Accueil > 10- SYNDICALISME ET AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS - SYNDICALISM AND (…) > Le mouvement de grèves de 1995 en France et les leçons qu’on peut en tirer
Le mouvement de grèves de 1995 en France et les leçons qu’on peut en tirer
jeudi 7 décembre 2023, par
Après avoir joué en 1995 à l’ennemi de classe de Sarkozy, Bernard Thibault trinque avec lui...
1995 : quand Bernard Thibault explique à Juppé comment faire reprendre le travail
https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=WVr_4_geLyg
Bernard Thibault a toujours dénoncé la grève générale
En 1995, la CGT a tout fait pour éviter la grève générale ! Et c’est une politique... générale !
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5635
Bernard Thibault : « Aucune organisation syndicale n’a appelé à la grève générale, parce que cela ne se décrète pas, on n’est pas dans un tel scénario. »
Bernard Thibault déclarait aussi que « la grève générale ne fait pas partie de la tradition syndicale en France » ! Au moment même où bien des syndicalistes et des travailleurs croyaient que la CGT menait une lutte de manière radicale pour défendre les retraites en élargissant la lutte, le leader de celle-ci affirmait qu’il ne comptait nullement menacer le patronat et le gouvernement d’une lutte ouvrière se généralisant. Il faut dire que, si en 1936 et 1968, une grève générale avait bien eu lieu en France et, contrairement aux dires du leader syndical, faisait bien partie de la tradition du mouvement ouvrier, elle ne découlait nullement d’une volonté des leaders syndicaux, pas plus radicaux socialement et politiquement à l’époque qu’aujourd’hui. »
Bernard Thibault a décrété la fin brutale du mouvement en 1995 sans consulter personne, juste en sortant de ses négociations avec le ministre, passant par-dessus les décisions démocratiques des assemblées générales de cheminots et interprofessionnelles, lâchant les agents RATP, les enseignants et autres salariés qui s’étaient mis en grève en solidarité avec les cheminots, cassant durablement les liens entre salariés SNCF/RATP ? Lequel s’est inquiété que cet arrêt brutal d’un mouvement ouvrier montant victorieusement et commençant à se joindre au privé casse la dynamique des luttes ouvrières sous prétexte d’un recul momentané et partiel ?
L’ancien secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, son prédécesseur n’avait-il pas milité publiquement contre la grève générale lors de lutte des retraites, prétendant que la grève générale n’avait rien à voir avec les traditions du mouvement ouvrier en France pour justifier son refus de généraliser les grèves afin de faire céder le gouvernement sur l’attaque contre les retraites ? Quel dirigeant de la gauche politique et syndicale, de la gauche de la gauche ou de l’extrême gauche officielle avait relevé publiquement ces propos de Thibault pour les combattre ? Aucun !
En décembre 1995 pour s’imposer au gouvernement Chirac-Juppé comme des interlocuteurs indispensables deux confédérations syndicales avaient volontairement poussé à l’extension de la grève des cheminots mais sans oeuvrer du tout à la construction de la grève générale. Une politique il est vrai qui permit ensuite à Thibault (à l’époque dirigeant de la fédération des cheminots) d’appeler à la reprise du travail, au sortir des négociations avec le ministre des transports et sans en référer le moins du monde aux assemblées générales des grévistes.
1995 : les grèves du secteur privé
Rappelons que les grèves de 1995, bien avant les cheminots, la RATP et le secteur public, c’est d’abord le secteur privé et les syndicats ne veulent surtout pas généraliser la lutte et encore moins la porter dans le secteur privé ! L’ensemble des usines Renault, Belin à Evry, Thomson, Pechiney à Dunkerque, Sochata (filiale de la Snecma spécialisée dans la réparation de moteurs d’avions militaires), Martell à Cognac, Creusot Loire (Le Creusot), Carbon Blanc (Bordeaux) et bien d’autres furent le théâtre de conflits portant sur les salaires, exigeant des augmentations allant de 500 à 1000 francs. Alsthom et Uniroyal les avaient précédé de peu…
https://mouvement-communiste.com/documents/WorkerBulletin/bo_1-06_renault_chronologie.pdf
https://mouvement-communiste.com/documents/WorkerBulletin/bo_2.pdf
https://www.liberation.fr/futurs/1995/03/28/chez-renault-les-greves-trainent-en-longueur_125676/
Les grèves en France en 1995 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ves_de_1995_en_France
Avertissement : nous diffusons ensuite toutes sortes de commentaires de la grève de décembre 1995 même si nous sommes en désaccord parfois radical avec la plupart des commentaires représentés ici, mais il nous semble utile au lecteur de pouvoir s’y référer, y compris pour les combattre…
La grève des cheminots commençant à s’étendre au secteur public en décembre 1995 en France
Les syndicats et leurs soutiens présentent le mouvement de 1995 en France comme un épisode glorieux pour le syndicalisme et victorieux pour les travailleurs. Ce n’est pas vrai. Et même comme leur dernière victoire !
