Accueil > ... > Forum 4607

Pierre Bois, notre camarade

13 septembre 2012, 04:50, par RP

ENCORE ET A NOUVEAU... S’ORGANISER
par Pierre BOIS
C’est un sentiment unanime parmi les travailleurs que la politique antiouvrière que mène depuis des mois le gouvernement au service des capitalistes aurait pu être brisée si la classe ouvrière avait posé ses revendications dans une grève générale comme en juin 1936, qui aurait, comme alors, contraint la bourgeoisie à capituler.

Le souvenir de juin 1936 reste vivant pour les ouvriers comme l’exemple de l’action qui leur a permis de remporter une victoire sur leurs ennemis.

Cependant, depuis des mois, la volonté de lutte des ouvriers s’est montrée tout aussi forte qu’il y a onze ans. Depuis le mois de mai, un mouvement gréviste d’une ampleur formidable a déferlé sur tout le pays. Malgré tous les obstacles dressés devant les ouvriers, et notamment l’opposition de leurs propres organisations syndicales, toutes les catégories, sans exception, sont entrées en grève.

Mais ce qui a manqué à ces mouvements, pensent les ouvriers, c’est le mot d’ordre d’unification, la coordination, que seules les organisations syndicales auraient pu réaliser, alors qu’elles se sont efforcées d’étouffer chaque mouvement avant qu’un autre n’éclate ailleurs.

Or, en réalité, en 1936 non plus il n’y avait pas eu de mot d’ordre de grève générale. En 1936, comme maintenant, ce n’est pas la C.G.T. qui a pris l’initiative du mouvement.

Il y a d’abord eu toute la montée du mouvement ouvrier depuis la tentative du coup d’Etat fasciste du 6 février 1934. Lutte économique contre le chômage et pour des augmentations de salaires, lutte politique contre le fascisme et la guerre, 1936 a été l’apogée de tout ce mouvement qui a pris cependant les dirigeants "ouvriers" tout à fait à l’improviste. Le 28 mai, la grève sur le tas éclate dans quelques usines (Farman Dewoitine Toulouse, Renault, Citroën-Javel). Le 29 et le 30 mai, la grève s’étend à d’autres usines, parmi lesquelles les plus importantes de la région parisienne. Ce n’est que le 31 mai que la Fédération des Métaux publie un communiqué, invitant les ouvriers au "plus large esprit de conciliation" et à conclure rapidement "des accords sur les revendications particulières à l’entreprise" restant entendu que les problèmes généraux que posent la conclusion d’un contrat collectif seraient résolus entre les patrons et les travailleurs par l’intermédiaire de la chambre syndicale patronale et des syndicats ouvriers. La Fédération, en demandant aux ouvriers de reprendre le travail sur des "revendications particulières", s’efforce donc d’endiguer le mouvement.

Mais, dès le 3 juin, le mouvement se développe dans les métaux et le bâtiment à Paris et déborde en province dans les produits chimiques, l’alimentation, etc. L’union syndicale de la R.P. dément "les bruits de grève générale"... Elle appelle plus que jamais les travailleurs à conserver leur calme.

Mais le 4 juin, de même que les jours suivants, le mouvement gagne encore en ampleur, et, dès le 2 juin, la C.G.T. et la "Confédération générale du patronat français" signent les accords Matignon en présence du président du Conseil et du ministre de l’Intérieur.

En 1936, comme en 1947, l’organisation manquait au mouvement ouvrier. Les organisations syndicales n’ont pas plus en 1936 qu’en 1947 déclenché la grève ; elles ont été à la remorque du mouvement gréviste. Mais en 1936, leur emprise bureaucratique sur la classe ouvrière était moins forte et leur dépendance vis-à-vis du patronat et de l’Etat moins poussée ; les dirigeants "ouvriers", tout en essayant de minimiser la portée du mouvement gréviste et s’efforçant de le faire rentrer au plus tôt dans "l’ordre", ne pouvaient pas le briser.

La bourgeoisie, d’autre part, se trouvait plus disposée à faire aux ouvriers des concessions qui, à l’époque, pouvaient lui conserver pour un certain temps la "paix sociale" et la préserver du danger de tout perdre faute de lâcher quelque chose.

Cependant, même en 1936, bien que le mouvement gréviste ait eu lieu pour l’ensemble de la classe ouvrière et arraché d’importantes concessions (augmentation des salaires, les 40 heures, les congés payés, les contrats collectifs), le bénéfice de ces concessions a été perdu par la suite, faute d’organisations ouvrières qui les défendent. Les dirigeants syndicaux qui s’étaient employés à calmer les ouvriers, se hâtèrent de leur demander la reprise du travail dès les premières concessions patronales, sans avoir arraché aucune garantie pour leur sauvegarde.

En 1947, la situation de la bourgeoisie est telle qu’elle préfère perdre des millions de journées de travail plutôt que de s’engager dans la voie des concessions ; et elle se sent d’autant moins obligée de le faire que les organisations syndicales lui sont encore plus inféodées qu’en 36. Et elles ont pu, par leur emprise bureaucratique sur la classe ouvrière, saboter directement le mouvement de l’intérieur.
En 1936, sans organisations dévouées à leurs intérêts de classe, les ouvriers ont pu néanmoins déclencher la grève générale et arracher leurs revendications. Mais faute de cette organisation, ils ne purent pas conserver les avantages acquis. Ce fut le 30 novembre 38, puis la guerre.

Les événements de ces derniers mois ont montré qu’il ne sert à rien de parler même de grève générale si on ne fait en même temps des efforts pour rebâtir de nouvelles organisations qui brisent l’emprise bureaucratique sur la classe ouvrière. Les travailleurs ne doivent pas attendre des directives de lutte de là d’où n’est venue que la trahison, mais s’organiser pour pouvoir opposer de nouveaux dirigeants et cadres ouvriers à l’ancien appareil bureaucratique pourri. C’est seulement ainsi que la volonté de lutte des ouvriers, qui n’est pas moins forte aujourd’hui qu’en 36, portera ses fruits.

L’organisation indépendante à la base d’une fraction combative des ouvriers de chez Renault (S.D.R.) a été le premier coup direct porté à l’emprise bureaucratique des organisations pourries. Des ouvriers d’autres usines, grâce à cet exemple, en arrivent aussi à la conclusion qu’il faut faire notre politique nous-mêmes contre le patronat dans l’usine et établir la liaison avec des usines entre elles. Les militants du rang de la C.G.T., qui veulent la grève générale, doivent renoncer d’en parler s’ils ne tirent pas, eux aussi, les leçons de l’expérience, s’ils continuent à se bercer d’illusions et n’aident pas les ouvriers à s’organiser sur la base des usines indépendamment des ordres de la bureaucratie cégétiste.
P. BOIS.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.