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Les fausses interprétations du marxisme

10 décembre 2012, 16:46, par RP

Engels eut à se prononcer sur ce point en traitant de l’inexactitude scientifique de la dénomination "social-démocrate".

Dans la préface au recueil de ses articles des années 1870-1880, consacrés à divers thèmes, principalement "internationaux" (Internationales aus dem Volkstaat ), préface datée du 3 janvier 1894, c’est-à-dire rédigée un an et demi avant sa mort, il écrit que dans tous ses articles il emploie le mot "communiste", parce qu’à cette époque les proudhoniens en France et les lassaliens en Allemagne s’intitulaient social-démocrates.

"Pour Marx comme pour moi, poursuit Engels, il y avait donc impossibilité absolue d’employer, pour exprimer notre point de vue propre, une expression aussi élastique. Aujourd’hui, il en va autrement, et ce mot ("social-démocrate") peut à la rigueur passer [mag passieren ] bien qu’il reste impropre [unpassend ] pour un parti dont le programme économique n’est pas simplement socialiste en général, mais expressément communiste, pour un parti dont le but politique final est la suppression de tout l’Etat et, par conséquent, de la démocratie. Au reste, les partis politiques véritables (souligné par Engels) n’ont jamais une dénomination qui leur convienne parfaitement, le parti se développe, la dénomination reste."

Le dialecticien Engels, au déclin de ses jours, demeure fidèle à la dialectique. Marx et moi, dit-il, nous avions pour le parti un nom excellent, scientifiquement exact, mais il n’existait pas alors de parti prolétarien véritable, c’est-à-dire de parti prolétarien de masse. Maintenant (fin du XIXe siècle), il existe un véritable parti, mais sa dénomination est scientifiquement inexacte. N’importe, elle peut "passer" pourvu que le parti se développe, pourvu que l’inexactitude scientifique de sa dénomination ne lui échappe pas et ne l’empêche pas de se développer dans la bonne direction !

Quelque plaisantin pourrait peut-être venir nous consoler à notre tour, nous autres bolchéviks, à la façon d’Engels : nous avons un parti véritable ; il se développe admirablement ; donc, ce nom absurde et barbare de "bolchevik" peut "passer", bien qu’il n’exprime absolument rien, sinon ce fait purement accidentel qu’au congrès de Bruxelles-Londres, en 1903, nous eûmes la majorité... Peut-être maintenant que les persécutions dont notre Parti a été l’objet en juillet-août 1917, de la part des républicains et de la démocratie petite-bourgeoise "révolutionnaire", ont rendu le mot "bolchevik" si honorable aux yeux du peuple : maintenant qu’elles ont en outre marqué l’immense progrès historique accompli par notre Parti dans son développement réel, peut-être hésiterais-je moi-même à proposer, comme je l’ai fait en avril, de changer la dénomination de notre Parti. Peut-être proposerais-je aux camarades un "compromis" : celui de nous appeler Parti communiste, tout en gardant, entre parenthèses, le mot "bolchéviks".

Mais la question de la dénomination du parti est infiniment moins importante que celle de l’attitude du prolétariat révolutionnaire envers l’Etat.

Dans les considérations habituelles sur l’Etat, on commet constamment l’erreur contre laquelle Engels met ici en garde et que nous avons signalée plus haut en passant ; on oublie constamment que la suppression de l’Etat est aussi la suppression de la démocratie, que l’extinction de l’Etat est l’extinction de la démocratie.

Une telle assertion paraît, à première vue, des plus étranges et inintelligibles ; peut-être même certains craindront-ils que nous souhaitions l’avènement d’un ordre social où ne serait pas observé le principe de la soumission de la minorité à la majorité ; car, enfin, la démocratie n’est-elle pas la reconnaissance de ce principe ?

Non. La démocratie et la soumission de la minorité à la majorité ne sont pas des choses identiques. La démocratie, c’est un Etat reconnaissant la soumission de la minorité à la majorité ; autrement dit, c’est une organisation destinée à assurer l’exercice systématique de la violence par une classe contre une autre, par une partie de la population contre l’autre partie.

Nous nous assignons comme but final la suppression de l’Etat, c’est-à-dire de toute violence organisée et systématique, de toute violence exercée sur les hommes, en général. Nous n’attendons pas l’avènement d’un ordre social où le principe de la soumission de la minorité à la majorité ne serait pas observé. Mais, aspirant au socialisme, nous sommes convaincus que dans son évolution il aboutira au communisme et que, par suite, disparaîtra toute nécessité de recourir en général à la violence contre les hommes, toute nécessité de la soumission d’un homme à un autre, d’une partie de la population à une autre ; car les hommes s’habitueront à observer les conditions élémentaires de la vie en société, sans violence et sans soumission.

C’est pour souligner cet élément d’accoutumance qu’Engels parle de la nouvelle génération "grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres" et qui sera "en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l’Etat", de tout Etat, y compris celui de la république démocratique.

signé Lénine

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