Accueil > ... > Forum 29514

Les répercussions de la révolution d’Octobre en 1917-1919 en Pologne et en Hongrie

28 novembre 2017, 07:33

Trotsky et les gauches communistes allemands :

La stratégie de la contre-révolution allemande et les éléments aventuriers de gauche

Etudiez à ce point de vue toute l’histoire de la révolution allemande. En novembre 1918, la monarchie est renversée et le problème de la révolution prolétarienne est mis à l’ordre du jour. En janvier 1919, se déroulent des combats révolutionnaires sanglants de l’avant-garde prolétarienne contre le régime de la démocratie bourgeoise ; ces combats se renouvellent en mars 1919. La bourgeoisie s’oriente rapidement et élabore son plan stratégique : elle bat le prolétariat en le divisant. Les meilleurs chefs de la classe ouvrière : Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, tombent. Au mois de mars 1920, après la tentative de coup d’Etat contre-révolutionnaire de Kapp, brisé par une grève générale, une nouvelle insurrection partielle éclate : la lutte armée des ouvriers du bassin de la Ruhr. Le mouvement s’achève par un nouvel échec et en laissant de nouvelles et innombrables victimes. Enfin, au mois de mars 1921, nous avons encore une guerre civile, encore partielle, et une nouvelle défaite.

Lorsque, en janvier et mars 1919, une partie des ouvriers allemands s’était révoltée et avait perdu ses meilleurs chefs, nous souvenant de notre propre expérience, nous avons dit : « Ce sont les journées de juillet du Parti Communiste allemand ». Vous vous rappelez tous les journées de juillet à Pétrograd en 1917... Pétrograd a devancé le pays, s’est jeté seul dans la bataille, la province ne l’ayant pas suffisamment soutenu, et il s’est trouvé encore dans l’armée de Kérensky des régiments arriérés pour étouffer le mouvement. Mais à Pétrograd même, la majorité écrasante du prolétariat était déjà avec nous. Les journées de juillet à Pétrograd sont devenues une prémisse de celles du mois d’octobre. Certes , nous avons commis aussi, au mois de juillet, certaines erreurs ; mais nous ne les avons pas érigées en système. Nous avons considéré les combats des mois de janvier et de mars de 1919 comme un « juillet » allemand. Toutefois ce « juillet », en Allemagne, n’a pas été suivi d’un « octobre », mais d’un mars 1920, soit d’une nouvelle défaite, sans même parler de petits échecs partiels et du massacre systématique des meilleurs chefs locaux de la classe ouvrière allemande. Lorsque, dis-je, nous avons vu le mouvement de mars 1920 et ensuite celui de mars 1921, nous n’avons pas pu ne pas dire : non, il y a trop de journées de juillet en Allemagne, nous voulons un « octobre ».

Oui, il faut préparer un « octobre » allemand, une victoire de la classe ouvrière allemande. Et c’est ici que les problèmes de la stratégie révolutionnaire se posent devant nous dans toute leur ampleur. Il est parfaitement clair et évident que la bourgeoisie allemande, c’est-à-dire sa clique dirigeante, a poussé sa stratégie contre-révolutionnaire jusqu’au bout : elle provoque certaines fractions de la classe ouvrière, elle les pousse à l’action, elle les isole dans des régions particulières, elle les guette les armes à la main et en visant la tête : les meilleurs représentants de la classe ouvrière. Dans la rue ou dans une chambre de torture, dans un combat ouvert ou lors d’une soi-disant tentative de fuite, par l’arrêt d’une cour martiale ou bien de la main d’une bande illégale périssent des individus, des dizaines, des centaines, des milliers de communistes qui personnifient la plus haute expérience prolétarienne ; c’est une stratégie sévèrement calculée, froidement réalisée et qui s’appuie sur toute l’expérience de la classe au pouvoir.

Et c’est dans ces conditions, quand la classe ouvrière allemande dans son ensemble sent instinctivement qu’on ne pourra pas avoir raison d’un tel ennemi avec des mains désarmées, que l’enthousiasme seul n’y suffit plus, mais qu’on a besoin encore d’un calcul froid, d’une claire vision des choses, d’une préparation sérieuse, et quand elle attend tout cela de son parti, on lui dit d’en haut : notre devoir est de n’appliquer qu’une stratégie offensive, c’est-à-dire d’attaquer à toute occasion car, voyez-vous nous sommes entrés dans une période révolutionnaire. C’est absolument comme si un commandant d’armée avait dit : « Puisque nous avons commencé la guerre, notre devoir est d’attaquer partout et toujours. » Un tel chef serait infailliblement battu, même s’il disposait de forces supérieures... Mieux encore ; il existe des « théoriciens », tels que le communiste allemand Maslow, qui arrivent à dire, à propos des événements de mars, des énormités : « Nos adversaires, dit Maslow, nous font grief, à propos de notre action de mars, de ce que nous considérons comme notre mérite, à savoir de ce que le Parti, en entrant dans la lutte, ne se soit pas posé la question de savoir s’il serait suivi de la classe ouvrière ». C’est une citation presque littérale ! Au point de vus des révolutionnaires subjectifs ou bien des socialistes-révolutionnaires de gauche, c’est parfait ; mais au point de vue marxiste, c’est tout simplement monstrueux !

