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L’élection présidentielle américaine, un signe du tournant mondial

mardi 8 novembre 2016

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L’élection présidentielle américaine n’est plus un instrument d’ordre politique mais d’aggravation volontaire du désordre politique bourgeois pour éviter les désordres sociaux…

À la veille de l’élection américaine de 2016

Par Patrick Martin

Alors que la campagne électorale américaine de 2016 touche à sa fin, une atmosphère de crise et de dysfonctionnement pénètre tout le système politique.

Dimanche, deux jours avant les élections, le directeur du FBI, James Comey, a annoncé que son agence n’avait trouvé aucune nouvelle preuve dans les courriels récemment découverts pour justifier le changement de sa décision antérieure de ne pas mettre en examen Hillary Clinton pour son utilisation d’un serveur de messagerie privé. Cela alors que seulement neuf jours plus tôt il avait fait une intervention extraordinaire pour la plus grande agence de police du pays, annonçant sans fournir de détails que le FBI avait découvert des dizaines de milliers d’e-mails qui pourraient être pertinents pour l’enquête.

La dernière annonce de Comey intervient au milieu d’un conflit acharné au sein de la classe dirigeante et de l’État, qui a vu l’utilisation de scandales dans la lutte des fractions internes afin d’influencer les résultats des élections. Cependant, la population s’est tellement habituée au barrage des médias sur tel ou tel scandale que ce dernier chapitre dans la saga des courriels aura probablement peu d’effet sur le résultat du vote.

Toute la campagne électorale a atteint de nouvelles profondeurs dans la saleté et la réaction, et les politiciens et les médias ont de plus en plus exprimé leur inquiétude à l’égard de la crédibilité des États-Unis à l’échelle internationale et nationale.

Tant le New York Times que le Washington Post ont diffusé des articles à la première page dimanche décrivant la répulsion mondiale envers la campagne présidentielle américaine. La campagne a donné à l’Amérique « un œil noir », a écrit le Post, ajoutant que « les analystes politiques dans le monde entier ont dit qu’ils n’ont jamais vu une campagne présidentielle faire autant pour miner directement la crédibilité de l’Amérique ». Le Times a écrit que : « l’image des États-Unis est ternie aux yeux de son propre peuple et du monde ».

L’effet global de la campagne a été résumé par la couverture de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui a représenté les deux candidats côte à côte tous les deux et couverts de boue et de mucus. Une humeur de mauvais augures prévaut chez de nombreux analystes et experts bourgeois qui voient le 8 novembre annoncer non pas une transition pacifique vers la prochaine administration, mais une période prolongée de rupture politique et sociétale.

L’ancien président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, apparaissant pour la campagne de Trump dans le programme du dimanche Meet the Press, a déclaré que si Clinton remporte l’élection, il y aurait des enquêtes sans fin menées par ses adversaires républicains au Congrès. Si Trump gagne, il a prédit un « Madison, dans le Wisconsin, à l’échelle nationale », se référant à la rébellion des travailleurs du Wisconsin en 2011 contre l’attaque du gouverneur républicain Scott Walker sur les employés du public. Il faudrait dix ans ou plus pour rétablir la stabilité politique, a-t-il averti.

L’ancien présentateur des informations chez NBC, Tom Brokaw, a déclaré : « Je n’ai jamais vu le pays aussi fracturé qu’il l’est aujourd’hui […] Nous sommes en guerre tribale ici […] Newt Gingrich a raison. Nous sommes dans un temps très difficile, peu importe qui gagne ».

Les sondages continuent de montrer qu’il y a peu d’écart entre les deux dans ce combat. Clinton mobilise une coterie de célébrités pour faire campagne pour elle dans les derniers jours, avertissant qu’une victoire de Trump serait une calamité pour le monde entier et que tout donc doit être fait pour l’élire.

Les arguments des démocrates et des partisans de Clinton ignorent deux faits. Tout d’abord, une Administration Clinton s’engagerait dans des politiques catastrophiques, et, en second lieu, le fait même que Trump pourrait gagner l’élection, et qu’il la gagne ou qu’il la perd il recevra des dizaines de millions de voix, constitue une mise en accusation extraordinaire du Parti démocrate.

