emploi par définition discontinu, fagoté de pleins de contrats courts, de plus en plus courts, à partir des recettes des cotisations prises sur les salaires est un vrai tonneau des Danaïdes et qu’il faut faire quelque chose. Mais à propos, dites-nous, n’est-ce pas la situation du bon quart de la population active française qui se retrouve enrôlée sous le joli terme de « forme particulière d’emploi » (la réalité est moins plaisante) ?

Les intérimaires de l’automobile, du bâtiment, de la métallurgie, les saisonniers des stations de ski, les chercheurs contractuels..., n’auraient-ils pas droit eux aussi à leur miraculeuse caisse complémentaire ? Mais quand tous les secteurs auront chacun leur caisse complémentaire, le risque sera réparti sur des effectifs si faibles que la mutualisation sera abandonnée pour une assurance individuelle : les riches auront des compléments corrects, les pauvres auront des compléments misérables. Ah, l’admirable médecine... Nous aurons droit à un régime commun réduit au minimum et, pour le reste, le principe d’assurance y pourvoira, comme dit la fourmi de la fable. Docteur Chérèque, c’est étonnant, mais vous aboutissez aux mêmes remèdes proposés par le médecin du Medef, Denis Kessler et ses sociétés d’assurances.

Docteur Chérèque, nos métiers nous font nourrir un faible pour la cigale. Naïvement, nous pensions que la protection pour tous ceux qui sont le plus exposés à l’insécurité sociale consistait justement à mieux répartir, partager les risques, et non à organiser la charité. Voilà le terrain d’une belle réforme. Pour deux raisons dont chacune se suffit à elle-même.

La première c’est que la maladie de l’emploi est générale. Vous proposez - quelle nouveauté ! - aux salariés flexibles du seul secteur culturel, un traitement exceptionnel : financer cette caisse complémentaire par des aides publiques... Ces sources de financement complémentaires ressemblent d’ailleurs étrangement aux subventions déjà rares de la politique culturelle. Une confusion trop commode : ce n’est pas sur le terrain de la politique culturelle que se résoudra cette question, mais bien sur celui de la solidarité interprofessionnelle. La guérison ne consiste pas à se débarrasser du microbe en le repassant à quelqu’un d’autre.

La seconde c’est que les cigales ne fournissent pas seulement du bon temps aux fourmis qui les entretiennent, comme le pense le baron Seillière, allocataire de la rente garantie. Mais les cigales, comme les abeilles, butinent ; avec quelques autres, elles sont en train de s’apercevoir qu’elles contribuent fortement au lien social, à l’intelligence collective, à la production de connaissance, à la coopération. Il n’est pas jusqu’aux buralistes et aux restaurateurs (d’Avignon ou d’ailleurs), pour ne pas parler des agences immobilières, qui ne dépendent de leur chanson pour savoir ce qu’ils auront dans leur assiette. Qui travaille pour qui ? Tout le monde. Celui qui se vante de faire vivre les autres de son industrie ou de son génie pourrait bien découvrir qu’il dépend lui aussi des intermittents.

La richesse se fabrique dans le grand entrelacs de la société. N’allez pas la chercher seulement dans l’entreprise, car les profits ont appris à se cacher. La richesse se trouve là où elle passe. Et pour passer, elle a besoin de plus en plus d’actifs mobiles. Seulement, aujourd’hui, ces mobiles dont nous sommes sont voués à une condition précaire systématique. Sortir les travailleurs mobiles, non pas de la mobilité, mais de l’insécurité sociale généralisée suppose d’inventer autre chose qu’un financement reposant sur la cotisation sociale. La droite se délecte à nous raconter tous les jours que nos finances sont à genoux : de moins en moins de recettes et davantage de dépenses. C’est sur ce débat d’intérêt général, sur la réforme de la protection sociale, que nous apportons notre contribution fondée sur nos pratiques. Il faut rompre avec la logique néolibérale de faillite organisée de l’Unedic par la baisse des cotisations, sans alternative de financement, où la variable humaine sert d’ajustement (850 000 recalculés et 30 000 intermittents exclus). La flexibilité devenant la norme et rapportant beaucoup d’argent tout en donnant de moins en moins d’emplois, l’assiette des cotisations ne suffit plus. Nous voyons la richesse là où elle circule (les flux financiers, interbancaires, de communication, autoroutiers...). Il faut réfléchir à d’autres formes d’impôt sur les nouvelles formes de richesse. Le système de prélèvements obligatoires qui devra financer la mobilité reste à inventer. Ce n’est pas le code du travail qu’il faut revoir de toute urgence, comme se préparent à le faire nos grands médecins, c’est le code des impôts.

