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Le matriarcat, ses causes et sa fin sous les coups de la guerre sociale

13 mai 2012, 19:22, par RP

L’ancien matriarcat se retrouve aussi dans les mythes de l’immaculée conception comme le relève Lafargue :

« Tout d’abord il faut se demander si le christianisme est la seule religion qui possède le mythe de l’immaculée conception.

On retrouve ce mythe dans les religions des principaux peuples du bassin méditerranéen, et on pourrait peut-être ajouter de tous les peuples.

Trois déesses grecques, Junon, Minerve et Diane, portaient l’épithète de partheneia, virginale [1] Cependant Junon eut plusieurs enfants et Minerve, la vierge par excellence, fut plusieurs fois mère. D’après Cicéron et Aristote, elle avait mis au monde Apollon patrôos (protecteur des pères) ; Vulcain, en cette circonstance, avait été son mari, ou plutôt son violateur, ce qui ne l’empêchait pas de partager avec elle son temple sur l’acropole d’Athènes ; les fêtes des lampadephories étaient célébrées en l’honneur de Minerve et de Vulcain. — Neptune, en sa qualité de dieu marin, se permit un grand nombre de viols, la déesse athénienne fut une de ses victimes ; mais la Terre fut assez complaisante pour porter dans son sein le fils de Minerve et de Neptune, Erichthonius. Malgré ces enfants, la déesse continuait à recevoir l’épithète de vierge ; et son temple sur l’acropole, l’Erechtheum, était consacré à Minerve métro-parthenos, la vierge-mère. Elle était même une déesse tutélaire des femmes violées, fort nombreuses dans les tribus primitives de la Grèce, comme dans les tribus australiennes. Aethra, violée par Neptune dans l’île de Sphérie, éleva un temple à Minerve apaturia (décevante) ; quand Hercule eut triomphé de la reine des Amazones, il lui consacra la ceinture qu’il lui avait enlevée ; le jour de leur mariage, les fiancées de Trézenne faisaient hommage à Minerve de leurs ceintures.

Dans la tête des Grecs, l’idée de virginité et de maternité ne s’excluaient pas. Nous verrons tout à l’heure que vierge-mère signifiait mère sans le concours de l’homme, comme c’est le cas pour la vierge-mère Marie : mais dans les temps primitifs cela voulait dire mère sans être mariée. C’est ce qui explique ce passage des Euménides d’Eschyle, dans lequel Minerve dit que " quoique l’homme a tout son coeur, elle n’a jamais consenti à accepter le joug du mariage ". En Grèce, on appelait fils de vierge (parthenias), le fils d’une fille non mariée. La femme était censée vierge tant qu’elle n’était pas mariée.

La Grande Mère des dieux, dont le culte, répandu dans l’Asie antérieure, pénétra en Italie dans le cours du II° siècle avant Jésus-Christ, était également une vierge-mère, comme Minerve. " La mère des dieux, dit l’empereur Julien, est la déesse qui enfante et qui a commerce avec le grand Jupiter, qui engendre et organise les êtres avec le père de tous ; cette vierge sans mère s’assied à côté de Jupiter, parce qu’elle est réellement la mère de tous les dieux. " Ainsi qu’on le verra plus loin, le grand Jupiter tenait une position très humble vis-à-vis d’elle ; il n’était pas son époux, mais son Joseph. La mère des dieux restait toujours vierge, malgré sa nombreuse progéniture, parce qu’elle n’était pas mariée.

Assurément, l’idée de vierge-mère devait avoir pris naissance à l’époque où le mariage par couple, par paire, dit Morgan, remplaçait le mariage par groupe ou par clans : une femme alors restait vierge quoique mère, tant qu’elle n’avait pas été liée par une union monogamique. Minerve et la Mère des dieux, qui appartiennent à la plus antique génération divine, devaient être les divinités des Grecs et des Phrygiens alors qu’ils avaient des moeurs maritales analogues à celles des peuplades polynésiennes.

Plus tard, sans doute, le mot de vierge-mère prit un autre sens et signifia mère sans l’intervention de l’homme. Junon se glorifiait d’avoir eu Mars et Hébé, sans le secours d’aucun mâle , c’était sa manière de répondre à Jupiter qui se targuait d’avoir donné naissance à Minerve. Isis, la grande déesse d’Egypte, inscrivait fièrement sur ses temples : Je suis la mère du roi Horus et personne n’a relevé ma robe.

Si des bords de la Méditerranée, nous passons à l’extrême Nord, en Finlande, nous retrouvons le même mythe. Dans le Kalevala, le poème national des Finnois, il est parlé de trois vierges qui sont fécondées par l’air. lsnatar, la " belle vierge ", chante : " Je suis la plus ancienne des femmes, je suis la première mère des humains, j’ai été cinq fois épouse et six fois fiancée, " mais elle restait toujours vierge, elle n’avait qu’à divorcer pour redevenir vierge. Les Argiens prétendaient que leur déesse poliade (protectrice de ville), Junon, allait tous les ans se baigner à la fontaine Canathos, à Nauplie, pour recouvrer sa virginité. Peut-être que les femmes d’ Argos se baignaient à la fontaine Canathos pour divorcer.

Ce qui prouve bien que, comme toujours, les dieux ne faisaient que reproduire les moeurs des humains, c’est que les mortels avaient également le privilège des conceptions immaculées. Le vieux barde du Kalevala, Wänamoinen, est le fils de la viierge Luounotar, fille d’Ilna mère des héros, qui a été fécondée par la mer. Une inscription de Sargon, un des plus anciens rois de la Chaldée, que Lenormand fait remonter à 3.800 avant Jésus-Christ, dit : " Sargon, roi puissant, roi d’Agadé, moi ! — ma mère me conçut sans la participation de mon père. "

Les femelles des animaux possédaient aussi le privilège des conceptions immaculées. Les juments de Rhésus, " plus blanches que la neige et plus rapides que l’air ", étaient fécondées par l e zéphyr, au bord de la mer. Borée, le vent du nord, remplissait cette fonction pour les cavales d’Erichthonius. Les juments de Cappadoce, du Tage, et d’autres lieux, procréaient de cette curieuse façon. »

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