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La chasse aux sorcières à la fin du Moyen-Âge : une vraie guerre de type fasciste pour démolir les droits des femmes

3 mars 2015, 08:15

En France, les accusés de sorcellerie sont des femmes dans des proportions d’environ 80%, c’est pourquoi le terme sorcière sera utilisé tout au long de ce travail. Ces sorcières sont généralement des veuves relativement âgées, et sont habituellement de la même catégorie d’âge ou un peu plus vieilles que les accusateurs. Par le fait même, elle est également plus vulnérable parce qu’elle n’est souvent plus protégée par les liens de solidarité que procure la famille. La plupart du temps, ces femmes sont des voisines des accusateurs, et sont donc connues et fréquentées par ces derniers.

Toutefois, il est important de mentionner qu’il existe des différences majeures entre ces femmes et leurs accusateurs. La sorcière est dans la majorité des cas plus pauvre que ses accusateurs et elle vient souvent leur quémander quelques services ou petits emprunts. De plus, on peut dire que cette dernière appartient à l’ancien ordre des choses, c’est-à-dire qu’elle continue de vivre selon les coutumes qui prévalaient depuis des siècles, alors que son entourage, et plus particulièrement les mieux nantis du village, ont évolué ; ils ont fréquenté les écoles de paroisse, ont appris à lire, et surtout se sont laisser imprégner du nouveau discours clérical qui condamnait les coutumes païennes pratiquées par ces supposées sorcières.

Pour bien comprendre le phénomène de la sorcellerie, il faut bien sûr tenir compte du contexte dans lequel il évolua. En effet, le XVIe siècle est une époque de grande effervescence mais aussi de ruptures. C’est le début de la modernité, avec tout ce que cela comporte de bouleversement. Justement, c’est à cette époque que le discours démonologique prit véritablement de l’ampleur et qu’il fut largement diffusé dans les masses populaires par l’imprimerie et les discours cléricaux. La doctrine démonologique qui a été établie par l’Église se définissait comme "...la théorie de l’appartenance des sorciers à une secte satanique organisée", et fut reprise par des juges et des laïques qui lui ajoutèrent une dimension politique.

Ce discours était en réalité le reflet d’une société apeurée par l’approche imminente de la fin du monde, ce qui est tout à fait compréhensible étant donné les nombreux bouleversements qui s’opéraient dans une société immobile depuis des siècles. Selon les démonologues, les sorcières sont donc envoyées par Satan pour tenter l’humanité à commettre les pires crimes. D’ailleurs, on constate que la présence de Satan dans les mentalités s’accroît considérablement à cette époque et que ce dernier est largement dépeint dans les discours et l’iconographie ecclésiastique.

On peut maintenant se demander pourquoi les femmes étaient majoritairement soupçonnées de sorcellerie. Tout d’abord, les femmes étaient réputées pour être des guérisseuses. Lors de veillées, elles s’échangeaient des recettes, des façons d’influencer le sort, etc. Ce sont les femmes qui transmettaient les croyances païennes et les superstitions. De plus, étant donné la rareté des écoles, ce sont les femmes qui transmettaient la culture populaire en enseignant les rudiments de l’écriture à leurs enfants. Par le fait même, elles sont devenues des concurrentes pour certains. Par ses conseils et son savoir, la sorcière rassurait la population et occupait une place importante dans la société, ce qui avait pour effet de réduire l’influence des prêtres sur leurs ouailles. Par son rôle de sage femme, elle remplaçait les médecins coûteux et rares à la campagne. On peut donc facilement comprendre pourquoi les médecins et les prêtres s’acharnèrent tant à dévaluer les croyances païennes.

De plus, la présence d’un antiféminisme virulent dans le discours de l’Église a poussé les élites à identifier la femme comme un agent de Satan. Par sa nature faible et débile, elle est plus sujette à se laisser duper par Satan, croyait-on. En plus, la femme était perçue comme une insatiable qui est prête à tout pour assouvir ses besoins les plus pervers, ce qui n’était sûrement pas à son avantage dans une période de répression sexuelle. D’ailleurs, on constate l’importance de la sexualité dans les procès de sorcellerie, car on insistait pour faire décrire aux accusés les détails des scènes de copulation satanique.

L’épicentre du phénomène est sans aucun doute la zone de contact entre deux civilisations : les protestants du Saint Empire romain germanique et les catholiques de France. Grossièrement, elle se situe le long du rhin et de ces embranchements, qui traverse également les Pays-Bas espagnols, la Suisse et le duché de Savoie. Cet endroit n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt la zone de friction entre les catholiques et les protestants, tout deux tentant de convertir les âmes de son voisin à sa religion. Cette portion de territoire était donc quotidiennement soumis à de grandes tensions. D’ailleurs, pendant la guerre de Trente Ans qui débuta en 1618, les bûchers se multiplièrent à vue d’oeil.

De plus, cette région n’est pas la seule à avoir connu la frénésie des persécutions : le Languedoc, la Normandie et le sud-ouest ont également été le théâtre de telles scènes. Ceci s’explique par le fait que ces régions sont, tout comme la frontière est de la France, à l’extrémité du pays. En effet, on constate que les régions situées en périphérie du pouvoir central sont portées à se révolter et sont plus difficiles à surveiller, c’est pourquoi la répression de la sorcellerie y est nécessaire. Elle permet de fabriquer une cohésion sociale et de mettre sur pied un système de surveillance par les communautés mêmes. Celui-ci se met facilement en branle car comme on peut facilement l’imaginer, la peur de se faire dénoncer comme un agent de Satan devient omniprésente avec la multiplication des bûchers, et chacun commence à épier son voisin et à agir selon les nouvelles normes afin de devenir totalement irréprochable. C’est le principe même de l’obéissance par la peur. Toutefois, d’autres facteurs participent à cette multiplication des bûchers, comme le besoin d’un bouc émissaire pour libérer les tensions sociales qui augmentent au sein de la communauté.

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