Les tendances aventureuses et la IVe Internationale

Notre devoir révolutionnaire nous oblige à entreprendre une offensive contre les Allemands, ont déclaré les socialistes-révolutionnaires de gauche au mois de juillet 1918. Nous serons battus ? Qu’importe ! Notre devoir est de marcher en avant. Les masses ouvrières ne veulent pas ? Eh bien, on peut lancer une bombe contre Mirbach pour forcer les ouvriers russes à continuer la lutte dans laquelle ils doivent infailliblement périr. De tels raisonnements sont très répandus dans le groupement dit Parti Communiste Ouvrier d’Allemagne (K.A.P.D.). C’est un petit groupe de socialistes-révolutionnaires prolétariens de gauche. Nos S.-R. de gauche recrutent, ou plutôt ont recruté, leurs partisans principalement parmi les intellectuels et les paysans ; telle est leur caractéristique sociale ; mais leurs méthodes politiques sont les mêmes : c’est un révolutionnaire hystérique, prêt à chaque moment à appliquer des mesures et des méthodes extrêmes sans compter avec les masses et avec la situation générale ; c’est l’impatience au lieu du calcul ; c’est une ivresse due à la phraséologie révolutionnaire ; tout cela caractérise aussi pleinement le Parti Communiste Ouvrier d’Allemagne. Au Congrès , un des orateurs qui parlait au nom de ce parti, s’est exprimé en substance de la façon suivante : « Que voulez-vous, la classe ouvrière d’Allemagne est imbue (il a même dit verseucht, c’est-à-dire « empestée ») d’une idéologie de philistins, de bourgeois, de petits-bourgeois ; que voulez-vous qu’on en fasse ? Vous ne la pousserez pas dans la rue autrement qu’en ayant recours à un sabotage économique... « Et lorsqu’on lui avait demandé ce que cela signifiait, il expliqua : « A peine les ouvriers commencent-ils à vivre un peu mieux, qu’ils se tranquillisent et ne veulent plus de révolution ; mais lorsque nous troublons le mécanisme de la production, quand nous faisons sauter les fabriques, les usines, les voies ferrées, etc., la situation de la classe ouvrière empire, et par conséquent elle devient plus apte à la révolution. » N’oubliez pas que ceci est dit par un représentant d’un parti « ouvrier ». Mais c’est d’un scepticisme absolu !.. Il s’ensuit, si nous appliquons le même raisonnement à la campagne, que les paysans le plus conscients de l’Allemagne doivent incendier leurs villages, lancer le coq rouge à travers le pays entier, pour révolutionner ainsi les habitants des campagnes. On ne peut ne pas rappeler ici que, pendant la première période du mouvement révolutionnaire en Russie, vers 1860, lorsque les révolutionnaires intellectuels étaient encore incapables de toute action, enfermés qu’ils étaient dans leurs petits cénacles, et qu’ils se butaient continuellement à la passivité des masses ouvrières, c’est alors que certains groupements, tels les partisans de Netchaïeff, ont été amenés à penser que le feu et les incendies constituaient un véritable élément révolutionnaire de l’évolution politique russe... Il est tout à fait clair qu’un tel sabotage, dirigé, par son essence même, contre la majorité de la classe ouvrière, constitue un moyen anti-révolutionnaire qui crée un conflit entre la classe ouvrière et un parti « ouvrier » dont le nombre des membres est d’ailleurs difficile à déterminer ; il ne dépasse pas toujours 3 ou 4 dizaines de mille, tandis que le Parti Communiste Unifié compte, comme vous le savez, environ 400.000 adhérents.

Le Congrès a mis à son ordre du jour la question du K.A.P.D. dans toute son acuité en demandant à cette organisation de convoquer, dans un délai de trois mois, un Congrès et de s’unir avec le Parti Communiste Unifié, ou bien de se placer définitivement en dehors de l’Internationale Communiste. Il y a tout lieu de croire que le K.A.P.D., tel qu’il est représenté par ses chefs actuels, aventuriers et anarchistes, ne se soumettra pas à la décision de l’Internationale et, se trouvant ainsi en dehors d’elle, essayera, probablement, avec d’autres éléments « extrémistes de gauche », de former une IVe Internationale. Notre camarade Kollontaï a soufflé, au cours de notre Congrès, un peu dans la même petite trompette. Ce n’est un secret pour personne que notre Parti constitue pour le moment le levier de l’Internationale Communiste. Cependant la camarade Kollontaï a présenté l’état de choses dans notre Parti de telle façon qu’il pourrait sembler que les masses ouvrières, avec la camarade Kollontaï en tête, seront obligées, un mois plus tôt ou plus tard, de faire une « troisième révolution » afin d’établir un « véritable » régime des soviets. Mais pourquoi une troisième et non pas une quatrième, puisque la troisième révolution faite au nom d’un « véritable » régime des soviets a eu déjà lieu au mois de février à Cronstadt ?.. Il y a encore des extrémistes de gauche en Hollande. Peut-être y en a-t-il encore dans d’autres pays. Je ne sais pas s’ils ont été tous pris en considération. Toujours est-il que leur nombre n’est pas extraordinaire et c’est le péril de devenir très nombreuse qui menacerait le moins la Quatrième Internationale, si par hasard elle était fondée. Certainement ce serait dommage de perdre même un petit groupement de bons militants ouvriers se trouvant, sans aucun doute, dans leur nombre. Mais si cette scission des sectaires doit s’accomplir, nous aurons dans le plus proche avenir non seulement l’Internationale 2 1/2 à notre droite, mais encore l’Internationale n°4, à notre gauche, dans laquelle le subjectivisme, l’hystérie, l’esprit d’aventure et la phraséologie révolutionnaire seront représentés dans leur forme la plus achevée. Nous aurons ainsi un épouvantail « de gauche » dont nous nous servirons pour enseigner la stratégie à la classe ouvrière. Chaque chose, comme vous voyez, a ainsi deux côtés : l’un positif et l’autre négatif.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.