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Société sans Etat : celle du passé et… celle de l’avenir…

lundi 15 janvier 2024, par Robert Paris

Société sans Etat : celle du passé et… celle de l’avenir…

Saviez-vous que, lorsque Socrate était assassiné par Athènes, il n’y avait pas enccore vraiment d’Etat, pas d’armée ni de police permanentes…

Saviez-vous que la civilisation de l’Indus n’avait pas d’Etat, que les civilisations égyptienne, chinoise ou mésopotamienne sont nées bien avant, très très longtemps avant l’Etat.

Saviez-vous que les anciennes civilisations de méso-amérique comme Caral sont nées avant l’Etat.

Saviez-vous que les civilisations indiennes d’Amérique du nord n’avaient pas l’Etat.

Lorsque l’on veut étudier l’apparition de la civilisation d’un point de vue marxiste, il convient de rappeler d’abord que Marx et Engels ont développé de nombreuses idées sur l’évolution historique des sociétés à partir d’une connaissance historique très rudimentaire, celle de leur époque. Maurice Godelier signalait à ce propos dans « Sur les sociétés pré-capitalistes » : « Nous avons déjà signalé que l’archéologie de la Grèce et de la Rome archaïques n’existaient pas à l’époque où Marx et d’Engels écrivaient, que l’archéologie des pays du Proche-Orient sauf l’Egypte était en train de naïtre, que l’archéologie et la conaissance de l’histoire antique de la Chine, de l’Indonésie, du Japon et des grandes civilisations précolombiennes n’avaient pas vu le jour. Il fallut attendre la découverte du site de Jarno en Irak central et les fouilles de Braidwood (1948-1951) pour que soit exhumé un témoin des premières communautés villageoises « (5000 ans avant J.-C) contemporaines du début de l’agriculture sédentarisée et de la domestication des animaux. Depuis, les découvertes se sont multipliées et confirment que villes et Etats sont apparus bien après le développement des communautés villageoises. En Mésopotamie du sud, par exemple, la communauté villageaoise est attestée en 9250 avant J.-C et les premières cités-Etats sumériennes commencent à apparaître en 3500 avant J.-C. » Il faut rajouter d’autres découvertes récentes dues aux recherches archéologiques et aux réflexions des auteurs sur la préhistoire et l’histoire. En particulier, on découvre que la ville est apparue des années avant l’Etat, que la civilisation a connu un énorme développement bien avant l’organisation politique, policière, militaire, centralisée des classes dirigeantes. La première forme centralisée de l’Etat, dont le modèle est le règne des pharaons a souvent été présenté, comme un « despotisme asiatique » fondé sur l’organisation centralisée d’un progrès important : l’irrigation. Maurice Godelier rappelle que cette thèse s’est révélée fausse : « Ce n’est donc pas l’existence des grands travaux dirigés par un pouvoir central qui fera appartenir une société au mode de production asiatique, mais l’existence de communautés qui possèdent collectivement les moyens de production essentiels dont le contrôle ultime est dans les mains de l’Etat. » Un ouvrage récent intitulé "Archéologie historique de la Grèce antique" et écrit par Etienne, Müller¨et Prost rappelle que les cités de l’époque minoenne (nées aux environs de 2000 avant J.-C) n’étaient pas des cités-Etats et qu’elles ont disparu bien avant qu’une nouvelle civilsation, en rupture avec la première, donne naissance à des cités-Etat, beaucoup plsu tard : vers 750 avant J.-C.

Avant même l’apparition de l’Etat, avant même la naissance des villes, le néolithique est une véritable révolution sociale, le renversement de la société nomade des chasseurs-cueilleurs, la remise en cause de leurs croyances autant que de leur mode de vie. Les dernières études sur la néolithisation vont dans le sens d’une transformation par bonds et non d’une évolution continue et graduelle, qu’il s’agisse d’une population exportant ses coutumes et modes sociales en se déplaçant, ou d’une transplantation d’idées, de culture, d’idées, de progrès technologiques et conceptuels et d’un mode de vie et de travail. Ces hypothèses ont longtemps été agitées par les spécialistes mais diverses études commencent à trancher le débat, montrant que de tels changements sont des révolutions sociales. Au Néolithique, agriculture et élevage ont remplacé cueillette et chasse. Là où le nomadisme avait laissé place à des villages, des villes se sont développées à une vitesse étonnante, des inégalités sociales sont apparus. Cela s’est déroulé il y a 12.000 ans en Anatolie, dans le Sud-Est de la Turquie et au sein de la Turquie, atteignant la côte ouest (de la Turquie à la Palestine) 9300 ans avant J.-C, mais ensuite il s’agit véritablement de bonds : 7000 ans avant J.-C en Grèce, 5500 ans avant J.-C en Europe centrale puis 4500 avant J.-C en France du sud et en Espagne. Des études du matériel génétique portant sur des squelettes anciens, notamment les travaux de l’équipe de l’anthropologue Wolfgang Haak en 2005, ne décèlent « aucune trace de mélange génétique », comme le rappelle un article d’Agnès Trimoreau dans « Sciences et vie » d’août 2006. D’où la conclusion provisoire contre la thèse de la colonisation par une population. Les dates reconnues de néolithisation notamment dues aux recherches sur les dépôts de graines contraignent également à renoncer à la thèse d’une progression « culturelle » lente. Il s’agit bien d’une révolution sociale avec tout ce que cela suppose de changement brutal, radical, renversant un ordre ancien. Cela amène l’auteur de l’article précédemment cité à conclure que « En trois millénaires, l’agriculture a progressé par bonds. » L’idée d’une progression culturelle se propageant continûment et pourtant même leurs adeptes reconnaissent des constatations qui ne vont nullement dans ce sens. C’est le cas de l’historien Paul Radin dans « la civilisation indienne » qui y défend la progression continue de l’influence Maya. Pourtant il écrit que « L’influence Maya s’étendit vers le nord. Au delà du Rio Grande ou du Golfe du Mexique, elle formait le centre de toute vie sociale, économique et religieuse. Là où la culture du maïs s’arrêtait, finissait également la civilisation. Parvenue à l’isthme de Panama, nous nous trouvons devant une solution de continuité. (...) Nous nous attendions à voir la civilisation décroître graduellement au sud de l’isthme au fur et à mesure que nous pénétrions en Amérique du sud. Pourtant en Colombie, en Equateur, au Pérou et en Bolivie, le niveau atteint par les Maya se maintient presque partout. » On retiendra non seulement la « solution de continuité », c’est-à-dire la discontinuité mais aussi le fait que la civilisation s’arrête là où se termine la culture du maïs. Cela signifie que ce n’est pas seulement un concept culturel qui s’impose mais un système d’exploitation fondé sur une forme de travail de la terre.

L’Etat, un produit positif de la civilisation, ou un sous-produit négatif de la révolution ?

