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Mythes, erreurs, mensonges et propagande sur la « grande » révolution française

mercredi 7 décembre 2011, par Robert Paris

Vous ne vous souvenez plus de la date de la prise des Tuileries ou de celle de la prise de la commune de Paris par le peuple révolutionnaire. Ce sont pourtant deux tournants déterminants de la révolution. Vous n’avez pas entendu parler de Maillard, Tiger, Jacques Roux, Théophile Leclerc, Jean Varlet, Claire Lacombe, Pauline Léon, Sylvain Maréchal, Olympes de Gouges, Théroigne de Méricourt et Gracchus Babeuf. Ils étaient pourtant les véritables héros issus des masses populaires révolutionnaires !

George Rudé, dans "La foule dans la révolution française" :

« Les femmes ont commencé à prendre les choses en main. La crise du pain les affectait tout particulièrement, et ce sont elles, plus que les hommes, qui ont joué le rôle dirigeant dans le mouvement. Le 16 septembre, Hardy rapporte que des femmes ont arrêté, à Chaillot, cinq charrues chargées de blé et les ont amenées à l’Hôtel de Ville de Paris. Le 17, à midi, l’Hôtel de Ville était assiégé par des femmes en colère qui fustigeaient l’attitude des boulangers ; elles ont été reçues par Bailly, au Conseil Municipal. "Ces femmes, notait Hardy, disaient hautement que les hommes n’y entendaient rien et qu’elles voulaient se mêler des affaires". Le jour suivant, l’Hôtel de Ville était de nouveau assiégé, et les femmes reçurent des promesses. Le soir même, Hardy rapporte avoir vu des femmes saisir un chargement de blé, Place des Trois Maries, et l’escorter jusqu’au quartier général le plus proche. Ce mouvement devait se poursuivre jusqu’à la manifestation politique du 5 octobre, et au-delà. (...) Les femmes convergèrent vers l’Hotel de Ville. En premier lieu, elles réclamaient du pain, et en deuxième lieu des armes et des munitions pour leurs hommes. Un marchand passant par le vieux marché, vers 8 h 30, dit avoir aperçu des groupes de femmes qui arrêtaient des passants et les forçaient à les suivre jusqu’à l’Hôtel de Ville, "où l’on devait aller pour se faire donner du pain". Les gardes étaient alors désarmés et leurs armes livrées aux hommes qui suivaient les femmes en les encourageant. Un autre témoin, caissier de l’Hôtel de Ville, rapporte comment, vers 9 h 30, un grand nombre de femmes, parmi lesquelles se trouvaient également des hommes, ont dévalé les escaliers et pénétré de force dans tous les bureaux du bâtiment. Un témoin dit qu’elles étaient armées de bâtons et de piques, et un autre qu’elles avaient des haches, des pieds-de-biche, des matraques et des mousquets. Un caissier de la Mairie qui avait eu la témérité de protester s’est entendu dire "qu’ils étaient les maîtres et les maîtresses de l’Hôtel de Ville". A la recherche d’armes et de poudre, elles déchiraient des documents et des livres de compte. Une liasse de billets de la Caisse des Comptes disparût de l’un des bureaux. Mais leur but n’était pas de piller ou de voler de l’argent. Le trésorier municipal rapporta à la police que les femmes n’avaient pas touché aux 3,5 millions de livres en billets qui se trouvaient sur les lieux, et, quelques semaines plus tard, la liasse de billets manquante a été intégralement restituée. Après avoir sonné le tocsin, les manifestants se retrouvèrent Place de la Grève, vers 11 heures. (...) C’est à ce moment que Maillard et ses Volontaires arrivèrent. D’après son témoignage, les femmes menaçaient de mort Bailly et Lafayette. Soit pour les empêcher de mettre leur menace à exécution, soit pour promouvoir les objectifs politiques des "patriotes", Maillard s’est persuadé de la nécessité de prendre la tête de la longue marche sur Versailles, où une pétition réclamant du pain devait être remise au roi et à l’Assemblée. En partant, dans l’après-midi, elles enlevèrent les canons du Châtelet et obligèrent les femmes de toutes conditions – "même des femmes à chapeau"– à se joindre à elles. »

