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Soulèvements prolétariens en Chine du sud

jeudi 22 décembre 2011

Voilà une semaine qu’un millier de salariés ont cessé le travail dans l’usine du groupe Hi-P, un sous-traitant qui fabrique des pièces en plastique et des composants électroniques pour Apple, entre autres. Emmitouflés dans leurs manteaux d’hiver, les grévistes campent toute la journée devant les grilles de l’usine. Quelques-uns ont été arrêtés la veille par la police, et sont toujours en détention. Les dirigeants de l’entreprise veulent déménager les chaînes de production vers un district éloigné, ce qui entraînerait trois heures supplémentaires de transport par jour. Impensable pour ces ouvriers qui travaillent douze heures quotidiennes sur les lignes d’assemblage, et bénéficient de trois ou quatre jours de repos par mois.

Pour eux, cette histoire de déménagement équivaut à un licenciement sans indemnités. "Pour moi qui ai 33 ans, confie Chen Ling, il sera difficile de trouver un emploi ailleurs." Chaque semaine, avec une collègue, elle alterne le travail de nuit et celui de jour : "Le passage de l’un à l’autre est épuisant." Elle se sent piégée. Par son employeur, bien sûr, mais aussi par la police, qui l’a détenue pendant douze heures pour avoir "troublé l’ordre public" du fait de sa présence sur le trottoir, devant l’entrée de l’usine.

Manifestation ouvrière à Shangaï

Un haut responsable communiste chinois a appelé les provinces du pays à être mieux préparées à "l’impact négatif" du ralentissement de la croissance économique, laissant transparaître l’inquiétude du gouvernement face à la montée des conflits sociaux. Des milliers de travailleurs de diverses entreprises ont fait grève ces dernières semaines dans le Sud manufacturier et exportateur de la Chine. Ils protestaient contre des licenciements et des réductions de salaire liés à une baisse de la demande dans les pays occidentaux, notamment dans une Europe surendettée.

Zhou Yongkang, membre du comité permanent du bureau politique qui réunit les neuf plus puissants dirigeants chinois, a expliqué, vendredi dernier, lors d’un discours devant des responsables de provinces du nord de la Chine que les autorités devaient améliorer leur "gestion sociale". "Face à l’impact négatif de l’économie de marché, nous n’avons pas mis sur pied un système complet de gestion sociale", a commenté M. Zhou, dont les propos ont été rapportés au cours du week-end par l’agence officielle Chine nouvelle.

"Il est urgent que nous bâtissions un système de gestion sociale aux caractéristiques chinoises qui soit adapté à notre économie socialiste de marché", a déclaré le haut responsable, sans fournir de précisions, à l’heure où les salariés défendent de plus en plus leurs droits. La croissance du PIB chinois, qui avait atteint 10,4 % en 2010, est progressivement tombée à 9,7 % au premier trimestre de cette année, puis à 9,5 % au deuxième et à 9,1 % au troisième. L’indice de la production manufacturière est tombé à son plus faible niveau en près de trois ans.

Malgré une forte censure, les microblogs ont relayé ces dernières semaines un certain nombre de conflits sociaux, donnant lieu parfois à des heurts avec les forces de police, notamment dans le Sud, où les ouvriers accusent leurs patrons de faire des économies sur leur dos alors que les commandes à l’exportation se réduisent et que les coûts de la main-d’oeuvre augmentent. La deuxième économie mondiale reste encore fortement dépendante des exportations, qui ont commencé à ressentir les effets de la crise de la dette en Europe, premier débouché des produits chinois, ainsi que d’une situation économique difficile aux États-Unis.

Une manifestation contre une centrale thermique, accusée de pollution, a dégénéré à Haimen, dans le province chinoise de Guangdong, mardi 20 décembre. La police anti-émeute aurait frappé brutalement les protestataires et les repoussant avec des gaz lacrymogènes. Selon l’AFP, plusieurs protestataires joints par téléphone ont affirmé qu’un adolescent de 15 aurait trouvé la mort. Le sud du pays est depuis plusieurs jours en proie à de vives tensions entre les autorités locales et la population.

Les autorités locales refusent de commenter les évènements et vont jusqu’à nier que des troubles aient vraiment eu lieu dans la ville. Ces violences se sont déroulées dans la province du Guangdong, au sud du pays, où est concentrée une part importante de l’industrie manufacturière chinoise travaillant pour les exportations.