Dans son ouvrage « De la préhistoire à l’histoire », Gordon Childe décrit également les grandes civilisations comme des produits du progrès continu, sur le plan politique, économique, scientifique et technique. Les Etats égyptien, mésopotamien ou grec y sont considérés comme des produits de cette évolution positive. Ainsi, pour Gordon Childe, les destructions de régimes ou de sociétés sont le fait des « invasions barbares » et n’engendrent que des reculs. Les grandes évolutions sont le fait de grands hommes comme Hammourabi. Quant aux changements brutaux, eux-mêmes, ils ne seraient que le fait des féodaux ou des puissants. Gordon Childe écrit ainsi : « En Egypte, les gouverneurs de province, devenus héréditaires, furent à l’origine de la destruction de l’ancien empire, chacun voulant devenir un petit pharaon. L’anarchie enfanta le chaos économique. » Le désordre au sommet aurait entraîné le désordre en bas. Cette image est très insuffisante : la révolution d’en bas n’est pas une révolte de palais. Le scribe Iouper nous transmet ainsi, dans un papyrus découvert à Memphis, ses leçons de la révolution (document conservé au musée de Leyde Pays-Bas) : « Les villes de Haute et Basse Egypte sont détruites et se consument. Le palais des rois est dépouillé, même les morts sont devenus des étrangers. Contemplez ce qui arrive lorsque les hommes se hasardent à se rebeller contre l’uræus divin, grâce auquel le dieu Rê pacifie les deux terres. » Ce sont les pauvres qui furent à l’origine du renversement du régime des pharaons pendant 200 ans et, quand le régime fut remis sur ses pieds, il ne reposait plus sur les mêmes bases. Les pharaons furent contraints de modifier le mode de gestion, économique, sociale et politique pour éviter une nouvelle révolution. Ils donnèrent des droits aux pauvres, dont celui de pour un paysan de faire passer son seigneur en justice, ou encore le droit à l’éternité, jusque là un privilège du pharaon, de la famille royale et des proches du pharaon. Désormais, ils pouvaient même protéger leur vie dans les temples ou encore s’y réfugier en cas de grève, interruption du travail qui est devenue un droit. La classe dirigeante avait eu la démonstration de la nécessité d’un pouvoir central face aux classes exploitées et avait appris à se méfier de sa propre rapacité. Le régime pharaonique avait appris que les conditions de son maintient étaient sa propre transformation. Le Moyen Empire, tout en idéalisant en paroles l’Ancien Empire, n’en était pas la copie. Le jeune futur pharaon venant au pouvoir devait apprendre [11] désormais à se méfier des gouverneurs corrompus capables de vendre les stocks de blé d’Etat et ainsi de provoquer la révolution. Cette transformation profonde du régime pharaonique n’a pas été lente, continue ou graduelle, mais elle a été le produit de la destruction, de l’agitation et de la révolution de - 2.060 avant J.-C en Egypte. « Elle va permettre aux membres du peuple, non-nobles, d’être eux aussi initiés, d’accéder à l’âme, l’écriture et l’immortalité. Cette révolution va entraîner la « participation » du peuple au système, et transformer les relations de domination simples de l’Ancien Empire en relations « religieuses » et « morales ». Ce processus est aussi vrai en Chine qu’en Egypte ; on peut dire qu’il apparaît avec Confucius (fin 6ème – début 5ème siècle avant J.-C ) pour se généraliser avec le bouddhisme. » écrit Jean-Marc Lepers. Gordon Childe cite également la chute de l’empire sumérien mais il ne voit pas en quoi cette révolution a produit une prise de conscience chez ses successeurs de Babylone : « Les rois sumériens d’Ur fondèrent un empire vers – 2100 avant J.-C (...) Vers – 1800 avant J.-C, une dynastie qui régnait à Babylone fit de Sumer et d’Akkad un royaume unifié : le royaume de Babylone. Le roi Hammourabi se proclama dieu d’empire ; il organisa une administration composée de gouverneurs, imposa un code légal unifié (...) Hammourabi publia ses lois ’’pour établir la justice dans le pays, détruire les méchants et les criminels et empêcher les forts d’opprimer les faibles. ». Voilà encore un grand homme qui aurait pu imposer aux classes dirigeantes des limites à leur rapacité par des lois, sans que les classes opprimées ne l’y ait poussé ! En réalité, il vient peu après le renversement de l’empire qui régnait sur Sumer et en tire les leçons. Ses réformes sont aussi marquées par la même menace révolutionnaire que celle qui a renversé les pharaons d’Egypte.

Même s’il ne se refuse pas parfois à parler de lutte de classes, ayant quelques liens avec les staliniens, Gordon Childe préfère faire appel à la force de l’évolution technique, le progressisme (philosophie commune à la bourgeoisie et aux staliniens, selon laquelle le progrès entraîne le progrès et la destruction entraîne la régression). Il s’agit non seulement d’une conception gradualiste mais d’une philosophie antidialectique selon laquelle le positif produit du positif et le négatif du négatif. Citons ainsi la conclusion de son ouvrage intitulé « De la préhistoire à l’histoire » : « Le progrès est un fait. Il n’est pas continu, bien sûr, mais sa courbe, si sa courbe comporte des dents de scie, n’en est pas moins ascendante (...). » Nous allons, au contraire, développer une conception tout à fait différente dans laquelle le positif cause du négatif et inversement, une conception dans laquelle il n’y a pas de courbe ascendante du progrès, ni de continuité. Ce n’est pas le progrès économique et social qui produit linéairement et inévitablement l’Etat. C’est, au contraire, la menace causée par des troubles sociaux qui a entraîné, pour la classe dirigeante, la nécessité de créer l’Etat ou de le renforcer et de le rende indépendant de la société civile. Il faut un pouvoir considéré comme supérieur, relié à dieu, possédant une force brutale indiscutable face aux citoyens, parce que ces citoyens deviennent de dangereux adversaires de l’ordre social. Et le rôle conservateur de l’Etat cause lui-même la montée et la concentration des mécontentements contre lui, la révolution. L’Etat et la révolution sont certes deux pôles de la contradiction mais ils s’unissent autant qu’ils se contredisent. La révolution brise l’Etat mais elle a d’abord contribué à le fonder, elle a déterminé sa forme et sa politique. La nécessité de l’Etat n’est devenue impérieuse qu’à cause de la menace des pauvres sur les sociétés passées de l’économie naturelle à l’abondance. La raison en est le développement explosif des inégalités et, avec le développement de l’agriculture, celui des concentrations de populations, les villes. Avec ces agglomérations considérables de populations pauvres, avec l’accroissement considérable des risques d’explosion sociale, la nécessité d’un pouvoir central craint et capable de réprimer s’est faite sentir pour les classes riches. La partie la plus aisée de la société civile a accepté d’aliéner une partie de son pouvoir pour garder sa domination sociale.

Etienne Balazs, un historien, qui n’est pas suspect de sympathie vis-à-vis du marxisme, expose dans « La bureaucratie céleste » la mise en place de l’Etat chinois, un sacrifice des grands propriétaires féodaux individuels en vue de la défense de leurs intérêts collectifs menacés par la révolution et un système d’oppression violente de la population la plus pauvre : « L’unification de la Chine sous le sceptre du « Premier Empereur » Quin Shi Huangdi, (...) (221-206 av J.-C) a donné à la Chine impériale ses assises définitives : abolition du féodalisme et son remplacement par une monarchie bureaucratique fortement centralisée et hiérarchisée. » Quelle est, selon Etienne Balazs, l’origine de cet Etat et de ce bureaucratisme écrasant ? « L’arrière-plan (...) est la désintégration d’une société féodale et la désagrégation de la souveraineté des Zhou dont les vassaux deviennent des principautés indépendantes, en continuelle guerre l’un contre l’autre, et la désagrégation des anciennes classes féodales. Un long parcours douloureux dont le résultat le plus remarquable sera la naissance d’une nouvelle couche sociale intermédiaire entre les seigneurs et le peuple commun des serfs. Cette nouvelle couche de lettrés inquiète, ambitieuse et à peine consciente de son rôle et de sa future autonomie, voudrait sauver de l’insécurité générale toute la société. » Loin d’être synonyme de progrès, l’Etat défend la stagnation sociale, politique et même intellectuelle : « Si l’on comprend par totalitarisme l’emprise totale de l’Etat et de ses organes exécutifs, les fonctionnaires, sur toutes les activités de la vie sociale sans exception, la société chinoise était à un haut degré totalitaire. (...) Aucune initiative privée, nulle expression de la vie publique qui pourrait échapper à la réglementation officielle. (...) L’Etat-providence surveille minutieusement chaque pas de ses sujets. » Il est cependant courant de présenter la richesse de la société par la grandeur de son Etat. L’auteur rompt avec ce mythe : « C’est un régime de paperasseries et de tracasseries (...) C’est l’Etat qu tue l’invention technique en Chine. (...) L’ambiance de routine, de traditionalisme et d’immobilisme jette la suspicion sur toute novation (...). »

