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Qui était Jean Jaurès ? Etait-il marxiste ou non, réformiste ou non, idéaliste ou matérialiste, dirigeant bourgeois de gauche ou dirigeant prolétarien, politicien ou non, nationaliste ou universaliste, pro-capitaliste ou pro-socialiste ou même communiste, anti-guerre ou patriote ?

17 février 2014, 09:33, par Robert Paris

Voici, sous la direction de Jaurès, le commentaire de Louis Dubreuilh sur la Commune de Paris 1871. On constatera que ces auteurs sont très loin du commentaire révolutionnaire de Marx selon lequel « Grâce au combat livré par Paris, la lutte de la classe ouvrière contre la classe capitaliste et son Etat est entrée dans une phase nouvelle. Quelqu’en soit l’issue immédiate, un nouveau point de départ d’une importance historique universelle a été acquis. »

Lettre de Karl Marx à Kugelman du 17 avril 1871

Voici le texte de Dubreuilh :

« La classe qui s’était emparé du pouvoir et qui se trouvait du fait de la volonté de l’adversaire, beaucoup plutôt que de la sienne, jetée à la barre était inapte, en effet, à assumer la tâche que le destin moqueur lui imposait. Elle manquait presque totalement, même dans son élite et, à plus forte raison dans sa masse, des capacités indispensables. Elle pouvait fournir des combattants et des martyrs en nombre, non des administrateurs et des dirigeants ; son pauvre état-major était et s’accusa bien vite insuffisant quantitativement et qualitativement. Imaginez du reste, cette première difficulté dominée, ce premier obstacle tourné ou surmonté, qu’un autre, infranchissable celui-là, se fut dressé, aussitôt. Eut-elle compté dix Varlin et dix Frænckel au lieu d’un, que l’élite révolutionnaire se serait trouvée aussi impuissante à hausser à son niveau le gros du prolétariat parisien. Toutes les lois, tous les décrets étayés des considérants les plus orthodoxes et les plus rigides, toutes les mesures, même les plus radicales et les plus osées, n’y eussent rien fait. C’est qu’une Révolution, une Révolution sociale, moins que toute autre, ne s’improvise pas, ne se commande pas. Il y faut une longue, lente et appropriée préparation. Il faut que la classe qui en est le support et l’agent, soit en mesure de succéder, Une minorité audacieuse peut, c’est évident, se substituer dans le gouvernement à une autre minorité et quelquefois durer, en s’adaptant par transactions au milieu ambiant. Mais une classe ne se substitue à une autre, n’impose avec son idéal un statut social nouveau, que si elle a acquis les capacités requises pour assurer au mieux les fonctions vitales de la collectivité, pourvoir aux besoins essentiels de cette collectivité plus exactement et plus complètement que la classe qu’elle chasse, élimine ou résorbe.

Or, en ces jours de mars et de mai 1871, la classe ouvrière, assurément, n’était pas prête pour cette œuvre colossale. La conscience claire n’en était pas en elle. Surtout elle ne possédait pas, fût-ce en germe, les institutions destinées à remplacer les institutions de l’ordre capitaliste et à assurer et régler dans un monde renouvelé le procès de la production et de l’échange, ses institutions propres corporatives et coopératives dont l’apparition et le développement doivent précéder et non suivre l’affranchissement prolétaire, car ces institutions, éléments constitutifs de la société de demain, sont dès à présent, en puissance, toute cette société et sont donc par avance la Révolution elle-même.

Ainsi, à la supposer même — hypothèse absurde — momentanément victorieuse, la Commune aurait pu démocratiser les institutions politiques existantes, frayer à la classe ouvrière sa voie, lui faciliter sa marche, en l’allégeant de quelques-unes des entraves qu’elle traîne au pied comme autant de boulets. Rien de plus apparemment, et du point de vue strictement prolétaire et socialiste, sa victoire, comme on l’a dit, n’aurait été sans doute qu’une autre forme de sa défaite.

La défaite alors a mieux valu peut-être. Par la répression féroce qui a suivi, elle a conféré à une insurrection qui sinon aurait pu rester quelconque une grandeur tragique. Elle a creusé entre dirigeants et dirigés, exploiteurs et exploités, expropriateurs et expropriés, un abîme sur lequel nul pont n’a pu être depuis jeté et ne sera jeté. Du coup, l’ère des transactions et des compromis s’est trouvée close. La légende enfantine d’une classe bourgeoise sœur aînée de la classe ouvrière et lui tendant la main, pour la hausser à son niveau, a cessé d’avoir cours. Il est apparu clairement aux vaincus et à leurs héritiers, inscrit non plus en caractères d’imprimerie sur une feuille de papier, mais en caractères de sang sur le champ du carnage, que l’émancipation des prolétaires ne pouvait être que l’œuvre des prolétaires eux-mêmes ; et un mouvement socialiste et ouvrier autonome est né, en tous les pays de civilisation capitaliste, qui tend à se séparer de plus en plus de tous les partis de la bourgeoisie pour la réalisation de ses fins propres et la refonte absolue et totale d’une société condamnée jusque dans ses assises. »

(voir ici le texte intégral)

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