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La physique quantique est-elle kantienne ?

9 février 2017, 15:22, par Robert Paris

Erwin Schrödinger rapporte dans "Physique quantique et représentation du monde" :

« Il n’y a aucune lacune dans l’image que nous donne la mécanique ondulatoire, pas même en ce qui concerne la causalité. La description ondulatoire est conforme à l’exigence classique d’un déterminisme absolu (…) A quoi peut bien servir une telle description si, comme je l’ai dit, on ne voit pas qu’elle décrive les faits observables ni la figure réelle de la nature ? (…) Les lacunes, éliminées de la description ondulatoire, se sont réfugiées dans la connexion qui relie la description ondulatoire aux faits observables. Ceux-ci ne correspondent pas de façon biunivoque à la description. (…) Je ne pense pas que, même aujourd’hui, on trouverait beaucoup de physiciens prêts à souscrire à l’idée que « les ondes lumineuses n’existent pas réellement, qu’elles sont simplement des ondes de connaissance » (citation libre de Jeans), en tout cas on n’en trouverait pas certainement pas parmi les physiciens expérimentaux. (…) Pourquoi donc en est-on venu à douter de la « réalité » des ondes ? Pour deux raisons. a) les rayons cathodiques sont manifestement constitués d’électrons individuels (…) b) Il y a des raisons d’affirmer que la lumière elle-même consiste également en particules individuelles – appelées photons. Cependant on peut de nouveau objecter à cette manière de voir que dans aucun des deux cas on ne peut se dispenser de recourir malgré tout au concept d’onde si l’on désire rendre compte des franges d’interférences. Et on peut objecter également que les particules ne sont pas des objets identifiables, qu’elles pourraient être considérés comme des événements de nature explosive se produisant dans le front de l’onde (…) On ne peut arriver – ni dans le cas de la lumière ni dans celui des rayons cathodiques – à comprendre ces phénomènes au moyen du concept de corpuscule isolé, individuel, doué d’une existence permanente. (…) Mais retournons à notre question, quelque rudimentaire que puisse en être l’énoncé : l’impossibilité d’une description continue, sans lacunes et ininterrompue dans l’espace et dans le temps, est-elle réellement fondée sur des faits irréfutables ? L’opinion courante parmi les physiciens affirme qu’il en est bien ainsi. Bohr et Heisenberg ont proposé à ce sujet une théorie très ingénieuse (…) Je vais en faire la critique, mais je dois d’abord la résumer brièvement. Elle se présente comme suit. Nous ne pouvons faire une constatation de fait à propos d’un objet naturel donné (ou d’un système physique) sans « entrer en contact » avec lui. Ce « contact » est une interaction physique réelle. Même s’il consiste uniquement à « regarder l’objet », celui-ci doit être frappé par des rayons lumineux et les réfléchir dans l’œil ou dans quelque instrument d’observation. Cela signifie qu’il y a interférence entre l’objet et le système d’observation. (…) C’est cette situation qui est censée expliquer pourquoi une description complète et sans lacunes des objets physiques est impossible. (…) Je dis que cette interprétation suggère d’elle-même ce qui suit : il existe effectivement un objet physique parfaitement déterminé, mais je ne peux jamais tout savoir à son sujet. (…) Mais Bohr et Heisenberg veulent dire tout autre chose. Ils veulent dire que l’objet n’a pas une existence indépendante du sujet qui l’observe. (…) Si l’on considère le développement de la physique au cours du dernier demi-siècle, on a l’impression que la vision discontinue de la nature nous a été imposée en grande partie contre notre volonté. Nous paraissons être entièrement satisfaits du continu. Max Planck fut sérieusement effrayé par l’idée d’un échange discontinu d’énergie qu’il avait introduite (1900) pour expliquer la distribution de l’énergie dans le rayonnement du corps noir. Il fit de grands efforts pour affaiblir son hypothèse et pour l’éliminer dans la mesure du possible, mais ce fut en vain. Vingt-cinq ans plus tard, les inventeurs de la mécanique ondulatoire entretinrent pendant un certain temps avec la plus grande ardeur l’espoir d’avoir préparé la voie à un retour de la description classique continue, mais de nouveau cet espoir fut déçu. La nature elle-même semblait rejeter une description continue, et ce refus semble n’avoir aucune relation avec les apories des mathématiciens touchant le continu. »
« Du point de vue philosophique, un verdict définitif dans ce sens (l’abandon des images intuitives de la matière et de la lumière) équivaudrait pour moi à l’obligation de déposer les armes." Il préfère renoncer à la particule discontinue : « Les particules ne sont pas des objets identifiables. (...) elles pourraient être considérées comme des événements de nature explosive (...) On ne peut pas arriver – ni dans le cas de la lumière ni dans celui des rayons cathodiques - à comprendre ces phénomènes au moyen du concept de corpuscule isolé, individuel doué d’une existence permanente. (...) La meilleure connaissance possible d’un ensemble n’inclut pas nécessairement la meilleure connaissance possible de chacune de ses parties. (...) Selon la vieille conception leur individualité (des particules et des atomes) était basée sur l’identité des matériaux dont elles sont faites. (...) Dans la nouvelle conception, ce qui est permanent dans ces particules élémentaire sous ces petits agrégats, c’est leur forme ou leur organisation. » expose le physicien Erwin Schrödinger dans « Physique quantique et représentation du monde ».

Schrödinger écrit ainsi dans « L’esprit et la matière » : « le sujet et l’objet ne font qu’un » puisque « ce sont les mêmes éléments qui composent l’esprit et le monde ».

Vous retrouverez ce texte ici

Pour compléter sur le point de vue de Schrödinger en physique quantique

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