Accueil > 06- REVOLUTIONNARY POLITICS - POLITIQUE REVOLUTIONNAIRE > 6- L’organisation du prolétariat > Souvenez-vous de Big Bill Haywood : il a passé toute sa vie comme militant (...)

Souvenez-vous de Big Bill Haywood : il a passé toute sa vie comme militant communiste de la classe ouvrière…

mardi 12 octobre 2021, par Robert Paris

Souvenez-vous de Big Bill Haywood : il a passé toute sa vie comme militant communiste de la classe ouvrière…

En 1896, Ed Boyce, président de la Western Federation of Miners, prit la parole dans la mine d’argent de l’Idaho où travaillait Bill Haywood. Touché par son discours, ce dernier adhéra à l’organisation, commençant ainsi formellement ses activités de militant ouvrier. Membre actif du syndicat, il faisait partie, en 1900, de son bureau exécutif national avant d’en devenir, en 1902, le secrétaire-trésorier, c’est-à-dire le numéro deux derrière le président Charles Moyer. Cette année-là, la Fédération des Mineurs s’engagea dans une lutte très dure dans le Colorado, principalement dans le district minier de Cripple Creek. Celle-ci dura plusieurs années et coûta la vie à 33 travailleurs, syndiqués ou non. Le syndicat déclencha une série de grèves pour étendre les avantages du droit syndical à d’autres travailleurs qui souffraient de conditions de travail très dures et de salaires de famine. Elles échouèrent mais poussèrent Haywood à considérer qu’il fallait regrouper tous les ouvriers dans une même grande organisation (One Big Union), de manière que les luttes ouvrières impliquent le maximum de travailleurs.

Le 30 décembre 1905, Frank Seunenberg, ancien gouverneur de l’Idaho qui s’était opposé au syndicat des mineurs au cours de diverses grèves, fut tué par une explosion devant sa maison de Caldwell. On arrêta Harry Orchard, un ancien garde du corps du président de la Western Federation of Miners et l’on trouva des preuves dans sa chambre d’hôtel. Le détective de l’agence Pinkerton James McParland, qui avait auparavant infiltré avec succès les Molly Maguires, fut chargé de l’enquête. Après avoir ordonné d’enfermer Orchard dans une cellule pour condamné à mort du pénitencier de Boise, avec des rations alimentaires réduites et sous surveillance constante, il le rencontra, lui offrit un bon repas et des cigares, et lui expliqua que sa seule chance d’échapper à la pendaison était d’impliquer les dirigeants du syndicat des mineurs dans le meurtre. Lui laissant espérer une libération et même une récompense s’il coopérait, McParland obtint d’Orchard une confession de 64 pages par laquelle ce dernier s’accusait de toute une série de crimes et d’au moins dix-sept meurtres.

Mc Parland, pour obtenir leur extradition, accusa faussement les dirigeants syndicaux d’avoir été présents lors du meurtre de Steunenberg. Franchissant la frontière du Colorado, il s’empara par la force de Bill Haywood, Charles Moyer et George Pettibone et les ramena dans l’Idaho avant que la cour de Denver ait pu se prononcer. Le procédé était si choquant que même Samuel Gompers, le président de l’American Federation of Labor, qui n’appréciait guère la WFM, rassembla des fonds pour la défense des accusés. La Cour suprême des États-Unis refusa un recours au nom de l’habeas corpus, seul Joseph McKenna s’y étant rallié.
Le procès d’Haywood débuta le 9 mai 1907, non sans qu’une intense campagne de soutien aux accusés n’ait été lancée, recevant ainsi le soutien d’Upton Sinclair et de Jack London dont le texte Quelque chose de pourri dans l’Idaho connut une large diffusion. Clarence Darrow assurait la défense. Il utilisa habilement le passé criminel d’Orchard, dont le témoignage était le seul élément dont disposait le gouvernement contre les accusés, pour le discréditer. Celui-ci reconnut, au cours du procès, avoir servi d’informateur pour le patronat, avoir reçu de l’argent des Pinkerton et avoir provoqué des explosions avant de connaître les accusés. La plaidoirie de Darrow émut fortement le jury qui acquitta Bill Haywood. Darrow étant malade, c’est le juge Hilton qui assura la défense de Pettibone. Après son acquittement, les charges furent abandonnées contre Moyer, le troisième accusé.