En Histoire, les révolutions de l’Antiquité sont quasiment passées sous silence. Dans les études scolaires, l’Antiquité est largement développée et, pourtant, les élèves n’ont certainement pas retenu que les révolutions l’aient marquée. Egypte, Mésopotamie, Grèce, Rome rappellent certainement un pouvoir central fort pour les étudiants en histoire mais pas des révolutions. Les époques de crise et d’insurrections populaires sont intitulées « âges sombres » pour la chute de la civilisation de l’Indus, « troubles intérieurs » (en Mésopotamie en –1750) ou « interrègne » (à propos du renversement du régime des pharaons d’Egypte, en – 2260), ou encore « période sombre » (pour les révolutions de la Grèce antique en –1200). Il ne s’agit pas d’événements sans grande importance puisqu’à chaque fois la destruction est de grande ampleur, la civilisation est balayée, le régime détruit et l’est souvent pour des durées considérables, sinon à jamais. Curieusement, l’Histoire ne nous a pas gâtés en détails sur des périodes charnières aussi fondamentales de chacun de ces pays. Autant les actes « glorieux » des monarques, leurs constructions prétentieuses, leurs guerres et leurs conquêtes sont décrits avec un grand luxe de détail, autant les luttes sociales et politiques des peuples contre les dictateurs sont parcimonieusement relatées et même rarement reconnues. Quel amateur de la civilisation égyptienne se souvient qu’on lui ait relaté la révolution sociale mettant fin au régime des pharaons et faisant chuter la classe dirigeante et le pharaon Pépi II, en – 2260 avant J.-C [12] ? Cette insurrection des exploités a pourtant marqué le pays pendant deux siècles d’interrègne, de – 2260 jusqu’en – 2050. Deux cent ans sans qu’un pharaon ne parvienne à coiffer les « Deux Pays », de haute et de basse Egypte, deux cent ans sans pouvoir central et sans que les plus pauvres respectent à nouveau les riches. On a retrouvé de multiples écrits des anciens membres des classes dirigeantes et, surtout, d’anciens membres de la classe moyenne qui se plaignent que les riches ne font plus la loi et sont eux-mêmes tombés dans la misère. Un ensemble de papyrus découverts à Memphis est écrit par le scribe Ipouer qui tente d’expliquer la révolution : « Les villes de haute et de basse Egypte sont détruites et se consument. Le palais des rois est dépouillé (...) Contemplez ce qu’il advient lorsque les hommes se hasardent à se rebeller contre l’uræus divin, grâce auquel le dieu Râ pacifie les deux terres. Le serpent de la science est saisi et les pillards sont partout. (...) Sache qu’il est bien que les hommes construisent des pyramides, creusent des étangs et plantes des arbres pour le plaisir des dieux et le bonheur des hommes. » Dans « Dictionnaire de la civilisation égyptienne », Guy Rachet, qui le cite, raconte ainsi : « Le pays fut le théâtre d’une véritable révolution sociale qui mit un terme à l’Ancien Empire. (...) Une révolution d’une violence inouïe éclata alors contre la noblesse et le roi. » Et de citer certains textes d’époque : « Il n’y a plus de droit et le Mal siège dans la chambre du conseil. (…) Il advint ce qui ne s’était jamais vu. On forge des lances en cuivre pour gagner son pain dans le sang. » Rachet commente ainsi les événements : « Cette haine fanatique contre le pharaon s’est reportée sur toute la lignée des rois de l’Ancien Empire et c’est ce qui explique les sarcophages des pyramides brisés et vidés de leurs restes humains et surtout les statues des rois jetées au fond des puits ou cassées jusqu’à être réduites en minuscules morceaux. Si cette révolution ouvre l’époque d’anarchie de la première période intermédiaire, si elle brise toutes les structures sociales de l’Ancien Empire, ses conséquences pour la vie morale du peuple égyptien sont sans doute incommensurables : le privilège de l’immortalité solaire, qui n’appartenait qu’au pharaon et à ceux que sa volonté royale avait élu, est donné désormais à tout Egyptien à quelque classe qu’il appartienne. Le renversement des institutions politiques fut un acte transitoire, mais la démocratisation des croyances funéraires fit sentir son effet dans toute la suite de l’histoire de l’Egypte. » Les pharaons, connaissant les capacités révolutionnaires du peuple et apprendront désormais à s’en méfier et à les combattre, comme le montrent « Les enseignements pour Mérikaré » cités par Guy Rachet : « Le roi enseigne à son fils le métier de roi « qui reste une bonne fonction ». Après avoir décrit la crise sociale qui suivit la révolution de la fin de l’Ancien Empire, le souverain expose comment le roi doit agir pour rétablir l’ordre et rendre son lustre à la monarchie. « L’homme violent jette le désordre dans la cité et crée des partis chez les jeunes gens. (...) Si tu rencontres un fauteur de désordre, supprime-le. » Beaucoup plus tard, le Nouvel Empire succéda au Moyen Empire après de nouveaux troubles ayant fait chuter le régime, un interrègne attribué à tort aux envahisseurs asiatiques (qui avaient, au contraire, su rétablir un pharaon), et les mêmes enseignements étaient donnés alors par le pharaon Amnénémès à son jeune fils, cités par Rachet : « Ecoute ce que je te dis maintenant que tu es roi de la terre, maintenant que tu règnes sur les trois régions, afin que tu puisse être meilleur que tes prédécesseurs. Arme toi contre tous tes subordonnés. Le peuple donne son attention à celui qui le terrorise. Ne t’approche pas seul de lui. » Renverser Pharaon, ce n’est pas seulement balayer un chef de gouvernement mais casser un Etat. A l’époque, Pharaon n’est pas le nom d’un roi, mais le nom de la « maison » royale, c’est-à-dire des fonctionnaires. Ils sont l’œil du pouvoir dans la population et contre elle. Ils s’assurent que les exploités produisent suffisamment. Ils vérifient qu’ils ne complotent pas. Ils démontrent au peuple qu’il est sans cesse surveillé. C’est ce que l’on appellerait aujourd’hui l’appareil d’Etat.
Partout dans le monde, sur tous les continents, à toutes les époques, l’Etat a été en butte aux révolutions qui l’ont menacé ou renversé. Elles ne sont pas plus connues que celles qui ont concerné l’Etat pharaonique. Peu se souviennent de Sumer à propos de la révolution sociale (contre les riches et les religieux) qui renversa la dynastie d’Ur-Nanshé vers – 2400 (avant J.-C), ni de celle contre l’Etat de Mésopotamie (en – 1750 avant J.-C) [13], ni encore de celle contre l’Etat et la classe dirigeante de l’île de Crête (qui détruisit tous les bâtiments officiels et tous les édifices religieux du régime de Cnossos en 1425 avant J.-C). Les analyses historiques de la chute de la Crête de Cnossos évoquent souvent un tremblement de terre ou une éruption volcanique [14]. L’historien Moses Finley, peu suspect de voir partout des révolutions comme on va le voir à propos de Troie, explique, dans « Les premiers temps de la Grèce », « Il faut donc qu’il y ait eu une cause sociale ou politique ». En ce qui concerne la chute de Troie, Moses Finley écrit ainsi dans « Les premiers temps de la Grèce » : « Troie VI fut détruite et l’ampleur de la catastrophe fut telle qu’on pense à un tremblement de terre plutôt qu’à l’action des hommes. (...) Destruction signifie d’abord démolition des palais et des forteresses. Il est légitime d’admettre que disparaît avec eux cette structure sociale spécifique, de forme pyramidale, dont ils étaient l’expression. (...) La disparition du palais fut si complète que jamais plus on ne le revit dans l’histoire ultérieure de la Grèce. » Il s’agit d’abord d’une transformation sociale mais Moses Finley n’envisage que l’action destructrice de peuples envahisseurs et ne discute pas, même pour la réfuter, l’hypothèse d’une révolution sociale. « L’empire hittite tomba en 1200 ou 1190. Bien que n’ayant aucun texte permettant d’identifier avec certitude les agents de cette destruction, il est de plus en plus probable qu’il existe un lien entre cet événement et les grandes invasions menées dans la partie orientale du monde égéen par une coalition assez lâche de peuples connus sous le nom des ’’peuples de la mer.’’ » En ce qui concerne la chute du monde mycénien, Moses Finley est moins opposé à une hypothèse révolutionnaire, tout en prétendant qu’elle est indémontrable : parlant des « siècles obscurs » qui ont connu le renversement des régimes royaux grecs, « De la Thessalie, au nord, jusqu’à Messénie et la Laconie, au sud, une douzaine de forteresses et de complexes palatiaux au moins furent complètement détruits, notamment à Iolkos, Krisa, Gria, Pylos, Mycènes et près de Sparte. L’archéologie oblige à considérer que toutes ces destructions comme contemporaines et à la date de l’année 1200 ; il est d’autre part difficile d’imaginer qu’elles n’ont aucun rapport avec des mouvements des ’’peuples de la mer’’ et des destructions de l’empire hittite. La coïncidence serait trop remarquable et le serait d’autant plus à partir du moment où l’on prend en considération que l’agitation s’étendit vers l’est jusqu’en Mésopotamie et toucha à l’ouest l’Italie, les îles Lipari, la Sicile et peut-être la France ainsi que la mer Baltique au nord. Voilà qui indique un mouvement de peuples de grande ampleur. » Cela indique surtout que Moses Finley n’envisage pas un mouvement social s’étendant de part en part comme une vague, un tsunami social. Pourtant le monde connaîtra ce type de vague dans les années 1780 ou 1848. Cependant, même Moses Finley que l’on a vu peu enclin à présenter l’effondrement du monde grec en – 1200 comme une révolution, le décrit ainsi : « après l’élimination des rois du monde mycénien et, avec eux, de toute l’organisation du pouvoir dont ils étaient comme la tête, la société eut à se réorganiser en trouvant de nouveaux modes de fonctionnement, de nouvelles valeurs conformes aux nouvelles conditions matérielles et à la situation sociale nouvelle. (...) Si, comme c’est probable mais non démontrable, le monde mycénien, au moment de sa disparition, n’a pas été sans connaître des soulèvements sociaux internes, il serait logique de penser qu’on s’en est souvenu lorsqu’il s’est agi de mettre en place de nouvelles structures. » Comme on le voit, c’est sur un mode très défensif et prudent que Moses Finley reconnaît par ci par là la place de la révolution, tout en s’excusant par avance de le faire. Il en va de même quand Moses Finley analyse la chute de Cnossos en Crête : « Le minoen récent II vit Cnossos au sommet de sa puissance. Depuis Evans, on a toujours placé la fin de cette période vers - 1400 avant J.-C. Ce fut donc une ère assez brève ; elle se termina par une catastrophe qui toucha l’ensemble de l’île. Un tremblement de terre a pu être un des facteurs, mais il n’est pas à lui seul une explication suffisante, car cette fois-ci, contrairement aux précédentes, il n’y a pas eu de rétablissement (...) Peut-être une catastrophe naturelle (si c’est réellement ce qui s’est produit) s’est-elle suivie par l’expulsion des maîtres grecs, sous le coup de quelque insurrection populaire qui balaya du même coup les vestiges d’une puissance insulaire déjà sérieusement affaiblie par les envahisseurs grecs au siècle précédent. Mais ce ne sont là que des spéculations ne reposant sur rien de solide. » Quand il n’a aucune preuve d’une invasion de peuples ou d’un tremblement de terre, il ne met pas autan de précautions oratoires que lorsqu’il a évidemment affaire à une révolution sociale ! Ainsi, après avoir expliqué la destruction du palais Kato Zakro de Crête par un soulèvement volcanique à Santorin, il rajoute : « il faut donc qu’il y ait eu une cause sociale ou politique à l’abandon de Kato Zakro. » C’est toujours très discrètement et avec beaucoup de précautions qu’est envisagée l’hypothèse d’une révolution sociale qui est présentée, au mieux, comme une cause seconde.

