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La lutte des travailleurs reprend en Birmanie

dimanche 20 mai 2012

Voici un commentaire de presse qui en dit long :

Mis sous l’éteignoir pen­dant des décen­nies, les ouvriers bir­mans apprennent pro­gres­si­ve­ment à faire entendre leur voix pour récla­mer de meilleurs salaires, alors que l’ouverture poli­tique du pays s’est tra­duite par une réforme pro­fonde de la légis­la­tion sociale.

Quelque 500 employés de trois usines de tex­tile se sont mis en grève cette semaine dans la zone indus­trielle de Hlaing Thar Yar, à Rangoun, pour deman­der de meilleures condi­tions de travail.

Assis dans l’herbe, ils ont chanté et tapé dans leurs mains appa­rem­ment sans crainte de repré­sailles. Une scène impen­sable il y a un peu plus d’un an, lorsque le pou­voir était encore tenu par une junte mili­taire qui contrô­lait l’appareil poli­tique et économique.

"S’ils veulent nous virer, ils devront le faire" pour tout le monde, a affirmé à l’AFP une employée de 26 ans sous cou­vert de l’anonymat. "S’ils n’augmentent pas les salaires, nous conti­nue­rons à manifester."

Dans le cadre de réformes poli­tiques majeures, le nou­veau régime bir­man a adopté une loi sur la liberté d’association, pré­pa­rée avec le Bureau inter­na­tio­nal du tra­vail (BIT) et consi­dé­rée comme une des plus pro­gres­sistes de la région.

Le texte, qui rem­place une loi de 1962, garan­tit le droit de grève et la créa­tion de syn­di­cats. Mais de l’avis de tous les obser­va­teurs, il pose un pro­blème aux employeurs comme aux employés, dans une société nul­le­ment habi­tuée au dia­logue social.

"Nous vivons les pre­miers jours d’un nou­vel envi­ron­ne­ment indus­triel. Les gens essayent de s’y faire, de com­prendre leurs nou­veaux droits et leurs res­pon­sa­bi­li­tés", résume Steve Marshall, repré­sen­tant du BIT en Birmanie.

Si les ouvriers savent qu’ils ont le droit de grève, ils en ignorent les moda­li­tés tout autant que leurs patrons. "Des per­tur­ba­tions sont pré­vi­sibles et cela fait par­tie du pro­ces­sus d’apprentissage."

Le texte a été pré­paré par les conseillers juri­diques du pré­sident Thein Sein, qui depuis plu­sieurs mois se sont sai­sis "du cor­pus légal et s’appliquent à le mettre aux normes inter­na­tio­nales", sou­ligne un diplo­mate étranger.

"Mais la ques­tion qui se pose est de com­ment le faire appli­quer au corps social bir­man, qui n’est pas prêt."

La Birmanie, en dépit d’importantes res­sources natu­relles, demeure l’un des pays les plus pauvres du monde après 50 ans de ges­tion mili­taire désas­treuse et de confis­ca­tion géné­ra­li­sée des richesses par les dirigeants.

Selon la mani­fes­tante de la zone indus­trielle, les gré­vistes récla­maient une allo­ca­tion sup­plé­men­taire de 30.000 kyats (envi­ron 37 dol­lars). La société Myanmar Pearl a lâché 12 dol­lars, mais les ouvriers ne sont "pas satis­faits", a-t-elle martelé.

Le groupe, qui n’a pas répondu aux ques­tions de l’AFP, a émis un com­mu­ni­qué le 15 mai indi­quant que ceux qui n’auraient pas repris le tra­vail ven­dredi der­nier seraient consi­dé­rés comme ayant démis­sionné "de leur plein gré". Un ulti­ma­tum ignoré par les grévistes.

Une atmo­sphère de dia­logue de sourds, plus que de négo­cia­tions. Mais tant que des ins­ti­tu­tions adé­quates ne sont pas créées pour aider à appli­quer la loi, "les ouvriers n’ont pas d’autres options que de mani­fes­ter pour obte­nir ce qu’ils veulent", estime Htay, un avo­cat qui défend les ouvriers.

"Si ces pro­blèmes ne sont pas réglés, cela peut affec­ter la sta­bi­lité. Cela pour­rait deve­nir le début d’un sou­lè­ve­ment social. On ne peut pas pré­dire jusqu’où cela ira."

Les conflits sociaux récents sont pour­tant res­tés limi­tés par leur ampleur, avec un accord sou­vent obtenu en quelques jours. Début mai, 300 ouvriers de l’usine de per­ruques High Art s’étaient mis en grève pour aug­men­ter leur salaire de base de 10 à 30 dol­lars. La com­pa­gnie sud-coréenne a cédé immédiatement.

Mais il est encore trop tôt pour par­ler d’une tendance.

Ye Naing Win, du Comité d’établissement des syn­di­cats indé­pen­dants, craint que ces mou­ve­ments se pour­suivent et convient que leur dérou­le­ment fait peser un cer­tain risque sur la paix sociale.

"Les mani­fes­ta­tions sont orga­ni­sées parce que le salaire de base est trop bas et que la vie (des ouvriers) est trop dure. Et puis ces usines sont comme des pri­sons. L’avenir de ces ouvriers est triste."

A Rangoon, les ouvriers d’une usine chinoise crient victoire. Après dix jours de grève pour réclamer de meilleures conditions de travail et des salaires plus élevés, ils ont obtenu gain de cause. Désormais ils gagneront 8 centimes de plus par heure. Une petite augmentation de salaire, qui représente beaucoup dans un pays où le droit de grève n’existait pas jusqu’à l’année dernière.

Tout a commencé le 6 février dernier. La direction de Tai Yi, une entreprise chinoise qui fabrique des chaussures, refuse de payer les cinq jours de congés pour la nouvelle année à ses employés. Pour ces derniers, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase car depuis plusieurs mois ils réclamaient une augmentation à leur maigre salaire qui avoisinait l’équivalent de 53 centimes d’euros pour une journée de 12 heures.

Les 2 000 ouvriers birmans se mettent donc en grève début février, malgré les pressions de la direction et de la police locale. Finalement, jeudi dernier, surprise : les travailleurs se voient accorder une hausse de 8 centimes d’euro par heure.

Cela peut paraître peu, mais là-bas c’est tout un symbole. Il y a un an, cela aurait été impensable. Pour la simple et bonne raison que le président Thein Sein a légalisé les syndicats et le droit de grève seulement en octobre dernier. Un geste qui s’inscrit dans la vague d’ouverture des autorités birmanes de ces derniers mois.

A noter que l’histoire n’est peut-être pas tout à fait finie dans l’usine de Tai Yi. Certains ouvriers ont fait savoir qu’ils protestaient toujours contre le système de bonus, réservé à ceux qui ne ratent aucune des 26 journées de travail par mois.

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