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Vive l’union du Travail des villes et des campagnes, contre le Capital des villes et des campagnes

mercredi 31 janvier 2024, par Alex, Waraa

Vive l’union du Travail des villes et des campagnes, contre le Capital des villes et des campagnes

La "colère paysanne" s’est transformée en mouvement qui menace de "faire le siège" de Paris, et des mouvements analogues touchent de nombreux pays d’Europe : Belgique, Italie, Hollande, Roumanie et d’autres.

Ces mouvements paysans coïncident avec le 100ème anniversaire de la mort de Lénine. Quelques partis qui se disent révolutionnaires (NPA, LO), rendent de pseudo-hommages à Lénine, prétendant s’en inspirer. Pourtant, la révolution d’Octobre 1917 dont Lénine fut le principal dirigeant, fut une révolution paysanne autant que prolétarienne, et prit la forme de la prise du pouvoir par des soviets composés de quatre groupes bien distincts : ouvriers, paysans, soldats et cosaques.
Or aucun parti qui se réclame vaguement de Lénine en France ne se réclame des soviets, ne propose aux ouvriers un programme s’adressant aux paysans, aux soldats, ou aux policiers, comme le fit Lénine en permanence.

Il arrive donc aux idées de Lénine ce que Lénine écrivit à propos de celles de Marx :

Il arrive aujourd’hui à la doctrine de Marx ce qui est arrivé plus d’une fois dans l’histoire aux doctrines des penseurs révolutionnaires et des chefs des classes opprimées en lutte pour leur affranchissement. Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu , on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire. C’est sur cette façon d’"accommoder" le marxisme que se rejoignent aujourd’hui la bourgeoisie et les opportunistes du mouvement ouvrier.

Le meilleur seul véritable hommage qu’on puisse rendre à Lénine, c’est donc de rappeler comment il proposa aux ouvriers un programme s’adressant aux paysans.

En effet les ouvriers de Russie d’Octobre 1917 prirent le pouvoir car ils prirent la tête de toute la nation opprimée, ne défendant pas seulement "leurs intérêts", mais attirant à eux les couches révolutionnaires de classes sociales qui comme les paysans, les cosaques étaient fondamentalement réactionnaires, mais purent dans une situation révolutionnaire s’allier au prolétariat contre la grande bourgeoisie.

Les mouvements paysans récurrents sont donc l’occasion pour les travailleurs conscients d’élaborer un programme pour s’adresser aux paysans.

Le marché mondial des céréales

L’agriculture est une branche de l’économie capitaliste mondialisée, à l’époque de l’impérialisme, c’est à dire du règne des monopoles des grandes multinationales.

La production et le commerce mondiaux portent sur les produits manufacturés et matières premières. Avec les minéraux et combustibles, les produits agricoles constituent les matières premières. Parmi les produits agricole alimentaires, les quatre céréales principales sont le blé, le maïs, le riz et l’orge ; les quatre céréales secondaires sont l’avoine le seigle, le maïs et l’orge.

L’économiste marxiste Louis Gill écrivait déjà en 1983 à propos de ces huit céréales et des matières premières :

Les prix des matières premières sont déterminées dans les Bourses des métaux et denrées des grandes métropoles impérialistes que sont par exemple Londres, New York Paris, Chicago, où les principaux opérateurs sont les grands trusts internationaux. Les associations de producteurs de divers métaux et denrées interviennent sur ces marchés mais leur influence, relativement faible, n’a rien à voir avec celle de l’OPEP sur la fixation du prix du pétrole. Les prix mondiaux sont l’objet de fluctuations entretenues et amplifiées par la spéculation sur les marchés. (...) Chicago (Chicago Board of Trade et Chicago Mercantile Exchange est le principal marché des céréales devant New York, Londres, Winnipeg et Sydney.

