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Léon Trotsky - Une explication nécessaire avec les syndicalistes‑communistes
vendredi 10 mai 2024, par
Léon Trotsky
Une explication nécessaire avec les syndicalistes‑communistes
21 mars 1923
Le présent article, suscité par quelques écrits du camarade français Louzon, a été composé peu après le 4° congrès. Mais nous avions alors à l’ordre du jour la lutte contre la droite, contre les dissidents de la dernière fournée, les Verfeuil, Frossard et consorts. Dans cette lutte nous avons marché et continuons de marcher la main dans la main avec les syndicalistes‑communistes, et c’est pourquoi j’ai ajourné la publication de cet article. Nous avons la ferme conviction que notre union avec les révolutionnaires du syndicalisme restera pleine et entière. L’entrée de notre ami Monatte dans le parti a été pour nous une grande joie : les hommes de cette trempe sont nécessaires à la révolution. Mais l’on ne saurait, évidemment, acheter un rapprochement au prix de la confusion idéologique. L’épuration et la consolidation du parti français ont considérablement progressé durant les derniers mois. Aussi pouvons‑nous nous expliquer tranquillement et amicalement avec les camarades aux côtés desquels nous aurons à travailler et à combattre [1].
Dans une série d’articles, le camarade Louzon, sur la question extrêmement importante des rapports entre le parti et les syndicats, adopte et motive une position divergeant radicalement de celle de l’Internationale communiste et de la doctrine marxiste. Le dévouement de Louzon à la cause de la révolution prolétarienne à été et est attesté par des camarades français dont l’opinion est pour moi d’un grand poids [2]. Par suite, il est d’autant plus nécessaire de s’élever contre les points de vue erronés qu’il soutient dans une question aussi importante.
Le camarade Louzon défend l’« indépendance » complète et absolue des syndicats. Contre quoi ? Evidemment contre certaines atteintes. De qui ? Evidemment du parti. L’autonomie syndicale est d’une nécessité incontestable, mais Louzon lui attribue un sens absolu, presque mystique. Ce faisant, il se réfère, complètement à tort, à Marx.
Les syndicats sont, dit Louzon, la classe ouvrière elle-même. Quant au parti, il n’est que le parti. La classe ouvrière, dans son ensemble, ne peut être subordonnée au parti. Il ne peut même y avoir entre eux égalité. « La classe ouvrière est par elle-même son but. » Quant au parti, il ne peut qu’être le serviteur de la classe ouvrière ou lui être subordonné. Par suite, il ne peut « annexer » la classe ouvrière. La représentation réciproque de l’Internationale communiste et de l’Internationale syndicale rouge qui existait jusqu’aux derniers congrès mondiaux de Moscou signifiait, d’après Louzon, la reconnaissance de l’égalité des droits et de l’équivalence de la classe et du parti. Maintenant, cette représentation réciproque est supprimée. Par là même, le parti est ramené à son rôle de serviteur ou de subordonné. Ce que le camarade Louzon approuve. Telle était également, soi‑disant, la position de Marx dans cette question. C’est pourquoi Louzon interprète la suppression de la représentation réciproque entre les deux organismes des syndicats et du parti comme une renonciation aux erreurs « lassalliennes » et social‑démocrates et un retour aux principes de Marx.
