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Que savons-nous sur la lumière ?

dimanche 7 septembre 2014, par Robert Paris

Que savons-nous sur la lumière ?

La lumière est pour nous, humains, une expérience quotidienne dont la compréhension peut sembler une évidence et pourtant son interprétation n’a pas cessé de changer au cours des siècles. Les phénomènes lumineux sont bien connus : émission de couleur par les corps illuminés, émission lumineuse par les corps chauffés, émission des étoiles, émission spontanée de l’atome, émission stimulée de l’atome, réflexion, réfraction, diffusion, dispersion de la lumière par effet de prisme ou en arc en ciel, ombres, interférences lumineuses, fentes de Young, effet photoélectrique, etc… Cependant, loin d’être une évidence, l’interprétation de tous ces phénomènes à la fois est une gageure. Quatre grandes séries d’interprétations ont été proposées au cours de l’histoire et il n’est pas certain que cela soit fini : le modèle géométrique du rayon lumineux, le modèle des ondes, le modèle du photon et enfin l’électromagnétisme quantique. Les grands scientifiques qui ont fait avancer la compréhension de la lumière (et sa perception par l’œil humain) sont :

Démocrite, Platon, Euclide, Archimède, Lucrèce, Galien,Ibn al-Haytham, Galilée, Suell Van Royen, Descartes, Fermat, Grimaldi, Huyghens, Newton, Römer, Coulomb, Marat, Young, Arago, Fresnel, Fizeau, Foucault, Maxwell, Morley, Rayleigh, Michelson, Hertz, Milikan, Einstein, de Broglie, Compton, Feynman et Schwinger.

« Nous saurions beaucoup de choses, si nous savions ce qu’est un rayon lumineux. »

Louis de Broglie

« L’existence de faits nombreux permet d’affirmer qu’un rayon lumineux d’une couleur donnée ne transmet pas son énergie d’une manière continue ; mais que cette énergie est partagée en particules distinctes appelées « photons » (…) Lorsque l’intensité lumineuse est forte, les photons se suivent en rangs si serrés qu’en pratique le phénomène ne se différencie pas d’une apparence d’émission continue, mais quand l’intensité de la source diminue ou quand la source s’éloigne, la densité du rayonnement devient de plus en plus faible et les photons se séparent les uns des autres. L’élément caractéristique du processus est que les gouttes d’énergie ou photons ne deviennent pas plus petites quand le rayonnement diminue, mais qu’elles sont seulement plus rares, leur grandeur demeurant constante. »

Max Planck dans « Initiations à la physique »

« La première chose que découvrit Newton, lorsqu’il commença à s’intéresser à la lumière, c’est que la lumière blanche est en fait un mélange de couleurs. A l’aide d’un prisme, il décomposa la lumière blanche en diverses couleurs et il s’aperçut que la lumière d’une seule couleur ne pouvait pas à son tour être décomposée. En fait, une lumière d’une couleur donnée peut encore être décomposée, mais selon un procédé différent, en deux lumières de « polarisations » différentes... Quand je parle de « lumière », cela ne signifie pas seulement la lumière visible, allant du rouge au bleu. Il se trouve que la lumière que nous pouvons voir ne représente qu’une faible partie d’un spectre beaucoup plus étendu… La gamme des lumières peut être repérée par des nombres qu’on appelle fréquences. Au fur et à mesure que le nombre représentant la fréquence augmente, on passe successivement du rouge au bleu, puis du bleu au violet et à l’ultraviolet. Nous ne voyons pas la lumière ultraviolette, mais elle impressionne certaines plaques photographiques… Si nous faisons encore croître la fréquence, nous arrivons dans le domaine des rayons X puis des rayons gamma, etc… Si maintenant nous faisons décroître la fréquence à partir du bleu, nous passons successivement du bleu au rouge, puis à l’infrarouge (les ondes de chaleur), puis aux ondes télévision et radio. Pour moi, tout cela est de la « lumière »... Newton pensait que la lumière était faite de corpuscules et il avait raison, bien que le raisonnement qui l’avait conduit à cette conclusion soit faux.Aujourd’hui, nous savons que la lumière est faite de particules parce que nous possédons des instruments extrêmement sensibles qui font « clic » chaque fois qu’ils reçoivent de la lumière, et ce même si l’intensité de la lumière est abaissée considérablement ; les clics sont les mêmes, seul leur nombre diminue... Je ne saurais trop insister sur cet aspect de la lumière : la lumière est faite de particules (les photons)... En moyenne 4% des photons qui arrivent sur une plaque de verre sont réfléchis et les autres traversent. Malgré tous nos efforts pour imaginer une théorie raisonnable expliquant comment le photon « décide » de traverser la surface ou d’être réfléchi, il s’avère impossible de prédire ce qui va arriver au photon. Si l’on en croit les philosophes, lorsque les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, toute prédiction devient impossible et la science trouve ses limites. Ici nous sommes dans une situation où une même cause – le fait que des photons identiques viennent tomber sous la même incidence sur la face d’entrée d’un seul et même bloc de verre – produit des effets différents… La Nature ne nous autorise à calculer que des probabilités… C’est ce que réalise de manière exacte l’électrodynamique quantique. »