Le site écologiste Mediaterre confirme qu’aujourd’hui plus que jamais un marché comme celui du blé a gardé les traits de tout secteur du commerce mondial à l’époque impérialiste :

La planète blé se caractérise par un oligopole : les dix plus importants producteurs représentent plus de 80 % de la production mondiale. Il s’agit en 2021 et selon la FAO, dans l’ordre d’importance de leur production de blé, de la Chine, de l’Inde, de la Russie, des États-Unis, de la France, de l’Ukraine, de l’Australie, du Pakistan, du Canada et de l’Allemagne. De même, dix pays seulement réalisent 80 % des exportations mondiales : la Russie (13,8 % des exportations mondiales à elle seule), l’Australie, les États-Unis, le Canada, l’Ukraine, la France, l’Argentine, l’Allemagne, la Roumanie et le Kazakhstan. Le blé, dont un quart de la production mondiale est exportée, est très inséré dans la mondialisation. En 2021, un peu plus de 500 Mt de céréales sont placées sur les marchés internationaux : le blé en représente la plus grande part avec 198 Mt, soit un marché de 54,9 milliards de dollars . En 2010 ce chiffre était de 145 Mt, et de 117 Mt en l’an 2000.

(...) Hyper-concentré, le commerce mondial est à 80 % le fait de quelques grands négociants, les « ABCD », pour Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill et Louis-Dreyfus. Ces géants, relativement peu connus du grand public, ont par ailleurs réalisé des bénéfices très importants en 2022, année de la guerre russo-ukrainienne, à l’image de l’américain ADM qui affiche un bénéfice net record de 4,34 milliards de dollars (en hausse de 60 %)

L’International Grain Council (IGC), qui regroupe les principaux pays importateurs et exportateurs de la planète, table pour 2023, hors riz, sur une production de 2,3 milliards de tonnes de céréales. Sachant qu’une tonne de céréales peut nourrir quatre êtres humains par an, le problème de la famine est réglé concernant la production. C’est le caractère capitaliste du commerce qui est responsable des famines.

Le blé représente 220 millions d’hectares dans le monde pour une production de 760 millions de tonnes.

La France est le 5ème producteur mondial de blé, derrière la Chine l’Inde, la Russie et les USA. Parmi ces 5 pays c’est la France qui a une production la plus grande ramenée relativement au nombre d’habitants : 540 kg par an et par personne ! contre seulement 136 aux USA. Un être humain ayant besoin par an de seulement 250 kg de céréales comme le blé pour se nourrir, la "souveraineté" alimentaire est largement assurée en France, avec 17 millions de tonnes disponibles à l’exportation pour la campagne 2023-2024, sur 34,8 millions de tonnes qui devraient être produites.

Quand dans son tract "Mobilisation - Synthèse des revendications", la FNSEA se permet pourtant d’écrire :

En France, tous les indicateurs de souveraineté alimentaire montrent que nous
décrochons, des décisions de relance de la production sont impératives !

https://www.fnsea.fr/wp-content/uploads/2024/01/2024-01-24-MOBILISATION_2024-Synthese_des_revendications_FNSEA_JA_vdef_002.pdf

ce n’est donc que la voix des gros producteurs qui veulent plus de profits ! Ou alors les politiciens qui utilisent ce terme vague de "souveraineté", devraient le définir.

Des chiffres

D’après les Tableaux de l’économie française (2020) de l’INSEE, la Surface agricole utilisée (SAU) en métropole est de près de 28 millions d’hectares (280 000 kilomètres carrés, soit plus de la moitié du territoire). Les 2/3 de cette SAU se répartissent entre les quelque 100 000 grandes exploitations (plus de 100 hectares) qui représentent moins du quart du nombre total d’exploitations , environ 435 000.

Les 175 000 petites exploitations (moins de 20 ha) qui représentent donc près de 40% du nombre, ne regroupent qu’un million d’hectares, moins de 4 % de la SAU.

Les syndicats d’exploitants agricoles

Les paysans sont une des professions les plus syndiquées, avec en tête la FNSEA.
En février dernier le journal patronal La Tribune faisait l’éloge du grand capitaliste qui prit la tête de la FNSEA, le présentant comme l’un des siens :

Les administrateurs de la puissante fédération, interlocutrice privilégiée des pouvoirs publics en matière agricole, ont élu ce jeudi le nouveau bureau de cette organisation créée en 1946, qui revendique 210.000 adhérents (anciens exploitants inclus).

Le changement de style est spectaculaire entre Christiane Lambert, l’éleveuse de truies du Maine-et-Loire, militante chaleureuse passée par la présidence des Jeunes Agriculteurs, et ce grand céréalier d’Ile-de-France, président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et protéagineux et président du groupe Avril, qui brasse 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans cette filière.

Il sera facile de présenter Arnaud Rousseau, ancien militaire, diplômé de l’European Business School de Paris comme un représentant du complexe agro-industriel, mais le nouveau président va s’attacher à tempérer cet aspect grâce à une nouvelle gouvernance du syndicat majoritaire, représentative de tous les métiers et ancrée dans les territoires.