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article51

Partout dans le monde, des anciennes sociétés sans Etat : chasseurs, cueilleurs et même agriculteurs, peuples des villes à leurs débuts n’ont pas connu l’Etat…

Partout il y a eu un « avant l’Etat »…

Les sociétés primitives avant l’Etat étaient parfois très développées et civilisées…

https://books.openedition.org/pur/165002?lang=fr

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article5265

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article243

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article229

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1618

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2088

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article222

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4218

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5247

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5238

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5235

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5263

Rien n’illustre mieux la jeunesse des formes étatiques que cette donnée statistique : la vie de l’Etat ne couvre que 0.2 % de toute l’aventure de l’humanité. De quoi éprouver le vertige... En effet, pour le reste des 99,8 % de cette durée, les hommes n’ont guère eu de milieu social plus large que celui des bandes et des villages autonomes, tout en n’ayant vraisemblablement pas la conception de plus larges collectivités. Si donc l’on additionnait la durée de l’Etat moderne et contemporain avec celle des trois formes d’« Etats » antiques (infra-Etats. extra-Etats. cités-Etat), le résultat se lirait selon cette proportion dérisoire d’un cinquième de 1 %depuis les débuts de l’humanité préhistorique.

https://www.cairn.info/petit-traite-de-l-etat--9782130427001-page-21.htm

L’histoire de l’État a en vérité moins de 6 000 ans, donc pour la plupart de la préhistoire humaine l’État n’existait pas. Comme l’Homo sapiens existe depuis environ 200 000 ans, cela implique que les sociétés organisées en États ont existé pendant au plus 3 % de toute l’histoire humaine.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_sans_%C3%89tat

Une société primitive sans classes et sans Etat

De Robert Frossart, dans « La société » (tome quatre : les classes)

"Il est très probable que beaucoup de sociétés primitives ont mal supporté les tensions multiples que l’agglomération d’hommes plus nombreux faisait subir à leurs liens et à leurs idées traditionnelles et que la fragile pyramide en formation s’est maintes fois effondrée. Mais il suffit que la pyramide ait tenu quelques fois, pour que la novation finisse par s’opérer, c’est-à-dire pour que le processus d’affirmation de l’État et d’accentuation des différenciations sociales jusqu’à la cristallisation de classes sociales distinctes soit irréversiblement enclenché. Ce processus a vraisemblablement pris tournure plusieurs fois, en des aires et en des périodes très différentes. Aujourd’hui encore, on ne sait établir aucun lien de filiation ou de préséance entre les processus qui ont abouti, par exemple, à la formation de l’Égypte ancienne et à celle de la Chine ancienne et, de façon plus évidente encore, on ne peut établir aucune liaison entre ces deux processus et celui dont le Mexique aztèque a été le résultat. Une telle pluralité a valeur de preuve : elle rend hautement plausible l’hypothèse suivant laquelle la conjonction aléatoire et accidentelle des facteurs ayant permis la cristallisation des classes et de l’État est elle-même le résultat hasardeux d’une dérive spontanée où les sociétés primitives ont tout essayé, à tâtons, et où ont survécu celles dont, par hasard ou par chance, les essais répondaient aux contraintes du milieu naturel et de l’environnement social. (...) La liaison originelle entre les classes et l’État apparaît ainsi comme tout à fait fondamentale et indissociable. Il ne faut pas confondre cette liaison originelle avec la relation structurelle qui existe entre les classes et l’État, dans toute société où la division en classes est bien établie : l’État apparaît alors comme l’instrument de domination d’une ou plusieurs classes sur une ou plusieurs autres (t. 1, n° 39). Mais les classes et l’État entre lesquels cette relation structurelle existe ne sont pas des choses fixes, données une fois pour toutes, sous l’une quelconque de leurs formes. Les sociétés sont le siège d’un processus d’étatisation par lequel l’État, qui émerge finalement des brumes primitives, s’affermit, se spécifie et se densifie peu à peu. (...) il faut prendre à sa juste valeur l’expression traditionnelle : les sociétés sans classes. L’absence des classes n’est l’indice d’aucune perfection, d’aucune supériorité, mais au contraire la marque de leur primitivisme, le signe de leur fragilité et de leur misère. Ce sont de faibles et misérables sociétés, presque totalement immergées dans leur dépendance à l’égard d’un donné naturel, dont un travail millénaire leur apprend à tirer quelque parti. Ce sont des sociétés où la faiblesse et la dépendance toutes relatives des femelles de l’espèce animale-humaine se convertissent en une dépendance générale des femmes à l’égard des hommes, en une infériorité sociale permanente des femmes. Ce sont des sociétés sans doute souvent cruelles aux vieux, nonobstant les rites funéraires destinés à pacifier leurs esprits ; et probablement tout aussi cruelles pour les jeunes, qui ne peuvent échapper à l’absolue contrainte du travail que le temps d’apprendre à se tenir sur leurs pieds et à coordonner leurs mouvements. Ce sont des sociétés tout aussi cruelles pour les hommes, adultes et mâles, exposés comme tous leurs congénères à une vie laborieuse, harassante et sans doute brève.
Pour tout dire, ce sont des sociétés sans classes et sans État, parce qu’elles n’ont pas les moyens de faire tenir ensemble une population de quelque importance et de faire bourgeonner ce repli de la société sur elle-même, ce groupe d’hommes distraits de la production, dont l’État, les classes et la civilisation seront les produits. Quand ces moyens sont enfin réunis accidentellement, les sociétés accomplissent un immense progrès : elles se divisent en classes et se dotent d’un État. Je ne suis pas loin de penser que le sort réservé aux plus misérables de ces classes (les esclaves, les plus maltraitées des communautés soumises à un pouvoir tributaire, etc.) demeure, sauf exceptions, égal ou supérieur à ce qu’était le sort commun des populations, jadis assemblées en communautés primitives."

