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Podemos, Syriza, des organisations politiques qui ne font pas partie des partis et syndicats classiques bourgeois mais qui se refusent à être des organisations politiques de classe du prolétariat, retombent inévitablement dans le cadre bourgeois
mardi 10 novembre 2015, par
Espagne : Podemos recrute l’ancien chef des armées comme candidat à l’élection législative
Le parti Podemos (« Nous pouvons ») a recruté l’ancien général de l’armée de l’air et chef d’état-major des armées, Julio Rodríguez Fernández, comme candidat à l’élection législative espagnole du 20 décembre. Il sera le deuxième sur la liste électorale de Podemos dans la province de Saragosse.
Hier, le gouvernement du Parti populaire (PP) conservateur a limogé Rodríguez, qui était cadre de la réserve au moment de l’annonce, pour avoir violé « le devoir de neutralité » et parla de « manque de confiance ». Rodríguez avait déjà demandé à être mis à la retraite il y a deux semaines.
Dans une conférence de presse le 4 novembre, le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, a pris la décision inhabituelle dans la politique espagnole de présenter publiquement Rodríguez comme ‘ministre de la Défense de l’opposition’, c’est-à-dire ministre ‘en attente’. Si Rodríguez devient ministre de la Défense dans un gouvernement Podemos, il serait le premier militaire à diriger ce ministère depuis le général Manuel Gutiérrez Mellado qui l’avait fait durant la transition entre le régime fasciste de Franco et la démocratie parlementaire, dans les années 1970.
Lors de la conférence de presse, Rodriguez a dit que Podemos respecterait ses obligations, ajoutant qu’il défendait « le renforcement de la position stratégique de l’Espagne et de l’Europe dans l’Alliance atlantique. »
La décision de Podemos de se proposer comme plate-forme politique de l’OTAN et de l’armée espagnole pour qu’elles jouent un rôle public dans la vie politique doit mettre en garde contre son rôle tout à fait réactionnaire. La nomination de Rodríguez est une approbation sans équivoque des guerres impérialistes qui ont coûté des centaines de milliers de vies. Sous la direction de Rodriguez, l’armée espagnole a participé aux guerres néocoloniales sous commandement américain en Afghanistan (2001) et en Irak (2003).
Rodríguez a aussi joué un rôle majeur dans la guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011. Les États-Unis et leurs alliés européens, dont l’Espagne, ont acheminé armes et équipement aux milices islamistes combattant le régime du colonel Mouammar Kadhafi, qu’ils ont eux-mêmes attaqué par une campagne de bombardements de masse. Cela s’est soldé par plus de 30.000 morts, un pays en ruines et une guerre civile entre les factions islamistes concurrentes que l’OTAN avait soutenues.
La nomination de Rodríguez est aussi un signal que Podemos répudie consciemment ses appels précédents, hypocrites et fallacieux, aux sentiments anti-guerre et anti-austérité.
Pendant que le général Rodriguez supervisait quatre chasseurs F-18, un Boeing 707 de ravitaillement, une frégate, un sous-marin et un avion de surveillance en Libye, Pablo Iglesias et Iñigo Errejón, des universitaires alors inconnus, ont critiqué l’intervention « humanitaire » et « ceux soi-disant à gauche » qui avaient voté pour elle.
Mais les jours où Iglesias et Errejón essayaient d’exploiter le sentiment anti-guerre et pestaient contre l’histoire sanglante de l’armée espagnole dans leur programme de télévision locale, La Tuerka, sont bien loin.
Trois ans après la guerre en Libye, ils fondaient Podemos avec un groupe d’anciens staliniens, des universitaires et l’Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste) pabliste. Cette dernière avait soutenu l’intervention de l’OTAN, appelant à une « fourniture inconditionnelle d’armes aux rebelles [Libyens]. »
En Catalogne, Podemos forme maintenant une coalition avec les Verts (ICV) qui avaient dénoncé l’opposition à la guerre en Libye comme de « l’anti-américanisme puéril. »
L’alignement d’Iglesias sur l’état-major est un réquisitoire politique contre toutes les organisations en faillite de la classe moyenne qui ont contribué à créer ce parti populiste, réactionnaire et anti-marxiste.
Podemos était, en particulier, étroitement aligné sur Syriza (« la Coalition de la gauche radicale ») en Grèce. Comme le gouvernement Syriza d’Alexis Tsipras, parvenu au pouvoir sur la promesse de mettre fin à l’austérité, a ensuite mis en œuvre une nouvelle politique d’austérité brutale contre les travailleurs grecs, il ne peut plus y avoir de doute qu’Iglesias mènera une politique droitière semblable en Espagne. Sa rhétorique populiste n’était qu’une couverture politique pour une politique tout à fait anti-ouvrière.
De larges secteurs de la bourgeoisie admettent plus ou moins ouvertement que c’est là le rôle auquel on prépare Podemos et ils discutent de la façon de tourner cela à leur avantage.
Dans un commentaire paru dans le quotidien El País, Xavier Vidal-Folch donne la raison suivante de soutenir Podemos dans sa décision de recruter Rodríguez : « Ils n’ont pas besoin d’entrer réellement au gouvernement pour comprendre la dure réalité, contrairement à Alexis Tsipras dont la chute de cheval est arrivée tard et a gravement meurtri la citoyenneté grecque. »
C’est-à-dire qu’en alignant sa politique plus tôt et plus ouvertement sur la classe dirigeante, Podemos démoralise ses électeurs et atténue leurs attentes. Du point de vue de la classe dirigeante, c’est positif, car cela pourrait diminuer quelque peu la colère populaire qui éclaterait après que Podemos a pris le pouvoir et qu’il applique la politique de droite, comme l’a fait Syriza.
