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Du Caire à Alexandrie, la lutte continue

dimanche 14 août 2011

Entretien avec Fathallah Mahrous, ouvrier, syndicaliste et militant communiste depuis 1950, actuellement membre du Comité de coordination pour les libertés syndicales et du Parti socialiste égyptien.

Où en est la révolution ?

Le peuple égyptien est sorti de son carcan, de la peur qui l’enfermait, et a attaqué le régime Moubarak, mais la révolution n’a pas atteint ses objectifs. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) perpétue le régime et s’est placé comme juge du régime Moubarak, cela fait cinq mois et à part à Suez où les policiers ont été libérés, personne n’a été jugé. En période révolutionnaire, on devrait faire des procès révolutionnaires et y juger les responsables du pays.
Le 11 février, les masses se sont dirigées vers les palais présidentiels, si elles avaient réussi à les prendre, elle n’auraient pas joué au foot ! Elles auraient fait un gouvernement révolutionnaire. Le CSFA, en accord avec l’Arabie saoudite et les États-Unis, ont fait abdiquer Moubarak pour calmer le peuple. Les bâtiments de la sécurité nationale (police politique) sont tombés sous les coups des révolutionnaires, mais ce n’était qu’un bout du système de sécurité qui n’a cessé de se développer depuis 1952.

Où en sont le mouvement ouvrier et les syndicats indépendants ?
Le mouvement ouvrier est dans le même état que la révolution et que le peuple dans son ensemble. Le conseil militaire représente et protège le système Moubarak, et dans le monde du travail, l’Union officielle (l’ETUF) est toujours là, avec son armée d’espions, pour défendre le pouvoir et les patrons. L’idée des syndicats indépendants en est encore à son début. Ceux qui sont nés dans le monde post-1952 ne savent pas ce qu’est un syndicat indépendant. Dans le domaine de la conscience, Gamal Abdel Nasser et son système ont rendu les gens ignorants ; ils mangeaient, se logeaient, travaillaient mais ne devaient pas penser. C’est vrai que la conscience des peuples augmente rapidement en période révolutionnaire, mais on a beaucoup à rattraper. Après la révolution, le CSFA a émis une loi criminalisant les grèves. À Suez, on a jugé il y a deux semaines des travailleurs du canal de Suez pour une grève économique faite au début du mois de juin. L’ETUF doit tomber. Et même ainsi, il nous faudra encore cinq ans après sa dissolution pour que s’enracine l’idée du syndicalisme indépendant ; si cela arrive, la révolution se diffusera. Nous, les forces de gauche, les socialistes, les démocrates et les nassériens défendons les syndicats indépendants, mais face à nous il y a le CSFA, le gouvernement, les Frères musulmans et les anciens du Parti national démocrate qui veulent le maintien de l’ETUF. Malgré toutes ces difficultés, plus de
70 syndicats indépendants ont été créés, et il y a des grèves.

Les travailleurs ont joué un rôle important dans la révolution mais ne se sont pas investis en tant que tels dans le mouvement de rue, une évolution se profile-t-elle pour les mois à venir ?
Il est certain que les grèves sont un mode d’action plus révolutionnaire que les manifestations. L’Union indépendante a organisé le 1er Mai et tient parfois une tente sur la place Tahrir les jours de manifestations. S’ils ne le font pas c’est le Front des forces socialistes1 qui intervient pour rappeler la centralité des travailleurs. À Alexandrie, la semaine dernière, nous avons réussi à nous séparer des Frères musulmans, partis de leur côté avec les libéraux, et nous du nôtre avec les forces socialistes.

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