Lorsque les travailleurs du textile de Lawrence, dans le Massachusetts, se mirent en grève, le 11 janvier 1912, pour protester contre une baisse de salaire, les IWW prirent la tête du mouvement. En une semaine, vingt mille ouvriers entrèrent dans la lutte, attirant l’attention de tout le pays. Les autorités firent appel à la police et les violences se multiplièrent. On emprisonna les chefs locaux des IWW, Joseph Ettor et Arturo Giovannitti, pour le meurtre d’Anna LoPizzo, une gréviste dont dix-neuf témoins disaient pourtant qu’elle avait été tuée par un tir de la police. La loi martiale fut décrétée. En réponse, Haywood et d’autres organisateurs se rendirent sur place pour mener la grève. Un nouveau scandale éclata quand la police garda de force un groupe de femmes et d’enfants évacués de la ville. Le président des États-Unis Howard Taft dut lui-même intervenir pour inciter le patronat de Lawrence à négocier avec les grévistes. Ceux-ci obtinrent satisfaction et la grève cessa officiellement le 12 mars.

Mais Ettor et Giovannitti demeuraient en cellule. Haywood menaça les autorités de déclencher une nouvelle grève, disant : « Ouvrez les portes de la prison ou nous fermerons les portes des usines ». Malgré des démarches légales et un arrêt de travail d’une journée, le 30 septembre, les autorités n’abandonnèrent pas les charges. Toutefois, ils furent acquittés le 26 novembre. Malgré la répression, Haywood insista sur la nécessité de maintenir le caractère pacifique de la grève, expliquant que « le sang répandu serait toujours celui de la classe ouvrière ».

Pendant de nombreuses années, Bill Haywood fut un militant actif du Parti socialiste d’Amérique. Influencé par le marxisme, il fit campagne lors de l’élection présidentielle de 1908 pour Eugene Debs, l’accompagnant en train à travers le pays. Il fut le délégué de son parti au congrès de 1910 de la Deuxième Internationale. En 1912, il fut élu au comité exécutif national du parti. Mais les méthodes de lutte des IWW et leur appel à l’abolition du salariat et au renversement du capitalisme créèrent des tensions avec l’aile modérée du parti socialiste. Haywood et ses partisans se concentraient surtout sur l’action directe et les grèves, n’accordant que peu d’importance aux tactiques électorales et au jeu politique. Le conflit avec un parti réformiste qui aspirait à la respectabilité et déclarait s’opposer à la violence devint inévitable. En janvier 1913, Haywood fut exclu du comité exécutif national. Avec lui, des milliers de membres des IWW quittèrent le parti socialiste.

Peu après, Bill Haywood participa activement à la grève des soieries de Paterson. Pour faire connaître le mouvement, il amena à New York 1200 grévistes qui défilèrent dans les rues et participèrent à un grand meeting de solidarité au Madison Square Garden. Il fut arrêté avec des centaines de grévistes. Malgré un long et rude combat, la grève se termina sur un échec, le 28 juillet 1913.

Durant les luttes, Haywood et les IWW, affrontaient souvent directement les autorités. Le gouvernement fédéral prit prétexte de l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale pour les frapper durement. Au nom de l’Espionnage Act de 1917, le Departement of Justice, avec l’appui du président Woodrow Wilson, perquisitionna de nombreux locaux du syndicat le 5 septembre 1917 et procéda à l’arrestation de 165 wobblies (membres des IWW) accusés d’entraver la mobilisation, d’encourager la désertion et de menacer leurs adversaires lors de conflits professionnels. Le procès de 101 wobblies, dont Haywood, commença en avril 1918 et dura cinq mois, longueur inhabituelle pour l’époque. Bill Haywood témoigna pendant trois jours. Les 101 accusés furent tous déclarés coupables et Haywood fut condamné à quatorze ans de prison.