Qu’enseigne-t-on à tous nos conseilleurs en réforme : peut-être devraient-ils passer par la formation permanente. Ou peut-être une saignée ?

article dans Libération

INFORMATIONS DE LA COMPAGNIE JOLIE MOME :

La Compagnie Jolie Môme est une compagnie de théâtre, nous avons créé et joué récemment un spectacle sur la Commune de Paris, des pièces de Brecht, Prévert…
Attachés à la beauté et à la force des mots, nous espérons faire un théâtre populaire. C’est à dire un théâtre festif, où l’on se retrouve entre amis, entre camarades et où règne une atmosphère d’insolence, de rébellion. Cette atmosphère fraternelle participe à faire de notre théâtre un acte politique.
Si nous chantons sur scène, vous nous verrez aussi souvent au détour d’une rue ou d’une manif pour soutenir des travailleurs en lutte, arborant tranquillement un grand et beau drapeau rouge.

La compagnie Jolie Môme démarre la tournée "Basta Ya !" :

Le Dimanche 20 avril 2008 à Billy-Montigny (62)

Le 1er mai 2008 à Saint-Avertin (37)

Le 11 mai 2008 à Saint-Nazaire (44)

Le 12 mai 2008 à Presles (95) ...

La suite, toutes les dates, tous les renseignements ici :

http://www.cie-joliemome.org/agendasite.html

1/ La compagnie Jolie Môme lance sa tournée :
"68, pas de commémoration mais des mobilisations !"

Spectacle Basta Ya !

 Dimanche 20 avril à Billy-Montigny (62)
à 17h Salle Léon Delfosse, avenue de la Fosse Z.
Réservations au 03 21 13 81 26

 Jeudi 1er mai à Saint-Avertin (37)
à 17h30 Maison des syndicats,18 rue de l’Oiselet
Entrée libre.

 Dimanche 11 mai à Saint-Nazaire (44)
17h Fête des nouvelles de Loire Atlantique
Parc Paysager, avenue Léo Lagrange

 Lundi 12 mai à Presles (95)
à 13h30 Grande scène de la fete de Lutte Ouvrière

 vendredi 16 mai à Drocourt (62)
20h30 salle Agora

 Samedi 17 mai à Paris
Soutien à la Palestine, Parc des Expos porte de Versailles. Paris (75)

 Mardi 20 mai à La Pommeraie (49)
Nous contacter.

 vendredi 23 mai à Genève (Suisse)
Maison de quartier de la jonction
http://www.maison-quartier-jonction.ch/

 Samedi 31 mai à Valence (26)
fête de La CMCAS de Valence

 Le 15 juin à Paris
Evenement particulier, plus d’informations très bientôt.

 Samedi 23 juin à Montreuil (93)
Parc Montreau Entrée libre

 le 6 juillet à Beauvais (60)
A 17h. Spectacles gratuits tout l’apres-midi


2/ Pour que 68, ne nous fasse pas oublier 36 :

La Crosse en l’air
de Jacques Prévert mis en scène par la Compagnie Jolie Môme

Samedi 7 juin à 20h24
à La Penne Sur Huveaune (13)
à 20h24, Salle de spectacle de La Penne Sur huveaune
Reservations : 04 91 89 40 66

— -

Réservez vos dates d’été : Festival La Belle Rouge

Théâtre, Musique, Cinéma, Cirque, Ateliers, Rencontres et Fraternité
Le festival conçu par la Compagnie Jolie Môme pour ses amis.
à Saint-Amant-Roche-Savine (63)
Les 25-26-27 juillet 2008
Programme complet et réservations très bientôt.


