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Les Gilets jaunes démontrent que nous entrons à nouveau dans l’ère des révolutions prolétariennes

samedi 5 janvier 2019, par Robert Paris

édito

Les Gilets jaunes démontrent que nous entrons à nouveau dans l’ère des révolutions prolétariennes

Malgré tous les menteurs professionnels qui ont voulu y voir un mouvement essentiellement petit bourgeois, c’est bel et bien une lutte de classes qui a éclaté brutalement en France avec le mouvement des gilets jaunes, et c’est bien le monde du travail qui s’est insurgé contre le pouvoir du capital !

Le plus amusant, c’est de voir tous ces partisans de l’esprit petit bourgeois, socialement et politiquement, et même organisationnellement et culturellement, affirmer qu’ils ne soutiendront pas les gilets jaunes parce que ce ne serait pas un mouvement pur socialement mais qu’il serait à dominante petite bourgeoise !!! Pour ces soi-disant « puristes », la Commune de Paris de 1871 et la révolution russe de 1917 auraient été des mouvements singulièrement peu « purs » et entachés de participations petites bourgeoises massives. Et ne parlons pas des tendances nationalistes au sein de ces mouvements, ni de l’existence de racistes en leur sein… C’est toujours les mêmes considérations moralistes mensongères, les prétendues manipulations qui gangrèneraient les mouvements insurrectionnels et qui servent à ces adversaires des explosions sociales pour s’en démarquer ! On a même pu entendre un soi-disant leader révolutionnaire affirmer sans rire que la violence, ce n’était pas révolutionnaire !!! Sans parler des dirigeants syndicaux qui affirmaient que les objectifs des gilets jaunes ne correspondaient pas aux revendications de la classe ouvrière. Ah, ah, ah, comme c’est comique !!!

Non seulement ce mouvement spontané, auto-organisé, touchant les plus prolétarisés des travailleurs de France a surpris, a renversé tous les modes habituels des luttes de classes en France, a mis par terre tous les moyens classiques d’encadrement réformiste des luttes ouvrières et d’encadrement réformiste de l’intervention politique, les travailleurs refusant tous les modes de représentation et de négociation habituellement utilisés, mais les Gilets jaunes ont contesté les fondements mêmes de l’ordre établi, l’obéissance à l’Etat des classes possédantes, la reconnaissance de son rôle central, l’acceptation de ses règles et de ses lois, non seulement pour organiser rassemblements, manifestations et blocages mais aussi pour centraliser les relations sociales et politiques. Tous les garde-fous habituels ont été bousculés, non par un plan préétabli mais par la spontanéité du mouvement de masse, auto-organisé en masse, décidant de tout lui-même en masse, sur toute l’étendue du territoire.

Avant même de révolutionner les rapports entre la lutte sociale et les classes dirigeantes, les gilets jaunes ont révolutionné les rapports entre ceux qui luttent, en organisant la lutte au sein des gilets de manière permanente, tous les jours, dans les forums que sont devenus les ronds-points occupés. Ce nouveau lieu de rencontre et de débat a représenté une avancée que tout le monde a remarqué et que le pouvoir a maintes fois tenté de supprimer bien que se rassembler aux ronds-points ne soit même pas en soi illégal, du point de vue de la légalité capitaliste s’entend.

Il est également remarquable que ce mouvement a supprimé la dichotomie, admirablement réalisée par les appareils syndicaux et les appareils politiques réformistes, entre intervention sociale et intervention politique. En effet, jusqu’au 17 novembre en France, on connaissait deux moyens de protester : soit politiquement en votant aux élections bourgeoises, soit syndicalement en participant aux journées d’inaction des appareils bureaucratiques se revendiquant faussement de la défense des intérêts économiques des travailleurs. Il était de bon ton de faire remarquer qu’un mouvement ne devait pas à la fois être politique et social ou syndical. C’est tout cet édifice de tromperie qui a été mis à bas et qu’on ne reconstituera pas aisément.

