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Révolte sociale : le siège de la présidence incendié à Sarajevo

samedi 8 février 2014

Révolte sociale : le siège de la présidence incendié à Sarajevo

La Bosnie-Herzégovine est secouée depuis trois jours par de violentes manifestations contre le chômage et la politique du gouvernement. À Sarajevo, les contestataires ont mis le feu au siège de la présidence. Au moins 150 personnes ont été blessées.
Les Bosniens font éclater leur colère. Par milliers, ils manifestent depuis trois jours contre la misère en Bosnie-Herzégovine. Des rassemblements souvent marqués par des violences. Vendredi 7 février, des affrontements ont eu lieu entre manifestants et force de l’ordre dans plusieurs villes du pays.

Les échauffourées avec la police ont fait près de 150 blessés, dont 80 à Sarajevo et 50 à Zenica, pour la plupart soignés pour des contusions. Il y a eu plus d’une dizaine de blessés à Tuzla, dont deux, un manifestant et un policier sérieusement atteints, ont été hospitalisés.
À Tuzla, ancien cœur industriel dans le nord du pays, où quelque 6 000 manifestants ont battu le pavé, des vitres ont en outre été brisées et des bureaux du gouvernement local incendiés.

À Sarajevo, la capitale, la police a tiré des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes pour disperser une foule de plusieurs milliers de personnes. Les protestataires "ont cassé les fenêtres et ont mis le feu aux guérites des gardiens et aux locaux" de l’immeuble abritant l’administration régionale, a rapporté la télévision officielle locale.
La façade du siège voisin de celui de la présidence de Bosnie-Herzégovine a été aussi endommagée par des jets de pierre, mais le bâtiment n’a pas été incendié, a assuré la police.

Une révolte d’une ampleur sans précédent depuis la guerre

Il s’agit de manifestations d’une ampleur sans précédent dans cette ex-république yougoslave depuis la fin de la guerre intercommunautaire de 1992-95. Elles illustrent l’exaspération de la population face à une classe politique engluée dans des querelles politiciennes et incapable de redresser une économie sinistrée.

En cause : le niveau élevé du chômage et l’inertie politique du gouvernement. Des appels à manifester avaient été lancés pour la journée de vendredi dans tout le pays, où le salaire moyen mensuel est de 420 euros par habitant et ou près d’une personne sur cinq vit dans la pauvreté.

Rongé par une corruption endémique, ce petit pays balkanique de 3,8 millions d’habitants est l’un des plus pauvres d’Europe. Le chômage frappe 44 % de la population active, mais la Banque centrale l’estime à 27,5 %, car beaucoup ne déclareraient pas leur activité.

La Bosnie-Herzégovine est confrontée à un système politique hérité de l’après-guerre, qui ne fonctionne pas. À l’issue de ce conflit qui a fait 100 000 morts, les accords de paix de Dayton ont établi un système de partage du pouvoir fondé sur la représentation des différentes communautés serbe, croate et musulmane. Un système à base de quotas, qui rend le fonctionnement politique du pays très difficile.

La suite

Messages

  • Pour le quatrième jour consécutif, la contestation sociale continue en Fédération de Bosnie-Herzégovine, mais les violences se sont calmées, note le quotidien Nezavisne novine, de Banja Luka. Par contre, "les démissions des autorités locales s’enchaînent, et les cantons tombent dans le chaos", continue le journal. Suite aux importantes manifestations, les chefs de quatre administrations régionales de la Fédération croato-musulmane ont présenté leur démission.

  • L’impuissance du pouvoir en Bosnie à redresser l’économie et à répondre à un appauvrissement de la population a provoqué des manifestations d’une violence inconnue dans ce pays depuis la guerre des années 1990.

    Près d’un habitant sur deux en Bosnie est au chômage.

    « Ce qui s’est passé ces derniers jours est l’explosion du mécontentement et de la colère qui se sont accumulés dans la population au cours des dernières années », dit à l’AFP l’analyste Srecko Latal.

    « Cette exaspération est liée à une situation politique absolument chaotique et à une situation économique et sociale qui s’est sérieusement aggravée », poursuit-il.