3/ L’annonce enfin :

si vous êtes contrebassiste,
Si vous aimez notre travail,
et si en plus l’idée de servir comme comédien(-ne)ne vous fait pas peur
 ;-)...
prenez contact avec Michel au 01 49 98 39 20


A La Belle Etoile, à Saint-Denis,

tous les lundis,Prolongation jusqu’au 5 mai 2008 de
La Botte Secrète de Dom Juan, par la Cie AFAG

"Une épopée légère et bondissante, des combats époustouflants, des alexandrins surprenants et un théâtre populaire qui a séduit la compagnie Jolie Môme comme son public."

toutes les infos ici :

http://www.cie-joliemome.org/le-lieu/programmation.html

Réservations au 01 47 57 16 15

— -

La plainte contre Ludovic et Michel va jusqu’au procès,
celui-ci est fixé au 25 juin 2008 à Paris.

De nouvelles informations très bientôt, d’ici là :

Signez et faites circuler la petition :"si j’avais su j’y serais allé"

http://www.cie-joliemome.org/petition -

— 

Le festival "La Belle Rouge" organisé par la compagnie Jolie Môme se prépare pour les 25-26-27 juillet 2008 à Saint-Amant-Roche-Savine (63)

Le programme et toutes les informations très bientôt !


Et puis les grévistes du carrefourà Marseille ont besoin de nous tous, plus d’infos :

http://www.cie-joliemome.org/actualite.html a+

Jolie Môme www.cie-joliemome.org-


La Belle Etoile14 rue Saint-Just - La Plaine, Saint-Denis


La Compagnie Jolie Môme est accueillie à La Belle Etoile par la ville de Saint Denis

*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*

Dans son livre, « Théâtres en lutte »1, Olivier Neveux retrace, depuis les années 1960, le parcours du théâtre engagé, qui n’oublie pas de travailler sur la forme des pièces.

• Art et militantisme, particulièrement en théâtre, sont des sujets peu traités. Qu’est-ce que pourrait être un artiste militant ?

Olivier Neveux – Ce n’est pas tant, dans mon livre, l’activité militante des artistes (pétitions, manifs) qui m’intéresse, que les œuvres – ce qu’écrivait Brecht, d’ailleurs, aux peintres communistes : « Si l’on vous demande si vous êtes communistes, mieux vaut produire comme preuve vos tableaux plutôt que votre carte du parti »… Comment une représentation théâtrale peut participer, à sa manière, à une lutte ? Comment donne-t-elle à voir le combat (ou ses causes, ou ses perspectives) ? Quels dispositifs inventent-elles ? Dans quelle position met-elle le spectateur ? Disons, pour donner une définition large, que le « théâtre militant » caractérise ici un théâtre au service des luttes, un théâtre qui « combat » ouvertement, sans détour, qui prend à bras-le-corps le présent. Dès lors, on voit bien que le mot militant ne suffit pas. Il faut toujours compléter : militant pour qui, contre qui, pour quoi, contre quoi ? Et dater : on ne milite pas de la même manière dans un contexte offensif ou dans une période de démobilisation, etc. Bien sûr, l’histoire du xxe siècle nous invite à prendre quelques précautions : il n’est pas question d’imposer une obligation militante aux artistes, pas plus que conclure que seul ce théâtre serait politique. Pour autant, doit-on continuer à ne pas s’interroger et à ne pas travailler sur ce qui s’est joué, sur ce qui se joue dans ces théâtres, comme s’ils n’existaient pas ou que nous n’avions rien à en apprendre ?

• Comme tu le démontres dans ton livre, il n’y a pas un théâtre militant, mais plusieurs : témoin ou relais des luttes, soutien aux mobilisations...

