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Pourquoi nous combattons l’idéologie du progrès ?

23 novembre 2012, 16:50

L’idéologie du progrès et de la modernité est surement l’héritage colonial le plus persistant dans la mentalité Africaine contemporaine. Apportée par le colon et sa prétendue mission civilisatrice, celle-ci eut et a encore des effets dramatiques sur les populations urgant celles-ci à abandonner le plus possible leurs acquis civilisationnels endogènes au profit de conceptions nouvelles jadis imposées par la puissance coloniale, aujourd’hui par la mondialisation et ses bras droits de la sphère médiatico-politico-économique. L’idéologie du progrès a aujourd’hui réussi à se rendre indiscutable au point même d’être capable d’opposer le progrès et la modernité comme seuls justificatifs aux pires exactions ou crises de société, plus invraisemblable encore elle est parvenu à convaincre de manière plus ou moins palpable la majorité d’entre nous qu’il existerait une différence d’ordre biologique entre les homo sapiens de l’après 1945 d’une part et les homo sapiens des temps historiques d’autre part telle que l’on puisse associer un comportement jugé moyenâgeux ou peu ancré dans l’aire du temps à une humanité incomplète assimilant ceux qui les adoptent à homo érectus ou à l’homme de Néanderthal, comme si la seconde guerre mondiale et le triomphe de l’Amérique avaient fait éclore un nouvel homme reléguant les faits antérieurs à l’obsolescence.
Si l’on tente de définir le progrès, on s’engage dans une impasse car il s’agit avant tout d’un jugement et comme tous jugements il est subjectif quoique le travail d’uniformisation mondiale des mentalités tend à faire partager cette subjectivité par un nombre toujours grandissant d’individus sur la planète et donc de travestir ce jugement en réalité objective. Le progrès s’oppose à l’archaïsme, jugement négatif porté sur les traditions jugées incompatibles avec les impératifs progressistes les deux jugements sont souvent exprimés dans une logique comparative, le progrès étant perçu comme l’évolution jugée positive d’une situation passée ou présente jugée négative. Il est bien évident que tous les hommes, quels qu’ils soient soient capables de reconnaître et de souhaiter un progrès tous selon la conception qu’ils se font du « mieux », certaines sociétés étant tout à fait comblées par leur conditions de vie et ne voyant aucune raison de leur faire subir une quelconque évolution. Jusqu’au jour où d’autres hommes, venus d’ailleurs débarquent avec leur mentalité statuant qu’il existe un « mieux universel » qui comme par hasard s’avère incarné dans les conditions de vie permises par leur société. Comme l’expose brillamment sur son site l’ONG Survival International, il existe face à ces vendeurs de progrès deux attitudes adoptées par les peuples ainsi invités à découvrir le « mieux universel ». La première de ces attitudes est celle des peuples qui refusent l’offre ou décident de choisir ce qu’ils prendront et laisseront du progrès importé, ces peuples entrent alors dans une logique d’auto-conservation leur permettant de sauvegarder leur monde et avec lui leur bonheur. La seconde attitude est celle des peuples qui acceptent de gré ou de force l’offre des vendeurs de progrès et le paient au prix fort, parfois à un prix si fort qu’ils se retrouvent proches de l’extinction parfois en quelques décennies.
Le monde précolombien, le monde Africain pré-colonial, ainsi que de nombreuses populations d’Asie, d’Australie, d’Océanie et de l’Arctique furent les principales victimes du progrès même si il ne faudrait pas oublier le prolétariat occidental qui lui aussi en a souffert. Si l’on fait abstraction des cas historiques d’extermination et d’asservissement, on voit que le progrès fait encore des ravages dans le monde contemporain post-déclaration des droits de l’homme qui en fait n’est que la consécration de cette idéologie. Les effets actuellement observables chez les peuples victimes de l’idéologie du progrès sont accablants et devraient ronger de culpabilité ceux qui la soutiennent par conviction ou par conformisme. Il apparaît en fait que les communautés traditionnelles se voyant imposer la modernité, c’est à dire la société de consommation mondialisée et individualiste émanant de l’occident industriel et post-industriel subissent les aspects néfastes de ces sociétés à une intensité inégalée et inégalable alors qu’elles ne reçoivent en retour presque aucuns de ses apports bénéfiques.
A titre d’exemple, 90% du peuplement pré-colombien de l’Amérique s’est éteint au contact des européens, chez les Andamanais ne subsistent aujourd’hui que 53 individus soit une perte de 99% de la population depuis les premiers contacts avec les anglais durant la colonisation de l’Inde tandis que leurs voisins Jarawas réussirent à conserver leur démographie et leur santé jusqu’à ce qu’ouvre une route traversant leur territoire et leur amenant notamment la rubéole. En Australie, les aborigènes dont l’essentiel des communautés traditionnelles ont été détruites ont par rapport au reste de la population Australienne 6 fois plus de risques de mortalité infantile, 6 fois plus de risques de mourir d’une attaque cardiaque, 8 fois plus de mourir d’une maladie pulmonaire ou cardiaque et 22 fois plus de risques de mourir du diabète, Leur espérance de vie est de 17 à 20 ans plus courte que celle des autres Australiens. Toujours en matière de santé, il est estimé qu’en 2002, 40% des Bushmen Gana et Gwis sont morts du VIH/SIDA. Contraintes à se sédentariser, à abandonner l’environnement dont elles tiraient leur subsistance ou à adopter de nouvelles cultures agricoles, les communautés traditionnelles déconnectées de leur mode de vie sont exposées à la famine et cela même dans des Etats très développés tels que le Brésil. Lorsque les populations indigènes ne souffrent pas de famine, elles sont au contraire frappées par l’obésité provoquée par la consommation de produits industriels gras et sucrés en substitution d’une nourriture biologique et équilibrée auxquels leur métabolismes étaient habitués, avec l’obésité viennent souvent le diabète, l’hypertension, l’accumulation de problèmes de santé et la mort prématurée. L’autre grande découverte des sociétés auxquelles s’impose le progrès est le suicide, presque absent dans les communautés traditionnelles, il atteint des taux records une fois la communauté immergée dans la modernité, à titre d’exemple au Canada où le taux de suicide moyen à l’échelle nationale chez les hommes de 15 à 24 ans est d’environ 30/100 000, il est chez les amérindiens de ce pays d’environ 250/100 000, au Danemark (Groenland inclus), la différence est de 15/100 000 chez la population masculine de 15 à 24 ans totale contre 400/100 000 pour ceux de cette tranche d’âge appartenant aux communautés autochtones du Groenland. Les dernières conséquences (non en terme d’importance) sont l’explosion chez ses communautés de la délinquance et des addictions, l’ordre social détruit et la perte de repères entraînent les individus issus de sociétés ne connaissant pas ou peu le crime à s’y livrer abondamment une fois sous-prolétarisés dans la société du progrès le plus souvent pour satisfaire une addiction provoquée par une drogue bas de gamme, alcool frelaté, essence, crack venant encore plus déstabiliser les sociétés et accélérer l’extinction des communautés.

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