Depuis plus d’une semaine, le village de Wukan, à environ 100 kilomètres de Haimen est entré en rébellion contre les autorités qui ont fini par fuir devant l’ampleur extraordinaire de la protestation. Les villageois se sont progressivement soulevés contre les expropriations, alors que les autorités revendaient les terres confisquées à d’importants promoteurs immobiliers. La situation est inédite puisque le Parti Communiste chinois n’est plus en mesure d’imposer son autorité sur le village.

A Haimen comme à Wukan, les motifs de révolte contre le régime sont politiques. C’est la gestion parfois chaotique de l’économie par les autorités locales, teintée de corruption et d’inefficacité, qui est notamment remise en cause. Les manifestants ont en effet appelé ouvertement à la fin de la dictature. Du côté des responsables du parti, la crainte une propagation de ces mouvements et semble importante, comme en témoignent les dispositifs policiers exceptionnels déployés.

« À bas la corruption et rendez-nous nos terres ! » Ces slogans retentissent depuis le mois de septembre à Wukan, un petit village de pêcheurs situé dans la province du Guangdong dans le sud de la Chine. Cela fait en effet plusieurs mois que les habitants y protestent contre les autorités qu’elles accusent de saisir leurs terres sans leur offrir de compensations.

Voitures de police renversées et des forces de l’ordre obligées de battre en retraite face à la colère de la population… (laisser vivre 2-3 secondes des jets de pierres) Ces vidéos amateurs, mises en ligne courant septembre, témoignent de la violence des émeutes qui ont secoué ce village.

Et la tension est encore montée d’un cran après la mort de Xue Jinbo, un représentant du village qui avait été chargé de négocier avec les autorités. Arrêté le 8 décembre 2011 après une manifestation, l’homme de 43 ans est officiellement décédé d’une crise cardiaque au cours de sa détention. Une version contestée par les villageois qui accusent la police de l’avoir battu à mort.

Comme en attestent ces photos d’internautes, Wukan est aujourd’hui coupé du monde. Le village est ainsi assiégé par des centaines de policiers qui en bloquent l’accès et empêchent toutes livraisons de vivres pour tenter d’étouffer la contestation.

Mais les habitants de Wukan ne décolèrent pas. Cette vidéo aurait été tournée lundi lors de l’assemblée générale du village. Une réunion lors de laquelle tous les participants, des plus jeunes aux plus vieux, ont réaffirmé leur détermination à poursuivre la mobilisation jusqu’à ce que leur cause soit entendue.

A Haimen, dans la province du Guangdong, une manifestation contre une centrale thermique accusée de polluer l’environnement a dégénéré. La foule s’est rebellée contre les forces de l’ordre chargées de la disperser, et des combats violents s’en sont suivis. Selon une télévision hong-kongaise, ces violences auraient fait six morts parmi les manifestants.

Non loin, la population de la ville de Wukan s’est, elle, rebellée contre les expropriations foncières.

Ces derniers mois, de nombreux incidents ont eu lieu dans la province du Guangdong. Le gouvernement de Shanwei a accepté de suspendre ses programmes de développement et de rétrocéder les terres aux agriculteurs, une autre ville, Haimen, près de la ville de Shantou, s’est à son tour massivement mobilisée contre la construction d’une deuxième centrale dans la ville. Des milliers de citoyens ont assiégé les locaux du gouvernement local et bloqué l’autoroute entre Shenzhen et Shantou, exigeant que le gouvernement de la ville de Haimen renonce à son projet de construction.

Outre la manifestation distincte à Shantou le 18 décembre 2011, également contre une acquisition de terrain illégale, ces séries d’incidents montre l’échec de l’actuel système chinois de “maintien de la stabilité” dans la résolution des conflits populaires au jour le jour.
L’utilisateur de Sina Weibo fycanly relate les origines du soulèvement de Haimen :

Le port de pêche de Haimen est un port de pêche national et un centre de pêche de premier ordre. La colline de Lianhua de la ville de Haimen, qui se trouve à Shantou dans le district de Qiaoyang, est classée comme site touristique « AAA ». Malgré le fait que les habitants de Haimen dépendent de la pêche, Haimen a souffert de catastrophe écologique depuis juin 2006.
Tous les habitants de Haimen savent que la centrale de Huaneng utilise l’eau de mer pour refroidir les turbines. A chaque fois que l’eau est extraite de la mer, un nombre conséquent de crevettes et de poissons sont introduits dans le système de refroidissement et contaminés. Certains vendent ces animaux marins contaminés sur le marché. Huaneng prétend ne pas nuire à l’environnement, mais en 2011 l’entreprise a été mise à l’amende à hauteur de 20 millions de yuans par le bureau environnemental de Guangdong pour avoir déversé de l’eau polluée directement dans la mer.

