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Les répercussions de la révolution d’Octobre en 1917-1919 en Pologne et en Hongrie

28 novembre 2017, 07:33

La suite du texte de Trotsky :

Les erreurs des gauches et l’expérience russe

Cependant, à l’intérieur même du Parti Communiste Unifié, il y avait des tendances antimarxistes qui se sont fait jour d’une façon assez frappante en mars et après mars. J’ai déjà cité l’article étonnant de Maslow. Mais Maslow n’est pas seul. On publie à Vienne un journal, Communismus, organe de l’Internationale Communiste en langue allemande. Dans la livraison de juin de cette revue, nous trouvons un article qui étudie la situation dans l’Internationale et dans lequel nous lisons en substance ceci : « Le trait principal de la période révolutionnaire actuelle est que nous devons dans des combats partiels, même purement économiques, tels que les grèves, lutter les armes à la main. « Voici, camarades, une stratégie à l’envers !.. Pendant que la bourgeoisie nous provoque pour des combats partiels et sanglants, certains de nos stratèges veulent faire une règle de ce genre de bataille. N’est-ce pas monstrueux ? La situation objective en Europe est profondément révolutionnaire. La classe ouvrière le sent, et pendant toute cette période d’après-guerre, elle s’est jeté en avant pour lutter contre la bourgeoisie. Mais elle n’a nulle part obtenu la victoire, sauf en Russie. C’est alors qu’elle a commencé à comprendre qu’elle avait devant elle une tâche difficile et elle s’est mise à forger une arme pour la victoire : le Parti Communiste. Ce dernier a fait sur ce chemin, en Europe, au cours de cette dernière année, des pas de sept lieues. Nous avons maintenant de vrais partis communistes de masse en Allemagne, en France, en Tchéco-slovaquie, en Yougo-Slavie, en Bulgarie... Une poussée énorme ! En quoi consiste notre tâche la plus proche ? Elle consiste en ce que les partis conquièrent dans le plus bref délai la majorité des ouvriers industriels et une grand partie des ouvriers agricoles, et même les paysans pauvres, comme nous les avons conquis avant le mois d’octobre ; d’ailleurs, sans cette conquête, nous n’aurions pas eu notre victoire d’octobre. Cependant certains stratégistes à la manque disent que, l’époque étant maintenant révolutionnaire, notre devoir est de mener la lutte à chaque occasion, même une lutte partielle, avec des méthodes de révolte armée. Mais la bourgeoisie ne demande que cela ! Au moment où le Parti Communiste se développe avec une rapidité extraordinaire et étend de plus en plus ses ailes au-dessus de la classe ouvrière tout entière, la bourgeoisie provoque la partie la plus impatiente et la plus combative des ouvriers à une lutte prématurée, sans l’appui de la grande masse ouvrière, afin de battre le prolétariat en le fractionnant et de saper ainsi sa foi dans sa capacité de victoire sur la bourgeoisie. Dans ces conditions, la théorie de l’offensive continue et des luttes partielles menées avec les méthodes de révolte armée, est de l’eau pour le moulin de la contre-révolution. Voici pourquoi, au IIIe Congrès, le Parti russe, soutenu par tous les éléments les plus mûrs, a dit d’une voix ferme aux camarades de l’aile gauche : « Vous êtes des révolutionnaires excellents, vous allez vous battre et mourir pour le communisme, mais cela ne suffit point. Ce n’est pas assez que de se battre, il faut vaincre ! » Et pour cela, il faut mieux apprendre l’art de la stratégie révolutionnaire.

Je pense, camarades, que la marche réelle de la révolution prolétarienne en Russie et, jusqu’à un certain point en Hongrie, est une des causes les plus sérieuses de la sous-estimation des difficultés de la lutte révolutionnaire et de la victoire en Europe. Nous avons eu chez nous, en Russie, une bourgeoisie historiquement arriérée, politiquement débile, assujettie au capital européen et ayant de faibles racines politiques dans le peuple russe. D’autre part, nous avons eu un parti révolutionnaire avec un long passé de travail souterrain, éduqué et trempé dans les combats et qui a profité consciemment de toute l’expérience de la lutte révolutionnaire européenne et universelle. L’état des paysans russes, par rapport à la bourgeoisie et au prolétariat, le caractère et l’état d’esprit de l’armée russe après la débâcle militaire du tsarisme, tout cela a rendu la révolution d’octobre inévitable et a énormément facilité la victoire révolutionnaire (bien que cela ne nous ait pas libérés des difficultés ultérieures, mais, au contraire, les ait préparées dans des proportions gigantesques). Vu la facilité relative de la révolution d’octobre, la victoire du prolétariat russe n’est pas apparue, aux milieux dirigeants des ouvriers européens, dans une mesure suffisante, comme un problème politique et stratégique et n’a pas été suffisamment bien comprise.

L’essai suivant pour s’emparer du pouvoir a été fait par le prolétariat, sur une moindre échelle mais plus près de l’Europe occidentale, en Hongrie. Là, les conditions étaient telles que le pouvoir est tombé entre les mains des communistes presque sans aucune lutte révolutionnaire. Par cela même les problèmes de la stratégie révolutionnaire, au mouvement de la lutte pour le pouvoir, ont été réduits, naturellement, au minimum.

D’après l’expérience de la Russie et de la Hongrie, non seulement les masses ouvrières, mais aussi les partis communistes des autres pays, ont compris avant tout que la victoire du prolétariat était inévitable et ils sont passés ensuite à l’étude directe des difficultés qui découlent d’une victoire de la classe ouvrière. Mais en ce qui concerne la stratégie de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir, elle semblait très simple et, pour ainsi dire, compréhensible d’elle-même. Ce n’est pas pur hasard si certains camarades hongrois éminents, ayant bien mérité de l’Internationale, font montre d’une tendance à une simplification excessive des problèmes de la tactique prolétarienne à l’époque révolutionnaire, en remplaçant cette tactique par un appel à l’offensive.

Le IIIe Congrès a dit aux communistes de tous les pays : la marche de la révolution russe est un exemple historique très important, mais ce n’est nullement une règle politique. Et encore : seul un traître peut nier la nécessité d’une offensive révolutionnaire ; mais seul un simple d’esprit peut réduire à l’offensive toute la stratégie révolutionnaire.

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