Le journal écologiste Mediaterre cité plus haut, dénonce par contre à juste titre les dirigeants de la FNSEA :

Le syndicat agricole et son président Arnaud Rousseau se positionnent en tête de pont de la mobilisation des paysans. Mais ce riche patron n’est pas le mieux placé pour défendre les manifestants.
(...) les manifestations, parties d’Occitanie, n’ont pas été initiées par les dirigeants nationaux de la FNSEA. Dans les cortèges, les agriculteurs sont de toutes obédiences ou non syndiqués. « La FNSEA et la Coordination rurale ne maîtrisent plus grand-chose, estime le paysan-agronome Benoît Biteau. Arnaud Rousseau ne sert pas les intérêts de celles et ceux qui manifestent. C’est pour ça qu’ils ont été débordés. En vérité, tout ce que les agriculteurs dénoncent, ce sont les réalisations des gouvernements successifs auxquels la FNSEA est associée depuis longtemps. »

L’une des sources du mécontentement des agriculteurs est la disparition progressive, d’ici à 2030, de l’allégement fiscal dont ils bénéficient sur le gazole non routier (GNR). Cette mesure a été annoncée en juin par le gouvernement. S’en était suivi des négociations avec la FNSEA.

À l’automne, le syndicat se montrait satisfait d’avoir obtenu des compensations. Lors de ses vœux à la presse, le 10 janvier, Arnaud Rousseau se félicitait encore que les négociations avec le gouvernement aient permis d’éviter une révolte comme en l’Allemagne. Cela fait dire à Frank Olivier, responsable de la section bio de la Coordination rurale, qu’Arnaud Rousseau est « un pompier pyromane ».

Parmi les compensations dont se félicite M. Rousseau, il y a en particulier un rehaussement du plafond d’exonération sur les plus-values, qui va passer de 250 000 à 350 000 euros de chiffres d’affaires. « On parle ici de grosses exploitations, avec des chiffres d’affaires élevés. Quelles sont les compensations pour les petits agriculteurs ? » fustige Frank Olivier.

"Contre les Impôt indirects comme la taxe sur l’essence !" c’est un type de revendications de la petite-bourgeoisie au bord de la ruine qui a mis le feu aux poudre, comme pour les Gilets jaunes.

Le président de la FNSEA a de son côté une grande exploitation qui lui permet de toucher des aides européennes :

Diplômé de l’European Business School de Paris, Arnaud Rousseau, 50 ans, a travaillé pour l’Union nationale des coopératives agricoles et dans le courtage agricole, avant de reprendre l’exploitation familiale en 2002. Avec sa femme, ils cultivent colza, blé, tournesol, betterave, maïs, orge et légumes sur 700 hectares. En comparaison, la taille moyenne des exploitations de céréales et oléoprotéagineux est de 96 hectares en 2020.

« Cela permet à l’exploitation de percevoir près de 170 000 euros d’aides de la PAC [politique agricole commune], environ 243 euros à l’hectare,

Aux élections professionnelles la FNSEA obtient environ la moitié des voix, ses concurrents Coordination rurale et Confédération paysanne un quart chacun.

La caractéristique principale qui étouffe la lutte de classes chez les paysans est justement le syndicalisme unitaire prôné par la FNSEA jusqu’ici avec succès.

Michel Debatisse, qui fut secrétaire général entre 1966 et 1970, puis président, de 1971 à 1978 de la FNSEA, secrétaire d’État aux Industries agricoles et alimentaires du gouvernement Raymond Barre de 1979 à 1981 président de la Sodiaal (coopérative détentrice des marques Yoplait et Candia) de 1986 à 1995, fut un dirigeant typique de la FNSEA. Il justifiait la collaboration des classes entre paysans riches et pauvres à la campagne :

Que nous ne soyons pas tous identiques, que suivant les régions où nous nous trouvons, les productions auxquelles nous nous consacrons, les problèmes soient très différents, cela nous le savons. Que ces situations différentes entraînent des tensions est l’évidence. Mais il faut avoir le courage de dire que ce n’est pas en nous divisant que nous résoudrons nos problèmes. (...) Il y a dans ce pays une organisation agricole et une seule. Il n’y a pas de monopole syndical en agriculture, mais il y a un syndicalisme unitaire parce que les agriculteurs le veulent ainsi. (...) L’unicité de l’agriculture est un mythe mais son unité est une réalité.(...) Je ne pense pas qu’un futur ministre de l’agriculture puisse être communiste.