Manifestation des femmes du peuple de Paris contre le roi à Versailles

Mythes, erreurs, mensonges et propagande sur la « grande » révolution française

1- La révolution française de 1789-1795 (la révolution est déjà grande par sa durée !) a donné à ce pays une image qui n’a pas fini d’être mensongère, celle d’un pays qui a œuvré, plus que les autres et avant les autres, pour la liberté, le bien-être du peuple et la démocratie. Nombre de peuples y ont cru et certains continuent d’y croire. Ils se trompent lourdement. La France est aujourd’hui un pays impérialiste qui domine le monde. Ce qu’elle doit à la révolution française, d’avoir été une des premières nations à avoir amené au pouvoir la bourgeoisie en éradiquant la noblesse, la féodalité et bien des survivances d’un ancien passé, lui a permis justement d’être appuyé sur une économie allant vers la capitalisme et, du coup, de dominer le monde au plan économique et social, puis d’utiliser cette domination pour écraser les autres peuples en les colonisant. Il y a très loin entre les prétentions du « liberté, égalité, fraternité » et le fascisme colonial. Ce n’est nullement une contradiction historique. La révolution française n’était nullement l’expression d’un simple idéal de liberté, mais celle des contradictions explosives de la lutte des classes. Et, dans cette lutte, l’Histoire offrait la direction des classes révolutionnaires à la bourgeoisie et non à la démocratie ou aux droits de l’homme et du citoyen.

2- Si les événements français ont été de grande ampleur, ont eu une influence considérable sur l’ensemble de l’Europe continentale, cela ne veut pas dire que l’expression « révolution française » soit valide. Les événements français ne sont qu’une des étapes de la vague révolutionnaire menée par la bourgeoisie prenant la tête des couches populaires et cela n’est pas propre à la France. En Europe, la France a eu de nombreux devanciers, et tout d’abord en Angleterre qui avait environ cent cinquante ans d’avance en termes de combat contre l’ordre féodal et de renversement de la royauté, de mise en place d’un régime parlementaire et de mise en place d’un Etat bourgeois préoccupé de la défense des intérêts de cette classe d’investisseurs du capital. Et l’Angleterre n’est pas la seule à avoir mené des révolutions bourgeoises à cette époque contre la féodalité. La Suisse avait connu plusieurs épisodes révolutionnaires, imposant bien avant ses cantons à l’empire germanique. Le Brabant, les Pays Bas et la Belgique avaient eu eux aussi leurs épisodes révolutionnaires. Et les devanciers de la France étaient aussi les colonisés de la colonie anglaise des Amériques qui allaient fonder les Etats-Unis. Les Corses eux-mêmes avaient devancé le continent dans la réalisation d’un idéal révolutionnaire. Ainsi, la déclaration des droits de l’homme, qui passe dans le monde – et en France ! - pour une création purement française, a eu ses origines dans les déclarations issues des constitutions des Etats américains de la Virginie et du Massachusetts de 1770 et, encore avant eux, dans une déclaration des droits de l’homme diffusée en France en 1648 par un colonel anglais de la glorieuse révolution anglaise appelé Sexby…

3- Si la bourgeoisie a, par la suite, affirmé haut et fort que l’Etat français était né de la révolution de 1789, c’était d’abord et avant tout pour en montrer le caractère « naturel », coulant de source, fondé sur la démocratie et la volonté populaire. Mais cela avait l’inconvénient de faire croire qu’en 1789, pour la première fois, était mené un tel combat. Et là, il s’agit d’une contre-vérité historique de grande ampleur. Depuis au moins 1100-1200, la bourgeoisie n’avait eu de cesse de tenter par moments d’exercer un pouvoir plus grand en menant de grandes luttes. Loin d’en tirer gloire, la bourgeoisie arrivée au pouvoir, n’a eu de cesse que d’effacer ces multiples tentatives qui avaient échoué, pour faire de 1789 un événement unique qui aurait mené directement et naturellement au plus beau des succès.

4- Il est pourtant exact que la révolution française a été plus loin, socialement et politiquement, que ses sœurs révolutions du reste du monde, éradiquant tout reste social de la féodalité, et a donc fait avancer les aspirations des bourgeoisies du monde et leurs capacités à gouverner. Cela ne signifie pas que les dirigeants bourgeois aient été plus radicaux. On nous présente des Danton ou des Robespierre comme des foudre de guerre qui poussaient en avant le radicalisme politique et même social. Mais c’est la crise de l’ancienne société qui a poussé d’abord les masses populaires d’un côté et l’ancienne classe noble de l’autre côté. La grande bourgeoisie a maintes fois cherché le compromis sans jamais le trouver. Parce que la révolution n’avait rien d’accidentel, ni de circonstanciel : elle était réellement nécessitée par l’impasse dans laquelle était rendue l’ancienne société et le décalage effrayant entre l’avancement des rapports sociaux et l’arriération des institutions, par la crise financière qui en découlait, la royauté ayant jusqu’au bout cherché à faire fonctionner le système. Les premiers à avoir radicalisé la situation n’étaient pas les bourgeois ni le peuple, contrairement à ce que l’on s’imagine souvent, mais les nobles eux-mêmes, que la crise financière mettait dans une situation intenable. Ils ont refusé de manière violente de payer les nouveaux impôts en 1787 : c’est la révolte nobilière qui a explosé en émeutes dans certaines régions comme en Bretagne et dans le Daupohiné qui a mis le feu aux poudres, contraignant la royauté à en appeler aux Etats Généraux pour obtenir ses levées d’impôts. Et, tout au long, la noblesse va être la cause de toutes les radicalisations de la révolution, parce qu’elle va pousser sans cesse à l’affrontement et refuser tout compromis, rendant la situation de la royauté intenable.