S’il est exact que les syndicats ont réussi, c’est surtout à duper la classe ouvrière en évitant une lutte de classes généralisée et en isolant le secteur public et le secteur privé.
Quant aux bribes d’auto-organisation (des assemblées), elles n’ont pas empêché que ce soit le secrétaire général de la CGT qui décide de tout en fait, y compris de la reprise du travail...
1995 : les cheminots entraînent le secteur public et sont arrêtés par la CGT dès que le secteur privé menace d’entrer en lutte
En 1995, on oublie souvent qu’il y a eu séparément une grève se généralisant dans le privé (par exemple Renault, Thomson, SNECMA, Danone, etc..., au printemps 1995) et une grève se généralisant aussi dans le public en octobre. Les syndicats, après avoir approuvé les mesures prévues par Juppé, ont œuvré consciemment et efficacement à diviser et affaiblir. Au début, elles ne prévoyaient même pas une véritable réaction. Par exemple, Jean-Paul Roux, le dirigeant du syndicat indépendant l’UNSA, déclarait : "On ne peut pas faire la grève du siècle tous les mois, beaucoup de fonctionnaires ne peuvent se permettre de perdre 2 jours de salaire à 6 semaines d’intervalle à l’approche de Noël". Grâce aux syndicats, le gouvernement a pu se contenter d’un petit recul alors qu’il faisait face à une remontée des luttes sociales. Certains syndicats comme la CGT et FO se sont portés à la tête de la lutte des salariés du public alors qu’ils avaient signé les projets de réforme de Juppé qui s’est suffisamment plaint de leur retournement. Alors que Nicole Notat et la CFDT se rangeaient aux côtés du gouvernement Juppé contre les cheminots et les postiers), en décembre 1995, Bernard Thibault avait lui-même bradé la grève dont il apparaissait comme le principal leader, en appelant à la reprise, sans consulter aucun gréviste, dès la signature d’un accord avec le ministre des transports de l’époque. Cette grève, de la part des dirigeants de la CGT comme de Marc Blondel qui dirigeait FO, était surtout une façon de s’imposer comme interlocuteurs au gouvernement Juppé-Chirac, à qui ils démontraient, en s’appuyant sur la colère des cheminots, que ce n’était pas en collaborant avec la seule CFDT que l’on pouvait marchander le calme social.
Les cheminots, dont le système de retraite et le statut de l’entreprise, via le projet de contrat de plan, sont remis en cause, occupent une grande place dans le mouvement. La grève de novembre-décembre 1995 montre que la grève des cheminots peut gagner, faire reculer un projet antisocial, faire chuter un ministre, en entraînant les autres secteurs, en organisant des assemblées générales interprofessionnelles et en passant dans les autres secteurs les entraîner à la grève. En sortant du ministère, Bernard Thibaut secrétaire de la CGT des cheminots annonce, sans consultation des cheminots en grève et sans concertation avec les travailleurs de la RATP qui ont suivi la grève SNCF, que la grève est finie. C’est le début d’une politique de trahison ouverte menée par celui qui va vite devenir le dirigeant de la CGT.
Si 1995 a marqué une remontée de la lutte, un recul du gouvernement et une accentuation de la confiance des travailleurs, les travailleurs y sont apparus comme suivants les syndicats nationaux contrairement aux années précédentes et elle a été aussi un tournant vers une plus grande collaboration entre syndicats et gouvernement et avec le patronat qui sera souligné par le choix que fera la CGT de venir un syndicat qui négocie, qui propose, qui est "positif"...