Attirant l’attention sur la « politique populiste de l’homme fort » de Podemos, Vidal-Folch critique toutefois la déclaration d’Iglesias disant que Rodríguez était « notre » ministre de la Défense. La « présence de civils aux responsabilités a été un excellent signe de la soumission permanente de l’armée au pouvoir démocratique », écrit-il, mettant en garde contre le fait de permettre aux militaires de contrôler l’armée : « Méfiez-vous des corporatismes dangereux, inefficaces et parasitaires. »
Alors qu’il appuie la ligne de droite de Podemos, Vidal-Folch s’inquiète de la nature trop flagrante de la nomination de Rodríguez et de ce que Podemos risque de se discréditer chez les travailleurs et dans la jeunesse par une politique ouvertement pro-militaire. Cela pourrait créer une situation où l’opposition de la classe ouvrière émerge en dehors du contrôle de Podemos, le principal outil utilisé cette dernière année et demie pour canaliser la colère sociale généralisée dans une direction procapitaliste.
Mais en dépit des préoccupations de Vidal-Folch, Podemos cherche activement à obtenir le soutien des forces armées. L’intégration de Rodríguez est un signe à la classe dirigeante qu’elle peut faire confiance à la politique étrangère de Podemos : au pouvoir, il irait en guerre de façon aussi impitoyable que d’autres gouvernements bourgeois.
La conférence de presse de Podemos s’est tenue le même jour que la visite du Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg à Saragosse pour superviser l’opération « Trident Juncture », un exercice militaire impliquant 30 gouvernements différents et 35.000 soldats, 140 avions et 60 navires de guerre. Ces manœuvres visent avant tout à menacer et à intimider la Russie et la Chine.
L’Espagne est fortement impliquée dans les opérations de l’OTAN. Elle a déployé des troupes en Irak pour former l’armée irakienne pour la première fois depuis son retrait de force en 2004. Depuis 2013, les forces espagnoles ont participé à des missions militaires de l’Union européenne et ont soutenu des interventions impérialistes françaises et américaines. Elle maintient actuellement un millier de soldats en Afrique dans 10 missions terrestres, aériennes et navales.
L’an prochain, l’Espagne va entraîner la force à haut niveau de préparation de l’OTAN déployable « en quelques jours » contre la Russie. L’armée espagnole fournira 4.000 des 5.000 troupes terrestres de la nouvelle équipe d’avant-garde.
Le fait que Podemos soit en passe de devenir un champion de l’armée est avant tout un avertissement très sérieux de son hostilité implacable vis-à-vis de la classe ouvrière.
Au 20e siècle, l’Espagne a connu quatre coups d’État militaires (1923, 1932, 1936 et 1981) et deux dictatures militaro-fascistes qui, ensemble, ont duré près de cinquante ans. Son armée est directement issue de l’armée de Franco qui, dans la Guerre civile espagnole (1936-1939), a tué des centaines de milliers d’Espagnols dans un soulèvement contre-révolutionnaire.
Mais l’an dernier, Podemos a créé des cellules de son parti au sein de l’armée. L’une d’elle a publié une déclaration disant : « L’armée est nécessaire aujourd’hui, et nous ne voulons pas entrer dans le débat antimilitariste... Ce que nous croyons peut embrasser toutes les idéologies qui existent à l’intérieur de l’armée. »
Iglesias a également rencontré le président de l’Association unifiée des militaires espagnols, Jorge Bravo, et a promis de « construire un programme politique qui inclut les droits inaliénables de l’armée ». Iglesias a ajouté : « Podemos assume comme légitimes les demandes des associations militaires et promet de les défendre. »
Peu de temps après, il a inclus dans son équipe José Antonio Delgado, porte-parole de l’Association unifiée des gardes civils. Les gardes civils militarisés ont soutenu toutes les dictatures en Espagne depuis leur fondation en 1844. Par Alejandro López
Grèce : grèves et protestations commencent contre le programme d’austérité de Syriza
La résistance grandit au programme d’austérité du soi-disant de gauche gouvernement Syriza en Grèce. Dans la semaine écoulée, des travailleurs des ferries et des transports, des enseignants et des étudiants ont débrayé et protesté contre l’attaque de leurs conditions de travail et de leur niveau de vie, contre des coupes dans l’éducation et d’autres services, imposées par Syriza et l’Union européenne (UE) au nom de l’élite financière.
Un débrayage de 48 heures des travailleurs des ferries du 2 au 4 novembre a eu un impact sévère, bloquant des dizaines de milliers de personnes sur les îles grecques. Le transport des produits agricoles a également été touché.
Les marins sont membres de la Fédération nautique panhellénique. Ils protestent contre la destruction de leur caisse de retraite, les coupes dans les retraites, les réductions d’effectifs des équipages des ferries pour passagers, qui mettront ceux-ci en péril, et contre la réduction de la couverture d’assurance médicale et des prestations sociales pour le personnel marin, retraité et actif.
Après un vote sur la poursuite de la grève, le syndicat a presque immédiatement annulé toute action, et les services de ferry ont repris normalement le 6 novembre au matin.