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1429

Sur la société sans classe, sans propriété privée et sans Etat

Alain Testart

"Comment classer les sociétés"

"On a longtemps identifié les sociétés primitives - sans Etat et sans richesses - à des sociétés simples. Elles seraient suivies de sociétés complexes où règnent les inégalités et le pouvoir séparé. (…)
"Le plus grand choc fut, lors de la colonisation de l’Amérique, lorsque les Occidentaux prirent conscience de l’existence de sociétés plus étranges encore et pour lesquelles ils frappèrent ce mot resté longtemps en vigueur : celles habitées par des peuples sauvages "sans foi, ni roi, ni loi". C’était sur beaucoup de points une énorme méprise, car pour n’être ni mahométans ni chrétiens, ces peuples avaient des croyances religieuses auxquelles ils tenaient fort, et ils avaient des coutumes tout aussi contraignantes que nos lois. Mais ils n’avaient pas de roi. Ni de président de la république ni aucune instance de cette nature. Leurs "chefs" n’étaient pas obéis aveuglément et, en cas de désaccord, le groupe se scindait pour que chacun puisse suivre la voie qui lui paraissait bonne. Comme ils n’avaient pas non plus de police, chacun s’entendait à faire la justice lui-même. (...) C’était des sociétés sans Etat, c’est-à-dire sans ce pouvoir que l’on dit "central" (...) Ces sociétés "sauvages" d’Amérique étaient donc sans roi, sans police, sans service militaire obligatoire (...) et sans impôts. (...) Pour les gens de ce type de société, notre règle de majorité doit apparaître comme une tyrannie insupportable, celle de la majorité sur la minorité. On ne la tolère pas plus qu’on ne tolèrerait un ordre émanant d’un chef. Le chef se doit au contraire se concilier, de tenter de maintenir le groupe intact, en prévenant les conflits et en essayant, forcément avec des compromis, de mettre tout le monde d’accord. Nous avons des exemples historiques de chefs qui ont voulu, ou paru, être trop autoritaires : ils se spnt éveillés seuls un matin, dans le camp, car tous s’étaient donné le mot pour le fuir. (...) Ce n’est pas une spécificité américaine, car cette même forme d’organisation politique se retrouve massivement en Océanie, et localement dans d’autres continents.

L’opposition entre sociétés sans Etat et sociétés avec est parfaitement repérée vers les années 1860 ou 1870. On la tient - à juste titre - pour une opposition majeure. (....) Tandis que dans les sociétés étatiques, c’est le lien politique qui représente la forme majeure de la sociabilité, c’est, dans les sociétés non étatiques, la parenté.(...)

Dans toutes ces sociétés, la richesse est forcément utile, nécessaire autant que pour nous, mais pour d’autres raisons.

Il y a donc des riches et des pauvres et l’idée d’une société primitive "égalitaire" est une absurdité. Chez les Trobriandais (habitants d’îles au large de la Nouvelle Guinée), certains possèdent plusieurs objets "kula" (biens qui servent aux échanges traditionnels) tandis que d’autres n’en ont aucun. Mais tous ont leurs champs. Ce qui n’existe pas dans ces sociétés, c’est la figure du grand propriétaire foncier. Pas plus que n’existe un paysan sans terre. Cela vaut autant pour la Mélanésie que pour l’Amérique du nord ou l’Afrique. Le monde qui nous est familier, celui de l’histoire occidentale depuis l’Antiquité, est celui de la propriété privée des moyens de production, laquelle se ramène pour l’essentiel, avant l’ère industrielle, à la propriété de la terre. "

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3030

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3029

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3028

Quelle est l’origine de l’Etat ?

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Genèse de l’Etat athénien

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La formation de l’État chez les Germains

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Ce n’est pas l’Etat qui a créé la civilisation d’Egypte

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Ce n’est pas l’Etat qui a créé la civilisation chinoise

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La naissance de la civilisation en Mésopotamie, ce n’est pas un produit de l’Etat

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El Argar, le premier Etat d’Europe occidentale, a été renversé par la révolution sociale

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La société sans Etat

Il fut un temps où l’Etat n’existait pas, où les rapports sociaux, la société elle-même, la discipline, l’organisation du travail tenaient par la force de l’habitude et des traditions, par l’autorité ou le respect dont jouissaient les anciens du clan ou les femmes, dont la situation était alors non seulement égale à celle des hommes, mais souvent même supérieure, et où il n’existait pas une catégorie particulière d’hommes, de spécialistes, pour gouverner. L’histoire montre que l’Etat, appareil coercitif distinct, n’a surgi que là et au moment où est apparue la division de la société en classes, donc la division en groupes d’hommes dont les uns peuvent constamment s’approprier le travail d’autrui, là où les uns exploitent les autres. (...)
Si vous considérez l’Etat en partant de cette division primordiale, vous constaterez, comme je l’ai déjà dit, qu’avant la division de la société en classes, l’Etat n’existait pas. Mais à mesure que se dessine et s’affirme la division de la société en classes, avec la naissance de la société de classes, on voit l’Etat apparaître et se consolider.