Voilà ce que dit, en substance, Louzon dans un article publié le 15 décembre, dans la Vie ouvrière. Ce qui frappe le plus dans cet article, ainsi que dans d’autres analogues, c’est que l’auteur semble fermer consciemment et hermétiquement les yeux sur ce qui se passe en France. On pourrait croire que l’article en question a été écrit par un habitant de Sirius. Autrement, comment comprendre l’affirmation de Louzon que les syndicats sont « la classe ouvrière elle‑même » ? De quel pays exactement parle Louzon ? S’il s’agit de la France, les syndicats, comme on le sait, sont encore loin, par malheur, d’y coïncider avec l’ensemble de la classe ouvrière ou même avec la moitié... Par suite des manceuvres criminelles des syndicalistes réformistes, aidés en cela par certains anarchistes, l’organisation syndicale est scindée en deux parties. Chacune ne groupe pas plus de 300 000 ouvriers. Il s’ensuit que ni l’une ni l’autre prise à part, ni même toutes les deux ensemble, ne peuvent être identifiées avec l’ensemble du prolétariat français. jusqu’à présent, elles n’en groupent qu’une portion insignifiante. En outre, il ne faut pas oublier que la C.G.T. et la C.G.T.U. ont une politique différente. La première a une politique de conciliation, la seconde, une politique de lutte révolutionnaire. Le camarade Louzon soutient la C.G.T.U. contre la C.G.T., et c’est très bien. ’Bien plus, au sein de la C.G.T.U. même, le camarade Louzon représente une tendance déterminée. Comment accepter, après cela, l’assertion que la classe ouvrière, coïncidant soi‑disant avec l’organisation syndicale, est par elle‑même son but ? Par qui et de quelle façon la classe ouvrière française exprime‑telle ce but ? Par l’organisation de Jouhaux ? Evidemment non. Par la C.G.T.U. ? Mais cette organisation, qui a déjà de grands services à son actif, ne coïncide pas encore, hélas ! avec la classe ouvrière. Enfin, pour tout dire, il n’y a pas si longtemps que la C.G.T.U. était encore sous la direction du groupe du « pacte ». Maintenant, elle est sous l’influence des syndicalistes communistes. Durant laquelle de ces deux périodes la C.G.T.U. exprimait‑elle le plus exactement les intérêts de la classe ouvrière ? Et comment le vérifier ? Si l’on veut le vérifier en se reportant à l’expérience internationale de notre parti, on commet, d’après Louzon, un péché mortel, car par‑là même on met le parti « au‑dessus de la classe » et on lui fait décider de la politique nécessaire à la classe. Si l’on s’adresse à la classe elle‑même, dans son ensemble, on la trouve, hélas ! dans un état de division, d’impuissance et de mutisme. Les différentes parties de la classe organisées dans différentes confédérations, les différents syndicats d’une seule et même confédération, les différents groupes d’un seul et même syndicat, nous donneront des réponses différentes ; quant à la majorité écrasante du prolétariat qui reste en dehors des confédérations, elle s’abstiendra, pour le moment du moins, de répondre .
En aucun pays il n’existe d’organisation professionnelle qui coincide avec l’ensemble de la classe ouvrière. Mais, dans d’autres pays, il existe, au moins, des syndicats groupant une partie considérable de la classe ouvrière. En France, il n’en est pas ainsi. Si Louzon dénie au parti le droit d’ « annexer » (en somme, qu’est‑ce que cela signifie exactement ?) la classe ouvrière, sur quoi se base‑t‑il pour conférer ce droit au syndicalisme ?
« Mais, dira peut‑être le camarade Louzon, si l’organisation syndicale française est maintenant extrêmement faible, nous ne doutons nullement de son développement et de sa victoire définitive. » A cela nous répondrons : « La chose est incontestable, nous aussi nous en sommes convaincus, mais il n’est pas moins certain également que le parti, lui aussi, gagnera la confiance absolue de l’immense majorité de la classe ouvrière. » Pour le parti comme pour les syndicats, il s’agit non pas d’ « annexer » le prolétariat ‑ c’est bien à tort que Louzon emploie la terminologie habituelle à nos adversaires dans leur lutte contre la révolution ‑ mais de gagner sa confiance, et l’on ne peut y arriver que par une tactique juste, vérifiée à la lumière de l’expérience. Où donc, et par qui cette tactique est‑elle élaborée consciemment, d’une manière critique et méthodique ? Qui la propose à la classe ouvrière ? Elle ne tombe pas du ciel, elle n’émane pas non plus de « la classe ouvrière elle-même ». Voilà la question à laquelle, apparemment, le camarade Louzon n’a pas réfléchi.