Remis en liberté sous caution en 1921, il s’enfuit en Russie où il fut accueilli par Lénine. Victor Serge, qui le croisa lors du premier congrès de l’Internationale des syndicats rouges écrit : « ... seul et cafardeux, distribuant parfois de vigoureuses tapes sur les épaules des copains, un colosse borgne, l’Américain Bill Haywood [...] qui finissait sa vie dans les chambres étouffantes de l’hôtel Lux, parmi des marxistes dont pas un ne se souciait de le comprendre et que lui-même ne comprenait guère. En revanche, les drapeaux rouges lui faisaient bien plaisir. »

Bill Haywood critiquait les dirigeants de l’American Federation of Labor (AFL), leur reprochant de ne pas suffisamment soutenir les luttes ouvrières. Il considérait avec dégoût l’attitude de Samuel Gompers qui n’avait pas hésité à se désolidariser publiquement des condamnés de Haymarket. L’AFL cherchait surtout à organiser les ouvriers qualifiés en syndicats professionnels et prônait la collaboration entre le capital et les travailleurs organisés. Mais le corporatisme ne pouvait que dresser les travailleurs les uns contre les autres. C’est pourquoi Haywood défendait une autre conception d’organisation plus large et moins cloisonnée, à l’échelle d’une industrie et non plus d’un métier (industrial unionism). Constatant lors de la grève de Cripple Creek, en 1903, que les ouvriers d’usine continuaient à traiter le minerai qui leur était fourni par les briseurs de grève, en dépit des efforts des mineurs en lutte, il en arriva à la conclusion que tous les travailleurs devaient adhérer au même syndicat et mener une action collective et concertée contre le patronat. Cette conception fut reprise par les IWW.

Bill Haywood avait un réel respect pour la classe ouvrière, dont il se sentait pleinement membre. L’arrogance patronale lui était insupportable. Sa rencontre avec le syndicaliste des chemins de fer Eugene Debs l’amena à s’intéresser au socialisme. Puisque le travail produit toutes les richesses, celles-ci devaient, par conséquent, appartenir aux producteurs. Il remarqua que le gouvernement n’était pas neutre dans les grèves mais prenait fréquemment le parti des employeurs. Alors que les autorités laissaient faire les briseurs de grève, elles décrétaient la loi martiale contre les grévistes et envoyaient la troupe contre les mineurs, comme à Coeur d’Alene, en 1899. Dans cette véritable guerre de classe, Bill Haywood considérait, comme d’autres militants de la Western Federation of Miners, qu’il fallait une révolution complète de l’ordre économique et social, que c’était le seul moyen d’assurer le salut de la classe laborieuse.

Big Bill Haywood était l’un des dirigeants les plus importants et les plus remarquables de la classe ouvrière américaine. Il a été l’un des chefs de file de certaines des batailles syndicales les plus importantes des années 1890 aux années 1920.

Il est né en 1869 dans la colonie frontalière mormone de Salt Lake City, dans l’Utah. Son père est mort quand il avait trois ans. À sept ans, il s’est aveuglé d’un œil dans un accident avec une fronde. À neuf ans, il travaillait déjà dans les mines pour subvenir aux besoins de sa famille.

Plus tard, il a quitté l’exploitation minière et s’est rendu au Nevada pour essayer de s’installer, mais le gouvernement a pris ses terres, le laissant avec sa femme handicapée et ses deux filles à charge. Son rêve d’être un homme libre avec sa propre terre est mort. Il a été contraint de retourner à l’exploitation minière.

Il a été actif avec les mineurs de métaux à Butte, Montana, en 1893, puis a aidé à organiser la Western Federation of Miners (WFM) en 1896, devenant son secrétaire général.

Le syndicat s’est engagé dans des grèves très militantes et difficiles contre les conditions dangereuses de l’exploitation minière en Occident. Dans des dizaines de grèves, ils ont lutté contre les attaques du gouvernement. Ces attaques ont pris la forme d’injonctions judiciaires, de milices d’État, d’emprisonnement et d’expulsion de grévistes, ainsi que d’attaques de gardes armés engagés par les propriétaires de mines, qui ont battu et même lynché et assassiné des militants.

Le WFM était l’une des forces majeures qu’il a dirigées pour fonder le mouvement syndical révolutionnaire connu sous le nom d’Industrial Workers of the World. Les IWW ont vu le jour en 1905 au moment même où les ouvriers russes étaient engagés dans leur propre révolution et au moment où les marins du cuirassé Potemkine se révoltaient et prenaient le pouvoir près d’Odessa.

Haywood, une force majeure et président de la convention fondatrice de l’IWW, a salué le rassemblement comme « le congrès continental de la classe ouvrière ». La convention était composée de militants ouvriers de gauche et de membres de groupes socialistes et anarchistes de tout le pays.

