Accueil > 02 - SCIENCES - SCIENCE > Coeur, cerveau et rythmes biologiques > Le cerveau, ou le pilotage du chaos des interactions neuronales > Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?
Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?
mercredi 27 juillet 2011, par
Le cerveau vu par Jean-Pierre Changeux, en film
Cerveau et chaos déterministe, le film
L’IRM du cerveau ou voir le cerveau penser, le film
Le pilotage du chaos cérébral, un apprentissage
Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?
Ses quelque cent milliards de neurones et connexions neuronales (et sans doute plus) font du cerveau l’organe le plus complexe du corps humain. Il régit notre comportement, nos actions et nos pensées, nos désirs et nos instincts. Grâce à lui, nous pouvons voir, sentir ou entendre, parler et marcher, analyser et comprendre le monde qui nous entoure.
Notre cerveau se modifie en permanence. Ces changements sont dus aux interactions avec l’environnement extérieur ou à des activités internes à l’organisme. Toute action, toute perception a un impact sur l’organisation de notre cerveau. Tout changement, même local, a des répercussions locales mais aussi à longue distance dans notre cerveau et notre corps tout entier.
En perpétuelle réorganisation, le cerveau est un système dynamique non linéaire. La non linéarité provient de l’existence de seuils. Un neurone n’est excité que si un certain niveau d’excitation provenant d’autres neurones est dépassé, et ce neurone à son tour enverra une impulsion aux neurones auxquels il est connecté. De cette non linéarité résulte une caractéristique essentielle, la non prédictibilité. Les effets d’un changement ne peuvent pas être anticipés. Il n’y a pas une relation de cause à effet unique et calculable.
Il fonctionne par analogie, par comparaison, non pas à l’identique mais au plus proche. Il ne cherche pas correspondre exactement au réel, seulement à l’approcher.
Il transforme des informations discontinues et partielles en une image continue du monde. C’est sa dynamique qui lui permet de créer l’illusion du continu comme le film transforme les photos en apparent mouvement continu. Il ne se contente pas de l’information fournie par le monde extérieur, il l’interprète. Il répond aux questions auxquelles nos informations ne permettent pas de répondre. Il ne se contente pas des connaissances objectives : il brode. Il va au plus probable, fonctionne à l’à eu près. Il n’accepte pas d’ignorer.
Il fonctionne par transformation d’échelle du message électrique des neurones. Ce message passe du neurone au groupe et au groupe de groupe, du local au groupe, à la zone et à l’interaction entre zones. Il peut ainsi passer très rapidement d’une image à une autre et faire passer en même temps de multiples sortes de messages. Les messages sont en permanence détruits et reconstruits. Il n’est pas une simple image du monde qu’il observe mais un monde nouveau. Selon Marvin Minsky lui-même, l’activité principale du cerveau consiste en fait à opérer en permanence des modifications sur lui-même. Ce que nous vivons aujourd’hui influencera le rappel d’un souvenir qui, loin d’être toujours le même, sera une reconstruction à partir de l’état actuel du cerveau. Et ce souvenir reconstruit affectera inévitablement le fonctionnement subséquent du cerveau.
Par conséquent, contrairement à une machine qui fabrique un objet qui n’a aucun effet sur le fonctionnement de la machine, le cerveau est une machine dont les processus modifient en permanence le fonctionnement subséquent de ladite machine.
Bref avec le cerveau, les résultats des processus deviennent les processus eux-mêmes. Au lieu de représenter un monde indépendant, on peut voir nos processus cognitifs comme faisant plutôt émerger un monde, comme quelque chose d’inséparable des structures dans lequel s’incarne le système cognitif. Voilà ce qui a amené certains chercheurs à mettre en doute sérieusement l’existence d’un monde prédonné, duquel le système cognitif devrait extraire de l’information.
Les neuroscientifiques suspectaient depuis longtemps que le réseau de neurones de nos cerveaux pouvait être connecté de telle manière à ce qu’il existe un moyen de réaliser un état de "criticalité auto-organisée" (CAO), dans lequel ils sont ni ordonnés ni aléatoires, mais quelque-part entre les deux. Dans un tel état, même un changement mineur peut provoquer une réaction importante : par exemple, un feu de forêt, un tremblement de terre et une avalanche tendent à se propager sous une CAO.
En 2003, des neuroscientifiques ont montré que la propagation de signaux électriques, dans la partie des tissus du cerveau d’un rat, suivait les modèles attendus dans un état de CAO [1]. Pour voir si cela était aussi vrai chez les êtres humains, Ed Bullmore de l’Université de Cambridge et ses collègues ont cartographié l’activité électrique du cerveau de 19 volontaires.
Une des marques de la criticalité auto-organisée est que les signaux devraient donner des modèles identiques à toutes les fréquences, une propriété connue sous le nom d’invariance d’échelle. Lorsque l’équipe de Bullmore a mesuré la période de temps de deux signaux électriques, de régions prises au hasard du cerveau, pour être "en phase", celle-ci était identique à toutes les fréquences de signaux.