seul le communisme rend l’Etat absolument superflu, car il n’y a alors personne à mater, "personne" dans le sens d’aucune classe ; il n’y a plus lutte systématique contre une partie déterminée de la population. Nous ne sommes pas des utopistes et nous ne nions pas du tout que des excès individuels soient possibles et inévitables ; nous ne nions pas davantage qu’il soit nécessaire de réprimer ces excès. Mais, tout d’abord, point n’est besoin pour cela d’une machine spéciale, d’un appareil spécial de répression ; le peuple armé se chargera lui-même de cette besogne aussi simplement, aussi facilement qu’une foule quelconque d’hommes civilisés même dans la société actuelle sépare des gens qui se battent ou ne permet pas qu’on rudoie une femme. Ensuite, nous savons que la cause sociale profonde des excès qui constituent une violation des règles de la vie en société, c’est l’exploitation des masses, vouées au besoin, à la misère. Cette principale cause une fois écartée, les excès commenceront infailliblement à "s’éteindre". Avec quelle rapidité et quelle gradation, nous l’ignorons ; mais nous savons qu’ils s’éteindront. Et, avec eux, l’Etat s’éteindra à son tour.
Sans se lancer dans l’utopie, Marx a défini plus en détail ce qu’on peut définir maintenant de cet avenir, à savoir : la différence entre la phase (le degré, l’étape) inférieure et la phase supérieure de la société communiste.
PHASE SUPERIEURE DE LA SOCIETE COMMUNISTE
Marx poursuit :
"Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins"."
Maintenant seulement nous pouvons apprécier toute la justesse des remarques d’Engels, accablant de ses sarcasmes impitoyables cet absurde accouplement des mots "liberté" et "Etat". Tant que l’Etat existe, il n’y a pas de liberté. Quand il y aura la liberté, il n’y aura plus d’Etat.
La base économique de l’extinction totale de l’Etat, c’est le communisme arrivé à un si haut degré de développement que toute opposition disparaît entre le travail intellectuel et le travail manuel et que, par conséquent, disparaît l’une des principales sources de l’inégalité sociale contemporaine, source que la seule socialisation des moyens de production, la seule socialisation des moyens de production, la seule expropriation des capitaliste ne peut en aucune façon tarir d’emblée.
Cette expropriation rendra possible un essor gigantesque des forces productives. Et voyant comment le capitalisme, dès maintenant, entrave incroyablement cet essor, et combien de progrès l’on pourrait réaliser grâce à la technique moderne déjà acquise, nous sommes en droit d’affirmer, avec une certitude absolue, que l’expropriation des capitalistes entraînera nécessairement un développement prodigieux des forces productives de la société humaine. Mais quelle sera la rapidité de ce développement, quand aboutira-t-il à une rupture avec la division du travail, à la suppression de l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel, à la transformation du travail en "premier besoin vital", c’est ce que nous ne savons ni ne pouvons savoir.
Aussi n’avons-nous le droit de parler que de l’extinction inévitable de l’Etat, en soulignant la durée de ce processus sa dépendance de la rapidité avec laquelle se développera la phase supérieure du communisme, et en laissant complètement en suspens la question des délais ou des formes concrètes de cette extinction. Car les données qui nous permettraient de trancher de tels problèmes n’existent pas.
L’Etat pourra s’éteindre complètement quand la société aura réalisé le principe : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins", c’est-à-dire quand les hommes se seront si bien habitués à respecter les règles fondamentales de la vie en société et que leur travail sera devenu si productif qu’ils travailleront volontairement selon leurs capacités. chacun puisera librement "selon ses besoins".
Du point de vue bourgeois, il est aisé de traiter un semblable régime social de "pure utopie", et de railler les socialistes qui promettent à chaque citoyen le droit de recevoir de la société, sans aucun contrôle de son travail, autant qu’il voudra de truffes, d’automobiles, de pianos, etc. C’est à des railleries de cette nature que se bornent aujourd’hui encore la plupart des "savants" bourgeois, qui révèlent ainsi leur ignorance et leur mentalité de défenseurs intéressés du capitalisme.
Leur ignorance, car il n’est venu à l’esprit d’aucun socialiste de "promettre" l’avènement de la phase supérieure du communisme ; quant à la prévision de son avènement par les grands socialistes, elle suppose une productivité du travail différente de celle d’aujourd’hui, et la disparition de l’homme moyen d’aujourd’hui capable, comme les séminaristes de Pomialovski, de gaspiller "à plaisir" les richesses publiques et d’exiger l’impossible.
En attendant l’avènement de la phase "supérieure"" du communisme, les socialistes réclament de la société et de l’Etat qu’ils exercent le contrôle le plus rigoureux , sur la mesure de travail et la mesure de consommation ; mais ce contrôle doit commencer par l’expropriation des capitalistes, par le contrôle des ouvriers sur les capitalistes, et il doit être exercé non par l’Etat des fonctionnaires, mais par l’Etat des ouvriers armés.
La défense intéressée du capitalisme par les idéologues bourgeois (et leurs caudataires tels que les Tsérétéli, les Tchernov et cie) consiste précisément à escamoter, par des discussions et des phrases sur un avenir lointain, la question d’actualité brûlante de la politique d’aujourd’hui : l’expropriation des capitalistes, la transformation de tous les citoyens en travailleurs et employés d’un grand "syndicat" unique , à savoir : l’Etat tout entier, et la subordination absolue de tout le travail de tout ce syndicat à un Etat vraiment démocratique, à l’Etat des Soviets des députés ouvriers et soldats.
Au fond, lorsqu’un savant professeur, et après lui le philistin, et après lui les Tsérétéli et les Tchernov parlent des utopies insensées, des promesses démagogiques des bolchéviks, de l’impossibilité d’"instaurer" le socialisme, ils songent précisément à ce stade ou à cette phase supérieure du communisme, que personne n’a jamais promis ni même eu le dessein d’"instaurer", car, d’une façon générale, il est impossible de l’"instaurer".
Nous abordons ici la question de la distinction scientifique entre socialisme et communisme, effleurée par Engels dans le passage précédemment cité sur l’impropriété de l’appellation de "social-démocrate". Au point de vue politique la différence entre la première phase ou phase inférieure et la phase supérieure du communisme sera certainement considérable avec le temps ; mais aujourd’hui, en régime capitaliste, il serait ridicule d’en faire cas, et seuls peut-être quelques anarchistes pourraient la mettre au premier plan (si tant est qu’il subsiste encore parmi les anarchistes des gens qui n’aient rien appris à la suite de la métamorphose "plékhanovienne" des Kropotkine, des Grave, des Cornélissen et autres "étoiles" de l’anarchisme en social-chauvins ou en anarchistes-des-tranchées, suivant l’expression de Gay, un des rares anarchistes qui aient gardé honneur et conscience).
Mais la différence scientifique entre socialisme et communisme est claire. Ce qu’on appelle communément socialisme, Marx l’a appelé la "première" phase ou phase inférieure de la société communiste. Dans la mesure où les moyens de production deviennent propriété commune , le mot "communiste" peut s’appliquer également ici, à condition de ne pas oublier que ce n’est pas le communisme intégral. Le grand mérite des explications de Marx est d’appliquer, là encore, de façon conséquente, la dialectique matérialiste, la théorie de l’évolution, et de considérer le communisme comme quelque chose qui se développe à partir du capitalisme. Au lieu de s’en tenir à des définitions "imaginées", scolastiques et artificielles, à de stériles querelles de mots (qu’est-ce que le socialisme ? qu’est-ce que le communisme ?), Marx analyse ce qu’on pourrait appeler les degrés de la maturité économique du communisme.
Dans sa première phase, à son premier degré, le communisme ne peut pas encore, au point de vue économique, être complètement mûr, complètement affranchi des traditions ou des vestiges du capitalisme. De là, ce phénomène intéressant qu’est le maintien de l’"horizon borné du droit bourgeois ", en régime communiste, dans la première phase de celui-ci. Certes, le droit bourgeois, en ce qui concerne la répartition des objets de consommation, suppose nécessairement un Etat bourgeois, car le droit n’est rien sans un appareil capable de contraindre à l’observation de ses normes.
Il s’ensuit qu’en régime communiste subsistent pendant un certain temps non seulement le droit bourgeois, mais aussi l’Etat bourgeois - sans bourgeoisie !
Cela peut sembler un paradoxe ou simplement un jeu dialectique de l’esprit, ce que reprochent souvent au marxisme ceux qui n’ont jamais pris la peine d’en étudier, si peu que ce soit, la substance éminemment profonde.
En réalité, la vie nous montre à chaque pas, dans la nature et dans la société, des vestiges du passé subsistant dans le présent. Et ce n’est point d’une façon arbitraire que Marx a inséré dans le communisme une parcelle du droit "bourgeois" ; il n’a fait que constater ce qui, économiquement et politiquement, est inévitable dans une société issue des flancs du capitalisme.
La démocratie a une importance énorme dans la lutte que la classe ouvrière mène contre les capitalistes pour son affranchissement. Mais la démocratie n’est nullement une limite que l’on ne saurait franchir ; elle n’est qu’une étape sur la route de la féodalité au capitalisme et du capitalisme au communisme.