5- Et cet affrontement n’est pas celui d’une « nation unie » face à une classe réactionnaire, ni d’un « peuple unanime » face à une dictature, contrairement à la présentation que voudrait bien en donner la bourgeoisie. C’est bel et bien une lutte de classes dans laquelle le camp révolutionnaire comprend plusieurs classes sociales ayant des revendications, des perspectives et des organisations très différentes. La bourgeoisie elle-même est divisée : grande, moyenne et petite bourgeoisie. Les masses populaires ont leur propre existence dans la révolution, leurs propres moyens d’expression et d’action et leurs aspirations sont différentes de celles des bourgeois dès le début, dès les cahiers de doléances…. On peut distinguer les paysans pauvres et les prolétaires des villes (domestiques, petits métiers des rues de Paris, ouvriers, compagnons, mendiants, …). Il y a plusieurs révolutions au sein de la révolution française. Les divergences vont se faire sentir tout au long. Si les assemblées reflèteront toujours les points de vue de la bourgeoisie, les masses populaires vont parfois donner du courage à ces parlementaires pour aller de l’avant, mais encore plus souvent contraindre ces assemblées à prendre des décisions qu’elles n’avaient nullement l’intention de prendre.
L’Histoire officielle a vite fait d’effacer l’action des masses ou de l’assimiler aux décisions des assemblées, des tribunaux et autres institutions de la révolution. Ce ne sont ni les parlementaires, ni les juges, ni les avocats, ni les législateurs et rédacteurs des constitutions et autres lois qui sont la cause du radicalisme de la révolution : c’est le petit peuple des villes et des campagnes.

6- La manière de présenter les événements déterminants de la révolution est cause de cet « oubli » de ses acteurs cruciaux. En faisant du serment du jeu de Paume, puis du 14 juillet 1789, de la prise de la Bastille, de la nuit du 4 août 1789, pour l’abolition des privilèges, et enfin de la condamnation à mort du roi par l’assemblée, les événements prétendus comme la clef des tournants révolutionnaires, on fait semblant, seulement dans le 14 juillet, de reconnaitre l’action du peuple, en le laissant s’en prendre à une prison sans importance et on donne au législateur et au parlementaire l’apparence de l’initiative révolutionnaire. Tout le reste sera attribué au radicalisme « exagéré » de Robespierre… Les masses sont rangées au titre d’accessoire !

Les grandes avancées de la révolution n’ont jamais découlé des événements parlementaires, ni des actes des législateurs ou des gouvernants. On peut citer quelques événements qui ont été les grands tournants de la situation et qui sont tous le fait du peuple révolutionnaire :

 la mobilisation populaire en faveur de la rédaction des cahiers de doléances

 la décision des comités électoraux des Etats Généraux de se tenir « en permanence » afin de surveiller les élus et l’Etat. Ces assemblées permanentes du peuple de France, voilà la véritable institution issue de la révolution !

 la grande vague d’insurrection des paysans pauvres qui assiègent les châteaux, détruisent les documents seigneuriaux et tuent souvent le noble et sa famille, brûlant parfois le château. C’est pour empêcher que toute la noblesse connaisse ce sort que les nobles ont pris l’initiative unanime le 4 août 1789 de renoncer à leurs droits féodaux.

 l’attaque du château royal des Tuileries et sa destruction pour faire face à la menace que représentait le choix du roi de faire venir des troupes pour écraser le peuple de Paris. Bien plus que lors de la prise de la Bastille, c’est un véritable symbole de la royauté qui est tombé.

 la mobilisation populaire pour constituer une armée de défense du pays face à l’armée de la noblesse unie aux armées des régimes féodaux d’Europe.

 l’enclenchement de la deuxième vague révolutionnaire, appelée vague citoyenne, qui a débuté par la prise par le peuple de la Commune de Paris.

 l’armement du peuple des villes et des campagnes et la constitution de « comités piques » parmi les « bras nus ».

 la manifestation des femmes à Versailles puis la prise en otage du roi à Paris.

 l’arrestation du roi et de la reine à Varenne, lors de leur tentative de fuite pour rejoindre l’armée de la noblesse.

 les manifestations diverses des comités de piques pour exercer une pression sur les assemblées.