Le fait que cet unitarisme, cet anti-communisme cachent une lutte de classe qui existe réellement dans les campagnes fut bien expliqué ... par ce même Michel Debatisse ! Car dans sa jeunesse, en 1963, il dénonçait dans son livre "Révolution silencieuse" ce à quoi il se rallia plus tard :

Combien, parmi les dirigeants syndicaux, ont défendu l’exploitation familiale en espérant que leur voisin, petit exploitant, ne tarderait pas à disparaître et que ses terres viendraient agrandir la surface de son exploitation. (...) Nos dirigeants ont la hantise du collectivisme (...) Par méfiance pour toute solution qui repose sur le groupe, ils exaltent la liberté du paysan dans l’entreprise individuelle. Parce qu’ils craignent tout ce qui peut ressembler à la lutte des classes, ils se refusent à voir les différentes situations qui peuvent exister à l’intérieur de l’agriculture.

Que... ne pas faire ?

Ce mythe du syndicalisme unitaire est de façon mensongère justifiée avec des arguments pseudo-marxistes par N. Arthaud qui présente dans son éditorial du 29 janvier le petit paysan comme un petit propriétaire incorrigible :

L’ironie de la situation veut que les petits agriculteurs, victimes de la loi du plus fort qui est au cœur du capitalisme, en sont les défenseurs, car ils aspirent à conforter leur propriété.

N. Arthaud ne propose aux ouvriers aucun programme à destination des paysans. Il n’y a donc rien de Léniniste, de marxiste dans son programme politique.

D’autant plus que cette image d’Epinal reprise par N. Arthaud, cette image du petit paysan propriétaire, qui fut une réalité pendant des décennies en France, n’est plus une réalité !

Le groupe militant Terre de liens a récemment tenté, chose difficile, de déterminer qui possède en France la terre dans son rapport La propriété des terres agricoles en France, et sa conclusion est sans ambiguïté :

Le jour où nos ancêtres ont fait de la terre une marchandise
est un jour noir pour l’humanité. Ce jour-là, ils ont oublié
que la terre est essentielle à la vie et l’ont abandonnée
à la privatisation, à l’individualisme et à l’exclusion.(...) Contrairement à l’imaginaire collectif, seuls 35 % des
terres cultivées - soit 9 millions d’hectares - appartiennent
aux agriculteurs qui les travaillent. (...)Un agriculteur louant des terres
avait trois ou quatre propriétaires en 1980, il en a
quatorze aujourd’hui. (...)La location
de terres s’est en effet fortement développée
depuis 1946, grâce au droit du fermage qui donne
assez de garanties aux agriculteurs pour développer
leur activité sans qu’ils aient besoin d’acheter
les terres. Cela leur permet notamment de consacrer
leurs fonds en priorité pour des investissements productifs
comme les machines. Aujourd’hui, la majorité
des agriculteurs cultive à la fois des terres dont ils
ont la propriété et des terres louées. Ce sont donc
17 millions d’hectares agricoles qui sont loués à des
tiers. (...) En 1992, les agriculteurs retraités possédaient 25 %
des terres, en progression de huit points sur la décennie
précédente. Vingt ans plus tard, un tiers de
la SAU appartient à des agriculteurs retraités qui
conservent la propriété de leurs terres bien qu’ils ne
les cultivent plus.(...) Les sociétés d’exploitation agricole cultivent désormais
deux tiers des terres agricoles françaises et commencent
à en devenir propriétaires. Parmi elles, certaines sont
des sociétés financiarisées, ouvertes à des investisseurs
ne prenant pas part aux travaux agricoles. En prenant
des parts dans ces sociétés financiarisées, il est donc
possible de prendre le contrôle de terres agricoles.
Un marché des terres parallèle et non régulé s’est ainsi
développé, favorisant la concentration des terres
et l’agrandissement des fermes. (...) La présence d’acteurs non agricoles, tels que des acteurs financiers ou agroalimentaires au capital de ces sociétés,
augure d’une nouvelle ère dans l’agriculture, où le travail
de la terre doit être en mesure de rémunérer ses
investisseurs et où la rentabilité financière préside
à l’orientation des usages de la terre.
Alors que des millions d’hectares vont changer de main
dans les dix prochaines années, le secteur agricole risque
de suivre le sillon du secteur industriel, au détriment
des agriculteurs et agricultrices, des territoires
et de notre alimentation.