Incapables de présenter un programme attrayant pour des groupes plus larges de la population, les démocrates ont mené leur campagne au plus bas niveau, se concentrant sur le scandale et les accusations selon lesquelles Trump serait un agent du président russe Vladimir Poutine, c’est-à-dire une résurrection moderne de l’anticommunisme MacCarthyste. Cela a été combiné avec des calomnies de plus en plus hystériques contre la classe ouvrière et toutes les formes d’opposition au statu quo.

L’éditorial publié dimanche dans le New York Times sous le titre « Imaginant les États-Unis au 9 novembre » est typique de la campagne pro-Clinton, qui dépeint une éventuelle présidence de Trump comme une « catastrophe » qui est seulement « à trois jours de toucher la terre ». Le langage de l’éditorial dans la description de Trump est apocalyptique – un tyran ignorant et imprudent […] Un prédateur sexuel, une fraude commerciale, un menteur qui fonde sa compagne sur une promesse de détruire des millions de familles d’immigrants et d’emprisonner son adversaire politique ».

L’éditorial reconnaît un lien entre le soutien de masse pour Trump et la « colère dans la population », mais ne fournit aucune explication pour ce large et profond mécontentement social.

La veille, le Times a publié un éditorial dénonçant le « Déni de la réalité économique » par Donald Trump, parce que le candidat républicain décrit « une horrible réalité alternative dans laquelle la récession qui a commencé à la fin de 2007 est toujours avec nous ». Aux yeux des rédacteurs en chef du Times, le crime de Trump est d’insister sur le fait que « l’économie est dans une situation terrible », un point de vue partagé par des dizaines de millions de travailleurs américains, ce qui explique la persistance du soutien électoral pour Trump.

Complétant les éditoriaux, le Times continue à publier un barrage de commentaires réactionnaires qui qualifient la population américaine – ou plus précisément les Américains ouvriers blancs – d’incorrigibles raciste. Le Times de dimanche porte le dernier épisode de cette saleté, un commentaire de Jill Filipovic qui commence par la question du genre et passe ensuite à la question raciale.

« Depuis toute l’histoire américaine », écrit-elle, « les hommes blancs ont été […] le groupe dominant », ce qui lui permet de regrouper Abraham Lincoln et Jefferson Davis, Eugene Debs et JP Morgan, Donald Trump et Edward Snowden, tous dans une même catégorie tellement large qu’elle n’a aucun intérêt.

Après huit ans du premier président afro-américain, la perspective de la première femme présidente est insupportable aux hommes blancs, prétend-elle. Selon Mme Filipovic, « Ceci, peut-être plus que tout autre chose, explique la montée de Donald J. Trump : il a promis aux hommes blancs en difficulté qu’ils pourraient retrouver leurs identités ».

Tout en reconnaissant que la classe ouvrière a vu des emplois détruits, des grèves écrasées et des salaires dépréciés, elle conclut : « Que beaucoup d’hommes blancs luttent contribue sûrement à la popularité de M. Trump, mais la force motrice de ce choix n’est pas l’argent – Les électeurs de Trump aux primaires gagnaient environ 72 000 dollars par an, 16 000 dollars de plus que le revenu médian national d’un ménage. C’est une question de pouvoir et de la fureur ressentie à le voir s’évanouir […] ».

En réalité, un sondage détaillé de l’organisation Gallup suggère que c’est la baisse de la mobilité économique, et non le niveau de revenu, qui est un facteur clé de soutien pour Trump. Ses électeurs sont disproportionnellement ceux qui ont perdu du terrain économiquement depuis le krach de Wall Street en 2008, tant dans la classe ouvrière que dans des sections de la classe moyenne.

Il ne fait aucun doute que le revenu médian des ménages des électeurs de Trump aux primaires est bien inférieur au revenu médian des ménages des apologistes de Clinton dans les médias libéraux. Les rédacteurs du Times et leurs collaborateurs dénoncent ceux qui parlent de la poursuite de la récession parce que leurs portefeuilles d’actions à eux se sont redressés et leurs revenus à six et sept chiffres les mettent à l’abri de préoccupations telles que nourrir une famille et garder un toit sur la tête.

La haine envers les travailleurs blancs de la part de cette couche auto-satisfaite de la classe moyenne supérieure est elle-même un reflet de l’approfondissement des tensions de classe en Amérique. C’est l’expression, déformée par le prisme de la politique raciale, de la malveillance de la classe capitaliste américaine.

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