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1970-1971 : révolution sociale à Madagascar

mardi 27 février 2024, par Robert Paris

IL Y A 50 ANS, LE 1er RÉGIME POST COLONIAL FUT BALAYÉ PAR UN RAZ-DE-MARÉE DE LA POPULATION PAUVRE DE MADAGASCAR

Dans les années 1970 et 1971, soit une dizaine d’années après l’Indépendance, des famines frappaient durement la population pauvre, principalement celle du sud de la Grande île. Les causes de cette calamité n’étaient pas que climatiques : la population était exsangue à cause des longues années de domination coloniale directe et du pillage perpétré par les capitalistes français.

Au bout de dix ans d’indépendance, les gens continuaient d’être malheureux, ils étaient tenus d’accepter leur sort c’est à dire le dénuement, les privations et la misère. Ils étaient maintenant confrontés aux nouvelles structures. Certes, les chefs des districts, les gendarmes et les policiers auxquels ils devaient désormais avoir affaire, n’étaient plus des blancs et ne portaient plus le casque colonial, mais la réalité de la vie quotidienne de la population pauvre ne s’était pas du tout améliorée. Le peu de riz dont les gens disposaient ainsi que la viande de bœuf et les denrées de base, n’étaient plus accessibles à leurs faibles moyens. Tout cela continuait de prendre comme avant, la direction de la France.

La majorité de la population n’en pouvait plus, beaucoup de paysans mouraient de faim et même de soif et de dénuement car ils n’avaient pas grand-chose à se mettre sur la peau même pendant les nuits froides de cette région tropicale semi désertique.

Le nouveau régime, dirigé pourtant par quelqu’un qui avait la même couleur de peau qu’eux, Tsiranana, était aussi impitoyable et féroce à leur égard que celui des colonialistes. Ceux qui osaient protester contre cette situation subissaient les pires châtiments : tortures et emprisonnements étaient monnaie courante. Ceux qui étaient considérés comme « meneurs » étaient capturés puis déportés sans ménagement vers le bagne de l’ile de « Nosy lava » de sinistre renommée. Peu de personnes réussissaient à s’en échapper.
Il n’y avait pas que les gens pauvres de l’extrême sud-ouest qui faisaient les frais de cette terrible dictature, ceux des autres régions qui n’étaient pas du tout désertiques n’étaient pas épargnés pour autant. La colère était grande, des explosions sporadiques avaient lieu ça et là à travers tout le pays, mais l’explosion sociale généralisée des masses ne s’était pas encore produite, elle était cependant en gestation.

Différentes formations et partis politiques existaient dans ce pays plus vaste que la France. Leur implantation était ethnique ou régionale, mais à des degrés divers tous étaient (et le sont toujours) liés aux classes riches. La bourgeoisie merina des hauts plateaux avait, et a toujours ses partis, celle des côtes les siens, différents et parfois opposés aux premiers. Les églises, protestantes ou catholiques prêchaient et prêchent toujours la résignation des travailleurs et des gens pauvres en général, cela ne les empêche nullement d’être liées aux couches sociales privilégiées. Les mosquées bien que minoritaires à l’échelle du pays existaient et existent un peu partout. Elles aussi cultivent de tels liens avec ces couches sociales et leur servent de courroie de transmission.

L’explosion sociale généralisée qui était en gestation a fini par avoir lieu. Le facteur déclenchant fut un mouvement étudiant, lequel s’est répandu à toute la jeunesse scolarisée. Puis les jeunes chômeurs d’Antananarivo se sont mis à la remorque à travers leur structure qui s’est donné peu de temps après le nom de Zoam. Les travailleurs ont applaudi, beaucoup se sont mis en grève. Et le 13 mai 1972 ce sont 200 000 personnes qui se sont rassemblées sur la place de l’Hôtel de Ville d’Antananarivo. La Mairie occupée par les étudiants a pris feu et fut encerclée par les « Forces De Sécurité » (FDS).

Tsiranana avait été écarté en douce par l’armée et mis en lieu sûr peu de temps après son intervention à la radio nationale dans laquelle il demandait aux forces de l’ordre de tirer même si 100 000 personnes devaient mourir. Il a dit en malgache : « Tsak tsak tsak, na zato arivo no maty ». C’est le général Ramanantsoa qui prit la relève, dans la continuité.

Peu de temps après l’explosion sociale, le régime a basculé entre les mains de Ratsimandrava, un jeune militaire qui bénéficiait d’une certaine cote de popularité auprès de ses homologues et aussi de la jeunesse du pays. Ce militaire est mort quelques mois après, dans un accident et dans des circonstances pas tout à fait élucidées. C’est un autre militaire, formé en France, l’officier de marine Ratsiraka qui a pris la succession, il opère la nationalisation des banques, des compagnies d’assurance, des grandes sociétés d’import-export, crée le Franc Malgache en 1975, effectue la malgachisation de l’enseignement. Il s’est maintenu au pouvoir durant plus de deux décennies entrecoupées de deux années de pouvoir civil.

En l’absence d’un parti politique communiste révolutionnaire dirigé par les travailleurs, l’énergie des masses pauvres, leur aspiration à un monde meilleur ont été récupérées par les nationalistes. Ceux-ci ont fait preuve de radicalisme et réussi à dévoyer cette énergie vers une impasse sanglante. En fin de compte ce sont eux qui ont tiré les marrons du feu au profit de la bourgeoisie capitaliste et de l’impérialisme.

La dictature, la misère et le sous-développement se sont aggravés et c’est pire en cette période de crise. À Madagascar comme ailleurs il faut que les travailleurs prennent leur sort en mains, à commencer par la construction de leur propre parti politique.

UATCI

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