Ainsi, d’après ce rapport, la propriété de la terre agricole en France n’est pas un facteur qui éloignerait les exploitants agricoles des travailleurs de l’industrie, contrairement à ce qu’affirme N. Arthaud, car c’est le statut de fermier qui prend de l’importance. Par exemple :

Le quart Nord-Est de la France est la zone où le fermage s’est le
plus développé. La propriété y est particulièrement morcelée par rapport à la taille des fermes
(18 propriétaires par ferme en
moyenne). Ce morcellement donne l’avantage aux fermiers
dans le rapport de force avec les
propriétaires

En 1930, 60 % des terres cultivées l’étaient par leur propriétaire, en 2020 seulement 30%.

Que faire ?

Alors que faire ? Pour le prolétariat de l’industrie, un allié naturel est constitué depuis toujours par le prolétariat des campagnes, les ouvriers agricoles. Aucun syndicat ou parti de gauche ne cherche à mobiliser ce prolétariat agricole à l’occasion du mouvement paysans : aucune de ces organisations ne souhaite soutenir la lutte des classes à la campagne !

Or le prolétariat agricole a une importance majeure dans l’agriculture en France. Le travail sur une exploitation agricole est compté par l’INSEE en unités de travail annuel (UTA). Or dans un rapport de 2018, l’INSEE évalue la part de ces UTA fournies par les salariés permanents, saisonniers ou occasionnels à 36 %, soit plus du tiers ! La première tâche, la porte d’entrée incontournable dans le champ de la lutte des classes à la campagne pour les ouvriers conscients et les militants révolutionnaires est de s’adresser à eux, comme le faisait Lénine au IIème Congrès de l’Internationale communiste qu’il fonda en 1919 :

La masse des paysans laborieux que l’on exploite et que le prolétariat des villes doit conduire au combat, ou, tout au moins, gagner à sa cause, est représentée, dans tous les pays capitalistes, par :

1) Le prolétariat agricole composé de journaliers ou valets de ferme, embauchés à l’année, à terme ou à la journée, et qui gagnent leur vie par leur travail salarié dans les diverses entreprises capitalistes d’économie rurale et industrielle. L’organisation de ce prolétariat en une catégorie distincte et indépendante des autres groupes de la population des campagnes (au point de vue politique, militaire, professionnel, coopératif, etc.), une propagande intense dans ce milieu, destinée à l’amener au pouvoir soviétique et à la dictature du prolétariat, telle est la tâche fondamentale des partis communistes dans tous les pays

Une deuxième couche sociale était pour Lénine celle des demi-prolétaires :

2) Les demi-prolétaires ou les paysans, travaillant en qualité d’ouvriers embauchés, dans diverses entreprises agricoles, industrielles ou capitalistes, ou cultivant le lopin de terre qu’ils possèdent ou louent et qui ne leur rapporte que le minimum nécessaire pour assurer l’existence de leur famille. Cette catégorie de travailleurs ruraux est très nombreuse dans les pays capitalistes ; les représentants de la bourgeoisie et les « socialistes » jaunes de la II° Internationale, cherchent à dissimuler ses conditions d’existence véritables, particulièrement la situation économique ; tantôt en trompant sciemment les ouvriers, tantôt par suite de leur propre aveuglement, qui provient des idées routinières de la bourgeoisie ; ils confondent volontiers ce groupe avec la grande masse des « paysans ». Cette manœuvre, foncièrement bourgeoise, en vue de duper les ouvriers, est surtout pratiquée en Allemagne, en France, en Amérique, et dans quelques autres pays. En organisant bien le travail du Parti communiste, ce groupe social pourra devenir un fidèle soutien du communisme, car la situation de ces demi-prolétaires est très précaire et l’adhésion leur vaudra des avantages énormes et immédiats.