    Composée depuis la fin du conflit (1992-95) de deux entités, l’une serbe et l’autre croato-musulmane, la Bosnie s’est vu imposer par l’accord de paix de Dayton (Etats-Unis) des institutions politiques extrêmement compliquées et au sein desquelles le pouvoir est partagé entre Serbes, Croates et Musulmans.

    La Fédération croato-musulmane est à son tour composée de dix cantons et chaque canton dispose de son propre gouvernement. Cette administration est pléthorique, avec quelque 180’000 salariés pour un pays de 3,8 millions d’habitants.

    Corruption et népotisme

    Selon des ONG, toutes ces institutions sont gangrenées par la corruption et par le népotisme.

    Alors que pour la moindre décision, il faut l’accord des dirigeants des communautés musulmane, serbe et croate, des querelles politiciennes font que les institutions centrales du pays sont en permanence en crise et en situation de blocage.

    La communauté internationale, représentée toujours en Bosnie par un Haut représentant disposant de pouvoirs discrétionnaires - actuellement le diplomate autrichien Valentin Inzko -, a néanmoins décidé depuis 2006 de progressivement mettre fin à ses interventions dans la vie politique.

    Auparavant, les Hauts représentants imposaient des lois ou limogeaient des élus et dirigeants politiques sans état d’âme pour faire fonctionner le pays.

    La Bosnie s’est ainsi retrouvée à la traîne de tous les autres pays des Balkans occidentaux dans son rapprochement avec l’Union européenne.

    Mouvement parti de Tuzla

    Parti de Tuzla, jadis la plus importante ville industrielle en Bosnie, où des milliers de salariés se sont retrouvés au chômage à cause des échecs en série des privatisations de leurs usines, le mouvement a gagné la capitale et plusieurs grandes villes, notamment peuplées majoritairement de musulmans.

    Vendredi, des immeubles abritant des institutions régionales et municipales à Sarajevo, Tuzla (nord-est), Bihac, Zenica (centre) et Mostar (sud), ont été dévastés ou incendiés par des hooligans qui ont rejoint des milliers de manifestants descendus dans la rue pour protester contre la pauvreté et réclamer la démission des autorités.

    Les chefs des gouvernements régionaux de Tuzla, Zenica et Sarajevo ont démissionné sous la pression de la rue. Plusieurs centaines de policiers et de manifestants ont été blessés.

    Samedi, des manifestations de quelques centaines de personnes ont eu lieu sans incident à Bihac et à Sarajevo notamment.

    Explosion du mécontentement

    Les Bosniens ont été choqués par ces violences, mais certains analystes mettaient déjà en garde contre le risque d’une explosion du mécontentement populaire.

    Le chômage frappe 44% de la population, selon l’agence nationale des statistiques. Néanmoins, la banque centrale estime ce taux à 27,5% en raison du nombre très élevé de personnes employées au noir.

    « Le taux élevé du chômage (...) continue de présenter une menace et doit être combattu pour assurer un avenir paisible et prospère à la Bosnie », a mis en garde en janvier la directrice de la Banque mondiale pour l’Europe du Sud-Est, Ellen Goldstein.

    Un Bosnien sur cinq vit dans la pauvreté, selon les statistiques officielles. Le salaire mensuel moyen est de 420 euros. Après un recul de 0,5% en 2012, l’économie a crû d’environ 1% en 2013.

  • 3,8 millions de personnes dans les rues, 150 blessés, plusieurs bâtiments gouvernementaux brulés… Depuis le 5 février, les manifestants bosniaques ont frappé fort, très fort pour exiger de leurs élus qu’ils ne restent plus les bras ballants face au chômage de masse.

    « Je pense que c’est un véritable printemps de Bosnie, affirmait à Reuters Almir Arnaut, économiste au chômage et militant de Tuzla, ville épicentre des émeutes bosniaques. Nous n’avons rien à perdre. Il y aura de plus en plus d’entre nous dans les rues ».

    Moins d’une semaine après le début de ses émeutes sociales en Bosnie, des manifestations de soutien ont été organisées ou le seront cette semaine dans les pays voisins, notamment en Serbie, en Croatie et au Monténégro. Aucun pays des Balkans n’a réellement réussi à se développer depuis les guerres ethniques des années 1990. Si bien que certains parlent déjà d’un début de « printemps des Balkans » qui pourrait s’étendre à tous les pays d’ex-Yougoslavie.