Des modèles informatiques ont montré que quand les réseaux neuraux sont dans l’état de criticalité auto-organisée, ils maximisent le processus et le stockage de l’information. "Il se pourrait que cela soit en fait un avantage pour le cerveau" conclut Bullmore.
Le cerveau, rationnel ou irrationnel par James E. Alcock
Parce que nos cerveaux et nos systèmes nerveux constituent une machine à générer des croyances, un engin qui produit des convictions sans égard particulier pour ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Cette machine à croyances sélectionne les données dans son environnement, les façonne, les combine avec des informations puisées dans les souvenirs et crée des certitudes généralement conformes à celles existant déjà.
Ce système est tout aussi capable de générer des convictions erronées que réelles. Elles guident les actions futures et, correctes ou absurdes, elles peuvent se révéler précieuses pour l’individu qui les partage. Que le paradis pour les âmes méritantes existe réellement ou non n’entame en rien l’utilité d’une telle certitude pour les gens qui cherchent un sens à leur vie.
Les croyances que l’on pourra considérer comme « irrationnelles » ne diffèrent fondamentalement en rien des autres, elles sont engendrées de la même façon. Nous ne disposons peut-être pas de preuves suffisantes pour croire en des concepts irrationnels, mais nous n’en avons pas davantage pour la plupart de nos convictions.
Prenons un exemple. Vous pensez certainement qu’il est bon pour vous de vous brosser les dents, mais il est peu probable que vous ayez des preuves à l’appui de cette certitude, à moins d’être dentiste. On vous l’a enseigné, c’est assez logique, et vous n’avez jamais été amené à vous poser des questions à ce sujet. (…) L’unité d’apprentissage est la clé pour comprendre la machine à croyances. Elle est liée à l’architecture physique du cerveau et du système nerveux ; et sa nature même nous condamne à un processus virtuellement automatique de pensée magique. « La pensée magique » est l’interprétation de deux événements survenant de façon rapprochée, comme si l’un était provoqué par l’autre, sans aucune considération pour le lien causal. Par exemple, si vous pensez que le fait d’avoir croisé les doigts vous a porté chance, vous avez associé l’acte de croiser les doigts avec l’heureux événement qui s’est ensuivi et leur avez attribué un lien causal.
Notre cerveau et notre système nerveux ont évolué pendant des millions d’années. Il est important de reconnaître que la sélection naturelle n’opère pas des choix directement en rapport avec la raison ou la vérité ; elle choisit dans le but de reproduire la réussite. Rien ne permet à notre appareil cérébral d’attribuer un statut particulier à la vérité.
Imaginez un lapin dans l’herbe haute et, pour un instant, prêtez-lui un minimum d’intelligence et d’esprit logique. Détectant un bruissement dans l’herbe, et ayant appris par le passé que cela pouvait occasionnellement signaler la présence d’un renard affamé, le lapin se demande s’il y a vraiment un renard cette fois ou si le bruissement a été provoqué par une rafale de vent. Il attend une preuve plus concluante. Bien que motivé par la recherche de la vérité, ce lapin ne vivra pas longtemps. Comparez ce lapin à celui qui, par une réaction puissante et autonome de soit système nerveux, déguerpit aussi vite qu’il le peut en percevant le bruissement. Il a plus de chances de vivre et de se reproduire.
La recherche de la vérité n’est pas toujours bénéfique à la survie, et la fuite, même motivée par des certitudes erronées, n’est pas toujours un si mauvais choix. (...)
L’unité d’apprentissage est constituée de façon que nous tirions très rapidement les enseignements de l’association de deux événements marquants, comme toucher un four chaud et ressentir de la douleur. Elle est ainsi faite que des appariements significatifs produisent un effet durable alors que les non-appariements de deux événements semblables sont loin d’avoir autant d’influence. Si un enfant touchait une fois un four chaud et se brûlait, puis s’il le touchait de nouveau sans se brûler, l’association entre la douleur et le four ne serait pas automatiquement effacée. Cette asymétrie essentielle — l’appariement de deux stimuli a un impact important alors que la présentation individuelle des stimuli a un effet bien moindre — est importante pour la survie.
Cette dissymétrie de l’apprentissage est également en grande partie responsable de l’erreur qui fausse notre jugement lorsque certains événements coïncident de temps à autre. Par exemple, si nous pensons à l’oncle Harry et qu’il nous téléphone quelques minutes plus tard, on pourrait croire que cela exige une explication relevant de la télépathie ou de la précognition.
Cependant, nous ne pouvons estimer correctement la relation entre ces deux faits que si nous considérons aussi le nombre de fois où nous avons pensé à Harry sans qu’il appelle, ou celles où nous n’avons pas pensé à lui mais qu’il a appelé quand même. Ces dernières circonstances — non appariées —n’ont que peu d’impact sur notre système d’apprentissage. Comme nous sommes excessivement influencés par l’appariement d’événements marquants, nous voyons un lien — parfois même causal — entre deux faits, même s’il n’existe pas. Ainsi, les rêves ne peuvent correspondre à des événements ultérieurs que de temps en temps, par hasard. Et pourtant cet appariement peut avoir des conséquences dramatiques sur la croyance. Le monde qui nous entoure est rempli de coïncidences, certaines ont un sens mais la grande majorité n’en a pas. (...)
