Accueil > ... > Forum 2533

La trahison de la révolution russe a-t-elle commencé avec la signature des accords de Brest-Litovsk comme le prétendent les communistes de gauche tels Boukharine et Radek ?

11 juin 2012, 15:45, par Robert Paris

Trotsky :

Dès les premiers jours de la révolution, nous avons dit que la révolution russe ne serait capable de l’emporter et de libérer le peuple russe qu’à la condition qu’elle marque le début d’une révolution dans tous les pays, mais que si, en Allemagne, le règne du capital subsistait, si, à New York, la suprématie de la Bourse se maintenait, si, en Angleterre, l’impérialisme britannique conservait le pouvoir, comme il l’a fait jusqu’à présent, alors, c’en serait fait de nous, car ils sont plus forts, plus riches et aussi plus instruits que nous, et leurs machines militaires sont plus puissantes que les nôtres. Ils nous étrangleraient, parce que – en premier lieu – ils sont les plus forts, et que – en second lieu – ils nous haïssent. Nous nous sommes révoltés, nous avons renversé dans notre pays le règne de la bourgeoisie. C’est là la source de la haine qu’éprouvent pour nous les classes possédantes de tous les pays. On ne peut comparer notre bourgeoisie à la bourgeoisie allemande ou anglaise. Là-bas, il s’agit d’une classe puissante, qui a un passé à elle, une époque où elle réalisait des conquêtes culturelles, développait la science, et pensait que nulle autre qu’elle ne pouvait détenir le pouvoir, nulle autre qu’elle gouverner l’Etat.

Tout bourgeois digne de ce nom pense que c’est la nature elle-même qui l’a destiné à dominer, à commander, à chevaucher les échines des masses laborieuses, tandis que l’ouvrier vit, jour après jour, sous le joug, et que son horizon demeure étroit ; il a bu avec le lait maternel ses préjugés d’esclave, et croit que gouverner l’Etat, prendre le pouvoir est bien au-delà de ses possibilités, qu’il n’a pas été conçu pour cela, qu’il est fait d’une substance trop pauvre.

Mais regardez, voici que les ouvriers et les paysans de Russie ont fait le premier pas – un bon pas, un pas ferme, encore que ce ne soit qu’un premier pas, pour en finir avec les classes possédantes, dans leur propre pays aussi bien que dans les autres pays. Ils ont démontré que les masses travailleuses sont faites de la même étoffe que tout le monde, et qu’elles veulent tenir tout le pouvoir dans leurs mains et gouverner tout le pays. Bien entendu, lorsque la bourgeoisie a vu qu’en prenant le pouvoir nous étions absolument sérieux, que ce que nous voulions faire, c’était réellement détruire la domination du capital et mettre à sa place la domination du travail, sa haine pour nous s’est prodigieusement enflée. Au début, les classes possédantes, les exploiteurs ont cru qu’il ne s’agissait que d’un malentendu temporaire, que c’était seulement une vague isolée de la révolution qui nous avait donné une puissante impulsion, et nous avait élevés, comme par accident, que les travailleurs ne s’étaient emparés du pouvoir que pour un moment, et que tout cela serait terminé dans une semaine ou deux, ou trois. Mais un peu plus tard, ils commencèrent à réaliser que les travailleurs se tenaient fermement à leurs nouveaux postes et que, tout en disant que les temps étaient durs, que des épreuves encore plus grandes les attendaient, de plus grandes ruines, une famine encore plus intense, cependant, une fois qu’ils avaient pris le pouvoir, ils ne le laisseraient jamais échapper de leurs mains. Jamais !

La bourgeoisie de tous les pays commença alors à s’apercevoir qu’une terrible infection s’étendait, venant de l’Est, de la Russie. En effet, une fois que l’ouvrier russe, le plus ignorant, le plus surexploité, le plus harassé de tous a saisi le pouvoir entre ses mains, ceux des autres pays doivent nécessairement se dire tôt ou tard : si les ouvriers russes, qui sont de loin plus pauvres, plus faibles, moins bien organisés que nous, peuvent saisir le pouvoir dans leurs mains, alors si nous, les ouvriers avancés du monde entier, prenons le bâton russe, renversons notre propre bourgeoisie, et organisons toute l’industrie, alors en vérité nous serons invincibles, et nous créerons une république universelle du travail.

Oui, camarades, nous sommes redoutés ; nous nous dressons devant la conscience des classes possédantes comme un spectre. Les impérialistes anglais combattent les impérialistes allemands, mais, de temps en temps, ils jettent un coup d’œil anxieux avec l’intention de saisir la révolution russe à la gorge. De la même façon, l’impérialisme allemand, tout enchaîné qu’il est à ses ennemis, ne peut s’empêcher de nous lancer de temps en temps un regard furtif, d’essayer de trouver une occasion favorable pour nous poignarder au cœur. Les impérialismes de tous les autres pays ont la même idée en tête. Il n’existe pas de différence nationale sur ce point, car les intérêts communs de ces bandits et de ces bêtes de proie les unissent contre nous, et laissez-moi vous le rappeler, camarades, que nous vous avons toujours dit que si la révolution ne s’étendait pas à d’autres pays, nous serions, en fin de compte, écrasés par le capitalisme européen. Il n’y aura pas d’échappatoire possible, et notre tâche, à l’heure actuelle, est de temporiser, de tenir jusqu’à ce que la révolution commence dans tous les pays d’Europe – tenir, consolider nos forces et nous tenir plus solidement sur nos pieds, car, à l’heure actuelle, nous sommes faibles, délabrés, et moralement faibles.

Nous connaissons nous-mêmes nos propres erreurs, et nous n’avons pas besoin des critiques de l’extérieur, de la bourgeoisie et des conciliateurs qui ont miné l’Etat et la vie économique russes, leurs critiques ne valent pas deux sous. Mais nous avons besoin de nos propres critiques afin de comprendre nos propres erreurs. Et, à cet égard, il faut, avant tout, dire ce qui suit : la classe ouvrière russe, le peuple laborieux de Russie, doit comprendre qu’une fois qu’il a pris le pouvoir dans l’Etat, il assume la responsabilité du destin du pays tout entier, de la vie économique tout entière, de l’Etat tout entier.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.