Alors que Nicole Notat et la CFDT se rangeaient aux côtés du gouvernement Juppé contre les cheminots et les postiers), en décembre 1995, Bernard Thibault avait lui-même bradé la grève dont il apparaissait comme le principal leader, en appelant à la reprise, sans consulter aucun gréviste, dès la signature d’un accord avec le ministre des transports de l’époque. Cette grève, de la part des dirigeants de la CGT comme de Marc Blondel qui dirigeait FO, était surtout une façon de s’imposer comme interlocuteurs au gouvernement Juppé-Chirac, à qui ils démontraient, en s’appuyant sur la colère des cheminots, que ce n’était pas en collaborant avec la seule CFDT que l’on pouvait marchander le calme social.
Bernard Thibault s’est fait connaître du grand public par la grève des cheminots de 1995, alors que Nicole Notat, à la tête de la CFDT, était devenue la bête noire des grévistes, y compris de sa propre fédération CFDT des transports, pour le soutien qu’elle apportait au gouvernement Juppé. Passé en 1999 de la direction de la Fédération CGT des cheminots à la tête de la confédération, il a poursuivi l’évolution de la CGT, déjà entreprise par son prédécesseur Louis Viannet, vers un syndicalisme dit « de proposition ».
Il est vrai qu’en décembre 1995, Bernard Thibault avait lui-même bradé la grève dont il apparaissait comme le principal leader, en appelant à la reprise, sans consulter aucun gréviste, dès la signature d’un accord avec le ministre des transports de l’époque. Cette grève, de la part des dirigeants de la CGT comme de Marc Blondel qui dirigeait FO, était surtout une façon de s’imposer comme interlocuteurs au gouvernement Juppé-Chirac, à qui ils démontraient, en s’appuyant sur la colère des cheminots, que ce n’était pas en collaborant avec la seule CFDT que l’on pouvait marchander le calme social. L’invitation de Nicole Notat au congrès de la CGT de 1999, celui où Bernard Thibault a pris la succession de Louis Viannet, et la poignée de main Thibault-Notat sous les flashs des journalistes, ont symbolisé le fait que, malgré les frictions, les deux conceptions syndicales étaient on ne peut plus proches. Aux militants d’encaisser le coup.
Finie l’époque d’une CGT qui, sans être moins réformiste que les autres, se distinguait de FO ou de la CFDT, non seulement parce qu’elle avait la plus grande implantation ouvrière et la base militante la plus influente (ce qui est encore en partie le cas) mais aussi parce qu’elle avait des liens étroits avec le PCF, qui lui valaient d’être tenue par les gouvernements le plus à l’écart possible des organismes paritaires. Louis Viannet avait marqué les distances dès 1996 en quittant le bureau national du PCF, Bernard Thibault à son tour en quittant même l’organisme plus large qu’est le Comité national. Et il se faisait acclamer en invité d’honneur au congrès du Parti socialiste de juin 2003.
Les leaders de la CGT ont toujours, comme François Chérèque ou Jean-Claude Mailly, leurs amitiés ou leurs engagements politiques à gauche. Mais c’est dans la collaboration avec le pouvoir, quel qu’il soit, qu’ils voient l’avenir de leur appareil et sa place dans les rouages de la société.
« Un peu partout dans le monde, des syndicats font reposer leurs espoirs et leur démarche sur l’accès au pouvoir du parti politique dont ils s’estiment le plus proche […] Ce sont des conceptions qui ne correspondent ni à la société française, ni à l’orientation de la CGT », écrit Bernard Thibault dans un petit livre Qu’est-ce que la CGT. Il poursuit en expliquant que du fait que « les institutions qui composent l’Etat sont des lieux essentiels et permanents de régulation sociale », le syndicalisme indépendant de tout parti politique n’est pas pour autant indifférent au débat des partis. « Dans ce cadre, la CGT est donc pleinement disposée à débattre en permanence avec tous les partis démocratiques, d’organisation à organisation, dans le respect des prérogatives et de l’identité de chacun ».
Débattre de quoi ? De la lutte de classe ? C’est démodé, et rayé des statuts de la CGT depuis 1995. Il ne semble plus rester que la « régulation sociale ».
De 1997 à 2002, la collaboration de la CGT avec le gouvernement de gauche n’avait, malheureusement, rien de surprenant. La droite, revenue au pouvoir avec le tandem Chirac-Raffarin, a pris soin de ne pas commettre à nouveau l’erreur de Juppé. Mais le gouvernement savait qu’il avait en face de lui des syndicats, y compris la CGT, qui ne demandaient que de jouer le jeu. Pourvu qu’on les y invite. C’est le rôle des mesures François Fillon sur le « dialogue social » et du cinéma de Jean-Louis Borloo sur la « cohésion ». Et sur deux ans, de la réforme des retraites à la réforme de la loi sur les licenciements en passant par celle de la Sécurité sociale, les consultations, négociations, commissions ou Hauts conseils se sont succédé, où tous les syndicats se sont précipités pour participer et apporter leur grain (ou plutôt leur ivraie !) au débat sur la réforme en cours. Avec le succès que l’on connaît !