7- La meilleure preuve que la bourgeoisie n’a pas entièrement manipulé les masses pauvres, c’est qu’elle a été contrainte à des politiques qu’elle n’envisageait absolument pas comme de supprimer la royauté , de déchristianiser la France, de laisser le contrôle local du pays aux comités de citoyens, d’accepter que les pauvres occupent les terres, de laisser des citoyens non-propriétaires être organisés et en armes, que des travailleurs viennent occuper les assemblées et y portent leurs revendications de salaires, de distributions des denrées ou blocage des prix, ou fassent physiquement pression sur les décisions des députés. A bien des moments, les bourgeois se sont trouvés mis en cause par les masses populaires et auraient bien pactisé avec la noblesse ou le roi, mais les masses populaires d’un côté, les nobles de l’autre, n’étaient pas prêts à les laisser passer un compromis. Même le choix de lancer la guerre contre l’armée des nobles et les armées européennes a été, de la part des Girondins, un choix de la bourgeoisie face au mouvement populaire pour le faire se casser les dents devant une force impressionnante. Cette tentative d’en finir avec la pression des masses pauvres ayant échoué, ce calcul leur a été fatal et a ouvert la voix aux Jacobins, pourtant minoritaires à l’assemblée.

8- Même la radicalité des Jacobins et de Robespierre n’a jamais débordé des intérêts bien conçus de la bourgeoisie. Cela a toujours été un moyen d’éviter que les masses populaires s’indépendantisent complètement du pouvoir d’Etat. La politique d’un Robespierre n’est pas caractérisée par la Terreur, ni par une politique violente vis-à-vis de la noblesse, ni vis-à-vis du roi. Robespierre n’avait pas favorisé la guerre en Europe, ni voté la mort du roi, ni voulu de la terreur révolutionnaire quand elle était décrétée par la commune révolutionnaire de Paris, mise en place par les comités de bras nus, les piques. Il les a pris en charge pour mieux empêcher le peuple travailleur d’agir de manière autonome du pouvoir bourgeois. Une fois que l’Etat a repris l’initiative de la terreur, de la réquisition, de la terreur ou de la déchristianisation, il les a fait arrêter et a cassé ensuite par la répression policière les reins de la commune insurrectionnelle et des comités populaires, ainsi que des compagnies de piques.

9- La caractéristique première de la situation révolutionnaire n’est pas la prise des armes et les affrontements armés, mais le fait que les masses pauvres s’organisent en masse en vue de décider politiquement et socialement de manière collective. Ce faisant, ils font bien plus que construire un Etat, qu’on l’intitule démocratique, républicain ou bourgeois : ils mettent en place la démocratie directe, celle des masses opprimées…

10- A l’opposé de cette démocratie révolutionnaire presque entièrement aux mains des couches populaires allant de la petite bourgeoisie aux bras nus, on trouve l’activité des assemblées dirigées par la bourgeoisie, du gouvernement et de l’appareil d’Etat, ainsi que de leurs institutions à tous les niveaux. La direction de la police, de la justice, de la haute administration ne sont quasiment jamais aux mains des masses populaires, sauf éventuellement dans certains moments insurrectionnels très brefs.

Le caractère exclusivement bourgeois des assemblées parlementaires durant la révolution provient du vote censitaire qui nécessitait d’avoir une certaine fortune et d’être propriétaire pour avoir le droit de vote (et aussi de ne pas être une femme !).

Ceux qui croient que l’ « Etat de droit », que la démocratie, que la liberté sont des institutions d’Etat apprendront que l’Etat sous la révolution n’a jamais eu un caractère démocratique. Même l’armée révolutionnaire issue du soulèvement patriotique était dirigée de manière tout ce qu’il y a de moins démocratique et ne subissait pas le contrôle populaire et citoyen. Ceux qui voient dans la déclaration des droits de l’homme un texte symbole de la démocratie feraient bien de la relire : elle est exclusivement au service de ceux qui possèdent déjà des biens et se contente de les protéger contre ceux qui ne sont pas nantis ! Et les autres lois votées par les assemblées feront de même, allant jusqu’à interdire aux ouvriers le droit de s’assembler pour revendiquer, sous peine de mort.

11- Bien sûr, toute la révolution a été politique. Les masses pauvres ont été marquées par les discours des dirigeants de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Elles ont été influencées par Lafayette, Marat, Danton, Robespierre Saint-Just et bien d’autres. Mais il n’empêche : les masses avaient leurs propres leaders, leurs propres formes d’organisation et leurs propres objectifs. D’ailleurs les partis politiques comme les jacobins n’admettaient pas des membres des bras nus. Et ne parlons pas des autres partis.

