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La physique n’est pas seulement un calcul mais une pensée, et même une pensée matérialiste dialectique

1er septembre 2016, 11:18, par Robert Paris

Bien sûr, tu as en partie raison : il n’est pas question de demander aux scientifiques de devenir obligatoirement marxistes. Comme le disait Marx, nous ne demandons pas au monde de tomber à genoux devant une vérité révélée. Karl Marx écrivait dans sa lettre à Arnold Ruge en 1843 :

“Nous ne nous présentons pas au monde en doctrinaires avec un principe nouveau : voici la vérité, à genoux devant elle ! Nous apportons au monde les principes que le monde lui-même a développé dans son sein. Nous ne lui disons pas : laisse-là tes combats, ce sont des fadaises ; nous allons te crier le vrai mot d’ordre du combat. Nous lui montrons seulement pourquoi il combat exactement, la conscience de lui-même est une chose qu’il devra acquérir, qu’il le veuille ou non.”

La science n’a pas besoin de prophètes ni de devins ni encore de conceptions idéalistes la mettant sous la domination de doctrinaires. Mais elle a besoin de philosophies. Elle n’est pas une île, indépendante des autres études humaines. Elle n’est pas indépendante de la pensée humaine car elle ne peut se contenter d’observer, d’expérimenter, de calculer. Elle doit impérativement penser le monde. La pensée sur le monde, voilà qui concerne directement le marxisme. Ensuite, nous remarquons que la physique est contrainte d’être une pensée historique et non une pensée définitive. Il est impossible de comprendre les notions de physique sans reconstruire la démarche historique qui a été celle de cette science. Sans le parcours des pensées des hommes qui l’ont construite, la physique est incompréhensible. C’est ce cheminement qui explique le choix des concepts, la manière de poser les questions, de concevoir les relations entre les paramètres, y compris la façon de calculer et de mesurer, d’interpréter les expériences. Rien n’imposait un tel parcours. C’est l’Histoire qui l’a construite. Une histoire humaine. Ce n’est pas la nature qui a dicté directement la forme qu’a prise la physique, c’est la pensée historique de l’homme. Et c’est une pensée dialectique parce qu’elle a sans cesse dû intégrer les contradictions qui apparaissaient dans le fonctionnement de la nature. Par exemple, la physique a dû unifier les notions contradictoires de position et de mouvement, de vitesse et d’accélération, d’électricité statique et dynamique, d’électricité et de magnétisme, d’électromagnétisme et de lumière, de lumière et de matière, d’onde et de particule, de chaos et de déterminisme, de continu et de discontinu, de matière et de vide, de microscopique et de macroscopique, de quantique et de classique, de relativiste et de quantique, de probabiliste et non-probabiliste, de fermion et de boson, de matière et d’antimatière, de matière et d’énergie. Ces unifications des contraires interdépendants, indispensables l’un à l’autre, se changeant en leur contraire, provient, qu’on en ait conscience ou pas, de relations dialectiques existant dans la nature et qui ne peuvent être interprêtées que par une philosophie dialectique. Or la physique ne peut se contenter d’observer et de calculer, elle doit interpréter.

D’autre part, la physique est une démarche matérialiste parce qu’elle est contrainte de considérer la nature de manière objective, comme une réalité qui ne dépend pas de l’interprétation individuelle, mais qui obéit à des lois générales que tout le monde est amené à accepter. Qui plus est ces lois physiques sont respectées par tous les niveaux de la réalité, par la matière dite inerte mais aussi par la matière vivante, par les êtres vivants, par les hommes, par tout l’univers, y compris celui de la physiologie et de la psychologie animale et humaine. La démarche de la physique est aussi contrainte d’être matérialiste, même si bien des scientifiques sont des idéalistes dans leurs concpetions personnelles, et ils ont parfaitement le droit de l’être, bien entendu ! Personne n’empêche le premier homme qui a posé le pied sur la lune de baiser le sol et de prier dieu mais ce n’est pas sa religion qui a guidé ce voyage. C’est la connaissance scientifique d’un monde matériel. Alors que sa religion affirmait que la lune faisait partie du domaine des dieux, contrairement à la terre, les scienctifiques affirmaient comme Galilée que la lune est une pierre et le voyage humain a permis de la toucher, fût-ce pour baiser le sol par religiosité ! Même le plus religieux des hommes a des pratiques matérialistes, ne serait-ce que pour manger, dormir, pour vivre… Mais, surtout, la démarche de la physique est matérialiste parce qu’elle ne se contente pas de discours, d’idées, mais doit nécessairement les vérifier par des faits réels. La mathématique, par exemple, n’est pas contrainte à de telles vérifications et peut se contenter de la cohérence interne de pensée, comme la religion et comme tous les idéalismes.

Certains scientifiques affirment comme toi que la science n’a pas besoin d’obéir à une quelconque philosophie, et pas plus matérialiste dialectique qu’une autre. C’est une erreur. Ils croient seulement ne pas utiliser de philosophie mais aucun être humain, qu’il soit ou pas physicien, ne peut se passer de penser philosophiquement. Il peut seulement ignorer qu’il subit une philosophie qui est diffusée par la société et ne pas y avoir pensé. Il peut ainsi renoncer à disposer des réflexions philosophiques du passé. C’est un peu comme s’il renonçait à disposer des progrès intellectuels et techniques. On n’est pas obligés de redécouvrir tout seul les avancées de la pensée des siècles précédents.

Certains voient également dans le matérialisme dialectique le mode de pensée du stalinisme. Rien n’est plus étranger à la bureaucratie stalinienne que la pensée révolutionnaire de Hegel à Marx et Engels. La bureaucratie n’est liée à aucune autre pensée que celle de s’accrocher à son pouvoir volé au prolétariat, à la faveur des défaites révolutionnaires dans le monde et de l’isolement du prolétariat russe épuisé par le plus grand combat de l’Histoire. Ce n’est pas la bureaucratie russe qui a combattu, elle ne dispose donc pas d’une pensée de combat. Comme elle a détourné le pouvoir, détourné le parti, détourné l’internationale communiste, elle a aussi détourné l’idéologie révolutionnaire. Celle-ci ne lui appartenait pas et elle ne lui appartient toujours pas. Le marxisme n’est en rien lié au stalinisme qui n’obéit à aucune pensée sur le monde, ni le matérialisme ni la dialectique mais à la « pensée » du gardien de prison tortionnaire.

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