Dans un passé récent, les habitants fortunés de Haimen sont partis de la ville, laissant les pauvres contempler la détérioration d’un magnifique endroit. Qui est là pour prendre la responsabilité des moyens d’existence des habitants de Haimen et du futur de leurs rejetons ? Qui trouver pour prendre la responsabilité de la mer polluée ? La taille du port de Haimen est de 1,9 millions de m² et plus d’un millier de bateaux de pêche y mouillent. Notre récolte annuelle s’élève à plus de 180000 tonnes.

Désormais nous allons accueillir une deuxième centrale dans notre ville, où la population dépend de la pêche pour vivre. A cause de l’eau polluée, il y a de moins en moins de poissons. Les gouvernements central et provincial ont publié des documents officiels restreignant le développement des industries polluantes, alors pourquoi le gouvernement de la ville approuve toujours ce projet ? Depuis quelques années, le taux de mortalité non naturelle est le plus élevé dans la province de Guangdong ; tel est le prix de la catastrophe écologique.

Un nombre important d’utilisateurs de Weibo se font l’écho du commentaire de fycanly :

Fuson : Lors de la construction de la première centrale, une plate-forme s’est effondrée, tuant 6 ouvriers et blessant gravement 2 autres ouvriers sur son passage. Aujourd’hui le nombre de patients souffrant du cancer est en constante augmentation. Mon père est mort à cause d’un cancer en début d’année. A présent, le gouvernement veut en construire une autre, cela ne doit pas avoir lieu. Notre terre était autrefois magnifique et elle est dorénavant tellement polluée. J’envoie un message à mes 100000 camarades de

Haimen : résistons. Ce n’est pas une révolte, mais nous devons montrer notre colère.

Des milliers de personnes ont bloqué l’entrée d’une autoroute. Photos largement diffusées sur Weibo.

En effet, les habitants de Haimen sont vraiment en colère. Bien que les établissements scolaires aient verrouillé leurs portes, ce qui a forcé les étudiants à rester dans leur établissement et loin de la manifestation, des milliers de personnes étaient dans la rue. Des utilisateurs de Weibo décrivent ci-dessous la situation à Haimen :
Aujourd’hui est un jour extraordinaire pour les habitants de Haimen. Rien qu’en regardant les photos téléchargeables sur Weibo, on peut sentir la solidarité parmi les habitants. Le peuple ne peut plus rester silencieux face à ce projet extrêmement polluant. [Les autorités] pensent qu’elles peuvent stopper les étudiants en leur offrant des nouilles instantanées, c’est ridicule. Ils devraient savoir respecter les opinions des habitants plutôt que les réprimer. Peuple de Haimen, faites un bon exemple pour nous, s’il vous plait.

La ville de Haimen dans le district de Qiaoyang, dans la ville-préfecture de Shantou, dans la province de Guangdong, est sur le point de construire une seconde centrale à charbon. Une première a déjà porté préjudice à Haimen, mais ils en veulent désormais une deuxième. Des dizaines de milliers d’habitants de Haimen encerclent à présent le gouvernement de la ville, et ses représentants doivent déjà donner une réponse. Le département consacré à l’éducation a ordonné à tous les établissements scolaires de retenir leurs étudiants après les cours. Vu d’ici, nous sommes d’aucune utilité.

Tous les magasins de Haimen sont fermés depuis 11 heures du matin. Des gens ont emballé des bouteilles d’eau et de la nourriture à l’entrée de l’autoroute et les distribuent gratuitement aux militants. Des témoins disent qu’au moins 30000 personnes y participent. Nombreux sont ceux qui s’y rendent. C’est ce qu’on appelle la solidarité.

