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Nouvelle explosion de colère en Egypte, en Tunisie et en Syrie

samedi 9 juillet 2011

La pression est montée d’un cran hier en Syrie. Alors qu’une manifestation gigantesque réunissait 450 000 personnes dans la ville de Hama, l’ambassadeur américain a quitté Damas pour se rendre sur place. Washington avait en effet annoncé que son représentant irait « établir le contact » avec l’opposition de cette ville située à 210 kilomètres de la capitale. Une attitude qui a provoqué une forte colère des autorités syrienne qui ont accusé les États-Unis d’être impliqués dans le mouvement de contestation et de faire « monter la pression ». L’ambassadeur américain a rencontré à Hama des saboteurs
[…] qui ont érigé des barricades, coupé des routes et empêché les citoyens d’aller à leur travail. L’ambassadeur a incité ces saboteurs à la violence, à manifester et à refuser le dialogue » avec le régime, a accusé le ministère de l’Intérieur. Paris a également annoncé avoir dépêché son ambassadeur à Hama pour « témoigner de l’engagement de la France aux côtés des victimes ». Déjà 1 300 personnes sont mortes depuis le début du soulèvement. Cernée par les forces de sécurité, la ville est difficilement accessible et on ne savait pas hier si le contact avait pu être établi avec les manifestants.

L’Égypte s’est aussi enflammée hier avec des dizaines de milliers de manifestants ont de nouveau envahi la place Tahrir au Caire. Ils accusent l’armée de traîner des pieds pour réaliser les réformes promises et faire avancer la justice. Des manifestations ont aussi eu lieu à Alexandrie et Suez notamment pour réclamer la levée de l’état d’urgence.

Un vent de révolte souffle de nouveau place Tahrir. Des dizaines de milliers d’Egyptiens s’y sont rassemblés ce vendredi pour réclamer une accélération des réformes démocratiques et des procédures judiciaires contre les caciques de l’ancien régime accusés de meurtres et de corruption.

La place Tahrir, au Caire, a été l’épicentre de la contestation populaire qui a abouti le 11 février à la chute du président Hosni Moubarak après trente ans de pouvoir.
Protestation dans tout le pays

La majorité des mouvements politiques égyptiens, notamment celui des Frères musulmans, le plus organisé, se sont associés à cette journée de protestation organisée dans tout le pays. A Suez et à Alexandrie, des manifestations ont également rassemblé des centaines de personnes.

Mercredi dernier, des centaines de personnes ont attaqué des bâtiments officiels à Suez, après la décision d’un tribunal de rejeter un appel contre la libération sous caution de dix policiers accusés d’avoir tué des manifestants l’hiver dernier.
Procès des anciens du régime retardés

Beaucoup de militants qui ont participé à la « révolution du Nil » reprochent au Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis la chute d’Hosni Moubarak, de retarder les procès des représentants du régime déchu et la mise en oeuvre des réformes.

« A bas le maréchal ! », scandaient certains manifestants place Tahrir à l’adresse du maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, pendant vingt ans ministre de la Défense de Moubarak et aujourd’hui chef du Conseil suprême des forces armées.
Atmosphère festive

« Nous voulons que tout change. L’ancien régime a tout corrompu. Il faut changer de gouvernement, à commencer par le maréchal qui fait partie intégrante de l’ancien régime », a déclaré Ehab Mohamed Mahmoud, 36 ans.

Le rassemblement se déroulait toutefois dans une atmosphère festive. On voyait de nombreux enfants le visage peint aux couleurs du drapeau égyptien, rouge-blanc-noir. « Les jours passent et l’inquiétude croît chez tous ceux qui aiment la nation car rien n’est fait contre la corruption », a déclaré dans un communiqué la Coalition des jeunes de la révolution, exigeant que tous les policiers ayant participé à la répression l’hiver dernier soient chassés, de même que les responsables actuels qui ont trahi leurs promesses.