Si je vous disais qu’en rentrant chez moi hier soir, j’ai trouvé une vache dans mon salon, vous seriez plus vraisemblablement enclins à rire qu’à me croire, même s’il n’y a objectivement rien d’impossible à cela. Si, au contraire, je vous disais que je suis entré dans mon salon, que j’ai été effrayé par une étrange lueur au-dessus du fauteuil de mon défunt grand-père et qu’il a soudain fait froid dans la pièce, vous serez probablement moins sceptiques et ouvrirez grand vos oreilles afin de ne pas perdre un détail, renonçant peut-être au jugement critique que vous auriez porté sur l’histoire de la vache.
Parfois, une émotion intense peut brouiller l’application de la réflexion critique. D’autres fois, nous sommes astucieusement dupés. La rationalité est souvent désavantagée au profit de la pensée intuitive. Le défunt psy- chologue Graham Reed donnait l’exemple du faux raisonnement du joueur. Supposez que vous observez un jeu de roulette. Le noir est sorti dix fois de suite, et une forte intuition vous envahit : le rouge va sortir incessamment. Le noir ne peut pas sortir indéfiniment. Pourtant votre esprit rationnel vous dit que la roue n’a pas de mémoire, que chaque tirage est indépendant de ceux qui l’ont précédé. Dans ce cas, la bataille entre l’intuition et la rationalité n’est pas toujours remportée par la rationalité. (...)
Les expériences assorties d’une forte émotion impriment une inébranlable croyance en l’explication, quelle qu’elle soit, à laquelle l’individu a dû recourir. Si quelqu’un est impressionné par un cas apparent de télépathie ou d’ovni, la réflexion ultérieure sera certainement dominée par la conscience d’une intense réaction émotionnelle, menant à la conclusion que quelque chose d’inhabituel s’est vraiment produit. Et, à son tour, l’émotion influencera directement la perception et l’apprentissage.
Les réactions émotionnelles déclenchées par un événement peuvent nous amener à l’interpréter comme étant bizarre ou inhabituel. (...)
Notre cerveau est aussi capable de générer des expériences perceptives merveilleuses et invraisemblables aux- quelles nous sommes rarement préparés. Les expériences hors du corps, les hallucinations, les expériences proches de la mort, les expériences extrêmes, toutes sont susceptibles de provenir non pas d’une réalité transcendantale extérieure, mais plutôt du cerveau lui-même. Nous ne sommes pas toujours en mesure de distinguer le matériau émanant du cerveau de celui émanant du monde extérieur, c’est pourquoi nous pouvons attribuer à tort au monde extérieur des perceptions et des expériences créées à l’intérieur même de notre cerveau. (...)
Ainsi que je l’ai déjà mentionné plus haut, il arrive que les certitudes erronées soient encore plus utiles que celles qui reposent sur la vérité. Shelley Taylor, dans son livre « Illusions positives », explique que les personnes légèrement déprimées sont souvent plus réalistes que les gens heureux. Les individus émotionnellement bien portants vivent, en quelque sorte, en créant. de fausses croyances — les illusions — qui diminuent l’angoisse et renforcent le bien-être, tandis que les individus déprimés perçoivent le monde de façon plus exacte.
Les gens heureux sous-estiment la probabilité d’être atteints d’un cancer ou d’être tués, et évitent peut-être même de penser à l’ultime réalité qu’est la mort. Les êtres déprimés, au contraire, sont plus sensibles à ces inquiétudes. (...)
Nous voyons parfois les erreurs et la bêtise dans les convictions des autres. Il est très difficile de les voir dans les nôtres. (...) La réflexion critique, la logique, la raison, la science, tous ces termes s’appliquent d’une façon ou d’une autre à la tentative délibérée de débusquer la vérité dans l’embrouillamini de l’intuition, de la fausse perception et de la mémoire faillible.
La mémoire par Rita Carter
La mémoire est plurielle : elle est l’image qui nous vient à l’esprit lorsque nous pensons à la maison de notre enfance ; elle est la faculté de sauter sur la selle d’un vélo et de pédaler sans même penser à la façon dont nous y parvenons ; le sentiment de malaise associé à un endroit où nous avons jadis eu peur ; nos repères sur un itinéraire familier ; le fait de savoir que la tour Eiffel se trouve à Paris.