Haywood et les IWW croyaient à « l’action directe » pour résoudre les problèmes des travailleurs. Ils pensaient que seules les luttes quotidiennes des travailleurs pouvaient gagner. Ils étaient cyniques et méfiants à l’égard des élections et des partis politiques, même si beaucoup d’entre eux, y compris Haywood, étaient membres à l’époque du Socialist Party of America.

Leur objectif à long terme était une grève générale de toute la classe ouvrière qui conduirait à la saisie de l’industrie, au verrouillage des employeurs, puis à la prise en charge et à la gestion de l’économie et d’autres activités.

À l’époque, la classe ouvrière était très peu organisée, et les syndicats qui existaient n’organisaient que les ouvriers blancs, masculins et qualifiés selon l’artisanat et le commerce. Haywood considérait la Fédération américaine du travail (AFL), la principale fédération syndicale nationale, comme trop étroite et exclusive.

Il a également reproché à l’AFL d’accepter l’exploitation capitaliste et les règles patronales. Haywood croyait que les nouveaux syndicats devaient être construits autour de principes révolutionnaires.

Haywood a occupé de nombreux postes au sein du WFM et de l’IWW, ainsi que dans la direction du Socialist Party of America. C’était un orateur hors pair, un excellent organisateur et une présence imposante. John Reed, le journaliste socialiste, a décrit son visage comme « marqué comme un champ de bataille ».

En 1906, Haywood est arrêté avec deux autres militants, accusés d’avoir tué l’ancien gouverneur de l’Idaho. Le procès était un coup monté par le gouvernement, conçu par l’agence de détective Pinkerton, une opération antisyndicale bien connue. Une grande défense syndicale a été organisée pour eux, et la presse du Parti socialiste a détaillé leur cause et fait croisade pour leur liberté.

En prison, Haywood a couru pour le gouverneur de l’Idaho. Il a ensuite été acquitté de tous les chefs d’accusation. Des coups montés comme celui-ci, cependant, ont mobilisé de grandes quantités d’énergie, d’argent et de talent et ont éloigné des militants comme Haywood de l’organisation des luttes ouvrières. C’était évidemment le plan de match du gouvernement.

En 1910, Big Bill se rend en Europe, où il participe à l’organisation de grèves en Irlande et dans le sud du Pays de Galles.

Il s’est également rendu à une conférence de la IIe Internationale, un organisme qui regroupait les partis socialistes du monde entier. Il a rencontré Lénine et Rosa Luxemburg et d’autres révolutionnaires européens de premier plan de l’époque.

Les dirigeants du Parti bolchevique, qui ont dirigé la révolution russe de 1917, avaient un grand respect pour Haywood et les autres militants des IWW même s’ils avaient des différends politiques avec les IWW sur le type de parti ouvrier qui devait être construit pour mener une lutte révolutionnaire .

En 1912, Haywood était un chef de file de la grève des travailleurs du textile à Lawrence, Massachusetts, des IWW, principalement des immigrants de nombreux pays différents. C’était aussi une grève dans laquelle les travailleuses jouaient un rôle actif.

Haywood a prononcé un discours devant les travailleurs sur le besoin d’unité. Il l’a démontré en expliquant la différence de puissance entre les doigts d’une main ouverte par rapport à un poing fermé qui pouvait vraiment porter un coup.

Il a aidé à trouver un moyen pour chaque nationalité d’avoir des réunions de grève séparées dans leur propre langue pour discuter et participer aux décisions de la grève. Haywood et les IWW étaient activement opposés à toute forme de racisme, de sexisme ou de discrimination de quelque nature que ce soit.

Lors de la convention de 1912 du Parti socialiste, une aile gauche révolutionnaire s’est réunie autour de Haywood pour s’opposer à la direction réformiste du parti. Après la défaite des « Rouges » à la convention, Haywood a été expulsé du Comité exécutif national du parti.

Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement américain s’est lancé dans une chasse aux sorcières contre les syndicats de gauche et les organisations radicales, et l’IWW était l’une de ses principales cibles. Il y a eu un énorme raid gouvernemental sur le siège des IWW dans tout le pays, et ses dirigeants ont été accusés de saboter l’effort de guerre. Haywood et d’autres étaient à nouveau jugés.

