Accueil > ... > Forum 1014

Ma grand-mère sans frontière

7 novembre 2011, 17:20, par MOSHE

Mais je demandais alors à Nona : « Comment les gens faisaient pour se marier entre religions différentes, entre ethnies différentes, jeunes d’origines différentes… ? », elle éclatait de rire ! « Qu’est-ce que tu racontes ? », parvenait-elle à dire quand elle avait fini de rire de ma magnifique incongruité. « Bien sûr que non ! Cela n’aurait jamais pu arriver ! Personne n’aurait osé insulter ainsi la tradition familiale ! Si des fous pareils avaient existé, ils auraient pris la fuite avant que leur affaire soit connue… »

La grande fraternité qui permettait à tous ces peuples de se côtoyer sans grands affrontements, d’aller aux mariages les uns des autres, d’admirer les produits artisanaux les uns des autres et de l’es échanger librement, était conditionnée par un apartheid total et aussi par un poids considérable des institutions traditionnelles de chaque peuple, des conseils de famille, de tribu, d’ethnie, de religieux. Chefs tribaux, chefs coutumiers, chefs religieux et chefs de famille représentaient un poids plus grand et plus proche qu’aucun appareil d’Etat. Les parents et les grands frères décidaient pour les enfants. Les hommes décidaient pour les femmes. Les chefs décidaient pour les peuples. Les religieux pesaient de tout leur poids. Pas besoin d’un Etat pour enfermer les peuples. L’oppression était bien plus forte, intériorisée qu’elle était au sein même des familles. Pas de meilleur oppresseur des femmes que les femmes elles mêmes. Pas de meilleur oppresseur des Juifs que les Juifs eux-mêmes. Pas de meilleur oppresseur des Arabes que les Arabes eux-mêmes. L’autocensure, l’autorépression, les interdits acceptés, voulus, transmis, appris aux enfants, justifiés par toute la société, étaient bien plus efficaces que des lois nationales, marquées dans le marbre d’une constitution. Eh oui, l’ambiance fraternelle entre villages était bien réelle, mais elle était conditionnée par le respect de la tradition qui, elle, pesait durement sur chacun des peuples. S’il n’y avait pas de police, pas de prison, pas de tribunaux, pas d’Etat en somme, cela ne voulait pas dire que l’on était au paradis de la liberté. Personne ne faisait ce qu’il voulait. Les fils de rabbin devenaient rabbins. Les enfants de forgerons devenaient forgerons. La liberté individuelle n’existait même pas en théorie et ma grand-mère allait très vite subir ce que pouvait vouloir dire le poids de la famille. Ce qui lui avait semblé être seulement une protection allait revenir en boomerang pour la frapper…

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.