Mardi soir, les travailleurs du métro d’Athènes, du Chemin de fer Athènes-Pirée, du tramway et du rail de la ville ont organisé une grève pour protester contre le projet de fusion de leurs services sous un même opérateur dans le cadre d’une restructuration. Le personnel craint que les réductions de main d’oeuvre et de budget dues aux fusions entraîneront l’utilisation d’entrepreneurs extérieurs.
Le 2 octobre, des collégiens et des lycéens de la région d’Attique ont protesté à Athènes contre les coupes dans l’éducation. Ils exigent l’embauche d’enseignants supplémentaires et une hausse des dépenses pour les livres et d’autres ressources vitales. Les membres de la Fédération grecque de l’enseignement secondaire ont débrayé trois heures en soutien aux étudiants, rejoignant leur rassemblement.
Le 5 novembre, des élèves du secondaire et des étudiants ont protesté au plan national contre des coupes de 20 pour cent du budget de l’éducation. Comme à Athènes, des élèves et des étudiants ont manifesté dans la deuxième plus grande ville grecque, Thessalonique, et à Héraklion, en Crète.
Les étudiants exigent, outre un budget en hausse, l’embauche de plus d’enseignants et professeurs d’université. Un étudiant qui protestait à Athènes a dit que les coupes imposées à l’Institut d’enseignement technique du Pirée ont fait qu’un certain nombre de départements avaient cessé de fonctionner.
Les manifestations de cette semaine précèdent une grève générale prévue pour le 12 novembre. La grève a été appelée par la GSEE (Confédération des travailleurs du secteur privé) et l’ADEDY (Confédération des syndicats du public).
Dans son appel à la grève, ADEDY, qui compte environ 650 000 membres, a dit : « Il est clair que le gouvernement a pris le rôle de redistribuer la pauvreté. »
A vrai dire, ce n’est que grâce à la démobilisation de la classe ouvrière par les appareils syndicaux que Syriza peut imposer une nouvelle vague de coupes sombres dans son niveau de vie. Ces dernières semaines, Syriza a finalisé avec des responsables de l’UE une série de coupes à mettre en œuvre en échange de seulement €2 milliards sur les €86 milliards du prêt total sur trois ans déjà agréé.
Tôt le 6 novembre, le parlement grec a adopté un projet de loi imposant une série de « mesures préalables » en suspens à mettre en place avant qu’Athènes ne reçoive les €2 milliards. Parmi elles, la levée des obstacles à la vente du plus grand port grec, le Pirée, l’abandon des allégements fiscaux des agriculteurs, un nouveau système de calcul des pensions et la conformation de la Grèce aux règles d’efficacité énergétique de l’UE.
Le projet de loi a été adopté par 153 voix contre 118, appuyé par les votes combinés des députés de Syriza et de son partenaire de coalition, les Grecs indépendants, de droite. Les députés de la Nouvelle Démocratie conservatrice, de l’Aube dorée fasciste, de l’alliance PASOK /DIMAR social démocrate et du Parti communiste de Grèce (KKE) stalinien, ont fait un simulacre d’opposition.
Le gouvernement d’Alexis Tsipras devait finaliser, avant la date limite du 9 novembre, une législation supplémentaire exigée par l’UE comprenant le durcissement des règles hypothécaires pour permettre l’expulsion de 320.000 ménages grecs en retard dans leurs remboursements de prêts immobiliers.
Le Financial Times a écrit après le passage du projet de loi, « Le ministère des Finances est à la recherche d’un compromis sur les saisies des maisons des primo-accédants qui pourraient affecter des milliers de détenteurs de prêts immobiliers après le rejet de sa première proposition considérée trop généreuse par les contrôleurs du sauvetage financier ».
Il ajoute : « Même si les législateurs approuvent les mesures supplémentaires dans une session parlementaire d’urgence ce week-end, il y a encore des obstacles en vue pour le gouvernement. De nouvelles coupes dans les retraites et des hausses d’impôts pour les agriculteurs sont parmi les prochaines réformes à être adoptées d’ici la fin du mois, avant que le gouvernement Syriza puisse poursuivre les discussions sur l’allégement de la dette, sa priorité politique pour 2016 ».
Parlant au nom du ministère allemand des Finances, Martin Jaeger a dit, « La troïka [UE, Banque centrale européenne, et Fonds monétaire international] examine à l’heure qu’il est dans quelle mesure les Grecs ont rempli les conditions nécessaires au déboursement des prochains 2 milliards [d’euros]. Il y a encore des lacunes considérables à combler ».
Il a averti qu’aucune concession ne serait proposée à la Grèce : « En juillet, le gouvernement grec a conclu un accord spécifique avec ses partenaires... Il n’y a absolument aucune raison de modifier notre trajectoire ».
Les élites financières exigent que Tsipras intensifie l’austérité, et ne permettent à rien d’entraver cet objectif.
Cette année, des centaines de milliers de réfugiés désespérés et démunis sont venus du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord déchirés par la guerre sur les îles de la Grèce. Selon l’ONU, 218,394 personnes ont fait la traversée périlleuse de la Méditerranée le mois dernier, presque tous, sauf 8000, sont arrivés en Grèce ; 609.000 réfugiés sont arrivés en Grèce au total cette année. Plus de 350 000 sont arrivés sur l’île de Lesbos, qui a compte seulement 86.000 habitants.