Le jacobinisme n’est pas une avancée dans la révolution, mais seulement la tentative réussie d’empêcher la contre-révolution de l’emporter. Robespierre a seulement représenté le point extrême où la politique de la bourgeoisie pouvait aller en s’appuyant en partie sur le mouvement populaire. Mais c’était pour mieux lui casser les reins ensuite. Ce sont les historiens staliniens qui ont fait de Robespierre un révolutionnaire pur, les historiens bourgeois pour leur part se démarquant ensuite de quiconque avait participé à la Terreur, afin de dénoncer à leur manière tout acte révolutionnaire du peuple…

12- Le bilan réel de la révolution est aussi très différent de celui qui est fait par les historiens. Il y a eu pour le peuple beaucoup de durs sacrifices, de souffrances, de misère, pour finir par celles des guerres napoléoniennes. Pourtant, la révolution était issue d’une nécessité inévitable. Si elle avait échouée, elle aurait du se reproduire et finir par triompher, là ou ailleurs. Et l’échec aurait représenté une terreur autrement plus violente que celle qui a eu lieu.

Le bilan économique et social est considérable : l’ordre économique, social et politique a été changé de fond en comble, certes en faveur des bourgeois, mais pas seulement. N’oublions pas qu’avant la révolution les droits seigneuriaux et royaux comprenaient le droit de cuissage, des taxes en toutes sortes, des empêchements de développer le commerce et les échanges pesants et multiples et un droit de vie ou de mort de la noblesse et de la royauté sur les personnes. Certes, c’est au capitalisme et pas au socialisme que la révolution française a ouvert la voie dans toute l’Europe, mais le développement des forces productives de l’époque n’offrait pas d’autre perspective. Il n’en va pas de même aujourd’hui…

la suite...

Extrait de "La révolution française et nous" de Daniel Guérin :

"La révolution française n’a pas été qu’une révolution bourgeoise

"(...) La révolution française, en effet, n’a pas été qu’une révolution bourgeoise. Elle ne nous intéresse pas seulement à titre rétrospectif, en ce sens qu’elle a porté au pouvoir la classe qui, aujourd’hui dans les secousses les plus colossales de l’histoire, est en train de perdre le pouvoir ; elle se rattache directement à nos luttes, à nos problèmes du présent, car elle a été, en même temps qu’une révolution bourgeaoise, la première tentative des opprimés pour se libérer de toute forme d’oppression. (...)

La Révolution française, tout d’abord, est la première des révolutions modernes qui ait dressé sur leurs jambes les larges masses populaires, qui les ait tirées de leur sommeil séculaire et qui ait été faite en grande partie par elles. la révolution anglaise a été plus militaire que populaire. (...)

Sans doute la bourgeoisie a eu sa part dans la Révolution française. Ses idéologues l’ont préparée. Ses parlementaires l’ont menée à coups de discours et de décrets. L’œuvre législative, l’action militante des assemblées révolutionnaires ne saurait être sous-estimée. Mais la bourgeoisie s’est montrée incapable de venir à bout de l’ancien régime féodal, clérical et absolutiste sans le concours des "bras nus". (Les bras nus sont les travailleurs, de l’artisan à l’ouvrier, au domestique et au mendiant - note de Robert Paris) (...)

Sans la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, par les sans-culottes parisiens, l’asemblée nationale aurait fini pas succomber dans sa rébellion contre les baïonnettes royales. Sans la marche sur Versailles, le 5 octobre, des "bras nus" affamés et sans leur irruption dans l’enceinte de l’Assemblée, la Déclaration des Droits de l’Homme n’aurait pas été sanctionnée. Sans l’irrésistible vague de fond partie des campagnes, l’assemblée n’eût pas osé s’attaquer, bien que timidement, à la propriété féodale, dans la nuit du 4 août 1789, l’expropriation sans indemnité des rentes féodales n’eût pas été, enfin, décrétée ; la bourgeoisie eût hésité devant la république et devant le suffrage universel.

Au fur et à mesure que la Révolution va en s’approfondissant, on voit les bourgeois hésiter, s’arrêter à mi-chemin et, chaque fois, la pression des "bras nus" les obliger à pousser la Révolution bourgeoise jusqu’au bout. (...)

A ce titre déjà, la Révolution française est toujours actuelle. Car même dans la mesure où elle a été une révolution bourgeoise, où elle a porté au pouvoir la bourgeoisie et non le prolétariat, elle a été une révolution de masses. Aussi son étude nous aide-t-elle à déchiffrer les lois permanentes du mouvement autonome des masses et offre-t-elle, en même temps, à notre examen les formes de pouvoir populaire que, spontanément, les masses forgent au cours de leurs luttes ; à ce titre, la Révolution française a été le berceau, non seulement de la démocratie bourgeoise, mais aussi de la démocratie de type communal ou soviétique, de la démocratie des conseils ouvriers.