Dans certains pays, il n’existe pas de distinction claire entre ces deux premiers groupes ; il serait donc loisible, suivant les circonstances, de leur donner une organisation commune

Enfin, la question des fermiers, qui prend, comme on l’a vu, une importance centrale en France, était déjà posée par Lénine en des termes qui sont encore d’actualité en France aujourd’hui. Les partis qui ne mettent pas ces revendications au programme des élections européennes ne méritent pas le vote des travailleurs conscients :

3) Les petits propriétaires, les petits fermiers qui possèdent ou louent de petits lopins de terre et peuvent satisfaire aux besoins de leur ménage et de leur famille sans embaucher des travailleurs salariés. Cette catégorie de ruraux a beaucoup à gagner à la victoire du prolétariat ; le triomphe de la classe ouvrière donne aussitôt à chaque représentant de ce groupe les biens et les avantages qui suivent :

a) Non-paiement du prix du bail et abolition du métayage (il en serait ainsi en France, en Italie, etc.) payés jusqu’à présent aux grands propriétaires fonciers ;

b) Abolition des dettes hypothécaires ;

c) Emancipation de l’oppression économique exercée par les grands propriétaires fonciers, laquelle se présente sous les aspects les plus divers (droit d’usage des bois et forets, de friches, etc.) ;

d) Secours agricole spécial et financier immédiat du pouvoir prolétarien, notamment secours en outillage agricole ; octroi de constructions se trouvant sur le territoire de vastes domaines capitalistes expropriés par le prolétariat, transformation immédiate par le gouvernement prolétarien de toutes les coopératives rurales et des compagnies agricoles, qui n’étaient avantageuses sous le régime capitaliste qu’aux paysans riches et aisés, en organisations économiques ayant pour but de secourir, en premier lieu, la population pauvre, c’est-à-dire les prolétaires, les demi-prolétaires et les paysans pauvres.

Conclusion

Le 5ème couplet du chant d’Eugène Pottier L’Internationale portait sur l’union nécessaire des ouvriers et de paysans :

Ouvriers, Paysans, nous sommes
Le grand parti des travailleurs.
La terre n’appartient qu’aux hommes.
L’oisif ira loger ailleurs.
C’est de nos chairs qu’ils se repaissent !
Si les corbeaux si les vautours
Un de ces matins disparaissent …
La Terre tournera toujours.

La seule révolution prolétarienne victorieuse fut celle de 1917 en Russie, car c’est là que les ouvriers d’usines prirent la tête de la révolte des paysans pauvres.

Reprenons le programme des ouvriers russes de 1917 en nous adressant au prolétariat des campagnes, aux paysans pauvres, moyens contre les riches paysans capitalistes, incarnés aujourd’hui par les dirigeant de la FNSEA ! C’est en créant des soviets d’ouvriers et de paysans que les ouvriers purent faire vivre cette alliance révolutionnaire avec les paysans. Les soi-disant concurrents de la FNSEA, la Confédération paysanne et la Coordination rurale ont abandonné toute lutte contre le capitalisme, l’intervention des travailleurs des villes dans les luttes de classe à la campagne est une urgence vitale ! Prolétaires de tous les pays, des villes ou des campagnes, unissons nous et entrainons les paysans pauvres !

Faucille et marteau unis, nous vaincrons !

Messages

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    Oui, la question des paysans pose une question de classe ! Celle de la classe capitaliste qui ponctionne l’immense majorité de la population.

    Cela pose la question d’une alliance entre travailleurs des villes et des champs. La faucille et le marteau, l’union de salariés et des paysans, est toujours autant d’actualité pour lutter contre le grand capital !

    Car, si on laisse les petits paysans s’unir plutôt aux gros paysans, comme le souhaite la FNSEA et le gouvernement, si on laisse les petits artisans s’unir plutôt aux gros patrons, si on laisse les petits pêcheurs, les petits commerçants et autres petits bourgeois s’unir au grand capital, si nous salariés, restons neutres et même opposés aux mouvements de la petite bourgeoisie au lieu de mettre à notre programme la défense de tous ceux qui vivent de leur travail, nous serons bel et bien battus car, si la crise s’aggrave, la petite bourgeoisie sera aisément une masse de manœuvre du fascisme.

    Mais, pour nous battre sur un programme concernant l’immense majorité de la population, petite bourgeoisie, jeunesse, femmes, chômeurs, sur un programme de transformation fondamentale de la société, il faut cesser de suivre les méthodes revendicatives purement catégorielles auxquelles nous engagent les centrales syndicales. Il faut nous organiser nous-mêmes en comités interprofessionnels de travailleurs et débattre ensemble d’un tel programme social pour toute la société, pour toutes les couches travailleuses, les paysans notamment.