Mais les appels du gouvernement Tsipras à l’adresse de l’UE pour une aide financière ont été ignorés.
Parlant à la presse jeudi, le commissaire européen Pierre Moscovici a déclaré : « La Commission n’a qu’une seule boussole – celle du pacte de la croissance et de la stabilité, et les règles doivent être appliquées ».
Interrogé pour savoir si l’aide devait être imminente pour la Grèce et d’autres pays qui sont les plus touchés par la crise des réfugiés, Moscovici a répondu : « En ce qui concerne la Grèce, nous avons une autre boussole, l’adoption du protocole d’accord et le programme [d’austérité]. Rien ne doit nous faire relâcher ces réformes ».
Les travailleurs et les jeunes doivent engager une lutte contre le gouvernement Syriza qui a montré sa détermination à faire passer en force des coupes plus sévères que celles imposées par les gouvernements précédents de Nouvelle Démocratie et du PASOK.
On ne peut pas faire confiance aux syndicats qui se comportent envers les travailleurs et la jeunesse en force hostile. Ils ont passé les cinq dernières années à faciliter les programmes d’austérité imposés par divers gouvernements. La bureaucratie syndicale est surtout constituée de partisans de Syriza, du PASOK, du KKE et d’innombrables partis de la pseudo-gauche. Leurs grèves répétées de protestation d’un jour n’ont jamais été conçues pour mobiliser la force collective de la classe ouvrière, mais seulement comme moyen de dissiper sa colère tandis qu’on imposait les coupes sociales.
Bien que les syndicats ADEDY et GSEE aient appelé à plus de 30 grèves générales depuis 2010, l’arrêt de travail de cette semaine est la première grève générale qu’ils ont appelée en presque un an. Ils ont refusé de faire quoi que ce soit quand Syriza a conclu son accord d’austérité avec la troïka. Par Robert Stevens
La capitulation du gouvernement Syriza devant l’UE démasque Podemos en Espagne
De tous les partis de la pseudo-gauche dont le discours vide s’est dégonflé avec la capitulation du gouvernement Syriza devant les banques aucun ne fut démasqué plus complètement que Podemos (‘Nous pouvons’) en Espagne.
Podemos a été fondé l’an dernier par le groupe petit-bourgeois Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste, IA) et une cabale d’universitaires staliniens de l’université Complutense de Madrid conduite par Pablo Iglesias, professeur et vedette de télévision de 36 ans. Le groupe s’est ouvertement inspiré de Syriza et a recherché une alliance avec lui. Bénéficiant du discrédit des partis conservateurs et sociaux-démocrates qui soutiennent la politique d’austérité en Espagne, Podemos, comme Syriza en Grèce avant lui, recueille en ce moment quelque 25 pour cent dans les sondages. Il espère pouvoir former un gouvernement après les élections de novembre prochain.
Le bilan de Syriza montre ce que serait un gouvernement Podemos en Espagne : un serviteur de l’impérialisme collaborant avec des forces ouvertement droitières pour attaquer la classe ouvrière.
La direction de Podemos a salué les attaques menées par Syriza contre les travailleurs grecs. Le 20 février, Syriza avait signé un accord avec l’UE qui répudiait sa promesse de mettre fin à l’austérité et d’abolir le ‘mémorandum’ d’austérité. Quatre jours après cette capitulation, Syriza avait annoncé de nouveaux projets de coupes budgétaires, de privatisation et de réduction des soins de santé ainsi qu’un relèvement de l’âge de départ à la retraite.
Iglesias a dit, en louant de façon grotesque la capitulation abjecte de Syriza devant l’UE, qu’elle était la preuve de son esprit combatif. « Il y a quelque chose que nous pouvons célébrer. Il y a enfin un gouvernement en Europe méridionale qui négocie et ne ploie pas l’échine en obéissant… Heureusement, ils sont parvenus à un accord, un accord raisonnable qui leur permettra de gouverner en paix, » a-t-il dit à la chaîne de télévision Telecinco.
L’appui d’Iglesias aux attaques menées contre la classe ouvrière grecque est l’aboutissement logique du soutien accordé par Podemos à Syriza sur toute une période allant jusqu’aux élections grecques du 25 janvier.