Rien d’étonnant, donc, qu’une fonction mentale aussi complexe et multiforme soit difficile à identifier. Chaque type de souvenir est conservé et récupéré de manière distincte, et des dizaines d’aires cérébrales sont impliquées, créant un réseau complexe d’interactions. (…) Un groupe de neurones s’activant ensemble dans le cortex auditif, par exemple, permettra d’entendre une certaine note de musique. Un autre circuit, dans une aire différente, produira un sentiment de peur ; ailleurs ce sera l’expérience visuelle du bleu ; ailleurs encore l’astringence du tanin dans une gorgée de vin. Il en va de même pour les souvenirs, à cette différence près qu’ils restent gravés dans le cerveau une fois la stimulation originale disparue. Les souvenirs se constituent lorsque le même modèle d’activité se répète souvent, ou dans des circonstances qui en favorisent l’enregistrement. En effet, les neurones d’un groupe développent leur propension à s’activer ensemble chaque fois que ce phénomène se produit. Leur excitation synchronisée ressemble à l’embrasement d’une traînée de poudre. Mais la particularité des neurones est qu’ils peuvent s’embraser à l’infini – lentement ou très rapidement. Plus l’activation est rapide, plus la charge électrique impulsée est importante, ce qui favorise d’autant l’excitation du neurone voisin. Dès que ce dernier est activé, une modification chimique intervient à sa surface pour le rendre sensible à la stimulation du premier neurone. On nomme ce mécanisme potentialisation à long terme. Si le deuxième neurone n’est pas stimulé à nouveau, il restera réceptif pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Si le premier neurone s’active à nouveau pendant cette période, son voisin réagira, même si le niveau d’excitation du premier est relativement faible. Une deuxième excitation le rendra plus réceptif, et ainsi de suite. La répétition d’excitations synchrones renforce le lien entre les neurones, à tel point que la moindre activité de l’un d’eux stimule les neurones associés. C’est ainsi qu’un souvenir se crée.
La conception du cerveau créateur par Jérome Graux
Nous admettons que les choses sont telles que nous les percevons. Pourtant, l’étude scientifique des illusions visuelles ou auditives nous montre que cette intuition est fausse. La représentation que nous avons du monde ne concorde pas de façon absolue avec la réalité. Cette représentation est avant tout une construction dynamique de notre cerveau qui « émule » un monde dans lequel nous pouvons agir efficacement. L’hallucination est radicalement différente de l’illusion. Définie comme « une perception sans objet à percevoir » par Henri Ey, l’hallucination peut toucher chacun de nos sens et s’accompagne souvent d’une profonde altération de la conscience de soi et du monde extérieur. Symptôme de nombreuses pathologies neurologiques ou psychiatriques comme la schizophrénie, les hallucinations ont été l’objet de récentes études qui permettent désormais de comprendre une partie de leurs mécanismes cérébraux.
Quand le cerveau reconnaît, il diffuse du bien être et du malaise quand il ne reconnaît pas.
Il raisonne mais son raisonnement se base sur des propositions tout à fait irrationnelles qui lui sont fournies de manière ultra-rapides et non réfléchies, seulement ensuite triées en fonction de ce qui semble compatible avec la manière dont nous pensons le monde.
D’où l’importance de la mémoire qui nous permet de comparer. Et la première mémoire est celle liée à la perception de nos sens (la vision, l’audition, la gustation, l’olfaction et le toucher).
Pour se mouvoir et survivre, l’homme, comme tous les animaux, doit être informé sur le monde extérieur dans lequel il organisme son comportement. C’est pourquoi il possède des systèmes responsables de la perception qui lui permettent d’agir sur le monde.
La mémoire est omniprésente dans la vie quotidienne. Elle nous permet de retenir toute sorte d’informations (souvenirs personnels, connaissances culturelles, procédures automatiques…) pendant une durée plus ou moins longue (de quelques secondes à toute une vie). La mémoire verbale permet de mémoriser par exemple une série de mots et de la rappeler après quelques minutes. Certaines personnes mémorisent plus facilement du matériel visuel que du matériel verbal. Une façon d’optimiser l’enregistrement et le rappel d’informations verbales est d’associer à chaque mot à mémoriser une phrase ou une image créée mentalement. La mémoire visuelle est fortement tributaire de nos capacités attentionnelles, car elle nécessite une analyse constante des éléments visuels qui nous entourent. Elle permet de retrouver sans problème l’emplacement d’objets divers, de se souvenir précisément des détails d’un tableau qui vient d’être vu ou de la tenue d’une personne qui vient d’être croisée.
L’attention est une fonction cognitive complexe qui est primordiale dans le comportement humain. La plupart des activités cérébrales requièrent une forte concentration, aussi bien pour la mémorisation d’une information, la compréhension d’un texte, que la recherche d’une chose donnée. En effet, à chaque instant, un nombre plus ou moins important d’informations de notre environnement se présente à nos sens. Or, il est impossible de traiter en détail toutes ces informations simultanément. C’est l’attention sélective qui va permettre de sélectionner parmi toutes ces informations, celles à traiter prioritairement, en fonction de leur pertinence pour l’action ou par rapport à nos attentes. Elle permet de se focaliser sur un élément en particulier en se coupant mentalement des autres éléments non pertinents, sans qu’il soit nécessaire pour autant de s’isoler physiquement. Elle est donc indispensable à l’action et au fonctionnement cognitif en général.
