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Crise grave, crise systémique ou bout du monde pour le capitalisme ?

14 septembre 2012, 07:02, par Robert Paris

Vous n’ignorez pas que le capitalisme, considéré comme une organisation économique, est plein de contradictions. Ces contradictions ont atteint des proportions colossales pendant la guerre. Afin de se procurer les moyens de mener la guerre, l’Etat a eu principalement recours aux deux mesures suivantes : en premier lieu, il émettait du papier-monnaie et, d’autre part, il lançait des emprunts. C’est ainsi que la circulation des soi-disant valeurs augmentait de plus en plus ; grâce à ce moyen, l’Etat tirait du pays des valeurs matérielles effectives et les détruisait à la guerre. Plus l’Etat dépensait, c’est-à-dire plus il détruisait de valeurs réelles, plus s’amoncelaient dans le pays les valeurs fictives. Les titres d’emprunt s’entassaient partout. Il semblait que le pays s’était extraordinairement enrichi, mais, en réalité, ses fonctions économiques faiblissaient de plus en plus, étaient de plus en plus ébranlées, tombaient en ruines. Les dettes d’Etat ont atteint environ 1.000 milliards de marks-or, ce qui constitue 62% de la richesse nationale actuelle des pays belligérants. Avant la guerre, il y avait en circulation du papier-monnaie et des titres de crédit pour 28 milliards de marks-or environ ; il y en a en ce moment 220-280 milliards, c’est-à-dire dix fois plus, sans compter, il est évident, la Russie, puisque nous ne parlons que du monde capitaliste. Tous ceci concerne principalement, sinon exclusivement, les pays d’Europe, surtout ceux du continent et, en premier lieu l’Europe Centrale. En général, au fur et à mesure que l’Europe devenait et continuait à devenir plus pauvre, elle se recouvrait et elle se recouvre d’une couche de plus en plus épaisse de valeurs-papier ou de ce qu’on appelle capital fictif. Ce capital fictif : papiers de crédit, bons du Trésor, titres d’emprunts, bank-notes, etc., représente soit le souvenir du capital défunt, soit l’espoir d’un capital nouveau. Mais ce moment, aucun capital réel ne lui correspond. Lorsque l’Etat négociait un emprunt pour des oeuvres productives, comme par exemple pour le canal de Suez, les valeurs en papier émises par l’Etat, avaient leur contrepartie dans une valeur réelle, le canal de Suez, par exemple, qui laisse passer des bateaux, en touche une rémunération, donne des revenus, en un mot participe à l’économie nationale. Mais lorsque l’Etat empruntait pour la guerre, les valeurs mobilisées au moyen de l’emprunt détruisaient et ruinaient en même temps des valeurs nouvelles. Cependant les titres d’emprunt sont restés dans les poches et dans les portefeuilles des citoyens ; l’Etat leur doit des centaines de milliards, ces centaines de milliards existent sous la forme de richesse-papier dans la poche de ceux qui ont prêté à l’Etat. Mais où sont-ils ces milliards réels ? Ils n’existent pas. Ils ont été détruits, ils ont été brûlés. Le détenteur de ce papier, qu’espère-t-il ? Si c’est un Français, il espère que la France arrachera ces milliards à l’Allemand, avec la chair du débiteur, et le payera. La destruction des fondations des nations capitalistes, c’est-à-dire la destruction de leur appareil producteur a été poussée, en réalité, sous plusieurs rapports plus loin que les statistiques ne peuvent l’établir.

Léon Trotsky - août 1921

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