O. Neveux – Il ne s’agit pas d’unifier ce qui est profondément divisé, traversé de contradictions, de conflits – et qui doit le rester. Divisé sur les perspectives politiques mais aussi, logiquement, divisé sur des questions esthétiques, le théâtre militant n’est pas homogène. Des artistes, des troupes, plus ou moins anonymes, éphémères, ont apporté des réponses singulières, parfois antagoniques à une question : à quoi peut (encore) servir le théâtre, dès lors que le primat est à la transformation des rapports sociaux ? Certains partent à la rencontre des luttes (comme à Lip ou au Larzac, en 1973) ou naissent au cœur même des luttes (comme Al Assifa, une importante troupe de travailleurs immigrés) ; d’autres, à distance, tentent d’en penser l’importance, les contradictions (comme tout un théâtre en solidarité avec le peuple vietnamien à la fin des années 1960 : un théâtre divisé, clivé par diverses orientations). Certains optent ainsi pour un théâtre de popularisation, de galvanisation, de communion autour de revendications et de combats, d’autres se mettent à l’étude (Benedetto, dans Emballage, met en scène le livre 1 du Capital ; plus récemment, le Groupov a mené longuement l’enquête, pour comprendre et représenter la responsabilité des impérialismes et colonialismes français et belges dans le génocide des Rwandais tutsis).

• L’un des travers récurrents, lorsque l’on parle de théâtre militant, est bien souvent de considérer celui-ci comme plus figé sur le fond politique, qu’attentif aux recherches formelles. Dans quelle mesure cette image est-elle proche de la réalité ?

O. Neveux – Il est certain que la réécriture révisionniste, dans les années 1980, de l’histoire du théâtre a, en partie, réussi à évincer les formes militantes. Comme si le théâtre ne s’était jamais inventé au contact des luttes. Pour cela, il a fallu effacer ce qui s’était passé et jeter le discrédit sur ce qui ne pouvait être totalement gommé : réduire le théâtre militant à des formes sclérosées, dogmatiques, académiques. Et pourtant, le « théâtre politique », au xxe siècle, ce sont de grandes inventions de théâtre (les propositions de Piscator, dans les années 1920 en Allemagne, l’abolition du spectateur chez Boal, etc.), de grandes expériences d’écriture (le théâtre dialectique du bolchevik Brecht, ou le théâtre des possibles de l’anarchiste Gatti). Chaque fois, ce théâtre – plus que tout autre – doit se reposer des questions : comment représenter le présent ou ce qui est en train d’advenir ? Quelles fictions ? Quel jeu d’acteur ? À qui s’adresser ? Au nom de quoi et de qui ? Etc.

• Pourtant, dans la façon même de faire du théâtre, le lien a bien du mal à se faire entre les convictions politiques et la pratique. Quelles expériences ont été tentées à ce niveau ?

O. Neveux – De nombreuses troupes refusent de continuer à créer sans interroger leurs pratiques « naturelles et spontanées », hiérarchisées et inégalitaires. Se tentent audacieusement des expériences de travail collectif, de répartition égalitaire des tâches, de rupture avec l’opposition classique amateurs/professionnels, etc. On quitte les théâtres pour aller jouer là où vit la population, là où elle lutte ; on refuse d’avoir un public passif et indistinct. Bref, ce qui est essayé, durant notamment la décennie post-68 et qui est aujourd’hui allégrement moqué, n’en comporte pas moins (au-delà du fantasme de vivre le communisme tout de suite) une critique en creux de l’art, de sa fétichisation et le refus de considérer comme naturels et immuables les processus de création, de diffusion et de réception dominants.

• La figure de l’artiste engagé se fait plus rare. Est-ce seulement dû à la diminution des luttes ?

O. Neveux – Le théâtre militant n’est, heureusement, pas hors de l’histoire. Ses périodes intenses correspondent aux périodes intenses du mouvement social : les années 1920-1930 et, différemment, les années post-68, où tout un théâtre rouge, noir, féministe, etc., voit le jour. De fait, aujourd’hui, la conjoncture n’est plus la même. Et pourtant, depuis plus d’une dizaine d’années, de nouvelles formes apparaissent, dans et hors l’institution. Ce théâtre-là, qui s’écrit au présent, poursuit, – souvent sans le savoir – l’histoire riche, valeureuse mais opprimée, de ce théâtre des opprimés.