Les fonctions langagières assurent une compréhension et une expression orale et écrite, essentielles à l’humain, notamment pour sa communication avec autrui. Par exemple, dans la compréhension d’un texte écrit, nos capacités de raisonnement déductif et inductif sont impliquées pour nous permettre d’extraire du sens sur ce qui n’est pas expressément écrit. Ainsi, après lecture des phrases suivantes « J’ai rentré le linge ce matin. Il était trempé », on en déduit que le linge était étendu dehors et qu’il a beaucoup plu durant la nuit. On crée ce qu’on appelle des inférences, c’est-à-dire que grâce au raisonnement, on part d’une idée pour arriver à une autre idée qui lui est liée.
Les fonctions exécutives correspondent à des fonctions élaborées de logique, de stratégie, de planification, de résolution de problèmes et de raisonnement hypothético-déductif. La planification permet par exemple de définir un programme d’actions et à respecter des priorités sans se disperser. Cette capacité permet de hiérarchiser ses priorités en tenant compte des liens entre celles-ci et de la diversité des données concernées.
Lorsqu’on doit résoudre un problème, on passe habituellement par différentes étapes logiques :
– analyse du but que l’on cherche à atteindre
– analyse des éléments à prendre en compte tels que moyens disponibles, contraintes ou procédures à respecter
– évaluation des obstacles ou incidents pouvant survenir
– recherche des méthodes auxquelles recourir pour traiter les différents facteurs à intégrer
– évaluation comparée des effets probables des diverses solutions auxquelles on pense.
L’imagerie mentale est très importante dans la stratégie, puisqu’elle permet de se transposer dans la situation virtuelle du futur afin d’imaginer ou d’anticiper les scénarios possibles.
Les fonctions visuo-spatiales permettent de s’orienter dans l’espace, de percevoir les objets de notre environnement et de les organiser en une scène visuelle cohérente, d’imaginer mentalement un objet physiquement absent. L’imagerie mentale, par exemple, intervient activement dans les processus de pensée, dans le rêve, dans la résolution de problèmes (comme le calcul mental), dans l’anticipation des évènements (comme dans le jeu d’échecs), dans la mémorisation (des itinéraires par exemple), dans la compréhension d’une description verbale, dans le raisonnement, dans la reconnaissance d’objets présentés dans des orientations inhabituelles…
La mémoire est la fonction cognitive la plus largement sollicitée dans la plupart de nos actes. Elle intervient pour enregistrer ou rappeler des informations aussi diverses qu’un numéro de téléphone, ce que l’on a fait le dernier week-end, un rendez-vous, l’endroit où l’on a laissé ses clés, le nom de tel ustensile ou de telle personne présentée il y a peu, une date de l’histoire de France...
Elle participe également de façon essentielle à d’autres activités cognitives telles que la lecture, le raisonnement, le calcul mental, la création d’images mentales... Elle se trouve, en conséquence, continuellement mise à contribution de façon volontaire ou non, et permet de constituer en chacun de nous un stock de connaissances culturelles, de souvenirs personnels, de procédures motrices...
La mémoire constitue le passé de chacun, ou plutôt la connaissance de celui-ci, et permet ainsi à quiconque de posséder une identité.
La vision exposée par Gilles Marchand
Parmi les différentes activités mentales, la perception visuelle est au centre de notre quotidien : comment le cerveau transforme-t-il les signaux sensoriels en une perception cohérente du monde ? Comment pouvons-nous reconnaître des personnes et des objets familiers ? Les données apportées par la neuroanatomie sur la perception visuelle exposent de manière précise comment une image traitée par la rétine est transmise par les nerfs optiques jusqu’au cortex visuel primaire, dans le lobe occipital (à l’arrière du cerveau). Une fois la description des aires visuelles effectuée, les physiologistes doivent décrire le rôle de ces différentes aires. Certaines aires ou neurones sont-ils spécialisés dans le traitement d’un type spécifique d’information, ou le traitement est-il global ? Il apparaît effectivement que certains neurones sont plus sensibles à la couleur, d’autres à l’orientation des lignes. Le versant neurologique permet ainsi d’apporter des informations précieuses sur les différentes localisations, dans le cerveau, des traitements nécessaires à la vision. Les techniques d’imagerie cérébrale, comme l’IRM (imagerie par résonance magnétique), permettent de visualiser en temps réel l’activité du cerveau dans des tâches visuelles simples ou complexes. Mais le fait de comprendre les bases biologiques de cette activité ne suffit pas à comprendre comment on peut aboutir à la reconnaissance d’un objet, comment on arrive à distinguer un fauteuil Voltaire recouvert de velours d’une voiture de sport italienne.
Les chercheurs en psychologie cognitive peuvent, par l’élaboration de théories et d’expériences, apporter des réponses. Le psychologue anglais David Marr a développé dans les années 80 un modèle de la reconnaissance visuelle des objets : d’un traitement des composantes des traits (obliques, courbes...), on aboutit à une reconnaissance unifiée de l’objet, en deux puis en trois dimensions, dépendante puis indépendante du point de vue de l’observateur, et enfin à la recherche en mémoire du concept auquel cette image va être associée.
Il existe différents types d’altération de la reconnaissance visuelle. L’un d’entre eux est caractérisé par l’impossibilité de reconnaître les visages.