Mais la grande Révolution n’a pas été qu’une révolution de masses travaillant, sans le savoir, pour le compte de la bourgeoisie. Elle a été aussi, dans une certaine mesure, une révolution des masses oeuvrant pour leur propre compte. (...) Les masses se levèrent avec l’espoir d’alléger leur misère, de secouer leur joug séculaire. Or, le joug séculaire n’était pas seulement celiui des seigneurs, du clergé et des agents de l’absolutisme royal, amis aussi celui des bourgeois (...). L’idée de s’affranchir du joug séculaire conduisait naturellement les opprimés à celle d’une lutte contre l’ensemble des privilégiés, bourgeois y compris. (...)

Pour obtenir le concours des "bras nus" et parce que la proclamationdes droits de l’homme la servait dans sa lutte contre l’ancien régime, la bourgeoisie aviva en eux le sentiment que c’en était fini de la vieille oppression de l’homme par l’homme, que le règne de la liberté et de l’égalité commençait pour tous. Ces mots ne tombèrent pas dans les oreilles de sourds. A maintes reprises, les "bras nus" invoquèrent contre la bourgeoisie, contre l’oppression bourgeoise, les droits de l’homme. De même, la bourgeoisie, en s’attaquant à la propriété féodale et à celle du clergé, ouvrit la brèche dans le mur sacro-saint de la propriété. Elle s’en rendit compte elle-même et c’est ce qui la rendit parfois si timorée. (....)

Révolution permanente

A partir du moment où les travailleurs ont commencé à prendre conscience de l’oppression de l’homme par l’homme, à secouer le joug séculaire, (...) il y a "transcroissance de la révolution bourgeoise en révolution prolétarienne" (Lénine cité par Trotsky dans "La révolution permanente"). Même lorsque le conflit n’est pas encore entièrement liquidé entre l’aristocratie et la bourgeoisie, déjà un autre conflit met aux prises la bourgeoisie et le prolétariat.

Il n’y a pas deux sortes de mouvement révolutionnaire, de nature différente, l’un d’espèce bourgeoise et l’autre d’essence prolétarienne ; la Révolution tout court, cette vieille taupe comme le disait Marx, poursuit son bonhomme de chemin, d’abord au travers d’une même crise révolutionnaire, et ensuite de crise révolutionnaire en crise révolutionnaire. Même quand elle paraît assoupie, elle creuse encore. Une crise révolutionnaire n’est pas la continuation directe de la crise précédente. il n’est pas possible de placer quelque part un poteau frontière et d’y inscrire :

Révolution bourgeoise ! Défense d’aller plus loin !

La Révolution ne s’arrête pas sur commande. Ou si elle s’arrête, elle recule. (...) Dans une société où les rapports sociaux sont tendus à l’extrême, où deux forces opposées, force révolutionnaire et force contre-révolutionnaire, se heurtent comme deux bêliers, cornes contre cornes, si la pression révolutionnaire se relâche un instant, la contre-révolution profite aussitôt de cette défaillance et prend sa revanche. Empêcher la transcroissance de la révolution bourgeoise en révolution prolétarienne, faire les choses à demi, c’est s’exposer à perdre ce qui a été conquis ; laisser subsister un seul privilège c’est s’exposer à les voir renaître tous ; pour s’être arrêtés en 1793 au pied de la forteresse bourgeoise, les sans-culottes furent assommés en 1795 par les gourdins des royalistes.

Robespierre, en donnant, le 20 novembre 1793, un coup de frein à la déchristianisation, en insultant et en persécutant les "ultra-révolutionnaires", fit faire demi-tour à la Révolution, l’engagea sur une pente fatale où lui-même laissa sa tête, qui conduisit à la dictature militaire de Bonaparte et aux ordonnances de Charles X. (...)

L’autonomie du mouvement des masses

Le mouvement autonome des masses ? Lorsqu’il entend prononcer ces mots, le bourgeois fait l’étonné et l’ignorant. Quel est donc ce charabia ? Encore une abstraction issue du cerveau fumeux de quelque théoricien ? Mais, dans son for intérieur, il sait très bien ce dont il s’agit ; Son instinct de conservation le lui a appris. le mouvement autonome des masses est sa hantise inavouée, le cauchemar de ses nuits. Il ne craint rien tant que la force primitive, élémentaire que déchaînent, en certaines circonstances, les hommes de travail. (...)