Le procès a reçu beaucoup de publicité. Haywood lui-même a témoigné pendant trois jours entiers. Ce procès a immobilisé toutes les ressources du mouvement à la recherche de fonds et à la défense juridique. C’était vraiment le glas de l’activisme militant des IWW.

En 1918, les dirigeants des IWW ont été condamnés. Leurs appels ont été perdus. Haywood, qui était en mauvaise forme physique et épuisé, encourt 20 ans de prison et une amende de 30 000 $.

Incapable de faire face à sa condamnation, Haywood a sauté la caution et s’est enfui à Moscou pour faire partie du Bureau syndical international communiste. Peu de temps avant cela, il a rejoint le Parti communiste américain nouvellement fondé.

Il a vécu à Moscou pendant sept ans, jusqu’à sa mort en 1928. Malheureusement pour lui, ces années étaient exactement celles où le nouveau gouvernement révolutionnaire russe était bureaucratisé et pris en charge par Staline.

Lénine était malade puis mourut, et Léon Trotsky était écarté de tout rôle important dans le gouvernement russe. Haywood a passé les dernières années de sa vie seul et isolé, incapable de jouer un rôle dans le mouvement ouvrier.

Mais malgré cette fin tragique, Big Bill Haywood devrait être honoré et et son souvenir rappelé pour toutes ses contributions aux luttes de la classe ouvrière américaine. Il s’est clairement tenu du côté des travailleurs toute sa vie, quelles qu’en soient les conséquences. Lorsque la classe ouvrière se battra à nouveau à l’avenir, on se souviendra de Bill Haywood.

Max Eastman – 1921 – “Bill Haywood, un communiste”

Le titre de cet article sera une nouvelle intéressante pour ceux qui ont toujours aimé les IWW, et ont estimé que c’est la seule véritable contribution que l’Amérique a apportée à l’histoire politique depuis 1789. Nous avons été un peu attristés ces dernières années de voir la rigidité et léthargie de l’âge rampant sur les IWW Il semble que toutes les organisations qui n’atteignent pas en dix ou quinze ans le but pour lequel elles sont formées commencent à s’intéresser davantage à elles-mêmes qu’à leur but. Cette loyauté grégaire instinctive qui les a rendus possibles au début les rend raides et complaisants et inutiles à la fin. Faire une scission et démarrer une nouvelle organisation tous les dix ans, pourrait presque être une règle universelle — un 22e point — pour guider les mouvements révolutionnaires. Et il semblait que même l’I.W.W. n’allaient pas échapper à l’application de cette règle.

Mais quelque chose se passe. Le bras long des ingénieurs moscovites est actif à Chicago. Les rédacteurs en chef et les organisateurs fatigués, découragés, en prison et au travail parlent d’un nouveau sujet avec un nouvel enthousiasme – un enthousiasme que Bill Haywood décrit comme « calme et chaleureux ». Le sujet dont ils parlent est l’approbation du Conseil international des syndicats et des syndicats industriels, son affiliation avec lui et la réalisation résolue de ses objectifs dans ce pays.

« J’aimerais voir un vote unanime pour l’affiliation de la part de l’I.W.W. », m’a dit Bill Haywood. « Je veux seulement vivre pour voir le rêve de l’Internationale ouvrière rouge se réaliser. C’est tout ce que je veux. C’est l’I.W.W.

Il avait dans sa poche un tract rédigé par un délégué anglais au Conseil, J.T. Murphy. En cela, il me montra une note de bas de page indiquant que les délégués avaient voté pour rédiger un appel à l’IWW et à d’autres organisations de tendance syndicaliste qui n’avaient pas encore déclaré leur affiliation.

"Cela m’a fait quelque chose", a-t-il déclaré, « penser aux ouvriers de plusieurs nations, dont une nation de cent quatre-vingts millions, provoquant l’ébauche d’un appel à l’I.W.W.! Cela montre ce qui est arrivé au monde. Je n’ai pas à attendre leur appel. J’ai lu leurs plans et leurs instructions, et je sais que c’est enfin quelque chose avec lequel nous pouvons travailler. Ils réalisent les buts et objectifs originaux de l’IWW, et vous pouvez dire pour moi que je pense que chaque véritable syndicat aux États-Unis devrait s’affilier au Conseil international des syndicats professionnels et industriels avec son bureau central à Moscou.