Après quarante ans de mariage, un patient ne reconnaît plus le visage de sa femme, le confond avec celui d’une autre personne et doit se baser sur sa voix, ou d’autres détails perceptifs, comme l’odeur de son parfum pour l’identifier. C’est l’observation clinique qui permet dans ce cas d’apporter de nombreuses informations sur le fonctionnement cognitif et cérébral. De nombreux outils de recherche, comme les tâches expérimentales ou les tests neuropsychologiques, complètent alors les techniques médicales. Face à certains patients, les neuropsychologues vont analyser quels mécanismes sont atteints, en utilisant entre autres les théories de chercheurs comme D. Marr. Le patient ne reconnaît-il pas les traits perceptifs du visage de sa femme, ou bien le problème vient-il de l’association d’un visage avec les connaissances sur l’épouse ?
En plus des cas cliniques isolés, la compréhension du fonctionnement mental provient aussi des études de groupe : de patients, mis en liaison par rapport à leur atteinte cérébrale ou leur comportement anormal. Mais il existe de nombreuses variations entre les individus : les répercussions comportementales peuvent être différentes pour une même lésion, tout comme un même dysfonctionnement cognitif peut découler de lésions localisées dans deux zones cérébrales. De plus, deux lésions ne sont jamais strictement identiques. Toutes ces contraintes obligent les chercheurs à s’intéresser également aux opérations mentales des personnes saines, aussi dans le cadre d’études de groupes, sélectionnés selon différents critères (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, etc.). La conjonction des données issues de la neuroanatomie, la neurophysiologie, la psychologie cognitive et la neuropsychologie, permet d’augmenter notre connaissance sur le fonctionnement mental.
Le cerveau n’est pas figé par Cyrille Vaillend
Pour qu’un souvenir perdure, il faut réactiver ces connexions entre les différentes composantes d’un souvenir ; il est possible aussi qu’une partie seulement s’efface, sans doute l’averse plus que la piqûre dans notre exemple ! Le nombre de ramifications et de synapses d’un neurone n’est pas figé, bien au contraire : chaque neurone participant à un apprentissage voit son nombre de ramifications se modifier ; le cerveau est « plastique ». On pense que certaines connexions sont renforcées, d’autres diminuées, ce qui pourrait expliquer que certains éléments d’un souvenir vont être mémorisés de manière durable, tandis que d’autres vont être oubliés, ou difficiles à rappeler. Chez l’enfant de moins de 3 ans, cette explosion des connexions est spectaculaire ! Mais c’est en fait tout au long de la vie, et notamment au cours des processus d’apprentissage chez l’adulte, que des liens nouveaux se créent, disparaissent ou se transforment entre les neurones du cerveau.
Les modifications des contacts entre neurones ne sont pas les seuls éléments « plastiques » du cerveau. On a longtemps cru que le nombre de neurones d’un individu ne pouvait que décroître, les neurones morts n’étant pas remplacés. Ceci n’est pas vrai : chez l’adulte, il naît environ 10.000 neurones par jour dans une zone du cerveau appelée l’hippocampe, et cette neurogenèse semble pouvoir être favorisée par l’activité physique et cérébrale. Pour paraphraser un slogan bien connu : « le cerveau ne s’use que si l’on ne s’en sert pas » ! Pour maintenir son cerveau en forme, il faut le stimuler et favoriser ainsi le remodelage perpétuel des connexions synaptiques et la naissance de nouveaux neurones…
Si ces processus d’apprentissage et de mémoire sont liés à la capacité du cerveau à être plastique - à modifier constamment le nombre et l’efficacité des connexions entre neurones –le support biologique du retard mental repose-t-il sur une incapacité à assurer cette plasticité ? Pour répondre à cette question, il est important de préciser le lien entre l’activité électrique des neurones, les modifications de la forme et du nombre des synapses en fonction de cette activité, et les capacités d’apprentissage et de mémoire.
Cyrille Vaillend et ses collègues travaillent sur des maladies génétiques responsables d’un mauvais fonctionnement des synapses, qui empêche le cerveau de fonctionner correctement. Ils utilisent, comme on l’a dit, des souris génétiquement modifiées présentant tel ou tel comportement anormal, et tentent de déterminer la nature des mécanismes défectueux à l’origine de ces perturbations. Les anomalies cérébrales peuvent être étudiées à différentes échelles d’observation. A l’échelle globale, par IRM on peut déterminer quelle zone du cerveau est malformée chez une souris malade ou encore grâce à l’IRM fonctionnelle, qui commence à pouvoir s’appliquer sur de petits animaux comme la souris, on peut évaluer quelle zone est moins bien activée lors d’une tâche donnée ou suite à une activité électrique localisée.