Pendant de longues années, on nous a dit que les travailleurs ne pouvaient pas, par eux-mêmes, s’organiser, se structurer, se fédérer inter-corporations, inter-entreprises, inter-professionnellement, interrégionalement, et on en passe. La meilleure démonstration venait même d’en être faite puisque, devant une offensive macronienne contre l’ensemble du service public se traduisant par la privatisation en même temps de la SNCF, de La Poste, des aéroports, de Engie, de secteurs entiers de la Santé et on en passe, cumulée à une attaque de l’ensemble du service public, on devait considérer comme une obligation d’en passer par des appareils syndicaux unis qui imposaient une grève, seule, des cheminots, avec des modes d’intervention aussi impuissants que possible, aucun syndicat ne contestant cette méthode d’organisation méthodique de l’impuissance ouvrière.

Et c’est donc immédiatement après, alors qu’aucun des éléments de la situation n’avait fondamentalement changé que les mêmes gouvernants ont été contraints de reculer, que les classes possédantes ont tremblé sur leurs bases, alors que cela n’avait jamais été le cas lors des mouvements syndicaux parfois massivement suivis, répétés et soutenus. Pas une miette n’avait été cédée, pas une attaque n’avait été reportée à la suite des journées d’action, qu’elles soient générales ou corporatives, à l’initiative des appareils syndicaux.

Alors que l’on était entré ces dernières années, suite à l’effondrement capitaliste de 2007-2008, dans une phase d’offensive antisociale tous azimuts des classes possédantes, les appareils réformistes politiques et syndicaux, des partis « socialistes » aux syndicats, sont devenus plus intégrés que jamais à l’ordre bourgeois, le cautionnant plus que jamais, dépendant financièrement de lui aussi plus que jamais et le défendant becs et ongles comme ils viennent de le démontrer publiquement et clairement.

A l’inverse, face à l’insurrection jaune, les classes possédantes ont commencé à reculer, ont repoussé des attaques prévues, en ont annulé même, ont annoncé quelques mesures en faveur des actifs les plus démunis, ont reconnu publiquement la validité des revendications, ont admis que le monde du travail subissait une existence insupportable. Ils l’ont fait contraints et forcés, bousculés par la force de la révolte spontanée.

Le mouvement des gilets jaunes ne s’est pas gêné pour afficher des aspirations et des revendications à la fois sociales et politiques, pour entrer résolument dans la chasse gardée des classes dirigeantes, pour intervenir en politique, pour intervenir contre les décisions des gouvernants.

Spécialistes de la théorisation de l’impuissance d’auto-organisation ouvrière, la plupart des organisations syndicales, associatives et politiques qui se revendiquent des travailleurs ont déclaré se tenir à l’écart du mouvement sous des prétextes divers, se sentant tous mis en cause, discrédités, déconsidérés par le mouvement spontané, insurrectionnel, qui, en montrant sa capacité d’organisation, a montré aussi combien les travailleurs eux-mêmes pouvaient parfaitement se passer de tous ces appareils, grands et petits, réformistes, de gauche, de gauche radicale, de l’extrême gauche aussi.

Au lieu de considérer qu’ils pouvaient se mettre à l’école des travailleurs en lutte, ces appareils qui se revendiquent de la lutte des travailleurs se sont mis à l’écart, ont donné des justifications théoriques à leur retrait, à leur refus, à leur opposition au mouvement éventuellement. Et ces raisons sont complètement bidon, depuis l’accusation de banditisme, de casseurs, de fascisme, de racisme, d’homophobie du mouvement des gilets jaunes, jusqu’à la manipulation par les organisations politiques d’extrême droite et d’ultra gauche. En fait, ces organisations dites ouvrières ont repris exactement les mêmes mensonges que le pouvoir capitaliste !

Bien entendu, cela n’empêche pas la plupart de ces organisations syndicales d’accepter en leur sein de véritables fascistes, racistes, homophobes et de ne nullement les combattre !!

Bien entendu, s’il avait fallu dans une lutte sociale refuser de participer sous le prétexte de la participation de quelques centaines d’homophobes, de racistes ou de fascistes, aucun mouvement social, aucune grève, aucune manifestation ne serait possible et la voie serait libre pour que l’extrême droite soit la seule à organiser les luttes sociales.

