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Les révolutions paysannes de Chine

19 novembre 2012, 10:16

Confronté à une contestation montante et affaibli par sa propre décadence, le pouvoir impérial avait promis en 1908 d’établir un régime constitutionnel au plus vite. Malgré ces promesses, la clique dirigeante du pays ne cessa de repousser toutes les réformes jusqu’à ce qu’une mutinerie menée par de jeunes officiers en octobre 1911 ne s’étende à tout le pays en quelques semaines, renversant le gouvernement et fondant la République de Chine.

Sun Yat-Sen, rentré d’exil en catastrophe, fut proclamé premier président de ce nouvel Etat, mais fut très vite relégué au second plan par une clique réactionnaire dirigée par Yuan Shikaï, ancien ministre impérial devenu un « fervent » républicain à partir de la proclamation de la république. Cette situation n’allait faire qu’empirer, l’inconstance et les hésitations du Kuomintang favorisant une vague de réaction qui alla jusqu’à une tentative de rétablissement de l’Empire en 1917. Très vite, la plupart des gouverneurs locaux s’autonomisèrent, des provinces entières firent sécession (notamment le Tibet, dont les dirigeants féodaux et cléricaux demandèrent l’aide de l’Angleterre de peur que la révolution ne remette en cause leur propre pouvoir) et la Chine bascula dans une période de guerre civile chaotique où presque toutes les provinces, dirigées par des « seigneurs de la guerre » rivaux se retrouvèrent en guerre les unes contre les autres.

Sun Yat-Sen ayant renoncé, faute de disposer d’une force armée suffisante, à renverser le gouvernement central, marionnette des seigneurs de la guerre, le Kuomintang se réfugia au sud du pays, à Canton, pour un fonder un gouvernement révolutionnaire. Le choix de la ville de Canton s’explique d’abord par le fait qu’il s’agissait d’un port de commerce florissant, fournissant ainsi à Sun Yat-Sen l’occasion de financer son nouveau gouvernement et l’armée qu’il comptait lui donner ; Canton offrait un autre avantage. Elle se trouvait très près de la colonie britannique de Hong-Kong et de la colonie portugaise de Macao, favorisant ainsi les contacts avec l’étranger. Sun Yat-Sen, à cette époque, était en effet partisan d’une intervention internationale, sous mandat de la Société des Nations, pour « rétablir l’ordre » en Chine. Mais aucune puissance n’en voyant l’intérêt, Sun Yat-Sen restait livré à lui-même, obligé de négocier sa survie avec les seigneurs de la guerre qui l’entouraient.

Les puissances impérialistes voyaient en effet la situation chinoise d’un très bon œil, d’une part parce qu’elle leur permettait d’écouler les stocks non utilisés de la Première Guerre mondiale en les revendant aux différentes factions en lutte, et d’autre part parce que cela facilitait le partage du pays entre impérialistes et l’exploitation de ses ressources, chaque grande puissance se choisissant un « poulain » parmi les seigneurs de la guerre. Le puissant voisin japonais, entré tardivement dans la course impérialiste pour le partage du monde, rattrapait son retard par une politique agressive vis-à-vis de ses voisins plus faibles, la Chine et la Corée. Après avoir gagné une guerre de rapine contre la Chine en 1895, ce qui lui permit d’annexer l’île de Taiwan, et envahi la Corée aux prix d’une guerre contre la Russie en 1904-1905, le Japon impérial regardait avec avidité la Chine, immense réservoir de richesses et de territoires sous-peuplés, semblant n’attendre que la colonisation japonaise pour rétablir l’ordre et exploiter les terres et les hommes. Utilisant les mêmes arguments racistes que les Européens vis-à-vis de leurs propres colonies (« les Chinois sont un peuple inférieur qui a besoin de la tutelle du Japon pour se développer… »), le Japon se lança dans une politique systématique de soumission de la Chine, utilisant notamment la Conférence de Paix de Versailles pour exiger du gouvernement chinois la reconnaissance officielle de la tutelle japonaise sur la Chine. Exigence que le gouvernement central de Beijing s’empressa d’accepter.

Dès que la nouvelle de cette acceptation arriva en Chine en mai 1919, ce fut l’explosion : les étudiants de Beijing, entraînant derrière eux les masses ouvrières et les commerçants, excédés de la concurrence des produits japonais, organisèrent des meetings de protestation et des manifestations et initièrent la première grève politique de masse de l’histoire de la Chine. Bien qu’il fût écrasé par les troupes coalisées des seigneurs de la guerre, le « mouvement du 4 mai » avait joué un rôle fondamental en faisant rentrer pour la première fois en politique les grandes masses chinoises. C’est l’échec de ce mouvement qui convainquit de nombreux intellectuels radicaux de se tourner vers une nouvelle source d’inspiration, révolutionnaire et anti-impérialiste : la révolution bolchevique qui avait eu lieu en Russie deux ans plus tôt.

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