Le dirigeant de Syriza, l’actuel premier ministre grec Alexis Tsipras a, durant des mois, collaboré étroitement et publiquement avec Iglesias. Les deux hommes s’étaient rencontrés à Athènes en juillet dernier pour coordonner officiellement les activités de leurs partis dans le but de former des gouvernements de « gauche » dans les deux pays. Ils se sont rencontrés à nouveau en octobre pour le lancement d’une « Alliance pour le changement politique. » Durant cette réunion, Iglesias avait qualifié Syriza « d’allié naturel de Podemos en Grèce ». Tsipras avait dit, exalté, que « Podemos p[ouvait] se transformer en un autre Syriza pour l’Europe, le Syriza espagnol. »
En novembre, au moment de son congrès fondateur et de l’élection de sa direction, Podemos avait reçu l’accolade non seulement de Tsipras, qui avait assisté à l’événement, mais du Financial Times de Londres, l’organe du capital financier européen. Dans l’article intitulé « La gauche radicale a raison à propos de la dette de l’Europe, » l’éditorialiste Wolfgang Münchau souscrivait à la politique financière de Podemos : « L’establishment [espagnol] craint que le programme de Podemos ne transforme le pays en une version européenne du Venezuela. Mais le fait de dire que si la dette n’est pas soutenable, elle doit être restructurée ne devrait pas donner matière à controverse. »
En janvier, des figures influentes de Podemos, dont Teresa Rodríguez, d’IA, qui siège au parlement européen pour Podemos et qui était candidate du parti aux élections de dimanche en Andalousie, avaient signé un manifeste appelant à voter pour Syriza. Rodriguez avait déclaré qu’il était nécessaire d’empêcher que la « démocratie soit battue par les marchés… Nous sommes convaincus que le peuple grec se servira des urnes pour chasser les voleurs. »
L’apogée de cet amour mutuel fut la participation d’Iglesias au rassemblement électoral de Syriza le 22 janvier et lors duquel, tenant la main de Tsipras, il avait scandé devant les partisans de Syriza, « Syriza, Podemos, nous gagnerons. » Iglesias a dit, qu’un « vent de changement souffl[ait] sur l’Europe. Le changement en Grèce s’appelle Syriza, en Espagne il s’appelle Podemos. L’Espoir est en marche. »
Ces phrases-choc volèrent en éclat moins d’un mois après la victoire électorale de Syriza. Sans lancer le moindre appel à la classe ouvrière européenne pour une opposition de masse à l’austérité, les responsables de Syriza firent pendant quelques semaines la tournée des capitales et des marchés boursiers européens et capitulèrent promptement devant l’UE, les banques et la ‘troïka’ (EU, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).
Podemos n’a pas seulement approuvé les coupes sociales effectuées par Syriza mais aussi la formation par celui-ci d’un gouvernement de coalition avec le parti droitier des Grecs indépendants (Anel), une scission nationaliste et antisémite d’avec le parti Nouvelle Démocratie (ND). Iglesias a dit, « Nous avons le plus grand respect pour l’accord conclu par Syriza, » et ajouté : « Je suis sûr qu’ils se baseront sur l’élément le plus essentiel, qui est le programme et pas les étiquettes. »
En effet, le programme est plus important que les étiquettes : le programme droitier de Syriza a définitivement supplanté les étiquettes de « gauche » dont se sont servi les médias bourgeois et les partis frères de la pseudo-gauche comme Podemos pour faire leur réclame mensongère en faveur d’un gouvernement Tsipras.
Podemos est parfaitement conscient de faire l’éloge de Syriza au moment même où Tsipras capitule devant l’UE. Si Podemos a soigneusement évité de dire que Syriza avait répudié ses promesses, il a toutefois commencé à dire – même avant la conclusion de l’accord de Syriza avec l’UE en février – qu’il adopterait une position plus ferme vis-à-vis de l’UE que Syriza.
Peu après l’élection de Tsipras, Iglesias avait dit que l’Espagne était « la quatrième puissance économique d’Europe et qu’elle n’était pas menacée par la Bundesbank, » la banque centrale allemande. Il a prétendu que l’Espagne était mieux placée que la Grèce parce « personne ne fera nos devoirs pour nous. » Il s’est vanté de ce que Podemos allait rencontrer des investisseurs, des ambassadeurs, y compris ceux des Etats-Unis, et des gens avec lesquels il « n’était pas d’accord. » Iglesias a ajouté n’avoir pas de problème à rencontrer « tout le monde, » y compris la chancelière allemande Angela Merkel.
De la même façon, Iñigo Errejón, un ancien doctorant de Complutense et actuellement secrétaire politique de Podemos, a dit à El País : « L’Espagne n’est pas la Grèce. Nous sommes la quatrième économie de l’UE et notre capacité à négocier est plus grande. Nos conditions institutionnelles, sociales et économiques aussi sont différentes. »
C’est là une escroquerie politique. Syriza a capitulé devant l’austérité non pas parce que la Grèce était plus petite que l’Espagne ou l’Allemagne, mais en raison de sa défense absolue du système capitaliste. Il s’agit d’un parti bourgeois reposant sur des secteurs privilégiés de la classe moyenne organiquement hostiles à la révolution sociale et à la classe ouvrière. Dès le départ, il avait soutenu le cadre de l’UE et de l’euro – à savoir, l’Europe des banquiers.
Le comportement de Podemos à l’égard des travailleurs ne serait nullement différent s’il arrivait au pouvoir à Madrid. Suite à une contraction de 7 pour cent de l’économie espagnole, près d’un quart des travailleurs et plus de la moitié des jeunes de la classe ouvrière sont au chômage. Un premier ministre Iglesias qui contemplerait la population du haut du Palais de la Moncloa, à travers d’innombrables rangées de policiers anti-émeute, serait terrorisé par les travailleurs au même titre que le sont Tsipras ou l’actuel premier ministre Manuel Rajoy.