Je lui ai demandé s’il pensait que les IWW s’y associeraient lors de leur convention en mai, et il a répondu : « Je n’ai pas entendu un mot d’opposition. Bill Haywood n’est pas l’IWW, bien sûr, et il n’est pas actuellement en mesure de parler au nom de ses politiques exécutives. Mais il en représente, plus que tout autre homme, le souvenir et l’élan. Il était le président de la première conférence qui a examiné sa formation, et le président de la première convention lorsqu’elle a été convoquée. Il n’a jamais été absent de ses conseils que lorsqu’il était en prison. Et même lorsque le travail exécutif était entre d’autres mains, il s’est toujours démarqué dans la tempête publique en tant que chef des IWW. Il s’est démarqué dans la tempête avec quelque chose de la grandeur impassible d’un monument. Lent, mais puissamment maître de lui et intelligent, Bill Haywood occupe une position d’influence réelle en Amérique parmi ceux qui ne sont pas assez fous pour croire les journaux. Et j’imagine que ce changement actuel, ou développement, de son jugement sur la tactique de la révolution, est une indication, non seulement que l’IWW va reprendre sa place en avant de la ligne de front, mais que les syndicalistes industriels américains en général vont accepter la philosophie politique plus large du communisme. Bill Haywood n’est pas plus favorable à l’idée de faire campagne politique, ou de ce qu’on appelle « l’action parlementaire », qu’il ne l’a jamais été – pas du tout. Mais il accepte pleinement la nécessité d’un parti véritablement révolutionnaire formant l’avant-garde du mouvement de la révolution.

« J’ai l’impression d’avoir toujours été là, me dit-il. « Vous vous souvenez que j’avais l’habitude de dire que tout ce dont nous avions besoin était de cinquante mille vrais IWW, puis d’environ un million de membres pour les soutenir ? Eh bien, n’est-ce pas une idée similaire ? Au moins j’ai toujours compris que l’essentiel était d’avoir une organisation de ceux qui savent. Ne les appelez pas des leaders. Je les appelle des ingénieurs.

Je me souvenais de la remarque de Bill Haywood sur les cinquante mille IWW. Je me souviens quelle idée folle cela me semblait à l’époque. Mais je me souvenais aussi qu’à cette époque ses cinquante mille ingénieurs devaient être de purs syndicalistes industriels, et il semblait concevoir alors tout le mouvement comme essentiellement une lutte pour les magasins. Je lui ai demandé ce qui avait produit le changement.

"C’est simplement parce qu’ils ont fait des choses merveilleuses là-bas que nous rêvons de faire ici", a-t-il déclaré. « C’est le fait, l’exemple, qui a provoqué en moi tout changement qui peut sembler contradictoire. Et même maintenant, j’hésiterais à confirmer un tel mouvement si tout ce qui émanait de Moscou ne montrait pas qu’ils veulent mettre les travailleurs sous contrôle, et finalement éliminer l’État.

Ici, Bill Haywood a prononcé un bref éloge de la révolution bolchevique, et ce qu’il a dit étonnerait un grand nombre de personnes qui ne le connaissent que comme le terrible méchant homme d’Amérique avec un œil et un grand chapeau noir.

« Max, dit-il en serrant une de ses mains excessivement petites d’un geste ferme mais pas très féroce, sans parler de l’expropriation de l’industrie, la chose la plus importante, ils ont déjà accompli trois autres choses là-bas, n’importe lequel d’entre eux justifierait une telle révolution là-bas, ou ici, ou n’importe où ailleurs. Dois-je vous dire ce qu’ils sont ?

« Le premier est l’éducation des enfants. En Russie, chaque enfant reçoit de la nourriture, des vêtements, des livres, des divertissements et une véritable éducation. Et, par Dieu, pour cette seule chose je serais favorable à une révolution dans ce pays !

« Et le second est le soulagement qui a été donné aux femmes en maternité. Dans ce pays, nous le faisons pour les chevaux pur-sang et les bovins de race. En Russie, chaque femme est prise en charge pendant huit semaines après l’accouchement. C’est l’œuvre d’Alexandra Kollontay — une bonne amie à moi — et cela suffit encore à lui seul à justifier une révolution. « La troisième chose est le transfert des terres aux paysans. Les paysans ont le contrôle de la terre, et bien sûr c’est une chose plus fondamentale.

