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Adresse des CSR de France aux syndicalistes de Tunisie

jeudi 3 février 2011

Lu sur internet :

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Les Comités Syndicalistes Révolutionnaires de France s’adressent à leurs
camarades syndicalistes tunisiens

Chers camarades

Si aujourd’hui, nous prenons l’initiative de nous adresser à nos camarades
tunisiens, ce n’est nullement pour leur donner des leçons. Nous entreprenons
cette démarche car, pendant des décennies, nos militants ont lutté dans les
mêmes organisations, la CGT, la CGTU puis la CGTT.

Dès la création du syndicalisme en Tunisie, et jusqu’à l’indépendance de
1956, le courant syndicaliste révolutionnaire a été le plus actif dans sa
participation à la lutte des travailleurs tunisiens pour leur émancipation
intégrale. Actuellement, en France, nous militons aux côtés de nos camarades
immigrés tunisiens dans la construction, le nettoyage,...Et demain nous
devrons renforcer nos liens pour nous coordonner face aux dirigeants des
multinationales françaises, puissamment implantés en Tunisie.

Les syndicalistes tunisiens sont engagés dans une bataille fondamentale qui
ne fait que commencer. La chute du régime RCD ne signifie pas pour autant la
fin de la domination capitaliste. Les syndicats de l’UGTT vont devoir se
positionner et adopter une stratégie qui leur permettent de construire un
contre-pouvoir face au nouveau gouvernement capitaliste tunisien. Ils vont
devoir avancer en s’inspirant de leur expérience mais aussi en utilisant les
expériences et les échecs que d’autres mouvements ouvriers ont accumulé
ailleurs dans le monde.

C’est pour nous enrichir mutuellement que nous nous adressons à vous. Nous
sommes vivement intéressés pour établir des contacts directs et apprendre.
Vos premières victoires doivent être analysées afin d’en dégager leurs
apports stratégiques.

Nous nous permettons également de vous faire connaître nos expériences.

Depuis 30 ans nos expériences sont surtout faites d’échecs qui doivent être
autant d’enseignements. Dans les années 1945-1954, le mouvement syndical
tunisien a su développer une stratégie offensive et autonome. Mais cette
autonomie n’a pas été construite en pleine cohérence. L’UGTT a finalement
cru qu’elle pouvait faire pression sur le néo-Destour de Bourguiba, qu’elle
pouvait s’appuyer sur le nouvel Etat tunisien pour faire aboutir
l’émancipation des travailleurs. Le mouvement ouvrier français a commis les
mêmes erreurs à de nombreuses reprises dans son histoire.

Pourtant, tout comme l’UGTT, la CGT française se revendiquait de la Charte
d’Amiens, de l’autonomie politique du mouvement syndical. Mais ce programme
a finalement été abandonné par nos deux organisations et nous nous sommes
inféodés à des politiciens. Le capitalisme continue donc de régner dans nos
deux pays. Nous subissons la domination de la même bourgeoisie, ce que
explique le soutien apporté par le patronat français et les partis
politiques français à la dictature du RCD.

Si, dans ces heures déterminantes, nous pouvons donner un conseil à nos
camarades tunisiens, c’est de reprendre le programme originel de l’UGTT et
de lui donner une totale cohérence.

Face au nouvel état capitaliste, le mouvement syndical doit se constituer en
contre-pouvoir, et ne pas rejoindre un quelconque gouvernement bourgeois.
Un contre-pouvoir qui accumule des forces en syndiquant massivement et
partout.
Un contre-pouvoir qui organise les travailleurs pour prendre le contrôle des
entreprises et des services, comme cela est déjà le cas dans certains
secteurs.

En France, nous avons subi plusieurs expériences de *« gouvernements de
gauche »*. Ces gouvernements ne se sont jamais attaqués au pouvoir des
capitalistes. Au contraire, ils ont servi de manoeuvre
contre-révolutionnaire, d’outil pour démobiliser les travailleurs. L’Etat
est demeuré capitaliste et a continué de servir la même classe sociale.

C’est cette expérience que nous transmettons à nos camarades tunisiens. Le
droit de vote, appliqué de longue date en France, n’a jamais permis au
travailleurs d’obtenir leur émancipation. Le combat central ne se mène pas
sur le terrain institutionnel.

Le Socialisme ne peut se construire qu’avec une dynamique de gestion des
entreprises et des services par les travailleurs eux mêmes. La confédération
syndicale est le seul outil capable de mener à bien cette perspective. Les
Fédérations Syndicales doivent gérer les branches professionnelles en
s’appuyant sur des syndicats professionnels locaux (Textile, Chimie,
Education, Santé,...). Les Unions Locales et Départementales de Syndicats
doivent gérer la production locale et la répartition des marchandises et des
services. Dans le Socialisme, il n’y a nul besoin d’une couche
bureaucratique, qui gère au nom des travailleurs. Ce sont les syndicats qui
doivent gérer démocratiquement grâce à des assemblées générales de
syndiqués. C’est le programme politique figurant dans la Charte d’Amiens.

Ce programme qui fut celui de la CGTT et de la CGT, vous pouvez commencer à
l’appliquer en Tunisie. Vous avez la légitimité et la force pour le faire.