Propos recueillis par Yvan Guimbert (Rouge)

Notes

1. La Découverte, 321 pages, 23 euros.

Le théâtre de Jacques Prévert :

« C’est le moment de faire son théâtre soi-même ! » écrit Prévert en 1931. La joyeuse équipe de la rue du Château a quitté domicile ; le compagnonnage surréaliste a vécu ses plus riches heures. Face à la crise et à la misère du prolétariat, contre la corruption des élites et la montée des nationalismes, le temps est à l’action militante. Et c’est sur la scène, au plus près des mouvements prolétaires et de ceux qui les soutiennent, que Prévert donne alors le meilleur de lui-même, avant que le cinéma ne l’occupe plus encore. Les cinq années qui précèdent l’avènement du Front populaire seront, pour Prévert et ses amis, celles du théâtre révolutionnaire, où la bouffonnerie est politique et la farce, féroce dénonciation. Antimilitarisme, anticléricalisme, antiparlementarisme, antifascisme... le ton est plus que radical. Mais l’imagination a sa place et souvent, à la manière poétique de Prévert, la « vie des rêves fait irruption ». Le groupe Octobre est l’une de ces troupes de théâtre amateur fédérées par le parti communiste, constituées dans le prolongement de l’agit-prop soviétique. Le groupe de Prévert, par la force de ses textes et la créativité débridée qui le caractérisent, devient vite le plus en vue du mouvement. Son originalité le conduit même jusqu’à Moscou, au printemps 1933, où la troupe jouera devant Staline - malgré les trotskistes de la bande ! - quelques pièces de son répertoire. Répertoire que Prévert, bien plus tard, reprendra partiellement dans ses recueils poétiques, à l’image de La Bataille de Fontenoy ou de La Pêche à la baleine. Ce recueil rassemble les textes de Prévert écrits pour Octobre : sketches et saynètes, choeurs parlés et chansons ; la plupart sont rares ou inédits. L’actualité des temps troublés qui les virent naître y est partout présente. C’est, au-delà du guignol et de l’épaisseur du trait, Prévert et son époque qui s’y trouvent réunis, à grand bruit. Comme écrira Antonin Artaud à propos d’Octobre, qu’il admirait beaucoup, « l’humour de Jacques Prévert signale que la vie de l’époque est malade ».

THEATRES DE LA CARTOUCHERIE DE VINCENNES :

Théâtre de l’Aquarium
Direction Julie Brochen
Tél. 01 43 74 99 61 - Fax 01 43 28 13 60
Site : www.theatredelaquarium.com
Email : theatredelaquarium@wanadoo.fr

Théâtre de l’Epée de Bois
Direction Antonio Diaz-Florian
Tél. 01 48 08 39 74 - Fax 01 43 28 56 53
Site : www.epeedebois.com
Email : theatreepeedebois@yahoo.fr

Théâtre de la Tempête
Direction Philippe Adrien
Tél. 01 43 28 36 36 - Fax 01 43 74 14 51
Site : www.la-tempete.fr
Email : theatre@la-tempete.fr

Atelier de Recherche des
Traditions de l’Acteur
Direction Lucia Bensasson et Jean-François Dusigne
Tél. 01 43 98 20 61 - Fax 01 43 74 87 65
Site : http://assoc.wanadoo.fr/arta/
Email : arta@wanadoo.fr

Théâtre du Chaudron
Direction Anne-Marie Choisne
Tél. 01 43 28 97 04 - Fax 01 43 28 40 15
Email : lechaudron@wanadoo.fr

Théâtre du Soleil
Direction Ariane Mnouchkine
Tél. 01 43 74 24 08 - Fax 01 43 28 33 61
Site : www.theatre-du-soleil.fr
Email : thsoleil@theatre-du-soleil.fr

Atelier de Paris de Carolyn Carlson
Direction Yannick Marzin
Tél. 01 417 417 07 - Fax : 01 417 400 22
Site : www.atelierdeparis.org
Email : office@atelierdeparis.org

Atelier de Recherche et
de Réalisation Théâtrale
Direction Philippe Adrien
Tél. 01 43 65 66 54 - Fax : 01 43 65 56 82
Site : www.la-tempete.fr/arrt
Email : arrt@la-tempete.fr

La suite

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.