« La classe ouvrière est par elle‑même son but. » Dégagée de son enveloppe mystique, cette phrase doit signifier que les buts historiques du prolétariat sont déterminés par sa situation sociale en tant que classe, par son rôle dans la production, la société et l’État. Cela est absolument incontestable. Mais cela ne nous donne absolument rien pour l’intelligence de la question spécifique que nous étudions en ce moment : de quelle façon le prolétariat arrive‑t‑il à la compréhension subjective du but historique conditionné par la situation objective ? Si le prolétariat dans son ensemble était capable d’atteindre directement son but historique, il ne faudrait ni parti ni syndicats : la révolution prolétarienne viendrait au monde en même temps que le prolétariat lui‑même. En réalité, le processus par lequel le prolétariat arrive à la conception de sa mission historique est très long et extrêmement douloureux, plein de contradictions internes. Après une longue lutte, des épreuves, des fautes, après une accumulation d’expérience, la conception juste des voies et des méthodes de développement pénètre dans le cerveau des meilleurs éléments qui en forment l’avant‑garde. Cela se rapporte dans l’ensemble non seulement au parti, mais aussi aux syndicats. Ces derniers également commencent par un petit noyau d’ouvriers actifs et ne se développent que progressivement, en conquérant, grâce aux fruits de l’expérience, la confiance des masses. Durant tout le cours de la lutte menée par les organisations révolutionnaires pour établir leur influence sur la classe, les idéologues de la bourgeoisie opposent « la classe ouvrière elle‑même » non seulement au parti de la classe ouvrière, mais à ses syndicats, qu’ils accusent de vouloir annexer la classe ouvrière. C’est ce que le Temps écrit à propos de chaque grève. En d’autres termes, les idéologues bourgeois opposent la classe ouvrière en tant qu’objet à la classe ouvrière en tant que sujet. Car ce n’est que par sa minorité consciente que la classe ouvrière devient peu à peu sujet de l’histoire. De la sorte, ce que le camarade Louzon dit contre la « prétention » du parti, s’applique également en entier à la « prétention » des syndicats ‑ particulièrement en France, car le syndicalisme français, nous le répétons, en tant qu’organisme et en tant que théorie, a été et reste jusqu’à présent un parti. C’est précisément pour cela que, dans sa période classique (1905‑1907), il est arrivé à la théorie de la « minorité d’initiative », et non de « la classe ouvrière elle‑même ». Qu’est-ce qu’une minorité d’initiative liée par l’unité de doctrine, sinon un parti ? Et qu’est‑ce, d’autre part, qu’une organisation syndicale de masses, sans une minorité d’initiative directrice consciente, sinon une forme sans contenu ?
Le fait précisément que le syndicalisme français était un parti a trouvé son expression dans la scission qui s’est produite lorsque des divergences de vues politiques se sont manifestées dans son sein. Mais le parti du syndicalisme révolutionnaire redoute la répugnance des masses françaises pour les partis en général. C’est pourquoi le syndicalisme révolutionnaire n’a pas pris le nom de parti et est resté organiquement à demi constitué. C’est un parti qui s’est efforcé de fondre ses cadres avec ceux du syndicat, ou tout au moins de trouver un voile dans le syndicat. De là la subordination effective des syndicats aux prétentions de tendances, de fractions et même de coteries au sein du syndicalisme. De là également le « pacte », c’est‑à‑dire la caricature maçonnique d’un parti au sein de l’organisation syndicale.
Et inversement. C’est précisément l’Internationale communiste qui a mené une lutte acharnée contre la scission du mouvement syndical en France, c’est‑à‑dire contre sa transformation effective en partis syndicaux. C’est précisément l’Internationale communiste qui a mis au premier plan les objectifs historiques de la classe ouvrière elle‑même et l’immense importance intrinsèque de l’organisation syndicale au point de vue de ces objectifs. Dans ce sens, l’Internationale communiste, dès le premier jour de son existence, a soutenu l’autonomie réelle, vitale des syndicats, conformément à tout l’esprit du marxisme.
Le syndicalisme révolutionnaire, qui, sous beaucoup de rapports, a été en France le précurseur du communisme contemporain, s’est borné à la théorie de la minorité d’initiative, autrement dit du parti, sans se transformer ouvertement en parti. Mais, par là même, il a empêché les syndicats de se transformer en organisation, sinon de « la classe ouvrière elle‑même » (ce qui est impossible en régime capitaliste), du moins de masses importantes de la classe ouvrière. Les communistes n’ont pas peur du nom de parti, parce que leur parti n’a et n’aura rien de commun avec les autres partis. Ce n’est pas un des partis politiques du régime bourgeois, mais la minorité consciente, la minorité d’initiative de la classe ouvrière, son avant-garde révolutionnaire. C’est précisément pour cela que les communistes ne se couvrent pas ‑ dans le domaine de l’idéologie non plus que dans celui de l’organisation ‑ de l’organisation syndicale, n’exploitent pas cette dernière par des manœuvres de coulisse, ne la divisent pas lorsqu’ils sont en minorité, ne gênent en rien son développement autonome et l’aident de toutes leurs forces dans sa lutte. En même temps, le parti communiste se réserve le droit de se prononcer sur toutes les questions du mouvement ouvrier, y compris le mouvement syndical, de critiquer la tactique syndicale et d’apporter ses propositions que l’organisation syndicale est libre d’accepter ou de refuser. Le parti s’efforce par l’action pratique de gagner la confiance de la classe, et avant tout de sa partie syndiquée.