Cette dynamique révolutionnaire ne peut aboutir que si elle dépasse les
frontières, que si elle reçoit le soutien des organisations syndicales
d’autres pays. C’est ce que nous vous proposons de faire aujourd’hui en
transmettant aux travailleurs français et aux immigrés tunisiens l’écho de
vos combats. Organisons nous ensemble dans les multinationales pour détruire
le pouvoir de nos exploiteurs, car sinon la dictature continuera de régner
dans les entreprises.

Votre combat est aussi le notre.

Avancez en construisant votre propre pouvoir de classe.

Salutations syndicalistes, fraternelles et internationalistes
Le secrétariat des CSR

L’histoire de nos combats communs

Le mouvement ouvrier tunisien est profondément influencé par le courant
syndicaliste révolutionnaire. Mais cette histoire n’a jamais été écrite car
elle dérangeait la dictature et les partis politiques qui parlent au nom des
travailleurs.

En Tunisie, cette tendance naît chez les travailleurs immigrés (entre autre
Italiens) mais elle va rapidement s’étendre au prolétariat arabe. Dès le
début du XXème siècle, des syndicats CGT, semi illégaux, organisent les
travailleurs tunisiens et se proclament « internationalistes ». En 1905,
c’est un travailleur arabe qui ouvre le cortège du premier mai, portant un
drapeau rouge.

La CGT de Tunisie (Bourse du Travail de Tunis, Syndicat des Cheminots de
Tunis,...) participe au congrès d’Amiens de 1906 où va être adoptée la Charte
d’Amiens. Puis la première guerre mondiale va être marquée par la trahison
de certains syndicalistes qui soutiennent le militarisme et le colonialisme
français. En 1919, les internationalistes de la CGT constituent en France,
en Algérie et en Tunisie des Comités Syndicalistes Révolutionnaires.

L’action des syndicalistes révolutionnaire débouche sur les grèves de 1919
et 1920. Cette tendance diffuse un journal, *l’Avenir Social,* qui renforce
son combat anti-colonialiste. Exclus de la CGT colonialiste, ces militants
constituent une CGTU (syndicaliste-révolutionnaire) qui a pour mot d’ordre
« *la Tunisie aux Tunisiens et la Tunisie aux travailleurs* ».

Les responsables de cette organisation syndicale sont réprimés. Robert
Louzon, après 6 mois de prison, est expulsé de Tunisie. Car dès sa création
la CGTU défend le mot d’ordre d’indépendance de la Tunisie. La CGTU publie
plusieurs quotidiens en arabe, tous interdits, elle lance des campagnes de
syndicalisation auprès des travailleurs arabes. Jean Paul Finidori prend la
relève. Il est révoqué de son poste de fonctionnaire, ce qui ne l’empêche
pas d’organiser de puissantes grèves à Bizerte et à Tunis en 1924 et en
janvier 1925.

Ces militants syndicalistes révolutionnaires choisissent finalement de
lancer la création de la CGTT en 1924. Mohamed Ali est élu secrétaire de la
nouvelle centrale. La CGTT participe aux actions de l’Internationale
Syndicale Rouge, qui regroupe les tendances et confédérations syndicalistes
révolutionnaires[1]
.

Arrêté en février 1925 avec ses camarades tunisiens, Finidori est condamné à
10 ans de bannissement, tout comme son ami Mohamed Ali, en raison de son
combat anti-colonial.

Finidori et Louzon vont continuer à soutenir le combat de leurs camarades
tunisiens en publiant en France régulièrement des articles de soutien dans
la revue des syndicalistes révolutionnaires, la *Révolution
Prolétarienne[2]
*. Les syndicalistes révolutionnaires tentent de maintenir l’action de la
CGTT. C’est le cas des enseignants Charles Boussinot et Maurice Raimbault
ainsi que les anciens des Jeunesses Syndicalistes. ais la CGTT ne pourra
survivre à la répression coloniale.

Cependant l’influence syndicaliste révolutionnaire se maintient au sein de
prolétariat tunisien. Dès la création de l’UGTT en 1944-45, Hached et ses
camarades se revendiquera régulièrement de la Charte
d’Amiens[3].
Cette revendication d’indépendance syndicale permet à l’UGTT d’intervenir
comme une force autonome par rapport au Néo-destour. Cependant cette
stratégie d’autonomie ouvrière ne sera pas maintenue avec assez de rigueur
et de clarté. La centrale syndicale s’associe finalement à la gestion du
nouvel Etat au lieu de construire le Socialisme, c’est à dire la gestion
ouvrière. La perte de son indépendance politique constituera pour l’UGTT une
impasse.

Malgré cet échec relatif, beaucoup de militants de l’UGTT continueront de
défendre l’indépendance syndicale comme une forme de contre-pouvoir. C’est
pourquoi les syndicalistes de l’UGTT ont été le fer de lance de la révolte
de janvier 2011.

Malheureusement le syndicalisme révolutionnaire a perdu progressivement de
son influence en Tunisie comme en France. Notre courant syndical est en
train de se reconstruire en France.
Mais il ne peut limiter son combat à un pays car son ennemi, le capitaliste,
est international.
Comme autrefois les syndicalistes de nos deux pays doivent lutter coude à
coude, comme des frères.

*« L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux mêmes »
*

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