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Qui était Jean Jaurès ? Etait-il marxiste ou non, réformiste ou non, idéaliste ou matérialiste, dirigeant bourgeois de gauche ou dirigeant prolétarien, politicien ou non, nationaliste ou universaliste, pro-capitaliste ou pro-socialiste ou même communiste ?

9 décembre 2012, 17:58

Les réformes sociales de Millerand (Rosa Luxemburg dans « La crise socialiste en France » - 1900) :
« Outre l’« action de défense républicaine » du ministère Waldeck-Rousseau, on a allégué comme second motif à la participation ministérielle de Millerand, l’activité réformatrice de celui-ci en matière sociale. (…) Ce qui gâte la loi Millerand, qui fait date dans l’histoire, c’est que la journée de 10 heures ne sera appliquée que quatre ans après sa promulgation (le 1er avril 1904). En quatre ans la Seine peut charrier beaucoup d’eau. (…) Mais le doute au sujet de sa réalisation future n’est pas la seule ombre qui s’étend sur la lumineuse loi de Millerand. La diminution du temps de travail pour les adultes à 11 heures et ensuite, 10, a été obtenue au prix d’un lourd sacrifice : la prolongation provisoire d’une heure de la journée de travail des enfants. (…) Millerand donc, en assimilant la durée de travail des enfants à celle des adultes et en nivelant d’un audacieux trait de plume bureaucratique toutes les catégories naturelles de travailleurs, a non seulement ramené la législation ouvrière française en arrière de celle des autres pays, mais il l’a paralysée dès ses débuts. De quelque façon que la journée de travail maximum soit appliquée, la même durée de travail pour toutes les catégories de travailleurs est devenue la règle pour les industries françaises. (…) Le droit de coalition assuré aux travailleurs en 1884 reste jusqu’à maintenant sans protection légale. (…) Le projet Millerand assure au droit de coalition une garantie juridique, en prévoyant pour l’ouvrier sanctionné à cause de son adhésion au syndicat, un droit de procès en dommages-intérêts contre le patron, et envisage une punition légale pour ce dernier s’il a usé de menaces et de violences. Mais ce n’est pas tout, le projet de loi reconnaît aux syndicats et à leurs fédérations la « personnalité juridique », c’est-à-dire qu’elle leur permet de posséder des biens en quantités illimitées et d’entreprendre des transactions commerciales.

Au premier abord, nous voyons, là encore, une réforme sociale audacieuse dépassant de loin la législation ouvrière des autres pays. Mais hélas ce beau fruit est également rongé par un ver.

L’ouvrier syndiqué avait déjà auparavant en France un « droit personnel de plainte » contre le patron sur la base du code civil ordinaire. Mais la garantie de droit privé s’est montrée totalement inefficace, à cause de la pauvreté des travailleurs leur rendant impossible les procès coûteux, de la difficulté de prouver devant la justice l’intention du patron et de l’insuffisance des amendes infligées aux capitalistes. Il s’agissait de créer une garantie pénale correspondant seule au caractère de droit public du droit de coalition. (…) Au lieu de cela, Millerand introduit comme garantie du droit de coalition, un droit de plainte de l’ordre du droit privé, il offre uniquement aux travailleurs, sous couleur de nouvelle protection juridique, l’ancienne absence de protection contre les abus du patronat.

Le second cadeau, le droit illimité de possession et de transaction est tout aussi illusoire. (…) La réforme projetée consiste seulement en ceci qu’elle permet aux syndicats de fonder comme tels des coopératives. (…) Mais une telle interpénétration immédiate entre le mouvement syndical et le mouvement coopératif semble un bienfait extrêmement problématique. »

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