    C’est seulement ainsi que les paysans peuvent battre le grand capital car ils ne peuvent pas y arriver seuls, pas plus que nous, travailleurs, pouvons battre le capital seuls, comme nous le constatons tous les jours dans les impasses des luttes auxquelles nous convient les centrales syndicales.

    Puisque le problème des paysans, c’est celui des intermédiaires, c’est-à-dire des capitalistes, puisque le problème des salariés, c’est aussi celui des capitalistes, puisque celui des salariés du public, c’est encore le fait que l’Etat est au service des capitalistes, supprimons les intermédiaires entre le producteur et le consommateur, c’est-à-dire le rôle des propriétaires de capitaux. C’est exactement cela le socialisme !

    Que le capital ponctionne le travail n’est pas une nouveauté. Qu’il empêche même la production de marchandises, par contre, est un sous-produit du nouvel état du système d’exploitation capitaliste, état dans lequel la production de la plus-value elle-même est remise en cause par les capitalistes, leur tendance aveugle à n’investir que dans les domaines permettant le profit maximum devenant contradictoire avec la production de la plus-value elle-même et avec toute production. C’est la première fois de l’Histoire que le fonctionnement même du capitalisme empêche toute régulation par les crises, impose même au secteur public de se mettre en faillite, et détruise aussi bien l’agriculture, l’industrie, le commerce et toute activité économique. Ce n’est pas une crise du capitalisme qui est ainsi produite mais un bout de course du système. L’avenir n’est plus à la lutte pour des améliorations au sein du système mais à celle pour fabriquer une nouvelle société fondée sur les besoins des être humains et plus sur ceux du grand capital. Mais cet avenir ne va pas se bâtir tout seul. Il nécessite notre action consciente et elle reste entravée par les limites des organisations de la classe ouvrière qui, elles, restent attachées à l’ancien système d’exploitation. L’avenir dépend donc de notre capacité à nous organiser de manière autonome !

  • .
    Les petits paysans besogneux, sacrifiés sur l’autel du productivisme et de la course au gigantisme encouragés par l’Europe et par les banques qui se sont sucrés sur la bête, avaient compris depuis longtemps qu’ils ne seraient pas conviés à la table des gros. Ils se vivaient déjà comme des battus de l’histoire, les derniers indiens, comme les ouvriers des usines délocalisées et jetés comme des kleenex au nom de la compétitivité et du profit à tout prix. Comme toujours, ces petits ont été mangés par les gros, par la logique d’accumulation capitaliste.

    Je comprends à ce titre la colère qui s’exprime depuis quelques jours dans le sud-ouest du pays mais quand je constate que la FNSEA prend la tête de la fronde, je suis inquiet.

    Je connais aussi ce « syndicat » agricole présent jusque dans ma petite campagne natale par le biais de ses antennes départementales et de son organisation de jeunes (les CDJA). Il faut en être, au risque de la mise à l’écart de la communauté villageoise. La direction de la FNSEA porte l’idée, fausse, d’une prétendue unité du monde paysan qui doit, sans clivage entre petits et gros, se rassembler pour défendre un soit disant intérêt commun à tous les agriculteurs. C’est un mythe, une fable destinée à masquer que cette Fédération n’est en réalité que le bras armé des gros producteurs qui utilisent l’image du bon paysan pour mieux défendre leurs intérêts particuliers au niveau national et européen. La tactique est simple mais efficace : pousser devant les petits pour mieux défendre en coulisses les intérêts des gros.

    Les petits agriculteurs disparaissent en silence, la terre se concentre entre quelques mains et les primes continuent d’être versées en priorité aux plus gros producteurs… et cela avec la bénédiction de la direction de la FNSEA…

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    Sur l’alliance prolétariat-paysannerie :

    https://alt-rev-com.fr/2020/05/26/congres-du-pcf-de-1924-le-mot-dordre-de-bloc-ouvrier-et-paysan/

    https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1922/04/lt19220422.htm

    bref une politique de front unique à mettre en rapport avec le dernier édito de Lutte ouvrière (LO) sur la question qui n’a d’autres perspectives que de défendre les intérêts particuliers des travailleurs, refusant de fait une politique par laquelle le prolétariat peut se mettre à la tête de toutes les luttes !