L’unique différence visible entre Iglesias et Tsipras, est que le discours du premier est peut-être encore plus insipide et droitier que celui du second. Lorsque Iglesias s’était rendu à Wall Street le mois dernier – suivant la voie tracée par les visites de Tsipras à ses contacts de la CIA à la Brookings Institution à Washington – il était apparu à la chaîne de télévision américaine spécialisée dans les finances CNBC pour faire l’éloge du capitalisme. « Nous croyons que l’économie de marché est une réalité, » a dit Iglesias à l’émission économique phare Squawk Box de CNBC, « mais elle a ses limites. »
En fait, ce qui est en train d’avoir lieu c’est un effondrement global du capitalisme. La catastrophe sociale en Europe signale une désintégration de l’équilibre politique issu des luttes de masse des années 1960 et 1970, qui ont renversé la junte des colonels grecs en 1974 et la dictature de Franco en 1975. Des partis traditionnels de gouvernement de la bourgeoisie constitués durant ces crises, tels que le parti social-démocrate Pasok en Grèce et le parti socialiste espagnol (PSOE), sont en train de s’écrouler, discrédités qu’ils sont en tant qu’instrument de la politique d’austérité et de régression sociale de l’UE.
Le rôle de Syriza et de Podemos consiste à mener la colère des masses dans l’impasse que constitue l’élection de nouveaux gouvernements bourgeois. Les appels populistes de Podemos qui dénonce le PSOE et le Parti populaire (PP) conservateur comme « la caste », sont l’image inversée de la colère sociale explosive en train de s’accumuler contre l’ordre bourgeois dans la classe ouvrière. Mais ces appels sont totalement démagogiques, vu que l’ambition la plus chère des couches aisées de la classe moyenne qui animent Podemos est précisément de rejoindre « la caste. »
Cette perspective a ses racines historiques dans le rejet de la révolution socialiste par les staliniens et les partis de la pseudo-gauche au sein de Podemos. Sous Franco, le Parti communiste espagnol (PCE) avait recherché, dans le but d’instaurer un système parlementaire bourgeois, une « réconciliation nationale » entre la classe ouvrière et la partie « progressiste » du capitalisme espagnol. Durant la transition de l’après-Franco, le PCE a démobilisé l’opposition ouvrière en échange de concessions figurant dans les Accords de la Moncloa, de 1978, et le Statut des travailleurs.
Des décennies durant, le PCE et ses satellites immédiats regroupés dans la coalition de la Gauche unie (Izquierda Unida, IU) ont servi d’instrument à l’ordre bourgeois. Iglesias a donc compté sur l’IA et des groupes identiques de la pseudo-gauche qui se disent à tort « anticapitalistes » et disposent d’une faible présence parlementaire, pour donner à Podemos un vernis d’opposition. L’expérience de Syriza a toutefois grillé cette couverture.
Au moment où la crise du capitalisme met à l’ordre du jour une nouvelle éruption des guerres et des luttes révolutionnaires qui ont déjà marqué le 20ème siècle, ces forces de la pseudo-gauche s’offrent comme garants de l’ordre. La conclusion qu’elles ont tirée de la dissolution de l’URSS en 1991 et de la restauration du capitalisme en Europe de l’Est, comme l’a clairement fait savoir Iglesias, est que le capitalisme est la seule alternative. Elles sont politiquement et idéologiquement conditionnées pour être les instruments vénaux du capital financier.
Au moment où il entre plus directement au service de l’Etat bourgeois, Podemos adopte un discours classiquement associé à la politique de l’extrême-droite – il fait l’éloge de l’église, de la monarchie et de l’armée.
Iglesias a à mainte reprise insisté sur le fait qu’il était prêt à former n’importe quel type d’alliance politique, y compris avec des forces explicitement de droite du genre de celle conclue entre Syriza et Anel. Dans un communiqué où il déclare envisager des ententes à la fois avec le PSOE et le PP, il a dit : « Nous ne sommes pas des sectaires. En ce qui concerne les questions programmatiques, nous n’aurons de problème avec personne. »
Podemos a aussi créé des groupes au sein de l’armée et a soutenu leurs revendications. Iglesias a organisé une réunion avec l’Association unie des militaires espagnols (AUME) dans le but de « concevoir un programme politique qui inclue les droits inaliénables des militaires en tant que citoyens et qui offre aux citoyens une vision moderne des forces armées… Pour cette raison, le Conseil de Coordination de Podemos maintiendra une forte collaboration avec les représentants des associations des forces armées… »
Iglesias a aussi déclaré « être d’accord sur un grand nombre de choses » avec le pape François et dit qu’il espérait le rencontrer, tout comme le roi Philippe VI à qui il a rendu hommage parce qu’il jouissait « d’une grande estime » auprès des Espagnols.
De telles banalités patriotiques ont valu à Podemos les éloges de la presse de droite. Le quotidien de droite en ligne El Confidencial a dit que Podemos était en train d’accomplir ce que le PP et le PSOE n’avait pu faire : « Iglesias a rendu le patriotisme au peuple de gauche. Actuellement la gauche est en mesure de fournir une solution en faisant appel à un réel sentiment collectif resté miraculeusement vivant après avoir passé des décennies au fond du placard. Cela semble tellement important, tellement historique que je ressens le besoin de le partager avec vous. »
Dans la mesure où Podemos cherche des alliances à l’étranger, il ne le fait pas en lançant des appels à la solidarité internationale de la classe ouvrière, mais aux diplomates et aux politiciens réactionnaires.
Après son voyage à Wall Street, Iglesias avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Madrid et annoncé qu’il considérait les relations entre l’Espagne et les Etats-Unis comme une question « stratégique ». Il a aussi félicité Obama pour la « cohérence et la raison » dont il fit preuve en offrant une « chance » au gouvernement Syriza. Il a expliqué son intention de retourner aux Etats-Unis en compagnie de l’ambassadeur et a offert de l’aider à préparer des réunions avec les membres du Congrès américain.