Au niveau de la cellule, il est possible d’enregistrer l’activité électrique des neurones et des synapses, et d’évaluer les capacités du cerveau à augmenter ou diminuer de manière plastique cette activité. Enfin, à l’échelle microscopique, on peut étudier comment des variations de l’activité électrique des neurones ou une situation d’apprentissage peuvent conduire à la multiplication ou à des changements de forme des synapses. L’étude des souris présentant des anomalies comportementales liées à des gènes du retard mental nous a beaucoup appris sur ces phénomènes et il est clair aujourd’hui que dans de nombreux modèles de ces pathologies, ce nombre de contacts synaptique est souvent diminué, ou les contacts présentent des malformations ou des dysfonctions. Dans de nombreux cas, le retard mental pourrait donc s’apparenter à une « maladie de la synapse ».
Comment fonctionne le cerveau par Francisco Varela et Humberto Maturana
Les êtres vivants sont caractérisés par le fait qu’ils sont continuellement en train de s’auto-produire.
Ce système d’organisation est autopoïétique. Ce qui caractérise les êtres vivants, c’est que leur organisation est telle que leur seul produit est eux-même, et l’absence de séparation entre le producteur et le produit. L’être et le faire d’une unité autopoïétique sont inséparables, et c’est là leur mode particulier d’organisation.
L’évolution est une dérive naturelle, un produit de la conservation de l’autopoïèse et de l’adaptation.
L’évolution est en quelque sorte comme un bricoleur vagabond : il parcourt le monde collectant un fil ici, un morceau d’étain là, un morceau de bois là-bas, et il les combine en fonction de leur structure et des circonstances, sans aucune autre raison que la possibilité de leur combinaison. Et ainsi, au cours de son voyage, il produit des formes compliquées. Elles sont composées de parties harmonieusement interconnectées, produites non pas sous la contrainte du design mais à l’occasion d’une dérive naturelle. Ainsi, nous aussi, sans autre loi que la conservation d’une identité et de la capacité de reproduction, nous avons tous pris vie.
Le système nerveux est un système en changement structural continuel. Les changements ont lieu dans les ramifications finales et dans les synapses. Là, des changements moléculaires aboutissent à des changements d’efficacité des interactions synaptiques pouvant modifier radicalement l’ensemble du réseau neuronal.
Tout comportement est la contrepartie externe de la danse des relations interne à l’organisme.
Sur le plan de l’opération du système nerveux, il n’existe qu’une dérive structurale continue qui suive la voie dans laquelle se maintient, à chaque instant, le couplage structural de l’organisme à son milieu d’interactions.
Vivre constitue l’acte de connaître dans le domaine de l’existence. Vivre c’est connaître.
En tant qu’observateurs nous disons que des comportements sont "communicatifs" lorsqu’ils se produisent en couplage social, et nous désignons par communication la coordination comportementale observable qui en résulte.
Parler ne veut pas dire que l’on sera entendu.
La communication a lieu chaque fois qu’il y a une coordination comportementale dans un domaine de couplage structural.
C’est notre histoire d’interactions récurrentes qui rend possible notre dérive structurale ontogénique dans un couplage structural qui permet la coordination interpersonnelle d’actions. Cela prend place dans un monde que nous partageons, parce que nous l’avons spécifié collectivement au travers de nos actions.
L’esprit n’est pas quelque chose qui se trouve à l’intérieur de mon cerveau. La conscience et l’esprit appartiennent au domaine du couplage social. C’est le lieu même de leur dynamique. Et comme parties de la dynamique sociale humaine, l’esprit et la conscience opèrent comme des sélecteurs du chemin suivi par notre dérive structurale ontogénétique. De plus, comme nous existons dans le langage, les domaines de discours que nous générons deviennent une partie de notre domaine d’existence et constituent une partie de l’environnement dans lequel nous conservons notre identité et notre adaptation.
Si nous présupposons l’existence d’un monde objectif, indépendant des observateurs que nous sommes et accessible à notre connaissance grâce à notre cerveau, nous ne pouvons comprendre comment notre système nerveux fonctionne dans sa structure dynamique et peut produire une représentation de ce monde indépendant. Mais si nous ne présupposons pas un monde indépendant de nous en tant qu’observateur, il semble alors que nous acceptons que tout est relatif et tout est possible quand on nie l’existence de toute structure causale. Nous sommes par là confrontés au problème de comprendre comment notre expérience la praxis de notre vie est couplée à un monde environnant apparemment rempli de régularités qui résultent, à chaque instant, de nos histoires sociales et biologiques.
La connaissance de la connaissance nous oblige à adopter une attitude de vigilance permanente à l’égard de la tentation de la certitude. Elle nous oblige à reconnaître que la certitude n’est pas une preuve de vérité, que le monde que chacun peut voir n’est pas le monde mais un monde que nous faisons émerger avec les autres. Elle nous oblige à nous rendre compte que le monde serait différent si nous vivions différemment.