Depuis le début de la semaine du 12 décembre, des milliers de villageois manifestent contre la saisie de leurs terres à Wukan, un village de 13 000 habitants situé dans le sud de la Chine. Vendredi 16 décembre, les autorités ont exigé que les meneurs du mouvement se rendent, les accusant d’avoir commis un crime.
“Le gouvernement est déterminé à réprimer ceux qui ont commis le crime d’inciter les villageois à fomenter des troubles, de détruire des biens et des équipements publics et d’entraver l’administration”, a déclaré le maire de la ville voisine de Shanwei, Wu Zili, cité par l’agence Nouvelles de Chine.

Dans les campagnes et les villes chinoises, les expropriations de terres sont devenues un problème aigu. Les paysans accusent régulièrement les cadres locaux corrompus de s’allier à des promoteurs véreux pour s’enrichir sur leur dos.

A Wukang, les villageois sont d’autant plus en colère qu’un de leur meneur, Xue Jinbo, est décédé en détention. Ce quarantenaire avait pris la tête de manifestations violentes en septembre contre des expropriations. Les autorités, qui affirment que l’homme est mort d’une “défaillance cardiaque”, refusent de remettre le corps à la famille.

Messages

  • Trois meneurs de la rébellion des villageois de Wukan, qui accusent leurs dirigeants locaux de corruption, vont être libérés par les autorités, mercredi 21 décembre et jeudi, un porte-parole des habitants, Lin Zulian, après des discussions avec les responsables locaux dans le but de faire retomber la tension dans ce gros bourg du sud de la Chine.

    "Ce n’est pas une victoire mais un début de victoire", a estimé M. Lin, qui a confié être "très satisfait". Selon lui, les autorités ont également promis de rendre au village, à une date non précisée, le corps d’un autre des meneurs de la révolte, Xue Jinbo, mort récemment en détention. Les villageois accusent la police d’avoir battu à mort M. Xue, qui avait pris la tête de manifestations ayant dégénéré en violences en septembre contre des expropriations. Les autorités ont affirmé que l’homme était mort de cause naturelle, précisément d’une "défaillance cardiaque" à l’âge de 42 ans.

  • Au moins 12 personnes ont été tuées mardi dans des émeutes survenues près de Kashgar, dans la région autonome en majorité musulmane du Xinjiang, fréquemment sujette à des troubles opposant la minorité ouïghoure turcophone aux Chinois "Hans", a rapporté l’agence Chine nouvelle.

    Des "émeutiers" ont attaqué à l’arme blanche et tué au moins dix personnes dans le district de Yecheng, a précisé l’agence officielle de presse chinoise.

    Chine nouvelle a ajouté que la police avait pour sa part tué "au moins deux meurtriers" et pourchassait les autres.

    Le Xinjiang, région aux confins occidentaux de la Chine, est régulièrement secoué par des troubles en raison des fortes tensions entre Hans (ethnie majoritaire en Chine) et Ouïghours (musulmans turcophones).

    Nombre de ces derniers, qui sont près de neuf millions, dénoncent la répression culturelle et religieuse à leur encontre ainsi que l’immigration massive de Hans qui procèdent au développement économique de cette région encore pauvre, mais possédant d’abondantes ressources naturelles.

    Le Xinjiang avait en particulier connu des troubles fin juillet et début août 2011, à la suite desquels Pékin avait envoyé une brigade d’élite de la police antiterroriste. Les attaques officiellement attribuées à des Ouïghours et les ripostes de la police avaient fait plus de 20 morts.

    Des violences bien plus meurtrières avaient éclaté en juillet 2009. Plus de 1.600 personnes avaient alors été blessées et près de 200 tuées à Urumqi, capitale de cette région autonome.

    Les principales victimes avaient été des Hans. Les jours suivants, ces derniers s’étaient vengés, lançant des expéditions punitives contre des Ouïghours.

    Ces émeutes, les plus meurtrières en Chine depuis des décennies, avaient déclenché une implacable répression contre les Ouïghours avec des dizaines d’exécutions, de nombreuses disparitions et arrestations, aggravant encore le ressentiment de cette communauté contre le pouvoir communiste chinois.

    A la fin de l’année dernière, la police avait abattu sept preneurs d’otages appartenant à un "groupe terroriste" dans le district de Pishan, au cours d’une opération qui avait permis de libérer deux otages, avait rapporté le gouvernement régional.

    Fin janvier, les autorités du Xinjiang ont annoncé le recrutement de 8.000 policiers supplémentaires, principalement pour renforcer les effectifs des forces de l’ordre dans les campagnes.

  • Manifestation ouvrière à Shangaï

    Soulèvements prolétariens en Chine du sud

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