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L’Inde et les femmes

25 avril 2013, 06:45, par RP

Une énorme vague de protestations contre l’oppression des femmes a déferlé en Inde en réaction à l’horrible viol collectif et la mutilation, le 16 décembre dernier à Delhi, d’une élève kinésithérapeute de 23 ans qui a succombé quelques jours plus tard à ses blessures. Des manifestations ont éclaté dans de nombreuses grandes villes, dont Kolkata (Calcutta), Mumbai, Bangalore et Panaji. Fait significatif, des manifestations ont aussi eu lieu au Pakistan, au Bangladesh, au Népal et au Sri Lanka, où la condition des femmes est similaire à celle qui prévaut en Inde.

Delhi, qui se targue de faire partie de la « nouvelle » Inde, où centres commerciaux et night-clubs voisinent avec d’immenses bidonvilles, était à l’épicentre des manifestations. La capitale connaît en fait le taux de viols enregistrés le plus important parmi toutes les grandes villes indiennes. Etudiants et jeunes ont manifesté plusieurs jours durant, défiant courageusement la police qui les attaquait à coups de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de lathi (matraques en bambou).

Les femmes étaient d’autant plus en colère que les propos grossièrement misogynes se sont multipliés pour imputer la responsabilité de ce crime à la victime. M.L. Sharma, l’avocat de l’un des cinq accusés, déclarait ainsi que les femmes « respectables » ne se font pas violer, tandis que le fils du président indien, Abhijeet Mukherjee, qualifiait les manifestantes de « peinturlurées » et « défraîchies » – autrement dit « occidentalisées » et plus très jeunes. Un dirigeant de l’organisation fascisante hindoue Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) déclarait de son côté que les crimes sexuels « sont rares au Bharat mais arrivent fréquemment en Inde » (Wall Street Journal, 8 janvier). Le RSS a des liens avec le Bharatiya Janata Party (BJP), un parti qui prône la suprématie hindouiste et défend ouvertement l’Hindutva (« l’authenticité hindoue »), un mélange empoisonné de nationalisme et d’obscurantisme religieux dans le but de provoquer des pogroms visant notamment les musulmans.

Le terme « Bharat », le nom de l’Inde en langue hindi, fait référence à un passé imaginaire de ruralité idyllique – par opposition à l’Inde urbaine, soi-disant corrompue par l’influence décadente de l’Occident, notamment sur les femmes. En réalité la vie pour la plus grande partie de la population des villages indiens est faite de misère extrême et d’oppression brutale dans le cadre du système des castes. Dans les campagnes, le viol des femmes dalit (« intouchables ») est considéré comme faisant partie des privilèges de caste des hommes appartenant aux castes « supérieures » ; ceux-ci violent les femmes pour soumettre et humilier leurs victimes et la caste tout entière de celle-ci. D’après une étude sur la violence contre les femmes dalit publiée en mars 2006 par l’association « Campagne nationale pour les droits de l’homme des dalit », sur 500 femmes interrogées, 116 avaient été victimes d’un viol individuel ou collectif ; parmi les agresseurs, « les propriétaires fonciers appartenant aux castes dominantes constituaient le groupe le plus important ».

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