Démocratie veut dire égalité. On conçoit la portée immense qui s’attache à la lutte du prolétariat pour l’égalité et au mot d’ordre d’égalité, à condition de comprendre ce dernier exactement, dans le sens de la suppression des classes. Mais démocratie signifie seulement égalité formelle . Et, dès que sera réalisée l’égalité de tous les membres de la société par rapport à la possession des moyens de production, c’est-à-dire l’égalité du travail, l’égalité du salaire, on verra se dresser inévitablement devant l’humanité la question d’un nouveau progrès à accomplir pour passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle, c’est-à-dire à la réalisation du principe : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins." Par quelles étapes, par quelles mesures pratiques l’humanité s’acheminera-t-elle vers ce but suprême, nous ne le savons ni ne pouvons le savoir. Mais ce qui importe, c’est de voir l’immense mensonge contenu dans l’idée bourgeoise courante suivant laquelle le socialisme est quelque chose de mort, de figé, de donné une fois pour toutes, alors qu’en réalité c’est seulement avec le socialisme que commencera dans tous les domaines de la vie sociale et privée un mouvement de progression rapide, effectif, ayant véritablement un caractère de masse et auquel participera d’abord la majorité, puis la totalité de la population.
La démocratie est une forme de l’Etat, une de ses variétés. Elle est donc, comme tout Etat, l’application organisée, systématique, de la contrainte aux hommes. Ceci, d’une part. Mais, d’autre part, elle signifie la reconnaissance officielle de l’égalité entre les citoyens, du droit égal pour tous de déterminer la forme de l’Etat et de l’administrer. Il s’ensuit donc qu’à un certain degré de son développement, la démocratie, tout d’abord, unit le prolétariat, la classe révolutionnaire anticapitaliste, et lui permet de briser, de réduire en miettes, de faire disparaître de la surface de la terre la machine d’Etat bourgeoise, fût-elle bourgeoise républicaine, l’armée permanente, la police, la bureaucratie, et de les remplacer par une machine d’Etat plus démocratique, mais qui n’en reste pas moins une machine d’Etat, sous la forme des masses ouvrières armées, puis, progressivement, du peuple entier participant à la milice.
Ici, "la quantité se change en qualité" : parvenu à ce degré, le démocratisme sort du cadre de la société bourgeoise et commence à évoluer vers le socialisme. Si tous participent réellement à la gestion de l’Etat, le capitalisme ne peut plus se maintenir. Et le développement du capitalisme crée, à son tour, les prémisses nécessaires pour que "tous" puissent réellement participer à la gestion de l’Etat. Ces prémisses sont, entre autres, l’instruction générale déjà réalisée par plusieurs des pays capitalistes les plus avancés, puis "l’éducation et la formation à la discipline" de millions d’ouvriers par l’appareil socialisé, énorme et complexe, de la poste, des chemins de fer, des grandes usines, du gros commerce, des banques, etc., etc.
Avec de telles prémisses économiques, on peut fort bien, après avoir renversé les capitalistes et les fonctionnaires, les remplacer aussitôt, du jour au lendemain, pour le contrôle de la production et de la répartition, pour l’enregistrement du travail et des produits, par les ouvriers armés, par le peuple armé tout entier. (Il ne faut pas confondre la question du contrôle et de l’enregistrement avec celle du personnel possédant une formation scientifique, qui comprend les ingénieurs, les agronomes, etc. : ces messieurs, qui travaillent aujourd’hui sous les ordres des capitalistes, travailleront mieux encore demain sous les ordres des ouvriers armés.)
Enregistrement et contrôle, tel est l’essentiel, et pour la "mise en route" et pour le fonctionnement régulier de la société communiste dans sa première phase. Ici, tous les citoyens se transforment en employés salariés de l’Etat constitué par les ouvriers armés. Tous les citoyens deviennent les employés et les ouvriers d’un seul "cartel" du peuple entier, de l’Etat. Le tout est d’obtenir qu’ils fournissent un effort égal, observent exactement la mesure de travail et reçoivent un salaire égal. L’enregistrement et le contrôle dans ce domaine ont été simplifiés à l’extrême par le capitalisme, qui les a réduits aux opérations les plus simples de surveillance et d’inscription et à la délivrance de reçus correspondants, toutes choses à la portée de quiconque sait lire et écrire et connaît les quatre règles d’arithmétique [Quand l’Etat réduit ses fonctions essentielles à un semblable enregistrement et à un contrôle de ce genre effectués par les ouvriers eux-mêmes, il cesse d’être un "Etat politique" ; les "fonctions publiques perdent leur caractère politique et se transforment en de simples fonctions administratives" (voir plus haut, chapitre IV.2 : "La polémique d’Engels avec les anarchistes").].
Quand la majorité du peuple procédera par elle-même et partout à cet enregistrement, à ce contrôle des capitalistes (transformés désormais en employés) et de messieurs les intellectuels qui auront conservé leurs pratiques capitalistes, alors ce contrôle sera vraiment universel, général, national et nul ne pourra s’y soustraire, de quelque manière que ce soit, "il n’y aura plus rien à faire".
La société tout entière ne sera plus qu’un seul bureau et un seul atelier, avec égalité de travail et égalité de salaire.
Mais cette discipline "d’atelier" que le prolétariat, après avoir vaincu les capitalistes et renversé les exploiteurs, étendra à toute la société n’est nullement notre idéal ni notre but final ; c’est seulement un échelon nécessaire pour débarrasser radicalement la société des vilenies et des ignominies de l’exploitation capitaliste, et assurer la marche continue en avant.
Dès l’instant où tous les membres de la société, ou du moins leur immense majorité, ont appris à gérer eux-mêmes l’Etat, ont pris eux-mêmes l’affaire en main, "organisé" le contrôle sur l’infime minorité de capitalistes, sur les petits messieurs désireux de conserver leurs pratiques capitalistes et sur les ouvriers profondément corrompus par le capitalisme - dès cet instant, la nécessité de toute administration en général commence à disparaître. Plus la démocratie est complète, et plus proche est le moment où elle deviendra superflue. Plus démocratique est l’"Etat" constitué par les ouvriers armés et qui "n’est plus un Etat au sens propre", et plus vite commence à s’éteindre tout Etat.
En effet, quand tous auront appris à administrer et administreront effectivement eux-mêmes la production sociale, quand tous procéderont eux-mêmes à l’enregistrement et au contrôle des parasites, des fils à papa, des filous et autres "gardiens des traditions du capitalisme", - se soustraire à cet enregistrement et à ce contrôle exercé par le peuple entier sera à coup sûr d’une difficulté si incroyable et d’une si exceptionnelle rareté, cela entraînera vraisemblablement un châtiment si prompt et si rude (les ouvriers armés ont un sens pratique de la vie ; ils ne sont pas de petits intellectuels sentimentaux et ne permettront sûrement pas qu’on plaisante avec eux) que la nécessité d’observer les règles, simples mais essentielles, de toute société humaine deviendra très vite une habitude.
Alors s’ouvrira toute grande la porte qui permettra de passer de la première phase de la société communiste à sa phase supérieure et, par suite, à l’extinction complète de l’Etat.
PHASE SUPERIEURE DE LA SOCIETE COMMUNISTE
"Marx poursuit :
"Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins"."
Maintenant seulement nous pouvons apprécier toute la justesse des remarques d’Engels, accablant de ses sarcasmes impitoyables cet absurde accouplement des mots "liberté" et "Etat". Tant que l’Etat existe, il n’y a pas de liberté. Quand il y aura la liberté, il n’y aura plus d’Etat.
La base économique de l’extinction totale de l’Etat, c’est le communisme arrivé à un si haut degré de développement que toute opposition disparaît entre le travail intellectuel et le travail manuel et que, par conséquent, disparaît l’une des principales sources de l’inégalité sociale contemporaine, source que la seule socialisation des moyens de production, la seule socialisation des moyens de production, la seule expropriation des capitaliste ne peut en aucune façon tarir d’emblée.
Cette expropriation rendra possible un essor gigantesque des forces productives. Et voyant comment le capitalisme, dès maintenant, entrave incroyablement cet essor, et combien de progrès l’on pourrait réaliser grâce à la technique moderne déjà acquise, nous sommes en droit d’affirmer, avec une certitude absolue, que l’expropriation des capitalistes entraînera nécessairement un développement prodigieux des forces productives de la société humaine. Mais quelle sera la rapidité de ce développement, quand aboutira-t-il à une rupture avec la division du travail, à la suppression de l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel, à la transformation du travail en "premier besoin vital", c’est ce que nous ne savons ni ne pouvons savoir.
Aussi n’avons-nous le droit de parler que de l’extinction inévitable de l’Etat, en soulignant la durée de ce processus sa dépendance de la rapidité avec laquelle se développera la phase supérieure du communisme, et en laissant complètement en suspens la question des délais ou des formes concrètes de cette extinction. Car les données qui nous permettraient de trancher de tels problèmes n’existent pas.
