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Le peuple chinois se révolte contre son goulag

lundi 10 septembre 2012

Une gigantesque institution, plantée sur le versant sombre de la Chine, commence peut-être à vaciller sur ses bases. Les camps de rééducation par le travail - les fameux laogai - sont sous le feu d’intenses et publiques critiques. Un mouvement de la société civile qui pousse les autorités chinoises à tester d’autres formes de punitions, un brin adoucies, pour réformer le système à défaut de le supprimer.

Le goulag chinois est revenu sous les projecteurs à la suite d’une triste affaire survenue le mois dernier dans la province du Hunan. Tang Hui, une mère de famille dont la fille avait été violée à l’âge de 11 ans et forcée à se prostituer, demandait instamment aux autorités - par le système des pétitions - que les coupables soient punis plus sévèrement. Y compris des policiers impliqués, selon elle. Son insistance lui a valu d’être condamnée à 18 mois de camp de travail, pour avoir « troublé l’ordre social et exercé une influence négative sur la société ». La décision a suscité un tollé chez les internautes chinois, se mobilisant par centaines de milliers pour la courageuse mère, qui du coup a été rapidement libérée.

Cette sinistre invention maoïste a perduré et même prospéré jusqu’à nos jours. Mao avait théorisé la rééducation par le travail en 1957, pour traiter les petits délinquants et les gêneurs, des intellectuels notamment. Un temps mis en veille pendant la Révolution culturelle, où les autres outils de châtiment ne manquaient pas, le laogai a été réactivé dans les années 1980 et s’est développé depuis. Avec une fâcheuse propension à s’étendre à toutes les voix un peu dissidentes. Vu du côté répressif, le système est une merveille puisqu’il permet d’enfermer quelqu’un pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre ans, de manière extrajudiciaire, sans procès ni possibilité de recours à un avocat. Une signature suffit à vous envoyer derrière les barreaux.
Stabilité sociale

Malgré la libération de Tang Hui, la vague d’indignation ne s’est pas arrêtée. La presse, comme les militants de la société civile, se sont emparés du sujet. Dix avocats renommés et engagés ont envoyé une lettre ouverte au ministère de la Justice, l’appelant à introduire de la transparence dans le système. Et le Nanfeng Chuang, un magazine libéral du sud de la Chine, a publié une série d’articles sur le sujet. Même l’agence officielle Chine nouvelle s’en est mêlée, publiant un sondage Internet montrant que 87 % des participants souhaitaient l’abolition du système.

Les autorités chinoises ont apparemment entendu le message. Selon des médias officiels, des « projets pilotes » ont été lancés dans quatre grandes villes du pays, dont Nankin. Les trois autres cités sont les capitales des provinces du Gansu, du Henan et du Shandong. Un système « d’éducation et de correction des délits » est ainsi à l’étude. La police ne serait plus seule à avoir la main, et certains condamnés pourraient être rééduqués en restant dans leur communauté. Pour l’avocat Li Fangping, l’un des signataires de la lettre ouverte, « on peut voir là un essai d’assouplissement du système de travail forcé. Une perte totale de liberté transformée en restriction de liberté, c’est déjà un progrès ».

Selon des chiffres officiels, il y aurait environ 350 camps de travail à travers le pays. Le règlement de cette rééducation prévoit que les condamnés doivent « étudier » au moins 3 heures par jour et ne peuvent travailler plus de 6 heures dans une journée. Mais la réalité est tout autre. Le Nanfeng Chuang cite un responsable du département de rééducation par le travail du Central Institute for Correctional Police, indiquant que les détenus travaillent 76,5 heures par semaine, ne recevant que 4 heures d’éducation dans le même laps de temps. Ces travaux peuvent aller du petit artisanat à des tâches beaucoup plus physiques et dures. Elles sont normalement calibrées à la nature du « déviant ».

Il y a huit ans déjà, Chen Zhonglin, professeur à l’université de Chongqing et député du Parlement chinois, avait proposé une réforme du système de travail forcé. Cité par le South China Morning Post, il explique que le système est en contradiction avec les principes mêmes de la Constitution chinoise, qui stipule que la liberté des personnes ne peut être restreinte que par la loi, pas par un règlement. Il déplore aussi l’opacité totale et le fait que la police soit juge et parti. L’idée de réforme est donc dans l’air, sans que l’on imagine les futurs dirigeants chinois se priver à court terme d’un outil si aisé pour maintenir la sacro-sainte stabilité sociale.

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