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Chine : il n’y aura pas d’atterissage en douceur...

12 décembre 2011, 19:38, par WSWS

Au cours du dernier mois, une série de grèves a eu lieu en Chine. Bien que ces conflits soient encore petits et isolés, ils signalent un changement profond. L’entrée de la classe ouvrière internationale dans la lutte durant l’année 2011, à commencer par les soulèvements en Tunisie et en Egypte, et se propageant à l’Europe et au mouvement de protestation de l’Etat américain du Wisconsin, est en train de trouver un écho en Chine.

Au moment où des millions de travailleurs en Europe et aux Etats-Unis sont confrontés à l’austérité et à l’augmentation du chômage, ce déclin de leur niveau de vie se traduit en Chine par une perte de commandes d’exportations. A leur tour, les patrons des ateliers de surexploitation de Chine, confrontés à la diminution de leurs marges de profits, font peser ce fardeau sur les épaules des travailleurs, et c’est ce qui est à l’origine de ces dernières contestations.

Des grèves ont secoué les usines d’exportation du Delta de la rivière des Perles dans la province du Guangdong. Quelque 7 000 travailleurs de l’usine de chaussures de Yue Cheng ont fait grève le 17 novembre pour défendre les emplois contre le projet de la compagnie de déménager l’usine plus à l’intérieur du pays où le travail est moins cher. Ils ont été rejoints par des centaines de travailleurs de Top Form, grand producteur de sous-vêtements, et 1000 travailleurs d’une usine d’accessoires informatiques d’une entreprise taïwanaise. Dans les deux cas, les manifestations étaient contre les horaires de travail excessifs et les bas salaires.

Plus récemment, chez Shenzhen Hailiang Storage Products, 4 500 travailleurs sont en grève depuis dimanche dernier pour défendre leurs emplois et leurs conditions de travail, car l’usine va être vendue à la compagnie américaine de disque dur, Western Digital. Comme pour les autres arrêts de travail, les autorités chinoises ont réagi par des mesures d’Etat policier, et ont envoyé la police anti-émeute contre les 2000 travailleurs qui occupaient l’usine.

Le régime du Parti communiste chinois (PCC) est tout à fait conscient que cette agitation sociale est différente de la vague de grèves pour les salaires qui avait commencé l’année dernière à l’usine Honda. Les grèves de ces dernières semaines ne sont pas pour des hausses de salaire mais pour la défense des emplois et des conditions de travail au moment où les employeurs réduisent brutalement les coûts à tous les niveaux et veulent allonger la durée du travail et ne pas payer les heures supplémentaires.

Il y a déjà des inquiétudes sur le fait que les suppressions d’emplois pourraient être aussi importantes qu’en 2008 où 23 millions de travailleurs chinois avaient perdu leur emploi. Li Qiang, directeur du China Labour Watch (organisme de surveillance du travail en Chine) basé aux Etats-Unis, a récemment fait une mise en garde : « Des licenciements massifs dans les usines vont provoquer des manifestations et des bouleversements sociaux dans les zones urbaines et rurales de Chine, sous l’impulsion notamment des travailleurs des usines qui ont été licenciés et d’autre travailleurs migrants particulièrement marginalisés par la société. »

Ce que Beijing craint le plus c’est une action coordonnée des travailleurs, telle celle organisée le mois dernier par des milliers de travailleurs de PepsiCo dans une manifestation commune organisée via internet sur cinq provinces contre un projet de fusion et de suppression d’emplois. Pris par surprise, Beijing a par la suite donné l’ordre à sa police du net de bloquer les termes « Grève à PepsiCo » des services de microblogging.

La perspective d’une agitation de grande envergure a incité Zhou Yongkang, haut responsable du PCC à la sécurité de l’Etat à avertir cette semaine qu’à tous les niveau du gouvernement il fallait de toute urgence mettre en place « un système de gestion sociale », message codé signifiant des mesures d’Etat policier, « notamment lorsque l’on est confronté aux effets négatifs de l’économie de marché. »

La bureaucratie du PCC est toujours hantée par la dernière crise révolutionnaire en Chine, les protestations de masse en 1989 de travailleurs et d’étudiants sur la Place Tiananmen de Beijing et d’autres villes chinoises. Le régime avait dû déployer des tanks et des dizaines de milliers de soldats pour écraser ce qui était l’émergence d’une rébellion de la classe ouvrière contre l’impact dévastateur de la restauration capitaliste sur le niveau de vie.

L’expansion massive du capitalisme chinois durant ces deux dernières décennies n’a fait qu’accroître les tensions sociales. Avec la transformation de la Chine en atelier de surexploitation du capitalisme mondial, la classe ouvrière s’est développée pour englober 400 millions de personnes. La paysannerie qui n’était pas impliquée dans les manifestations de 1989 est à présent intimement liée aux villes du fait des millions de travailleurs qui migrent des campagnes vers les villes.

Le régime stalinien ne peut compter sur les syndicats gérés par l’Etat pour contenir une classe ouvrière rétive. La fédération chinoise des syndicats fonctionne directement pour le compte du gouvernement et des entreprises pour surveiller les employés. Aucun travailleur ne se tourne vers cette organisation pour obtenir du soutien lors d’un mouvement de grève.

Ainsi durant les récentes grèves chez PepsiCo, les travailleurs ont élu leurs propres représentants et tenu leurs propres assemblées générales pour conduire la lutte. Après qu’un accord conclu le 30 novembre ne les a pas satisfaits, les travailleurs de l’usine de mise en bouteille de Lanzhou ont décidé de poursuivre leur mouvement.

Mais de nombreux travailleurs ont encore l’illusion que des syndicats indépendants, tel que le prône Han Dongfang, directeur du Bulletin du travail de Chine, basé à Hong-Kong, sont un moyen de lutter pour leurs intérêts. Le but de Han, un des leaders des travailleurs durant les protestations de 1989, est explicitement de « dépolitiser » tout mouvement de grève, en d’autres termes, d’empêcher toute remise en question du régime stalinien et de confiner les travailleurs à des revendications de réformes limitées et au coup par coup.

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