Je lui ai demandé la raison pour laquelle le travail américain est tellement derrière les mouvements ouvriers d’Europe en suivant l’exemple des Russes, et il a dit : « La raison principale est l’A.F. de L. "Pensez-vous qu’il est possible pour les révolutionnaires de prendre la direction de l’AFL.?" J’ai demandé.

"Certaines parties de celle-ci", a-t-il répondu. "Seulement je ne dirais pas les diriger, je dirais les éduquer."

Je lui ai demandé de quelles parties il parlait, et il a dit après un moment d’hésitation :

« Les United Mine Workers. C’est déjà un syndicat industriel, et c’est le corps de l’A.F. de Labor les syndicats de métier sont ses bras et ses tentacules. Les syndicats de métier sont ce qui permet à l’A.F. de L. d’étrangler tous les germes de vie ou d’inspiration qui peuvent venir au travail américain. « Pour l’opinion générale, c’est la bureaucratie officielle qui en est responsable. Ce n’est pas le cas. Ce sont les syndicats de métier avec leurs frais d’initiation élevés, et leurs politiques d’exclusion des ouvriers non qualifiés, voire d’exclusion des ouvriers qualifiés qui n’ont pas fait un long apprentissage conventionnel. Une autre chose que les étrangers ne comprennent pas à propos de ces syndicats est qu’ils sont absolument contrôlés par les Loges — Masons, Moose. Chevaliers de Colomb et ainsi de suite — travaillant à travers des groupes organisés en leur sein. Ce sont ces Loges qui élisent leurs responsables et dirigent leurs politiques, et c’est de ces groupes en leur sein plutôt que des syndicats eux-mêmes que les travailleurs reçoivent les avantages qu’ils reçoivent. « Mais si vous dites que les United Mine Workers sont le corps de l’AF de L., dis-je, et qu’il est possible d’amener les United Mine Workers à une attitude révolutionnaire, n’est-ce pas dire pratiquement que c’est possible pour les révolutionnaires de capturer l’AF de Labor.

La réponse de Bill Haywood à cette question a été immédiate et brève. « Si les United Mine Workers font quelque chose », a-t-il dit, « alors l’A.F. de L. n’est plus. » « Voulez-vous dire », ai-je demandé, « que l’organisation se transformerait en quelque chose d’entièrement nouveau, ou que les United Mine Workers se retireraient et ne laisseraient rien ? » Il sourit à ma parole, transformation. « Je ne sais pas dans quel genre de bogue cela germerait. Ce ne serait certainement pas un papillon qui sortirait de cette chrysalide. "Non", a-t-il poursuivi, "vous ne réalisez pas ce qu’est l’A.F. de L. L’AF de L. n’est rien d’autre qu’un conseil d’administration, recevant une petite taxe par capitation d’un grand nombre de membres - une taxe suffisante pour maintenir leur bureau, payer leurs salaires et maintenir un lobby à Washington - un conseil d’administration qui, dans trente -neuf ans de son existence n’a jamais rien fait pour la classe ouvrière américaine. « C’est ce qu’est l’A.F. de L.. Et si les syndicats qui forment le corps de ces membres acquièrent une compréhension révolutionnaire, l’A.F. de L. cessera d’exister. C’est la seule réponse qu’il y a à cette question. « Croyez-vous », ai-je demandé, « que dans un tel cas, les United Mine Workers s’associeraient à l’IWW ? » « Peut-être pas, dit-il. « Si les United Mine Workers deviennent révolutionnaires et ne veulent pas faire partie des IWW, les IWW peuvent en faire partie, ou quoi qu’ils forment. » C’est cette déclaration - qui, comme pratiquement toutes les déclarations de l’interview, est citée textuellement - qui m’a fait ressentir le plus vivement la magnanimité pratique du communisme mature dans l’attitude de Bill Haywood. « Les IWW ont tendu la main et en ont attrapé une brassée », a-t-il déclaré. "Il a essayé de s’emparer du monde entier, et une partie du monde l’a devancé."

Read also

https://www.marxists.org/archive/cannon/works/1955/iww.htm

https://www.marxists.org/history/usa/unions/iww/

https://www.marxists.org/archive/eastman/1921/bill-haywood.htm

https://www.marxists.org/history/usa/unions/lawrence-strike/index.htm

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.