Depuis la révolution du 14 janvier, la Tunisie bouillonne. Pas un jour sans meetings, débats, sit-in, grèves, manifestations. Pas un jour sans que de nouvelles associations, de nouveaux partis ne voient le jour. Depuis que la parole s’est libérée, tout le monde veut la prendre. Tout le monde veut dire son mot sur ce que doit être la Tunisie de demain. « Libre et démocratique ! » Beau slogan, auquel il s’agit de donner un contenu. Car si tous les partis qui entendent participer au scrutin du 23octobre le reprennent en cœur, de la gauche à la droite sans oublier les islamistes, il est des thèmes tests sur lesquels on peut juger des différences. L’un d’entre eux, c’est la place et le rôle des femmes.

Nous en avons rencontré beaucoup lors des cinq jours passé à Tunis en juin avec l’association Coup de soleil. L’un des discours les plus saisissants fut celui de Monia Ben Jemai lors de l’hommage rendu au professeur Mohammed Charfi (1) pour le 3e anniversaire de sa mort, à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Tunis.

« La question des femmes est la question fondamentale, dit-elle d’entrée, et c’est le moment de la poser. Si la moitié de la population n’accède pas à la dignité, les objectifs de la révolution ne peuvent être atteints. Il n’y aura pas de démocratie dans le pays sans démocratie familiale, pas d’égalité si celle-ci n’existe pas dans la famille. Or, on en est loin, contrairement au discours convenu qui veut que les femmes tunisiennes n’aient plus rien à revendiquer. » Et de rappeler, entre autres exemples : « La fille hérite toujours de la moitié de la part du garçon, le mari reste le chef de famille, le viol conjugal n’est pas réprimé et le viol des mineures est absous par le mariage ! »

La famille est loin d’être le seul lieu de discrimination. Le chômage des jeunes filles diplômées de l’enseignement supérieur est deux fois plus élevé que celui des jeunes gens. Le déséquilibre devient abyssal dans les régions déshéritées du centre du pays. Les femmes y ploient toujours sous les grossesses multiples, non maîtrisées, qui, trop souvent encore, les tuent.

Une réalité qui contredit le discours entendu la veille au Club Averroès, où une avocate en herbe affirmait fièrement : « La femme tunisienne n’a rien à craindre de l’avenir. Elle a les mêmes droits que les hommes et réussit mieux : il y a 80% de filles dans nos universités. Il va bientôt falloir que les hommes se protègent de notre pouvoir ! »

Le problème, c’est que certains y ont déjà pensé. Comme le montre le faible pourcentage de femmes dans les organes dirigeants des partis, au gouvernement et dans l’instance qui prépare les élections d’octobre, ce que souligne l’Association des femmes démocrates qui tenaient leur congrès à Tunis. Des idées insidieuses font leur chemin. À Ennahda (parti islamiste) et chez les conservateurs, on suggère que faire rentrer les femmes à la maison permettrait de lutter contre le chômage galopant, aggravé depuis mars par le retour des travailleurs émigrés de Libye et la quasi-disparition des touristes. L’idée d’un retour de la polygamie est même avancée dans certains cas : si l’épouse est stérile, ou pour « caser » les mères célibataires. Tout cela dans le cadre d’un retour rampant – pour l’instant – d’éléments de législation islamique, même si Ennahda et les autres partis islamiques (15 au total) jurent par Allah qu’ils ne veulent pas imposer la charia et s’inspirent juste du « modèle turc » et du « relativisme culturel » à la mode.