Richard Feynman, Lumière et matière

« Les photons ne sont pas complètement descriptibles et subissent des transitions spontanées dans le vide. »

David Ritz Finkelstein dans « L’éther adamantin », article de « Le vide », ouvrage collectif présenté par Edgard Gunzig et Isabelle Stengers

« L’effet photoélectrique et la structure discontinue de la lumière
La découverte et l’étude du phénomène photoélectrique a réservé aux physiciens une très grande surprise. Ce phénomène consiste en ceci qu’un morceau de matière exposé à l’action d’une radiation de longueur d’onde suffisamment courte projette souvent autour de lui des électrons en mouvement rapide. La caractéristique essentielle du phénomène est que l’énergie des électrons expulsés est uniquement fonction de la fréquence de la radiation incidente et ne dépend nullement de son intensité. Seul le nombre des électrons dépend de l’intensité incidente. (..) Mr Einstein a eu, en 1905, l’idée très remarquable que les lois de l’effet photoélectrique indiquent l’existence pour la lumière d’une structure discontinue où les quanta interviennent. (…) Lorsqu’un électron contenu dans la matière recevra un grain de lumière, il pourra absorber l’énergie de ce grain et sortir de la matière où il était enfermé, à condition toutefois que l’énergie du grain de lumière soit supérieur au travail nécessaire à l’électron pour sortir de la matière. L’électron ainsi expulsé par l’action de la lumière possèdera donc une énergie cinétique égale à l’énergie du grain de lumière absorbée diminuée du travail dépensé pour sortir de la matière : cette énergie cinétique sera donc une fonction linéaire de la fréquence de la radiation incidente, le coefficient angulaire de la droite qui la représente étant numériquement égal à la constante de Planck. (…) Telle est l’interprétation des lois de l’effet photoélectrique proposée en 1905 par Einstein. Il l’avait appelée la théorie des quanta de lumière. Aujourd’hui nous l’appelons la théorie des photons, car nous avons donné aux grains de lumière le nom de photons. Depuis trente ans, l’existence du photon a reçu de nombreuses confirmations. (…) L’étude de l’effet photoélectrique des rayons X et gamma a permis de soumettre à une épreuve très rigoureuse l’exactitude de la relation photoélectrique d’Einstein (…) la découverte d’un autre phénomène est venu en 1923 fournir une nouvelle preuve de l’existence du photon. Nous voulons parler de l’effet Compton. On sait que, si une radiation vient frapper un corps matériel, une partie de l’énergie de cette radiation est, en général, éparpillée dans toutes les directions sous forme de radiation diffusée. La théorie électromagnétique interprète cette diffusion en disant que, sous l’influence du champ électrique de l’onde incidente, les électrons contenus dans le corps matériel entrent en vibration forcée et deviennent des sources de petites ondes sphériques secondaires qui diffusent ainsi dans toutes les directions une partie de l’énergie apportée par l’onde primaire. D’après cette interprétation, la vibration diffusée sous l’action d’une onde primaire monochomatique doit avoir très exactement la même fréquence que cette onde primaire. (…) Mais une étude plus précise de la diffusion des rayons X par la matière a permis de constater qu’à côté de la diffusion sans changement de fréquence prévue par la théorie électromagnétique, il se produisait une diffusion avec diminution d e fréquence tout à fait impossible à prévoir par le raisonnement classique. (…) La radiation diffusée a une fréquence variable avec l’angle de diffusion, mais indépendante de la nature du corps. diffuseur. Mr Compton, et presque en même temps Mr Debye, ont eu l’idée que ces lois pouvaient s’interpréter en assimilant la diffusion avec changement de fréquence à un choc entre un photon incident et un électron contenu dans la matière. Au moment du choc, il y a échange d’énergie et de quantité de mouvement entre le photon et l’électron et, comme l’électron peut en général être considéré comme presque immobile en comparaison du photon, c’est toujours le photon qui perd de l’énergie au profit de l’électron. La fréquence du photon étant proportionnelle à son énergie, il y a abaissement de la fréquence au moment du choc. (…) L’effet Compton a apporté à la théorie des photons une éclatante confirmation. (…) On peut encore citer comme confirmation de la conception des photons la découverte de l’effet Raman un peu postérieure à l’effet Compton. (…) Bref, depuis trente ans, l’hypothèse d’après laquelle l’énergie lumineuse présenterait une structure granulaire s’est montrée très féconde et il n’y a pas de doute qu’elle ne nous révèle un aspect essentiel de la réalité physique. (…) Mais comment imaginer l’existence de grains de lumière insécables alors que les expériences d’interférences montrent qu’on peut obtenir des trains d’onde cohérents de plusieurs mètres ? Si l’on suppose l’énergie lumineuse concentrée en grains bien localisés dans l’espace, comment comprendre l’existence même des interférences ? (...)
La découverte de l’effet photoélectrique indiquait la nécessité de revenir vers une conception de ce genre (granulaire), mais en même temps, la forme même de la relation d’Einstein montrait qu’il fallait unir la conception granulaire et celle des ondes, de manière que les deux termes de la relation aient un sens physique.
Il faut signaler une difficulté plus subtile. Dans les conceptions classiques, l’énergie d’un corpuscule est une grandeur qui a une valeur parfaitement déterminée. Par contre, dans la théorie du rayonnement, on ne peut jamais considérer un rayonnement comme strictement monochromatique : un rayonnement contient toujours des composantes dont les fréquences occupent un petit intervalle spectral, intervalle qui peut être très petit, mais ne peut être rigoureusement nul. C’est un fait sur lequel P. Planck a beaucoup insisté dans ses exposés sur la théorie du rayonnement. Dès lors, la relation d’Einstein qui égale l’énergie du corpuscule de lumière au produit par h de la fréquence de l’onde classique correspondante, a quelque chose de paradoxal puisqu’elle égale une quantité bien définie à une autre qui ne l’est pas. Le développement de la mécanique ondulatoire a montré plus tard quel était le sens véritable de cette difficulté.
En résumé, l’hypothèse des photons, merveilleusement adaptée à l’interprétation de l’effet photoélectrique et de l’effet Compton, ne peut pas conduire à une théorie purement corpusculaire des radiations. (…)
Nous ne pouvons pas explorer directement l’intérieur de l’atome, ce microcosme inimaginablement petit où toutes les grandeurs sont des fractions infimes de celles que nous pouvons percevoir. La structure de l’atome ne peut nous être révélée que par des phénomènes observables à notre échelle qui sont des conséquences de cette structure. Au nombre de ces phénomènes, figurent les spectres de raies lumineuses qui sont émis dans certaines conditions d’excitation thermique ou électrique par les atomes des corps simples. Ces raies lumineuses sont, en effet, caractéristiques des atomes qui les émettent : elles correspondent à des événements qui se produisent à l’intérieur de ces atomes et peuvent par suite nous renseigner sur leur structure. (…) L’exploration du spectre de l’hydrogène en dehors des limites du visible a révélé l’existence d’une série ultraviolette (série de Lyman) et de séries infrarouges (séries de Pashen, de Brackett, de Pfund) (…) Pour chaque atome, il est possible de trouver une suite de nombres, appelés les termes spectraux de l’atome considéré, tels que la fréquence de toute raie spectrale de cet atome soit égale à la différence de deux de ces termes spectraux. (…) »

