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Les fausses interprétations du marxisme

13 décembre 2012, 11:12

« Le progrès est une idéologie, le devenir, une conception philosophique. Le « pro­­grès » dépend d’une mentalité déterminée, dans la constitution de laquelle en­trent certains éléments culturels historiquement déterminés ; le « devenir » est un con­cept philosophique, d’où peut être absent le « progrès ». Dans l’idée de progrès est sous-entendue la possibilité de mesurer quantitativement et qualitativement : plus et mieux. On suppose par conséquent une mesure « fixe » ou fixable, mais cette mesure est donnée par le passé, par une certaine phase du passé, ou par certains aspects mesurables, etc. (non qu’on pense à un système métrique du progrès). Comment est née l’idée de progrès ? Cette naissance représente-t-elle un fait culturel fondamental, important au point de faire époque ? Il semble que oui. La naissance et le développe­ment de l’idée de progrès correspondent à la conscience diffuse que l’on a atteint un certain rapport entre la société et la nature (y compris, dans le concept de nature, celui de hasard et d’ « irrationalité ») un rapport tel qu’il permet aux hommes, dans leur ensem­ble, d’être plus sûrs de leur avenir, de pouvoir concevoir « rationnellement » des plans embrassant l’ensemble de leur vie. Pour combattre l’idée de progrès, Leo­pardi doit recourir aux éruptions volcaniques, c’est-à-dire à ces phénomènes natu­rels qui sont encore « irrésistibles » et sans remède. Mais dans le passé, les forces irrésis­tibles étaient bien plus nombreuses : disettes, épidémies, etc. et, à l’intérieur de certai­nes limites, elles ont été dominées.

Que le progrès ait été une idéologie démocratique, cela ne fait pas de doute, qu’il ait servi politiquement à la formation des États constitutionnels modernes, etc., de même. Qu’il n’ait plus aujourd’hui la même vogue, c’est vrai aussi ; mais en quel sens ? Non pas au sens où on aurait perdu la foi dans la possibilité de dominer ration­nel­le­ment la nature et le hasard, mais au sens « démocratique » ; c’est-à-dire que les « por­teurs » officiels du progrès sont devenus incapables de conquérir cette domina­tion, parce qu’ils ont suscité des forces actuelles de destruction aussi dangereuses et angoissantes que celles du passé (lesquelles sont désormais oubliées « socialement », sinon par tous les éléments sociaux, - car les paysans continuent à ne pas comprendre le « progrès », c’est-à-dire qu’ils croient être, et sont encore trop le jouet des forces na­tu­relles et du hasard, et qu’ils conservent donc une mentalité « magique », médié­vale, « religieuse ») comme les « crises », le chômage, etc. La crise de l’idée de progrès n’est donc pas une crise de l’idée elle-même, mais une crise des porteurs de cette idée, qui sont devenus « nature » à dominer eux aussi. »

Gramsci

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