Parallèlement, Podemos entretient des liens avec des factions du Front de Gauche français mené par Jean-Luc Mélenchon, ancien ministre social-démocrate qui a publié l’année dernière un livre proclamant la mort de toute politique de gauche.
La voie pour aller de l’avant pour la classe ouvrière et les jeunes n’est pas de suivre Syriza ou Podemos mais de mener une lutte implacable contre eux. L’intensification de l’oppression de classe et de l’inégalité sociale apparues dans toute l’Europe ne fait pas seulement naître des forces telles que Podemos qui sont le réflexe défensif d’un ordre social agonisant. La classe ouvrière doit émerger en tant que force politique indépendante et elle le fera.
La tâche centrale est la construction d’un parti qui donne une direction politique à la lutte de la classe ouvrière et une perspective pour le renversement du capitalisme au lieu de rebaptiser le personnel dirigeant de la bourgeoisie comme le propose Podemos. Un tel parti ne peut être construit que sur la base de l’héritage historique de la lutte menée par Trotsky contre le stalinisme et toutes les formes d’opportunisme petit-bourgeois. Par Alex Lantier et Alejandro López
Le dirigeant de Podemos promeut le patriotisme
Podemos a organisé samedi dernier son premier grand rassemblement dans la capitale espagnole Madrid. Selon l’organisation, 300.000 personnes s’étaient réunies pour la « Marche du changement » ; 260 autobus avaient acheminé des milliers de partisans des quatre coins de l’Espagne.
Selon son dirigeant, Pablo Iglesias, le but de la marche n’était pas de « demander quoi que ce soit au gouvernement du Parti populaire [PP] », mais d’effectuer une démonstration de force pour prouver que la « majorité sociale n’était pas disposée à faire confiance au PP et au PSOE [le Parti socialiste espagnol, principal parti d’opposition]. »
A la fin de la marche, Iglesias a tenu un discours pro-capitaliste et nationaliste dans lequel la défense de la « souveraineté nationale » était un des thèmes récurrents. Il a évoqué le Don Quichotte de Cervantes, le poète espagnol Antonio Machado, le soulèvement contre l’occupation napoléonienne de l’Espagne en mai 1808 et la proclamation de la République espagnole en 1931.
Il a déclaré, « Nous sommes venus pour célébrer le fait qu’en 2015 le peuple allait recouvrer notre souveraineté et recouvrer notre pays. Nous sommes aussi venus pour tendre la main à d’autres… C’est un moment essentiel. C’est un moment constitutif d’un nouveau pays qui a décidé de recouvrer sa souveraineté, de recouvrer sa démocratie. C’est maintenant le moment. Oui nous pouvons ! »
La démagogie patriotique d’Iglesias n’a rien de nouveau. Ses discours regorgent d’appels au nationalisme et d’attaques contre la « caste », terme qui désigne le PP et le PSOE qui ont « vendu le pays » à la ‘troïka’ – le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et l’Union européenne.
Dans une récente déclaration, Iglesias s’en était pris à la décision lamentable du gouvernement de ne pas mettre à la disposition de tous les patients atteints d’hépatite C les derniers médicaments coûteux qui ont un taux de guérison de 95 pour cent. Il a dit qu’un « gouvernement patriotique s’assiérait à une table avec les compagnies pharmaceutiques et leur dirait : ‘vous ne pouvez pas faire des bénéfices aux dépens de gens qui meurent dans mon pays’. »
Iglesias a précisé la politique de base qu’appliquerait un gouvernement de Podemos. « Nous voulons un changement qui garantisse les retraites de nos aînés, qui consolide les petites entreprises ; que notre investissement dans I+D+I [recherche+développement+innovation] soit porté au niveau de celui de l’UE ; nous voulons défendre une industrie innovante, la souveraineté technologique, alimentaire et énergétique ; nous voulons des changements qui ouvrent la porte à une économie verte, abandonner l’économie non rentable et précaire du logement, des changements sur le marché du travail pour être plus compétitif ; un changement qui mette de l’ordre dans les comptes et nous voulons mener une lutte sans merci contre les modifications fiscales. »
Iglesias a aussi demandé une « restructuration de la dette » sans préciser la date ni le mode de celle-ci.
Ce discours montre que Podemos n’est en rien une menace pour la classe dirigeante espagnole. Son programme économique vise à convaincre des secteurs de la classe dirigeante qu’un gouvernement Podemos ne remettrait pas vraiment en question les intérêts de celle-ci mais mobiliserait la petite bourgeoisie et la classe moyenne supérieure contre la classe ouvrière.
La fondation de Podemos date d’il y a un an, mais le parti a déjà jeté aux orties sa maigre panoplie de réformes palliatives. Si aux élections européennes de mai il réclamait encore une réduction à 60 ans de l’âge de départ à la retraite, son programme économique de décembre demandait son maintien à 65 ans. Actuellement, il ne propose qu’un changement ambigu qui « garantisse » les retraites.
En décembre, il appelait à l’introduction d’une semaine de 35 heures. A présent, Iglesias parle comme un dirigeant de la Confédération espagnole des organisations d’entreprises, la principale organisation patronale, quand il déclare qu’il faut des changements sur le marché du travail pour « être plus compétitif. »
Les attaques constantes contre la « caste » et les références à la lutte d’« en bas » contre ceux « d’en haut » furent d’autres thèmes récurrents du discours d’Iglesias. Il a oublié de mentionner la réunion secrète qui a eu lieu entre lui, Iñigo Errejon (le stratège de Podemos), l’ancien premier ministre espagnol Jose Luis Rodríguez Zapatero et l’ancien ministre de la Défense Jose Bono, au domicile de ce dernier.