Louis de Broglie dans « La physique nouvelle et les quanta »

« Richard Feynman demandait à son fils : « Lorsqu’un atome fait une transition d’un état à un autre, il émet un photon. D’où vient le photon ? » (…) Dans la terminologie de Feynman, le quantum est un photon virtuel. »

Jean-Paul Auffray dans « L’atome »

« On trouve difficilement en physique une loi plus simple que celle de la propagation de la lumière dans le vide. Tout écolier sait ou croit savoir que la lumière se propage en ligne droite avec une vitesse de 300000 km/s. Nous savons en tout cas avec une grande exactitude que cette vitesse est la même pour toutes les couleurs. »

La relativité, Albert Einstein

« Baignant dans la lumière ou l’obscurité, tangent par le sens intéressé à l’ambiance qui y suscite les impressions lumineuses, l’homme ne réclamait pas plus d’explication pour la vue que pour le toucher. Il en exigea lorsqu’on lui apprit que la lumière n’est pas un phénomène accompli à vitesse infinie et, par là même, statique, créateur d’une idée innée comme l’étendue, mais un phénomène dynamique. La lumière se propageait, en ligne droite, avec une vitesse finie et même dans le vide. L’explication qu’on n’avait pas demandée, il suffisait qu’on l’annonçât pour qu’elle fût trouvée nécessaire, mais insuffisante. »

Lucien Fabre, Une nouvelle figure du monde. Les Théories d’Einstein

« Maxwell ne donne pas une explication mécanique de l’électricité et du magnétisme ; il se borne à démontrer que cette explication est possible. Il montre également que les phénomènes optiques ne sont qu’un cas particulier des phénomènes électromagnétiques. De toute théorie de l’électricité, on pourra donc déduire immédiatement une théorie de la lumière. La réciproque n’est malheureusement pas vraie ; d’une explication complète de la lumière, il n’est pas toujours aisé de tirer une explication complète des phénomènes électriques. Cela n’est pas facile, en particulier, si l’on veut partir de la théorie de Fresnel ; cela ne serait sans doute pas impossible ; mais on n’en arrive pas moins à se demander si l’on ne va pas être forcé de renoncer à d’admirables résultats que l’on croyait définitivement acquis. Cela semble un pas en arrière ; et beaucoup de bons esprits ne veulent pas s’y résigner. »

Poincaré, La Science et l’Hypothèse

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