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"Nous les ouvriers", film chinois
vendredi 31 juillet 2020, par
Le réalisateur Wen Hai voulait dépeindre les conditions de vie des ouvriers de Chine. Mais son documentaire montre surtout la répression qui s’abat sur les travailleurs qui défendent leurs droits.
"Nous les ouvriers", un film de près de trois heures, fait office de témoignage sur le déclin des organisations informelles de défense des travailleurs, portées essentiellement par des employés, anciens ou actuels. Leur combat pour de meilleurs salaires et conditions de travail dans le sud de la Chine dérange les autorités.
"Ce ne sont pas uniquement des robots sans visage qui fabriquent vos téléphones. Ce sont aussi des ouvriers qui sont puissants quand ils sont confiants, quand ils ne craignent pas la pression", dit le réalisateur de 46 ans.
De peur de représailles, Wen Hai s’est depuis réfugié dans le territoire semi-autonome de Hong Kong, où il vit.
Le documentaire constitue pour lui un virage à 180 degrés car jusque là, Wen Hai s’était plutôt consacré aux artistes et intellectuels branchés de Pékin.
Mais il se posait des questions sur ces gens qui migrent à travers la Chine pour fabriquer près de 50% des biens manufacturés vendus dans le monde.
En plus de 30 ans de boom économique, les conditions de vie se sont globalement améliorées. Mais de nombreux ouvriers, qui travaillent souvent très loin de chez eux à des postes ingrats, sont victimes d’abus.
Dans le sud-ouest reculé de la Chine, le réalisateur a constaté une pauvreté telle qu’ils sont "désespérés". "Ils prennent un emploi et ne s’inquiètent qu’après des conditions".
En 2014, le cinéaste s’est rendu dans la province du Guangdong (sud), séjournant un an dans l’appartement étriqué d’un militant.
Wen a vécu parmi les ouvriers, partageant repas et séances de karaoké. Il s’est introduit en douce dans les usines pour filmer les chaînes de production.
"Les ouvriers m’acceptaient comme un des leurs. Je me suis bien amusé et ce n’est que des mois après que je me suis rendu compte que leur situation devenait très dangereuse".
Le film donne l’impression d’avoir été tourné à la sauvette. Il porte pour beaucoup sur les tentatives des gens pour se défendre face à leur employeur, avec le soutien d’avocats bénévoles.
Des "centres de travailleurs" indépendants ont surgi ces 10 dernières années, alternative aux syndicats officiels contrôlés par l’Etat. La plupart encourageait la négociation et voyaient la grève comme un dernier recours.
Une bonne partie du film se passe en 2015 à Panyu, district de la ville de Canton, où les revendications des ouvriers se font de plus en plus pressantes.
Une scène montre des ouvriers licenciés sans indemnités discuter des moyens de récupérer leur argent. "Votre patron aura peur. Il va savoir que vous avez le soutien de quelqu’un comme moi", leur dit Chen Huihai, membre d’un de ces centres.
Le film montre le passage à tabac d’un militant après un discours devant des ouvriers, agression qu’il impute aux policiers ou aux propriétaires de l’usine.
Le film s’achève par une grève victorieuse dans une usine de chaussures. Mais deux mois après la fin du tournage, en septembre 2015, les descentes de police se sont multipliées dans les centres de travailleurs de Canton, raconte le réalisateur.
Des dizaines de personnes ont été arrêtées et trois personnes ont été condamnées à du sursis pour avoir "troublé la paix sociale", selon la presse officielle.
Bon nombres de "centres des travailleurs" ont disparu mais le combat continue, dit le cinéaste.
Au premier semestre 2016, le nombre de mouvements sociaux a augmenté de 20% sur un an, selon le China Labour Bulletin, organisme basé à Hong Kong.