Mais quand le mouvement des masses ne se laise pas utiliser, quand il entre en lutte ouverte avec le bourgeois, alors ce dernier essaie de réduire l’importance de son redoutable adversaire. Il le défigure, le couvre de boue. Il le désigne par les mots de "populace", "éléments troubles", "pègre des grandes villes", ou bien il présente ses manifestations comme non spontanées, comme fomentées par des "meneurs". (...)

le mouvement autonome des masses existe à l’état latent, souterrain, de façon permanente. Du fait même qu’une classe en exploite une autre, la classe exploitée ne cesse d’exercer une pression sur ses exploiteurs afin de tenter de leur arracher une ration alimentaire un peu moins congrue. Mais cette pression, dans les périodes creuses, est sourde, invisible, hétérogène. Elle consiste en faibles réactions individuelles, isolées les unes des autres. Le mouvement des masses est atomisé, replié sur lui-même.

Dans certaines circonstances, il remonte à la surface, il se manifeste comme une grande force collective, homogène. (...) Ainsi, à la veille de la Révolution de 1789, la mauvaise récolte de l’année précédente, aggravant la misère permanente des masses laborieuses, leur avait arraché une protestation simultanée ; et la convocation des états généraux leur avait permis d’exprimer leurs doléances communes en des cahiers revendicatifs. (...)

C’est le déterminisme du mouvement autonome des masses qui, à travers la révolution, a le plus effrayé la bourgeoisie révolutionnaire. Le bourgeois aime donner des ordres, et non à être mené. (...) On ne veut pas dire, bien entendu, que le bourgeois révolutionnaire fût désarmé vis-à-vis des bras nus. Il déploya contre eux les mille artifices de la fourberie politicienne. (...) Mais il n’empêche que, pendant un peu plus de quatre ans, le bourgeois révolutionnaire avait été à la remorque du mouvement autonome des masses."

Messages

  • La révolution française n’était nullement l’expression d’un simple idéal de liberté, mais celle des contradictions explosives de la lutte des classes. Et, dans cette lutte, l’Histoire offrait la direction des classes révolutionnaires à la bourgeoisie et non à la démocratie ou aux droits de l’homme et du citoyen.

  • 9- La caractéristique première de la situation révolutionnaire n’est pas la prise des armes et les affrontements armés, mais le fait que les masses pauvres s’organisent en masse en vue de décider politiquement et socialement de manière collective. Ce faisant, ils font bien plus que construire un Etat, qu’on l’intitule démocratique, républicain ou bourgeois : ils mettent en place la démocratie directe, celle des masses opprimées…

  • La révolution française n’était nullement l’expression d’un simple idéal de liberté, mais celle des contradictions explosives de la lutte des classes. Et, dans cette lutte, l’Histoire offrait la direction des classes révolutionnaires à la bourgeoisie et non à la démocratie ou aux droits de l’homme et du citoyen.

  • Les femmes ont commencé à prendre les choses en main. La crise du pain les affectait tout particulièrement, et ce sont elles, plus que les hommes, qui ont joué le rôle dirigeant dans le mouvement.

    Le 16 septembre, Hardy rapporte que des femmes ont arrêté, à Chaillot, cinq charrues chargées de blé et les ont amenées à l’Hôtel de Ville de Paris.

    Le 17, à midi, l’Hôtel de Ville était assiégé par des femmes en colère qui fustigeaient l’attitude des boulangers ; elles ont été reçues par Bailly, au Conseil Municipal.

    "Ces femmes, notait Hardy, disaient hautement que les hommes n’y entendaient rien et qu’elles voulaient se mêler des affaires".

  • La bourgeoisie a tout fait pour limiter la révolution et la contrôler de l’intérieur. En fait la bourgeoisie née du commerce international et de la finance en pleine expansion grâce au commerce triangulaire et à l’esclavage, a causé une grande famine non pas pour provoquer une révolte du peuple mais par simple et froid calcul spéculatif. En stockant le grain alors que des familles mourraient de faim ils faisaient monter les prix. Il suffit de relire les écrits de Robespierre, inspiré par les Enragés qui n’étaient nullement des bourgeois. Ensuite ces ignobles bourgeois voyant l’ampleur de la catastrophe ont tout fait pour accuser la monarchie. En effet ils possédaient déjà d’importants moyens de propagande à l’époque.

    La propagande bourgeoise et contre-révolutionnaire a toujours voulu faire passer Robespierre pour un sanguinaire pourtant c’est Bertrand Barère qui était à la tête du Comité de Salut Public qui organisa la terreur. Barère n’a jamais caché son désir d’imposer une monarchie parlementaire et Marat le voyait déjà comme un traitre perfide avant d’être assassiné. La bourgeoisie française voulait une monarchie parlementaire à l’anglaise, son modèle absolu. Barère et les siens n’ont pu éviter la Révolution mais ils ont tenté de la faire sombrer dans le chaos puis ont œuvré pour le bonapartisme. Leur régime pseudo-monarchique n’a duré que jusqu’en 1848. La vraie Révolution a eu des soubresauts mais ils ne faut pas se laisser duper par la propagande contre-révolutionnaire qui veut à la fois faire passer la Révolution pour un carnage sans logique et à la fois pour l’œuvre de la bourgeoisie soi-disant alors que c’est faux.