    « Vive la lutte des peuples des Balkans ! »
    Lundi 10 février, après un appel sur les réseaux sociaux, quelque 300 personnes se sont réunies dans le centre de Belgrade, la capitale serbe, sous des drapeaux de mouvements antifascistes et anticapitalistes, ainsi que des pancartes du parti communiste serbe. Les slogans fustigeaient le capitalisme, mais aussi l’OTAN et l’Union européenne. Un des organisateurs a lu le texte publié sur Internet en « soutien à la rébellion nationale en Bosnie-Herzégovine ».

    Dans leur ligne de mire : les problèmes sociaux et économiques des Balkans, les forces « impérialistes et capitalistes », mais aussi les mouvements nationalistes. Le mouvement se veut fédérateur, au-delà des traditionnels clivages ethniques. « Vive la lutte des peuples des Balkans ! »

    Marko, interrogé à Belgrade par le journal Balkan Insight, n’a pas de mal à s’identifier aux manifestants bosniaques. « Je veux un emploi ! Nous méritons tous d’avoir un emploi ! », s’exclame le jeune architecte au chômage depuis deux ans. « Les Serbes devraient imiter les Bosniaques et descendre dans la rue. C’est la seule façon de sortir de ce désespoir. »

    Des manifestations similaires sont également prévues à Zabreb, capitale de la Croatie, jeudi 13 et samedi 15 février. Un groupe Facebook intitulé « Protestation contre le gouvernement de voleurs, la corruption et la pauvreté au Monténégro » donne également rendez-vous devant le bâtiment du Parlement monténégrin le même samedi.

    Colère contre le libéralisme économique et la corruption
    Tout a commencé à Tuzla le 5 février dernier. La majorité des habitants de cette ville du nord de la Bosnie-Herzégovine travaillaient dans quatre entreprises publiques qui ont été privatisées au début des années 2000. Au lieu d’investir pour rendre ces entreprises rentables, les propriétaires ont vendu les actifs et ont cessé de payer les travailleurs. En déposant le bilan quelques années plus tard, ils ont entrainé le chômage de centaines de personnes, dans un pays qui connaît déjà un taux de chômage record : 28% de la population active, et 63% des jeunes !

    La manifestation, d’abord pacifique, est rapidement devenue violente lorsque des centaines de manifestants, principalement d’anciens employés des entreprises privatisées, se sont heurtés aux policiers non loin des locaux du gouvernement local de Tuzla. Après les sittings pour bloquer la circulation et les jets de pierre, 600 manifestants ont tenté une première fois de prendre d’assaut le bâtiment. Le 6 février, des manifestations de soutien, incluant étudiants, activistes et personnes au chômage, ont été organisées à travers le pays, notamment dans la capitale, Sarajevo, où des manifestants ont affronté la police qui leur bloquait la route en direction du centre-ville.

    Le collectif des « Citoyens de Sarajevo, sans nom, ni nationalité, ni parti politique » a fait parvenir au gouvernement son cahier de doléance : reconnaître qu’il s’agissait d’une « révolte du peuple », augmenter les retraites minimales de 400 marks (200 euros), dénoncer le prêt souscrit auprès du FMI, mettre un terme à la hausse des prix du service public aux nouvelles taxes. Ils demandent également de revoir les privatisations, de former une commission indépendante pour lutter contre la corruption, mais aussi de rassembler le pays qui, depuis 1995, est divisé en deux entités - la Fédération et la Republika Srpska - elles-mêmes divisées en cantons autonomes.

    Les émeutes les plus violentes depuis la fin de la guerre
    La violence a atteint son summum le 7 février à Tuzla : 10 000 émeutiers sont passés outre les lignes de sécurité mises en place par la police autour du bâtiment du gouvernement local. Une centaine de jeunes s’y est rendue et, après avoir jeté par les fenêtres meubles et appareils, a mis feu à l’immeuble. Après s’être rendus au tribunal local pour réclamer la libération des quelques dizaines d’émeutiers arrêtés les jours précédents, le même groupe de 10 000 manifestants a pris la direction de la mairie. Vidé avant que cette foule en colère n’arrive, le bâtiment est dévasté avant d’être à son tour brûlé. Le maire de Brčko, une ville voisine, aurait même été pris en otage pendant un temps avant d’être relâché.

