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Comment Lutte Ouvrière organise une grève SNCF : comme des militants socialistes qui préparent le rôle autonome du prolétariat

6 février 2012, 22:08, par RP

le problème de la démocratie syndicale au sein de la CGT ne se limite pas aux entraves apportées par l’appareil à l’activité syndicale des militants révolutionnaires. Il s’agit d’un problème plus général et plus grave. Non seulement parce que la démocratie syndicale ne peut pas se diviser, et qu’on ne voit pas comment une confédération qui emploie des méthodes anti-démocratiques contre les militants révolutionnaires pourrait être un modèle de démocratie vis-à-vis du reste de ses adhérents. Mais aussi parce que toute la politique de la direction de la CGT tend à réduire la vie syndicale démocratique au minimum.

Bien loin de tendre, pour reprendre les propres expressions de Séguy, au « renforcement » de la CGT « d’un point de vue de classe », bien loin d’essayer d’organiser effectivement le plus grand nombre possible de travailleurs, de les réunir régulièrement, de leur apprendre à décider eux-mêmes de ce qui les concerne, tous les efforts de la direction de la CGT tendent au contraire à réserver le monopole des décisions à un appareil soigneusement sélectionné, et à éloigner les travailleurs du rang de toute vie syndicale, en en faisant de simples porteurs de cartes.

Si la direction de la CGT fait tout pour empêcher l’existence d’une vie syndicale démocratique, ce n’est pas seulement, d’ailleurs, pour mettre ses adhérents à l’abri d’une éventuelle, contagion révolutionnaire. Les militants de la CGT, parce qu’ils font souvent partie des éléments les plus dévoués, les plus combatifs et les plus politisés de la classe ouvrière, pourraient certes être particulièrement sensibles aux idées révolutionnaires. Et c’est bien ce qui explique la hargne et la constance que l’appareil déploie pour isoler et éliminer les révolutionnaires. Mais ceux-ci sont encore loin d’être présents partout, leurs idées sont encore minoritaires. Et si la direction de la CGT fait tout pour entraver la possibilité de développement d’une vie syndicale réelle, c’est pour des raisons plus générales. C’est parce que, par rapport à la politique qui est la sienne, par rapport à l’État bourgeois, au patronat, et à chaque patron en particulier, elle a besoin d’avoir les mains libres, de ne pas être liée par les réactions ou les décisions de sa base.

Le réformisme de la direction de la CGT ne l’amène pas seulement, en effet, à se refuser à envisager tout affrontement avec l’État bourgeois, à mettre en cause l’ordre capitaliste. Il l’amène aussi à se refuser à toute lutte, même rigoureusement limitée au plan économique, qui pourrait vraiment gêner la bourgeoisie, et mettre en cause la politique de collaboration de classe de l’appareil syndical Et ce refus ce toute lutte revendicative généralisée amène également l’appareil CGT à freiner bien des luttes locales, ou à ne pas faire tout ce qui serait possible pour leur donner le maximum de chances de vaincre.

L’appareil cégétiste est donc susceptible d’entrer en conflit avec sa base, même lorsque le niveau de conscience de celIe-ci ne dépasse pas le plus classique réformisme, même lorsqu’il s’agit de luttes ne se donnant comme but que la satisfaction de revendications économiques élémentaires. Et c’est pour éviter de se trouver devant ce genre de problème que la direction de la CGT fait tout pour réduire la vie syndicale au maximum.

A plus forte raison l’appareil cégétiste met-il tout en oeuvre lorsque les travailleurs sont engagés dans des luttes, pour garder le contrôle le plus étroit possible sur la direction de celles-ci. C’est aux organisations syndicales de jouer ce rôle de direction, affirme-t-il.

Mais c’est oublier que dans I’immense majorité des cas, seule une minorité de travailleurs est syndiquée et que seule une plus petite minorité encore participe vraiment à l’activité syndicale. Quand bien même le syndicat s’efforcerait-il de faire participer tous ses adhérents à la direction de la grève - ce qui n’est pas le cas, sauf exception rarissime - que la plupart des travailleurs en grève resteraient donc à l’écart de celIe-ci. C’est pourtant dans de telles circonstances, lorsque des travailleurs qui ne participent habituellement à aucune vie syndicale, qui n’avaient même pas conscience bien souvent, quelques jours plus tôt, de la nécessité de s’organiser, sont engagés dans une lutte, que des militants ouvriers réellement conscients des intérêts de leur classe devraient tout faire pour que ces ouvriers prennent conscience de la nécessité et de l’intérêt de s’organiser. Pour qu’ils prennent conscience aussi des immenses possibilités de la classe ouvrière, lorsqu’elle prend son sort en main. En quelques jours, les travailleurs peuvent apprendre plus, dans le feu de la lutte, qu’en des années d’exploitation subies passivement.

Faire en sorte que les travailleurs en grève assument eux-mêmes la direction de leur lutte, c’est préparer la classe ouvrière à gérer demain toute la société. Et ce ne peut être que le rôle du comité de grève, élu par l’ensemble des grévistes, responsable devant l’ensemble des grévistes.

Mais la direction de la CGT est résolument opposée à ces comités. Et quand l’appareil ne parvient pas à en empêcher la formation, il fait tout pour limiter leur rôle et leur pouvoir.

Dans ces circonstances, la volonté de l’appareil d’empêcher les travailleurs de prendre en mains leur propre sort est manifeste. Mais c’est fondamentalement à la même politique que l’on assiste dans l’activité quotidienne, lorsque les responsables n’organisent aucune réunion syndicale, ou en organisent sur le temps de travail, ouvertes aux seuls délégués, ou encore en organisent de si ennuyeuses que les malheureux qui y ont assisté deux ou trois fois n’ont plus aucune envie d’y revenir.

Revue Lutte de classe (juillet 1975)

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