Bien entendu, il est plus facile de voir le caractère bidon de l’argument quand il s’agit d’un Macron qui se drape dans l’antifascisme pour combattre le mouvement comme il vient de le faire dans sa déclaration de vœux de nouvel an. Ce dernier a fait de nombreux gestes pour se créditer auprès de fascistes réels et certains de ces gestes ont été publics comme la reconnaissance de Pétain aux cérémonies du souvenir de la première guerre mondiale ou la remise de la légion d’honneur tout récemment à l’écrivain fasciste, raciste et homophobe, puant sous toutes ses formes, Michel Houellebecq, en passant par la liaison avec de multiples petites sectes fascistes de ses ministres, Collomb étant l’un des participants de la célèbre et très d’extrême droite « manif pour tous ».

En ce qui concerne les syndicats, associations et partis de gauche ou d’extrême gauche qui manient eux aussi la calomnie pour assimiler un immense mouvement prolétarien à quelques groupes ou actions localisées et limitées, on trouve là un exemple de retournement politique et social de tout une partie du courant militant en France, courant qui choisit, alors même que les travailleurs les plus exploités et opprimés entrent en lutte, se tenir à l’écart et de les dénoncer, de les calomnier même !!!

Cela concerne toutes les sortes d’organisation et tous les courants. Ils ont été pris au piège à la fois de leur participation au système capitaliste, leur reconnaissance de la légalité bourgeoise, leur participation aux élections bourgeoises et aux élections professionnelles, aux appareils syndicaux. Il y a également leur soutien aux prétentions des Etats bourgeois de combattre « pour le climat », une vaste comédie, ou de combattre « contre le fascisme », une deuxième comédie. Tous ces appareils, grands et petits, reconnaissent la démocratie bourgeoise et la défendent.

Eh bien, ils viennent de montrer qu’ils la défendront, y compris contre les travailleurs révolutionnaires !! Et c’est vrai non seulement d’organisations ouvertement réformistes bourgeoises mais même de groupes qui se disent eux-mêmes révolutionnaires et favorables à un pouvoir aux travailleurs !!!

Toutes ces manœuvres ordurières ne peuvent occulter le fait essentiel : le prolétariat de France est le premier du monde des pays développés à avoir renoué avec l’action révolutionnaire. Quelques soient les faiblesses et les limites de ce premier pas, il a un mérite évident et qui explique la haine et la violence des classes possédantes à son égard : proclamer à la face du monde que les exploités peuvent s’organiser et se faire craindre des classes possédantes et sont capables de menacer leur pouvoir de classe. Et la leçon a été immédiatement entendue partout dans le monde puisque sur tous les continents, les gilets jaunes ont fleuri et se sont multipliés !

Comme on le voit, ce n’est pas seulement la taxe carburants, ce n’est pas seulement la morgue de Macron, ses propos injurieux et ses mesures agressives qui sont en cause puisque cela concerne la planète entière, c’est bel et bien le système d’exploitation et de domination et les Etats à son service qui sont mis en cause, au même moment que les bourses du monde affichent une incapacité marquante à se relever malgré des interventions financières centrales massives.

Oui, nous sommes bel et bien entrés dans l’ère des luttes de classes insurrectionnelles, du moment que les luttes sociales réformistes ont démontré depuis 2008 (c’est-à-dire depuis l’effondrement capitaliste généralisé) qu’elles ne parvenaient plus à obtenir la moindre avancée sociale, ni à bloquer aucune offensive antisociale, les organisations réformistes devenant de plus en plus de simples courroies de transmission d’un pouvoir plus antisocial que jamais.

Les classes possédantes ont parfaitement compris que l’une des forces du mouvement gilets jaunes, un des éléments qui en faisait un mouvement insurrectionnel, est le mode d’organisation des travailleurs à la base, se passant de tous les appareils réformistes, empêchant toute fausse représentation, refusant toute négociation avec l’appareil de la classe dominante. Ils ont regretté ne pas pouvoir entrer en contact avec des représentants du mouvement qui soient des membres d’appareils politiques, syndicaux ou sociaux, aucun de ces appareils ne dirigeant quoique ce soit dans le mouvement ni n’y participant.