Rappelons qu’en 1995, au contraire des mouvements sur les retraites dans les années suivantes, le succès était provenu d’une grève s’étendant et menaçant de devenir générale... Et encore faut-il remarquer que cela avait été possible parce que les classes dirigeantes n’étaient pas, comme actuellement, engagées dans la plus grave crise systémique de l’Histoire...
Le mouvement de 1995 prouve une chose, c’est seulement quand les cheminots entrainent toute la classe ouvrière qu’ils sont craints ! Et les AG devraient être interprofessionnelles, comme en 1995, pour que l’extension de la lutte soit marquée déjà dans son mode d’organisation et pour que nos adversaires patronaux et gouvernementaux la craignent.
Il est indispensable que nous tirions des leçons des luttes pour aller de l’avant. Il est indispensable que nous dirigions nous-mêmes nos luttes pour que nous soyons certains que nous ne faisons pas grève juste pour blanchir les appareils syndicaux de leurs compromissions avec les patrons et le gouvernement. Il est indispensable aussi que nous organisions la convergence de nos luttes, entre secteurs, entre privé et public, entre salariés et chômeurs, pour que ces luttes cessent d’être menées séparément et ainsi défaites les unes après les autres.
Dernier point et non le moindre, il est indispensable que nous sachions relier nos luttes actuelles dans le pays aux actions menées par le gouvernement de ce pays contre les peuples et les travailleurs du reste du monde. Il ne faut surtout pas séparer la guerre que ce gouvernement et cet Etat mène aux peuples des quatre coins du monde et la guerre sociale qu’il mène contre nous.
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4497
D’autres commentaires :
https://www.letemps.ch/monde/bernard-thibault-heros-mouvement-social-accuse-trahir-grevistes
https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1997_num_39_4_2330
https://www.liberation.fr/evenement/2007/11/22/la-base-resignee-ou-amere_106896/
https://www.wsws.org/fr/articles/2020/11/20/rail-n20.html
https://www.wsws.org/francais/News/2007/dec07/plcr-d01.shtml
https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1996_num_115_1_3200?q=gr%C3%A8ves%20cheminots
https://www.slate.fr/story/183456/greve-sncf-ratp-retraites-1995-decembre-2019
https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/greves-de-1995-les-moments-cle-1153249
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ves_de_1995_en_France
https://paris-luttes.info/novembre-decembre-1995-savoir-s-12834
https://www.wsws.org/francais/News/2006/avril06/070406_NovDec95.shtml
https://www.autonomiedeclasse.org/histoire/1995-decembre-chaud-en-france/
https://www.contretemps.eu/greve-etincelles-tactiques-decembre-1995-reforme-retraites/
https://www.lesechos.fr/2018/07/1995-la-france-inaugure-la-greve-par-procuration-1120332
https://www.force-ouvriere.fr/la-grande-greve-victorieuse-de-1995
https://journal.lutte-ouvriere.org/2020/12/16/la-greve-de-1995-contre-le-plan-juppe_153558.html
https://nouveaupartianticapitaliste.org/opinions/histoire/1995-un-mouvement-social-puissant-et-sexue
https://journals.openedition.org/nrt/6644
https://www.unioncommunistelibertaire.org/Ce-que-Decembre-95-a-change
https://www.gaucherevolutionnaire.fr/il-y-a-10-ans-les-greves-de-lautomne-1995/
https://louvrier.org/societe/mondes-ouvriers
Films :
https://www.youtube.com/watch?v=IOLiOrCvsgk
https://www.ina.fr/recherche?q=gr%C3%A8ve+1995&espace=1&sort=pertinence&order=desc
https://www.youtube.com/results?search_query=cheminots+1995
https://www.youtube.com/watch?v=_-E1EKMNvwA
https://www.youtube.com/results?search_query=gr%C3%A8ve+1995
https://www.youtube.com/watch?v=WVr_4_geLyg
https://arnaudsoulier.com/real/real-documentaires/chemins-de-traverse/