    En seulement trois jours, 3,8 millions de Bosniaques seraient sortis dans la rue, selon l’analyste de la BBC, Tim Judah. Environs 150 personnes auraient été blessées, dont plusieurs dizaines de policiers.

    Valentin Inzko, le Haut Représentant de Bosnie-Herzégovine, en est même venu à affirmer que si l’escalade de violence continuait, il n’excluait pas de demander une aide extérieure pour ramener le calme : « Nous évaluerons la situation mardi 11 février. L’Autriche va dès à présent augmenter le nombre de ses troupes présentes dans le pays. Si la situation du pays s’aggrave, l’Union européenne devrait envisager d’envoyer des troupes en Bosnie. »

    Ce sont les émeutes les plus violentes dans le pays depuis la fin de la guerre de Bosnie, en 1995. Et ce sont justement les traumatismes des guerres qui ont eu tendance à rendre les populations balkaniques pacifiques, si ce n’est apathiques et résignées. En vingt ans, les contestations politiques se sont faites extrêmement rares, à la fois parce que ce n’était pas dans les habitudes des citoyens, mais aussi parce qu’elles y sont rarement autorisées. C’est pour cette raison que la colère couvée a débordé aussi soudainement et sans aucune organisation.

  • Après quelques jours d’accalmie, la révolte sociale repart de l’avant en Bosnie. Plusieurs rassemblements sont prévus ce week-end. Ce mouvement populaire souligne l’écart qui se creuse entre les citoyens et les élites politiques, toujours engoncées dans leur vision ethno-nationale. Il convient de souligner que ces manifestations, menées par une population déçue et en colère, ont un caractère social. Elles ont démarré ainsi, sans aucune connotation politique, ethnique ou autre. Cependant, quelques heures seulement après leur début, la politisation a fait son apparition. Des représentants de chaque communauté ont immédiatement déclaré que quelqu’un était derrière cela, que tout était politiquement organisé. Les dirigeants de Republika Srpska (RS) ont par exemple déclaré que six autobus devaient partir de Tuzla pour attaquer cette entité. Certains médias ont annoncé qu’une partie des manifestants avaient une formation militaire et qu’on leur avait distribué des armes... Il y a derrière cela une volonté des autorités à tous les niveaux d’atténuer, voire de gommer les effets possibles de ces manifestations et que les messages des manifestants ne se réalisent pas à l’avenir. Cependant, il s’est passé autre chose, qui donne l’espoir que les choses vont se déroulent autrement, dans l’intérêt du peuple et non dans l’intérêt des élites politiques nationalistes. À Tuzla et dans d’autres villes ont déjà lieu des assemblées, des forums et autres formes de démocratie directe, qui envisagent comment mettre en œuvre les exigences des manifestants. N’oublions pas également qu’en Fédération quatre gouvernements cantonaux sont tombés. Le problème, désormais, est de nommer un nouveau gouvernement car le mécanisme actuel empêche toute modification. Un nouveau gouvernement doit en effet être nommé par l’assemblée cantonale, elle-même basée sur un principe communautaire. Zagreb a traité ces manifestations comme des conflits liés à la matrice ethnique. Plusieurs fonctionnaires de Croatie l’ont déclaré publiquement. Les commentaires provenant de Serbie ont été quelque peu différents mais ont adressé un message similaire, à savoir qu’heureusement ces troubles sociaux n’avaient pas lieu en Republika Srpska, mais en Fédération. Une barrière diplomatique a cependant toujours été maintenue afin que la Serbie ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine et préserve son intégrité. Toutes ces déclarations font néanmoins partie des lieux communs de la politique de nos voisins envers nous et montrent qu’ils n’ont pas compris ce qui était en train de se passer ici, du moins pas publiquement. Et cela est également le cas du PIC.

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