Des semaines après son démarrage, le mouvement a gardé ce caractère malgré toutes les pressions, il a refusé de négocier, malgré des négociateurs autoproclamés porte-paroles des gilets jaunes, il a refusé d’annoncer et de légaliser ses interventions, il a refusé de reconnaître le pouvoir en place, il a refusé de discuter des miettes que le pouvoir des milliardaires voulait bien lui concéder et, malgré cela et même à cause de cela, on a vu ce pouvoir lui céder bien plus qu’aux appareils réformistes qui acceptaient de négocier, de discuter, de rester dans le cadre légal…

Bien entendu, cela n’a pas suffi pour que les appareils syndicaux, associatifs, politiques réformistes changent de cap. On l’a vu dans tous les mouvements qu’ils ont continué à organiser dans la période. Les syndicats ont ainsi recommencé avec leur journée d’action du 14 décembre, à nouveau des modes d’action décidés au sommet sans consultation de la base, sans organisation de la base, sans décision de la suite du mouvement, sans aucune assemblée, juste une action en vue de faire croire qu’ils n’étaient pas disparus et enterrés depuis le mouvement des gilets jaunes. Et là, on a vu à nouveau les organisations opportunistes ou réformistes emboiter le pas de « cette initiative », faisant croire qu’il s’agissait d’une grève générale !!

En fait, on est, notamment avec les nouveaux CSE qui regroupent élus DP et CE en diminuant leur nombre, en pleine phase d’accroissement du bureaucratisme du fonctionnement des élus syndicaux, d’éloignement de ceux-ci de la « base », de professionalisation des élus pour en faire de véritables agents du patronat. On ne risque pas de voir la révolte ouvrière retransformer les organisations syndicales en organisation prolétarienne. Plus que jamais on sait que ces organisations sont et seront dans le camp adverse, même si nombre de militants, eux, choisissent d’être gilets jaunes et choisiront demain le camp du prolétariat révolutionnaire.

Eh bien, non ! Désormais on sait qu’une vraie grève est inséparable de la lutte des classes, inséparable de l’organisation autonome à la base des travailleurs, se structurant de manière permanente, prenant eux-mêmes les décisions de leur mouvement, discutant des objectifs, des revendications, des modes d’action, des liaisons, des suites à donner et ne s’en remettant à personne pour décider à leur place !!!

Quiconque propose autre chose, accepte autre chose, n’est rien d’autre qu’un traître aux intérêts prolétariens, quelque soient les drapeaux et déclarations derrière lesquelles il se camoufle, qu’il soit syndicaliste, socialiste, anarchiste, trotskyste, gauche communiste ou autres.

Ce qui a radicalisé d’un seul coup, du jour au lendemain, la lutte des classes en France, c’est la situation économique et sociale, ce sont les tremblements de terre des fondements mêmes du capitalisme qui ont causé le tsunami gilet jaune et ce dernier est le témoignage que les luttes sociales ne peuvent plus se limiter à obtenir telle ou telle amélioration mais doivent s’en prendre au système de domination et d’exploitation lui-même et à ses défenseurs étatiques.

L’avenir est à la révolution sociale et le fait que cela soit ainsi déclaré clairement et publiquement à la face du monde, bigre que cela fait du bien !!!

Une fois de plus on voit que, dès que la situation devient critique, les travailleurs savent parfaitement renouer avec l’auto-organisation, inventent eux-mêmes les modes d’action et d’organisation de celle-ci, mettent à leur tête leurs propres organisateurs, choisis par eux-mêmes dans leurs propres rangs, mettent en avant les plus opprimés et exploités, mettent en avant les femmes exploitées, et ils font faire plus de pas en avant dans la situation sociale et dans la conscience sociale de tous les travailleurs que des décennies de mouvements dirigés par les appareils réformistes.

Bien sûr, rien n’est réglé, l’avenir n’est pas tracé, les pièges sont multiples, les ennemis sont loin d’avoir désarmé, et les faux amis aussi. Mais le premier pas et fait et c’est déjà un très grand pas en avant que rien ne pourra facilement effacer des consciences collectives !

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