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Témoignages sur Léon Trotsky, le plus grand et le plus calomnié des révolutionnaires

19 février 2018, 10:02

Au cours des années 1924-1928 la haine grandissante de Staline et de ses seconds s’exerça contre mon secrétariat. Il leur semblait que mon petit " appareil " était la source de tout mal. Je mis quelque temps à comprendre les causes de cette peur presque superstitieuse que leur inspirait le petit groupe (cinq ou six personnes) de mes collaborateurs. Ces hauts dignitaires, auxquels leurs secrétaires composent leurs articles et leurs discours, imaginaient sérieusement qu’on peut désarmer un adversaire en le privant de " bureau ". Le sort tragique de mes collaborateurs, je l’ai en son temps rapporté dans la presse : Glazman poussé au suicide, Boutov mort dans une geôle de la Guépéou, Bloumkine fusillé, Sermouks et Poznanski en déportation.

Staline ne prévoyait pas que je pourrais sans " secrétariat " mener un travail systématique de publiciste qui, à son tour, pourrait contribuer à la formation d’un nouvel " appareil ". Même de très intelligents bureaucrates se distinguent, à certains égards, par une incroyable courte vue !

Les années de ma nouvelle émigration, bien remplies de travail de publiciste et de correspondance, ont suscité des milliers de sympathisants conscients et actifs dans les différents pays et parties du monde. La lutte pour la Quatrième Internationale atteint par ricochet la bureaucratie soviétique. D’où – après une interruption prolongée – la nouvelle campagne contre le trotskysme. Staline paierait cher, à l’heure qu’il est, pour rapporter la décision qui m’a exilé à l’étranger : comme il serait tentant de monter un procès " spectaculaire " ! Mais on ne fait pas revenir le passé, et il ne reste qu’à chercher d’autres moyens... en dehors d’un procès. Il va de soi que Staline les cherche dans l’esprit contre lequel Kamenev et Zinoviev me mettaient en garde. Mais le danger d’être démasqué est excessivement grand : la méfiance des travailleurs d’Occident à l’égard des machinations de Staline n’a pu que s’accentuer depuis l’affaire Kirov. Un acte terroriste (selon la plus grande probabilité, avec la coopération des organisations blanches, au sein desquelles la Guépéou a nombre d’agents à elle, ou avec l’aide des fascistes français, auxquels il n’est pas difficile de trouver accès), Staline y recourra à coup sûr dans deux cas : si la guerre menace, ou si sa propre position empire à l’extrême. Il peut certes y avoir aussi un troisième cas et un quatrième... J’hésite à dire combien serait dur le coup porté par un tel acte terroriste à la Quatrième Internationale, mais pour la Troisième, il mettrait en tout cas une croix sur elle.

Qui vivra verra. Si ce n’est nous, ce seront d’autres.

Léon Trotsky, Journal d’exil, 20 février 1935

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