Que signifient les citations de Marx produites par le camarade Louzon ? Marx écrivait, en effet, en 1868, que le parti ouvrier surgirait des syndicats. Mais il avait alors en vue principalement l’Angleterre, qui était en ce temps‑là le seul pays possédant un capitalisme développé et des organisations ouvrières importantes. Depuis lors, il s’est écoulé un demi‑siècle. L’histoire, dans son ensemble, a confirmé le pronostic de Marx, en ce qui concerne l’Angleterre. Le parti ouvrier anglais a surgi en effet sur la base des trade‑unions. Mais Louzon croit‑il que le Labour Party, dans sa forme actuelle, avec les Henderson, Clynes et autres à sa tète, puisse être considéré comme exprimant les intérêts de l’ensemble du prolétariat ? Certes, non. Le Labour Party, en Grande‑Bretagne, trahit les intérêts du prolétariat, dans la même mesure que la bureaucratie trade‑unioniste qui lui est identique, quoique, en Angleterre, précisément, les trade-unions soient beaucoup plus proches de « la classe elle‑même » qu’en aucun autre pays. Mais, d’autre part, il est indubitable que l’influence communiste en Angleterre s’établira dans une large mesure par l’appareil du Labour Party, surgi des trade‑unions et qu’elle contribuera à l’accentuation de la lutte intérieure entre la masse et les sommets de cette organisation, à l’expulsion de la bureaucratie traîtresse, à la transformation et à la régénération complète du Labour Party. Et nous appartenons, avec Louzon, à l’Internationale qui, englobant le petit parti communiste britannique, lutte contre la II° Internationale, s’appuyant sur le parti ouvrier anglais sorti des trade‑unions.
En Russie ‑ et la Russie dans le cadre des lois générales du développement capitaliste est l’antipode de la Grande-Bretagne ‑ le parti communiste (anciennement social‑démocrate) a précédé les syndicats et a créé ces derniers. Maintenant, les syndicats d’une part, l’Etat ouvrier de l’autre, sont chez nous entièrement sous l’influence et la direction du parti communiste, qui n’a pas surgi des syndicats, mais qui, au contraire, les a créés et les a formés idéologiquement. Louzon voudrait‑il affirmer par hasard que la Russie s’est développée contrairement aux vues de Marx ? N’est‑il pas plus simple de dire que les paroles de Marx sur l’origine syndicale du parti sont, comme l’a montré l’expérience, applicables à l’Angleterre, et encore jusqu’à un certain point seulement, mais ne sont nullement ce que Marx appelait, avec mépris, la loi « supra‑historique » ?
Tous les autres pays de l’Europe, y compris la France, se placent, dans la question qui nous intéresse, entre la Grande‑Bretagne et la Russie. Dans certains pays, la naissance des syndicats a précédé celle du parti, dans d’autres, au contraire, c’est le parti qui est apparu le premier ; mais en tout cas, nulle part sauf en Angleterre, et partiellement en Belgique, le parti du prolétariat n’a surgi des syndicats. En tout cas, aucun parti communiste n’a surgi « organiquement » des trade‑unions. Allons‑nous, pour cela, traiter toute l’Internationale communiste d’« enfant naturel » ?