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2024/01/31/les-agriculteurs-defendent-leurs-interets-les-travailleurs-doivent-en-faire-autant_729083.html

    Pour LO, il y a d’un côté la lutte des agriculteurs et de l’autre celle des ouvriers…

    Ne comptons pas sur LO pour reprendre la politique de front unique qui était celle des marxistes révolutionnaires et pour réactualiser cette affiche .... Dans les élections à venir LO va défendre, comme à son habitude, non un programme communiste ; mais en réalité en réalité un programme syndicalistes, car pour LO les travailleurs doivent défendre en premier lieu leurs intérêts propres et non devenir l’aile dirigeante du peuple travailleurs en se mettant à la tête de toutes les luttes en vue du renversement de la république bourgeoise et du capitalisme en faveur des soviets !

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    Quand les agriculteurs riches lâchent le mouvement, les paysans pauvres n’ont pas encore obtenu satisfaction...

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    « La Commune avait parfaitement raison en disant aux paysans : « Notre victoire est votre seule espérance ». De tous les mensonges enfantés à Versailles et repris par l’écho des glorieux journalistes d’Europe à un sou la ligne, un des plus monstrueux fut que les ruraux de l’Assemblée nationale représentaient la paysannerie française. Qu’on imagine un peu l’amour du paysan français pour les hommes auxquels après 1815 il avait dû payer l’indemnité d’un milliard. A ses yeux, l’existence même d’un grand propriétaire foncier est déjà en soi un empiètement sur ses conquêtes de 1789. La bourgeoisie, en 1848, avait grevé son lopin de terre de la taxe additionnelle de 45 centimes par franc mais elle l’avait fait au nom de la révolution ; tandis que maintenant elle avait fomenté une guerre civile contre la révolution pour faire retomber sur les épaules du paysan le plus clair des cinq milliards d’indemnité à payer aux Prussiens. La Commune, par contre, dans une de ses premières proclamations, déclarait que les véritables auteurs de la guerre auraient aussi à en payer les frais. La Commune aurait délivré le paysan de l’impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l’avocat, l’huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l’aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet ; elle aurait mis l’instruction par le maître d’école à la place de l’abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d’être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s’étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s’opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l’agriculture moderne et de la concurrence du mode de culture capitaliste.
    Le paysan français avait élu Louis Bonaparte président de la République, mais le parti de l’ordre créa le Second Empire. Ce dont en réalité le paysan français a besoin, il commença à le montrer en 1849 et 1850, en opposant son maire au préfet du gouvernement, son maître d’école au prêtre du gouvernement et sa propre personne au gendarme du gouvernement. Toutes les lois faites par le parti de l’ordre en janvier et février 1850 furent des mesures avouées de répression contre les paysans. Le paysan était bonapartiste, parce que la grande Révolution, avec tous les bénéfices qu’il en avait tirés, se personnifiait à ses yeux en Napoléon. Cette illusion, qui se dissipa rapidement sous le second Empire (et elle était par sa nature même hostile aux « ruraux »), ce préjugé du passé, comment auraient-ils résisté à la Commune en appelant aux intérêts vivants et aux besoins pressants de la paysannerie ?
    Les ruraux (c’était, en fait, leur appréhension maîtresse) savaient que trois mois de libre communication entre le Paris de la Commune et les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans ; de là leur hâte anxieuse à établir un cordon de police autour de Paris comme pour arrêter la propagation de la peste bovine. »

    Karl Marx

    https://www.marxists.org/francais/ait/1871/05/km18710530c.htm

  • Pourquoi se préoccuper des paysans ? D’après N. Arthaud, Lénine s’était trompé en comptant sur les paysans, car les ouvriers sont seuls :

    la perspective de renverser le capitalisme pour en finir avec la loi du plus fort ne peut être portée que par les exploités qui n’ont que leur force de travail pour vivre, c’est-à-dire les travailleurs salariés. Ils sont les seuls à n’avoir aucun fil à la patte : ni petit commerce, ni petite entreprise, ni terre à capitaliser.

    https://www.lutte-ouvriere.org/editoriaux/ouvriers-et-paysans-pour-que-la-lutte-ne-soit-pas-un-eternel-recommencement-729143.html

    N. Arthaud et JP Mercier jettent le Léninisme et le Trotskysme à la poubelle, le programme prétendument révolutionnaire qu’ils défendent aux élections est réactionnaire. La "brochure" pour ces élections ne contient pas le mot "paysan" ! :

    https://www.lutte-ouvriere.org/sites/default/files/documents/caravane-2024.pdf

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