Tout ce que nous avons dit dans ce livre, par notre connaissance de notre connaissance, implique une éthique que nous ne pouvons éluder, une éthique dont le point de référence est dans la conscience de la structure biologique et sociale des êtres humains, une éthique qui découle de la réflexion humaine et qui met la réflexion humaine au centre de la constitution de tout phénomène social. Si nous savons que notre monde est nécessairement le monde que nous faisons émerger avec d’autres, à chaque fois que nous sommes en conflit avec un autre être humain avec qui nous souhaitons continuer de coexister, nous ne pouvons affirmer ce qui est pour nous certain (une vérité absolue) parce que cela reviendrait à nier l’autre personne. Si nous voulons coexister avec l’autre personne, nous devons voir que sa certitude aussi indésirable qu’elle puisse nous paraître est aussi légitime et valable que la nôtre parce que, comme la nôtre, elle exprime sa conservation du couplage structural dans un domaine de l’existence aussi indésirable qu’il puisse nous paraître.
Ainsi, la seule possibilité de coexister est d’embrasser une perspective plus large, un domaine de l’existence dans lequel les deux parties s’accordent dans l’émergence d’un monde commun. Un conflit est toujours une négation mutuelle. Il ne peut jamais se résoudre dans le domaine où il se développe si les protagonistes restent cramponnés à leurs certitudes. Il ne pourra être dépassé qu’en élaborant un autre domaine où la coexistence est possible. La connaissance de cette connaissance représente l’impératif social d’une éthique centrée sur l’humain.
Tout acte dans le langage fait émerger un monde créé avec les autres dans l’acte de la coexistence qui donne naissance à ce qui est humain. Tout ce qui sape l’acceptation des autres, depuis la compétition jusqu’à la possession de la vérité et d’une certitude idéologique, sape le processus social parce qu’il sape le processus biologique qui l’engendre.
Tout ce que nous faisons est une danse structurale dans la chorégraphie de la coexistence.
Nous affirmons qu’au coeur des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui se trouve notre ignorance de l’acte de connaître. Ce n’est pas la connaissance, mais la connaissance de la connaissance qui nous y oblige. Ce n’est pas la connaissance qu’une bombe tue mais ce que nous voulons faire avec la bombe, qui détermine si nous allons l’utiliser ou non. Habituellement nous l’ignorons ou la rejetons, éludant la responsabilité de nos actions quotidiennes, alors que nos actions toutes sans exception participent au processus qui consiste à faire émerger le monde où nous devenons ce que nous devenons avec d’autres. Aveugles à la transparence de nos actions, nous confondons l’image que nous voulons projeter avec l’être que nous voulons devenir.
L’image holographique du fonctionnement cérébral
D’autres articles sur le cerveau
Messages
1. Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?, 23 novembre 2012, 17:08
« Le principal organe de la vision, c’est la pensée. On voit avec nos idées... »
(Dialogue sur la nature humaine (de Boris Cyrulnik et E. Morin)
2. Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?, 8 décembre 2012, 21:57
Quand nous lisons ou nous parlons à nous-même pour réfléchir, notre cerveau génère une impression sonore qu’il interprète de la même façon qu’une voix réelle extérieure, ont découvert des chercheurs français.
Nous avons tous fait l’expérience de cette petite voix intérieure qui nous accompagne au long de la journée et de nos pensées. Mais son origine et la façon dont elle est perçue par le cerveau restaient encore mystérieuses. Une équipe d’experts du centre de recherche en neurosciences de Lyon et du CHU de Grenoble vient de lever le voile sur cet étrange phénomène dans une étude publiée mercredi dans The Journal of Neuroscience.
Pour mener leur expérience, l’équipe de Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche à l’Inserm, a suivi quatre adultes atteints d’épilepsie sévère qui, dans le cadre de leur traitement et de leur suivi médical, vivent avec des électrodes implantées dans le cerveau, ce qui permet d’obtenir d’excellents signaux à l’encéphalogramme. Après avoir repéré dans le cortex auditif la zone précise qui réagissait au son de voix extérieures, réellement exprimées, les chercheurs ont demandé aux volontaires de lire en silence un texte défilant sur un écran, sans leur donner d’instructions particulières.
Résultat : la zone du cerveau qui analysait les voix externes s’activait également pendant la lecture silencieuse, signalant une « pensée verbalisée ». « Pour la première fois, grâce à cette étude, nous avons pu « voir » en temps réel la trace de cette petite voix , résume Jean-Philippe Lachaux. Nous ne nous y attendions pas forcément car il s’agit d’un phénomène très immatériel. Le cerveau crée le son à partir de rien, à chaque mot ».
L’hypothèse la plus probable serait que l’association entre sons et mots que nous apprenons à faire enfants quand nous commençons à parler puis lorsque nous commençons à lire à voix haute devient un automatisme qui persiste tout au long de notre vie. « Cette association entraîne une augmentation des connections entre les zones du cerveau impliquées, qui en viennent à s’activer spontanément l’une l’autre », décrypte Jean-Philippe Lachaux. Et cela, même quand le texte lu ne relève pas du discours. Les chercheurs notent en outre que le phénomène est d’autant plus fort que l’attention du lecteur est sollicitée - par exemple parce que le texte est difficile ou parce que la personne ne lit pas couramment.
3. Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?, 30 mars 2018, 06:59
Jean-Jacques Mangin dans « La forme du cerveau » :
« Ce qui caractérise le plus la forme du cerveau humain, ce sont les circonvolutions de son cortex. »