    C’est bien le peuple qui a fait pression pour arriver à l’égalité absolue des droits entre tous les citoyens hommes et femmes. Les femmes ont joué un rôle très important car l’égalité les concernaient en premier lieu et les gens modestes sont beaucoup moins attachés au modèle patriarcal (l’image de la ménagère qui se fait respecter avec son rouleau à pâtisserie ne date pas d’hier) que les bourgeois attachés à l’hérédité dynastique. La propagande contre-révolutionnaire et royaliste à commencé dès la révolution elle-même. Certains étaient sans-doute alliés des anglais qui craignaient pour leur régime également. Barère a tout fait pour faire passer Robespierre pour l’unique responsable de la Terreur alors que celle-ci l’a emporté et duré bien après-lui.

    En fait le rôle de la bourgeoisie était de provoquer le plus de chaos et de violence possible afin que la monarchie apparaisse comme l’unique garante de l’Unité du pays (diviser pour régner, rien de nouveau, toujours les mêmes tares de génération en génération). Cet argument ("Unity") est toujours utilisé par la bourgeoisie aujourd’hui, dont les moyens de propagande ont évolué mais dont le discours est toujours le même. La propagande anti-Robespierre et le dénigrement de la Révolution et du peuple lui-même. Barère a été le premier modèle pour la bourgeoisie pour contrer des Révolutions Républicaines et Nationalistes de l’intérieur, même si dans le cas de la France l’impact fut limité et la République vit tout de même le jour. Par la suite la bourgeoisie pro-anglaise, mondialisée, s’est dotée du trotskisme pour contrer la Révolution Russe de l’intérieur.

    Trotski était exactement comme Barère au sein du Comité de Salut Public et a tout fait pour dénigrer l’URSS car la bourgeoisie craint le Nationalisme Républicain. La bourgeoisie "internationale" (mais en réalité au service de l’Unique l’aristocratie anglaise) a crée son propre discours "révolutionnaire" contredisant les révolutions françaises et russes car dénigrant l’Etat et le Nationalisme sous couvert de défendre les intérêts du peuple. En réalité l’antinationalisme et l’antiétatisme viscéral des trotskistes est l’arme idéale des bourgeois pour réimposer la monarchie en infiltrant et sabotant les mouvements de gauche. Les trotskistes sous couvert de "libertarisme" promeuvent la haine de l’idée même d’Etat démocratique et prônent l’anarchisme et le chaos comme modèle de société ce qui convient parfaitement à la bourgeoisie et aux marchands d’armes pour prendre le pouvoir.

    Les trotskistes sont les idiots utiles de l’aristocratie anglaise depuis le début. Les vrais républicains socialistes et communistes (qualifiés avec mépris de "staliniens" par la propagande anglo-trotskiste qui dénigre également Robespierre et la République Française elle-même) n’ont jamais pu s’entendre avec cette fausse gauche autoproclamée mais ultralibérale et alliée objective bourgeoise dans ses principes et ses idées. Ils est donc logique que les trotskistes et la fausse gauche abreuvés à la "contre-culture" des années 1960-1970 (habillage "de gauche" de la contre-révolution bourgeoise) reprennent des arguments contre-révolutionnaires bourgeois et dénigrent aussi bien la Révolution française qu’ils attribuent faussement aux bourgeois (prétexte pour détruire la République et arriver à l’Anarchie c’est à dire... rien, la balkanisation pour ne pas dire "l’Afghanisation" des nations et le triomphe des marchands d’armes et des banquiers et le retour au féodalisme) que le communisme "dans un seul pays" comme disait Staline c’est à dire le Nationalisme. C’est la base de l’amitié entre les peuples. La solidarité internationale passe par les Etats-Nations. La 4e Internationale est une imposture bourgeoise qui dévoie le communisme dans l’anarchisme et l’antinationalisme bourgeois.

    • Je relève seulement votre ridicule "Trotski était exactement comme Barère au sein du Comité de Salut Public et a tout fait pour dénigrer l’URSS"...

      Je ne me rappelais pas que Barère avait dirigé la révolution qui a renversé le roi et les nobles, je ne me rappelais pas qu’il avait fondé l’armée qui a battu les armées de la noblesse d’Europe, je ne me rappelais pas que les opprimés avaient pas deux fois élu Barère à la tête de leurs assemblées les plus révolutionnaires.

      Ce n’est pas vrai pour Barère mais cela l’est pour Trotsky...

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