La réunion qui fut divulguée par Zapatero lors d’une interview radiophonique, fut confirmée quelques semaines plus tard par Iglesias qui remarquait, « Pour moi, ce fut un plaisir, j’ai beaucoup appris : parler à des gens qui ne pensent pas comme vous, mais qui ont eu une expérience gouvernementale et parler de politique en général était extrêmement intéressant. »
Iglesias parle là du premier ministre responsable de la première vague d’austérité et qui a recouru à l’armée pour briser la grève sauvage des contrôleurs aériens en décembre 2010, et d’un ancien ministre de la Défense qui a augmenté les dépenses de Défense et déployé des troupes pour l’occupation de l’Afghanistan par l’OTAN, conduite par les Etats-Unis.
Dans son discours, Iglesias a fait référence aux luttes menées des années durant par la classe ouvrière et les jeunes contre les réformes de l’éducation. Il a omis de mentionner le rôle traître joué par les syndicats qui ont démobilisé la classe ouvrière, isolé les grèves, lâché de la vapeur dans des grèves générales de 24 heures et négocié des réformes du travail et des retraites avec le gouvernement.
Il parla aussi du mouvement M-15, le mouvement des jeunes qui avait occupé les places de toutes les villes en mai 2011. « Cette place, la Puerta del Sol a assisté au recouvrement de nos libertés, » a-t-il déclaré, « et ce jour du 15 mai, des milliers de jeunes gens ont crié ‘Ils ne nous représentent pas ! Nous voulons la démocratie !’ Ces gens courageux sont ici présents aujourd’hui, vous êtes la force du changement, merci d’être ici. »
Le mouvement M-15, connu sous le nom d’Indignados (ceux qui sont en colère) était dominé par les tendances de la pseudo-gauche. Ces dernières s’opposèrent à tout programme clair, toute perspective et toute direction politique, laissant à la classe dirigeante le champ libre pour imposer un train de mesures d’austérité après l’autre. Près de quatre ans après mai 2011, ces mêmes tendances telles Izquierda Anticapitalista (IA, Gauche anticapitaliste), En Lucha (En Lutte), Democracia Real Ya (Une vraie démocratie maintenant !) et Juventud Sin Futuro (Jeunesse sans futur) sont totalement intégrées dans Podemos ou dans Izquierda Unida (Gauche Unie, IU). Le futur coordinateur général d’IU, Alberto Garzón, autrefois l’un des principaux porte-parole du mouvement de protestation se vit, en l’espace de six mois, coopté à une haute position au sein de l’IU.
Mais samedi dernier, comme l’a fait remarquer un observateur, « Bien que des jeunes fussent présents, la vaste majorité de la foule avait plus de 30 ans et beaucoup de ceux qui ont défilé étaient dans la tranche d’âge des 60-70 ans. Les personnes qui défilent aujourd’hui à Madrid ne sont pas les jeunes protestataires du M-15 de 2011. »
Iglesias a aussi glorifié le nouveau gouvernement de Syriza en Grèce et l’a décrit comme le « vent du changement ». Il a évoqué les dernières mesures annoncées par le gouvernement grec et affirmé, « Aujourd’hui en Grèce, il y a un gouvernement sérieux et responsable qui travaille avec le peuple. Qui dit que nous ne pourrions pas le faire ? Qui dit qu’un gouvernement ne peut pas changer les choses ? En Grèce [le gouvernement] a fait plus en six jours plus que d’autres gouvernements en plusieurs années. »
A l’encontre de ce que dit Iglesias, du fait de l’alliance de Syriza avec les Grecs Indépendant (ANEL), scission droitière et xénophobe du parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) et de l’attribution du ministère de la Défense à son dirigeant, Panos Kammenos, il n’aura fallu que quelques heures à Syriza pour révéler son caractère bourgeois. Syriza a aussi abandonné sa promesse de dissoudre les unités, infestées de fascistes, de la police anti-émeute ; sur le plan international il a soutenu les sanctions de l’impérialisme européen contre la Russie.
Iglesias s’est néanmoins empressé de souligner les différences entre la Grèce et l’Espagne afin de calmer et de rassurer l’élite dirigeante sur la volonté de Podemos d’imposer des mesures d’austérité. Suite à la victoire électorale de Tsipras en Grèce, Iñigo Errejón a dit au journal El País, « Nous gardons nos distances parce que la situation en Grèce et en Espagne est différente. […] L’Espagne est plus forte et a une plus grande capacité de réaction. » Par Alejandro López
Messages
1. Podemos, Syriza, des organisations politiques qui ne font pas partie des partis et syndicats classiques bourgeois mais qui se refusent à être des organisations politiques de classe du prolétariat, retombent inévitablement dans le cadre bourgeois, 6 juillet 2019, 08:51
Après sa défaite aux européennes, le parti de Tsipras pourrait subir un profond désaveu ce dimanche en Grèce où se tiennent des élections législatives anticipées. Pour la politologue Filippa Chatzistavrou, « Syriza a orchestré le délitement d’une conviction populaire ».