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A nouveau la crise ? Mais quelle crise ?

18 août 2012, 15:34

La « dévalorisation » du capital est permanente mais elle s’accentue pendant la crise. Elle se traduit par une forme de suraccumulation du capital : trop de capital accumulé par rapport aux potentialités du marché et donc aux possibilités de bénéfices. Cependant, même en temps de crise, la quête insatiable du profit, la nécessité de valoriser les capitaux disponibles n’interrompent pas le processus d’accumulation qui va se focaliser sur de nouveaux secteurs considérés comme porteurs d’avenir et donc supposés « rentables ». Pour les grandes firmes désormais mondialisées, les mécanismes déjà évoqués de la délocalisation vont favoriser cette évolution.

« L’accumulation de crise » se concentre donc sur les secteurs où le capital est encore susceptible de rapporter de la valeur et du profit. Les formes antérieures de production (parfois constituées d’équipements (de brevets) ou de bâtiments récents pas encore amortis) se retrouvent subitement obsolètes, hors circuit, perdant toute valeur. On a donc une énorme « destruction » de capital accumulé selon un mécanisme prédateur bien analysé par Marx : « la barrière du capital, c’est le capital lui-même ». Ce caractère « auto-destructeur » du mode de production capitaliste, particulièrement aigu pendant la crise, a été relevé, sinon analysé, par de nombreux économistes. C’est un facteur déterminant qui permet de saisir la « dynamique » et les spécificités de la crise en cours ainsi que ses conséquences sur la force du travail et les salaires.

La sur-accumulation de capital suppose implicitement la surproduction de marchandises (et de services) [5]. Cette surproduction n’est que le sous-produit de la loi de concurrence, de la « guerre économique » qui se mène entre les détenteurs de capitaux. La surproduction ne se traduit pas nécessairement par des stocks physiques de biens invendus (bien que cet aspect soit bien évidemment toujours présent). Désormais, grâce à une politique « rationnelle » de gestion de la production, des flux d’importation ou d’exportation, la « surproduction » n’est que latente. De toute manière, elle ne sera que relative, dans un monde où des besoins essentiels d’une part importante de la population ne sont pas satisfaits.

Elle ne peut être que relative car elle reste limitée par les capacités d’absorption du marché et conditionnée par l’existence d’une demande solvable qui dépendra pour l’essentiel, à l’issue du cycle de production, de la part de plus-value revenant à la force de travail, au « partage » entre les profits et les salaires. Que la position politique et sociale du salariat ait, dans ce « partage », un rôle déterminant relève de l’évidence.

De 2008 à aujourd’hui, la mise en valeur du capital s’est donc poursuivie, mais dans des conditions de plus en plus difficiles et prédatrices. Les grands groupes mondialisés ont été évidemment les mieux placés pour tirer bénéfice d’une situation où la base d’extorsion de la plus-value s’est restreinte, notamment dans les pays du « centre ». Les grands groupes se sont organisés autour de certains secteurs-clé de l’économie, souvent les plus rentables [6]. Cette « rationalisation » de la production n’a pu se faire qu’en introduisant de nouvelles technologies, c’est-à-dire des modes de production plus « efficients » (productivité accrue), en fait en réduisant encore, dans ces secteurs, la part du travail dans la production. Ces gains de productivité expliquent pourquoi il n’y a pas eu de créations nettes d’emplois lors des brefs « rebonds » conjoncturels qui se sont produits depuis 2008 (croissance sans emploi ou jobless recovery) et que les embauches réalisées ont été le plus souvent réalisées à des conditions salariales inférieures à celles de l’avant-crise. . Mais la « destruction » de capital ne concerne pas seulement le secteur « réel » de l’économie, elle concerne aussi les « bulles » de capital fictif accumulées, tout au long des phases récurrentes de la spéculation monétaire et financière. Il est évidemment difficile d’appréhender l’ampleur de ces processus permanents de destruction de valeur mais le comportement de la Bourse, très volatile en période de crise, permet cependant d’en avoir une idée. On a ainsi estimé qu’en deux jours, les 5 et 8 août 2011, en Europe et aux Etats-Unis, la capitalisation boursière aurait baissé de plus de 900 milliards d’euros, soit 37% des pertes des six mois précédents au cours desquels la seule baisse des marchés boursiers aurait fait perdre 3400 milliards d’euros de capitalisation boursière [7] des deux côtés de l’Atlantique (soit près d’un tiers du Produit Intérieur Brut des Etats-Unis).

Le secteur bancaire est un des secteurs où la « destruction » de capital fictif accumulé (générateur de confortables profits dans la phase d’ascension du cycle) est aujourd’hui le plus spectaculaire. Face à des débiteurs défaillants (les Etats dits « souverains » mais aussi des entreprises en difficulté) on assiste (voir plus haut) à une brutale dévalorisation de leurs actifs. Il leur faut réduire drastiquement leurs bilans et envisager des « recapitalisations » d’autant plus difficiles que les risques de leur faillite n’a jamais semblé aussi proche. En conséquence, la nouvelle « purge » envisagée dans le secteur en termes d’emplois, en Europe mais aussi aux Etats-Unis, apparaît comme particulièrement sévère : plus de 6000 licenciements à Unicredit en Italie, 4000 à la Société Générale et 1400 à la BNP en France, 50 000 dans les banques anglaises.

Robert Rollinat

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