Lorsque les trade‑unions anglaises soutenaient tour à tour les partis conservateur et libéral, dont elles étaient l’appendice ouvrier [3], lorsque l’organisation politique des ouvriers allemands représentait encore la gauche du parti démocrate et que les partisans de Lassalle et d’Eisenach se livraient une lutte acharnée, Marx revendiquait l’indépendance des syndicats à l’égard de tout parti. Cette formule était dictée par le désir d’opposer l’organisation ouvrière à tous les partis bourgeois ou aux sectes socialistes. Mais Louzon n’aura pas oublié que Marx a fondé la I° Internationale, qui avait pour tâche de diriger et de féconder les mouvements ouvriers de tous les pays sous tous les rapports. Cela se passait en 1864, mais l’Internationale de Marx était un parti. Donc Marx n’avait pas attendu que le parti international de la classe ouvrière surgît (arbitrairement ?) des trade‑unions. Il faisait tout pour assurer dans les trade-unions l’influence des idées du socialisme scientifique, idées exprimées pour la première fois en 1847, dans le Manifeste du parti communiste. S’il exigeait l’indépendance complète des trade‑unions, des syndicats, etc., à l’égard de tous les partis et sectes existants, c’està‑dire de tous les partis et sectes bourgeois et petits‑bourgeois, c’était précisément pour assurer plus facilement dans ces organisations la domination des idées du socialisme scientifique. Marx, évidemment, n’avait jamais songé à voir dans le parti du socialisme scientifique un des partis politiques existants (parlementaires, démocratiques, etc.). L’Internationale était, pour Marx, la classe ouvrière même arrivée à la conscience d’elle‑même, en la personne de son avant-garde, alors encore très peu nombreuse.
Si Louzon avait voulu être conséquent dans sa métaphysique syndicale et tenace dans son interprétation de Marx, il aurait dû. dire : « Enterrons le parti communiste autonome et attendons que ce parti naisse des syndicats. » Une telle logique serait mortelle, non seulement pour le parti, mais aussi pour le syndicat. En effet, les syndicats français actuels ne pourront restaurer leur unité et obtenir une influence décisive sur les masses si leurs meilleurs éléments ne se groupent pas en une avant‑garde révolutionnaire consciente de la classe ouvrière, c’est‑à‑dire dans le parti communiste. Marx n’a pas donné et ne pouvait donner de réponse universelle à la question de la nature des rapports organiques entre le parti et les syndicats. Quels doivent être ces rapports, cela dépend à chaque moment donné de facteurs et de circonstances différents. Qu’il existe une représentation réciproque du parti et de la confédération, ou que ces organisations constituent au fur et à mesure du besoin un comité d’action c’est là une question qui n’a pas une importance essentielle. Les formes d’organisation peuvent varier, mais le rôle fondamental du parti reste immuable. Le parti, s’il mérite ce nom, groupe l’avant‑garde de la classe ouvrière et féconde par son influence idéologique toutes les branches du mouvement ouvrier et, en premier lieu, les syndicats. Ces derniers, s’ils méritent ce nom, groupent une masse sans cesse croissante de la classe ouvrière, y compris ses éléments arriérés. Mais ils ne peuvent s’acquitter de cette tache qu’avec une direction juste, raisonnée, basée sur des principes déterminés. Or, ils ne peuvent avoir cette direction que si l’élite des syndiqués est groupée dans le parti de la révolution prolétarienne.
L’épuration qui a eu lieu ces derniers temps dans le parti français et qui l’a débarrassé des petits‑bourgeois pleurards, des beaux parleurs, des Hamlets politiques et des arrivistes, ainsi que le rapprochement du parti et des syndicalistes révolutionnaires, représentent un grand pas en avant vers l’instauration de rapports justes entre l’organisation syndicale et l’organisation politique de la classe ouvrière. Et cela est, par suite, d’un grand profit pour la révolution.
Notes
[1] Monatte et Louzon, syndicalistes révolutionnaires, étaient à cette époque membres du P.C. Ils devaient suivre ultérieurement côte à côte le même itinéraire et se retrouver dans le noyau de la Révolution prolétarienne. Trotsky avait provisoirement mis de côté ses divergences avec Monatte pour concentrer ses efforts dans la lutte contre Frossard.
[2] Il ne peut s’agir que de Monatte et peut-être de Rosmer.
[3] Les syndicats américains, aujourd’hui encore, n’ont pas dépassé ce stade et monnaient leur soutien électoral alternativement aux démocrates et aux républicains. Le mot d’ordre d’un Labor Party reposant sur les syndicats n’a été mis en avant aux Etats‑Unis que par des révolutionnaires.
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