L’influence de ce courant, dont Ennahda est la figure de proue, avec son aura de martyr de la dictature, a déjà imposé sa marque. Le mot laïcité est banni du débat politique comme étranger à l’islam et sa civilisation. Les femmes qui ont eu l’audace de s’en réclamer sont menacées de mort. C’est le cas de la cinéaste Nadia El Fani, dont le film Ni Allah ni maître a provoqué la colère des intégristes (l’Humanité du 28 juin). Son père Béchir, ancien directeur de la Bibliothèque nationale, rencontré à Sidi Bou Saïd, s’en inquiète fort. « Comment construire une démocratie dans ces conditions ? » demande-t-il, avant de dévider la cascade des questions qui se posent aujourd’hui aux progressistes. « Comment déjouer ce piège ? Comment combattre le libéralisme sans tomber dans le totalitarisme ? Comment empêcher qu’un parti ne domine les autres et ne tue la liberté ? »

Messages

  • La grogne touche actuellement plusieurs régions de la Tunisie. Après Tataouine, la contestation s’est propagée jusqu’aux régions du Centre du pays. À trois semaines de la fin de la légitimité de l’Assemblée constituante, tous les coups sont bons pour faire valoir ses droits. Avant-hier lundi, quelques centaines de personnes ont manifesté à Sidi Bouzid alors que des enseignants ont observé une grève pour dénoncer l’arrestation de manifestants la semaine dernière dans cette région.

    La contestation a également gagné la région de Kasserine dans le Centre-ouest non loin de la frontière algérienne, où une grève générale a paralysé la localité de Laâyoune contre l’exclusion et le chômage qui atteint le taux de 50%. À Sidi Bouzid, les manifestants se sont rassemblés dans le centre-ville avant de tenir un sit-in face au siège du gouvernorat (préfecture), criant des slogans contre les islamistes au pouvoir et réclamant la démission du gouverneur.

    Dans la même foulée, une grande partie des enseignants du secondaire ont boycotté les cours dans la même journée, réclamant la libération d’un de leurs collègues.
    À rappeler que douze personnes avaient été arrêtées mercredi dernier après plusieurs jours de protestation contre le chômage et la précarité, et de nouvelles interpellations s’étaient produites le lendemain. Une grève générale avait déjà été observée samedi dans la localité de Menzel Bouzaïane, dans cette même région, pour la libération des manifestants.
    Les trois députés en grève de la faim — Mohamed Brahimi, Ahmed Khaskhoussi et Tahar El-Ilah — ont précisé dans un communiqué exiger eux-aussi la libération des personnes interpellées, l’arrêt des poursuites contre les manifestants et le limogeage du gouverneur de Sidi Bouzid. La région —qui compte près de 12 000 diplômés chômeurs—, accuse le gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahda d’ignorer les revendications populaires, en particulier la création d’emplois. Dans la même région du Centre-ouest, à Laâyoune, des habitants ont défilé à l’appel de syndicats, d’ONG et de partis politiques pour dénoncer l’exclusion, le chômage et la pauvreté. Dans le même temps, trois élus à l’Assemblée nationale constituante, de partis différents mais tous les trois représentant la circonscription de Sidi Bouzid, ont entamé, avant-hier, une grève de la faim au siège de l’ANC.

    Cette grève exprime leur protestation contre les événements survenus à El Omrane (délégation de Menzel Bouzaïane, gouvernorat de Sidi Bouzid). Ahmed Khaskhoussi, un des grévistes a déclaré à la radio Shems Fm : "Nous revendiquons la libération des personnes arrêtées à El Omrane, l’arrêt des poursuites judiciaires à leur encontre et l’entame immédiate d’un dialogue pour trouver les solutions pacifiques et adéquates pour sortir le pays du chaos et de la violence".

    Tout a commencé à Tataouine le 18 septembre. La mobilisation a commencé après la publication des chiffres du chômage : 51,7 % dans le gouvernorat (région) de Tataouine, contre 17,6 % à l’échelle nationale, et 5,7 % à Monastir (côte). À quelques jours d’intervalle tombaient les résultats d’un concours d’entrée dans la Fonction publique : dans le Sud, le taux de réussite frôlait 0 %. “Nous voulons des quotas de recrutement par gouvernorat”, assène Faouzia Taïeb, 32 ans, titulaire d’une maîtrise de français depuis 2005.
    Travailler “dans le public”, c’est le rêve de beaucoup de Tunisiens, rétifs au privé où les entorses au droit du travail sont la norme.

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