L’Etat pourra s’éteindre complètement quand la société aura réalisé le principe : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins", c’est-à-dire quand les hommes se seront si bien habitués à respecter les règles fondamentales de la vie en société et que leur travail sera devenu si productif qu’ils travailleront volontairement selon leurs capacités. chacun puisera librement "selon ses besoins".
Du point de vue bourgeois, il est aisé de traiter un semblable régime social de "pure utopie", et de railler les socialistes qui promettent à chaque citoyen le droit de recevoir de la société, sans aucun contrôle de son travail, autant qu’il voudra de truffes, d’automobiles, de pianos, etc. C’est à des railleries de cette nature que se bornent aujourd’hui encore la plupart des "savants" bourgeois, qui révèlent ainsi leur ignorance et leur mentalité de défenseurs intéressés du capitalisme.
Leur ignorance, car il n’est venu à l’esprit d’aucun socialiste de "promettre" l’avènement de la phase supérieure du communisme ; quant à la prévision de son avènement par les grands socialistes, elle suppose une productivité du travail différente de celle d’aujourd’hui, et la disparition de l’homme moyen d’aujourd’hui capable, comme les séminaristes de Pomialovski, de gaspiller "à plaisir" les richesses publiques et d’exiger l’impossible.
En attendant l’avènement de la phase "supérieure"" du communisme, les socialistes réclament de la société et de l’Etat qu’ils exercent le contrôle le plus rigoureux , sur la mesure de travail et la mesure de consommation ; mais ce contrôle doit commencer par l’expropriation des capitalistes, par le contrôle des ouvriers sur les capitalistes, et il doit être exercé non par l’Etat des fonctionnaires, mais par l’Etat des ouvriers armés.
La défense intéressée du capitalisme par les idéologues bourgeois (et leurs caudataires tels que les Tsérétéli, les Tchernov et cie) consiste précisément à escamoter, par des discussions et des phrases sur un avenir lointain, la question d’actualité brûlante de la politique d’aujourd’hui : l’expropriation des capitalistes, la transformation de tous les citoyens en travailleurs et employés d’un grand "syndicat" unique , à savoir : l’Etat tout entier, et la subordination absolue de tout le travail de tout ce syndicat à un Etat vraiment démocratique, à l’Etat des Soviets des députés ouvriers et soldats.
Au fond, lorsqu’un savant professeur, et après lui le philistin, et après lui les Tsérétéli et les Tchernov parlent des utopies insensées, des promesses démagogiques des bolchéviks, de l’impossibilité d’"instaurer" le socialisme, ils songent précisément à ce stade ou à cette phase supérieure du communisme, que personne n’a jamais promis ni même eu le dessein d’"instaurer", car, d’une façon générale, il est impossible de l’"instaurer".
Nous abordons ici la question de la distinction scientifique entre socialisme et communisme, effleurée par Engels dans le passage précédemment cité sur l’impropriété de l’appellation de "social-démocrate". Au point de vue politique la différence entre la première phase ou phase inférieure et la phase supérieure du communisme sera certainement considérable avec le temps ; mais aujourd’hui, en régime capitaliste, il serait ridicule d’en faire cas, et seuls peut-être quelques anarchistes pourraient la mettre au premier plan (si tant est qu’il subsiste encore parmi les anarchistes des gens qui n’aient rien appris à la suite de la métamorphose "plékhanovienne" des Kropotkine, des Grave, des Cornélissen et autres "étoiles" de l’anarchisme en social-chauvins ou en anarchistes-des-tranchées, suivant l’expression de Gay, un des rares anarchistes qui aient gardé honneur et conscience).
Mais la différence scientifique entre socialisme et communisme est claire. Ce qu’on appelle communément socialisme, Marx l’a appelé la "première" phase ou phase inférieure de la société communiste. Dans la mesure où les moyens de production deviennent propriété commune , le mot "communiste" peut s’appliquer également ici, à condition de ne pas oublier que ce n’est pas le communisme intégral. Le grand mérite des explications de Marx est d’appliquer, là encore, de façon conséquente, la dialectique matérialiste, la théorie de l’évolution, et de considérer le communisme comme quelque chose qui se développe à partir du capitalisme. Au lieu de s’en tenir à des définitions "imaginées", scolastiques et artificielles, à de stériles querelles de mots (qu’est-ce que le socialisme ? qu’est-ce que le communisme ?), Marx analyse ce qu’on pourrait appeler les degrés de la maturité économique du communisme.
Dans sa première phase, à son premier degré, le communisme ne peut pas encore, au point de vue économique, être complètement mûr, complètement affranchi des traditions ou des vestiges du capitalisme. De là, ce phénomène intéressant qu’est le maintien de l’"horizon borné du droit bourgeois ", en régime communiste, dans la première phase de celui-ci. Certes, le droit bourgeois, en ce qui concerne la répartition des objets de consommation, suppose nécessairement un Etat bourgeois, car le droit n’est rien sans un appareil capable de contraindre à l’observation de ses normes.
Il s’ensuit qu’en régime communiste subsistent pendant un certain temps non seulement le droit bourgeois, mais aussi l’Etat bourgeois - sans bourgeoisie !
Cela peut sembler un paradoxe ou simplement un jeu dialectique de l’esprit, ce que reprochent souvent au marxisme ceux qui n’ont jamais pris la peine d’en étudier, si peu que ce soit, la substance éminemment profonde.
En réalité, la vie nous montre à chaque pas, dans la nature et dans la société, des vestiges du passé subsistant dans le présent. Et ce n’est point d’une façon arbitraire que Marx a inséré dans le communisme une parcelle du droit "bourgeois" ; il n’a fait que constater ce qui, économiquement et politiquement, est inévitable dans une société issue des flancs du capitalisme.
La démocratie a une importance énorme dans la lutte que la classe ouvrière mène contre les capitalistes pour son affranchissement. Mais la démocratie n’est nullement une limite que l’on ne saurait franchir ; elle n’est qu’une étape sur la route de la féodalité au capitalisme et du capitalisme au communisme.
Démocratie veut dire égalité. On conçoit la portée immense qui s’attache à la lutte du prolétariat pour l’égalité et au mot d’ordre d’égalité, à condition de comprendre ce dernier exactement, dans le sens de la suppression des classes. Mais démocratie signifie seulement égalité formelle . Et, dès que sera réalisée l’égalité de tous les membres de la société par rapport à la possession des moyens de production, c’est-à-dire l’égalité du travail, l’égalité du salaire, on verra se dresser inévitablement devant l’humanité la question d’un nouveau progrès à accomplir pour passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle, c’est-à-dire à la réalisation du principe : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins." Par quelles étapes, par quelles mesures pratiques l’humanité s’acheminera-t-elle vers ce but suprême, nous ne le savons ni ne pouvons le savoir. Mais ce qui importe, c’est de voir l’immense mensonge contenu dans l’idée bourgeoise courante suivant laquelle le socialisme est quelque chose de mort, de figé, de donné une fois pour toutes, alors qu’en réalité c’est seulement avec le socialisme que commencera dans tous les domaines de la vie sociale et privée un mouvement de progression rapide, effectif, ayant véritablement un caractère de masse et auquel participera d’abord la majorité, puis la totalité de la population.
La démocratie est une forme de l’Etat, une de ses variétés. Elle est donc, comme tout Etat, l’application organisée, systématique, de la contrainte aux hommes. Ceci, d’une part. Mais, d’autre part, elle signifie la reconnaissance officielle de l’égalité entre les citoyens, du droit égal pour tous de déterminer la forme de l’Etat et de l’administrer. Il s’ensuit donc qu’à un certain degré de son développement, la démocratie, tout d’abord, unit le prolétariat, la classe révolutionnaire anticapitaliste, et lui permet de briser, de réduire en miettes, de faire disparaître de la surface de la terre la machine d’Etat bourgeoise, fût-elle bourgeoise républicaine, l’armée permanente, la police, la bureaucratie, et de les remplacer par une machine d’Etat plus démocratique, mais qui n’en reste pas moins une machine d’Etat, sous la forme des masses ouvrières armées, puis, progressivement, du peuple entier participant à la milice.
Ici, "la quantité se change en qualité" : parvenu à ce degré, le démocratisme sort du cadre de la société bourgeoise et commence à évoluer vers le socialisme. Si tous participent réellement à la gestion de l’Etat, le capitalisme ne peut plus se maintenir. Et le développement du capitalisme crée, à son tour, les prémisses nécessaires pour que "tous" puissent réellement participer à la gestion de l’Etat. Ces prémisses sont, entre autres, l’instruction générale déjà réalisée par plusieurs des pays capitalistes les plus avancés, puis "l’éducation et la formation à la discipline" de millions d’ouvriers par l’appareil socialisé, énorme et complexe, de la poste, des chemins de fer, des grandes usines, du gros commerce, des banques, etc., etc.
Avec de telles prémisses économiques, on peut fort bien, après avoir renversé les capitalistes et les fonctionnaires, les remplacer aussitôt, du jour au lendemain, pour le contrôle de la production et de la répartition, pour l’enregistrement du travail et des produits, par les ouvriers armés, par le peuple armé tout entier. (Il ne faut pas confondre la question du contrôle et de l’enregistrement avec celle du personnel possédant une formation scientifique, qui comprend les ingénieurs, les agronomes, etc. : ces messieurs, qui travaillent aujourd’hui sous les ordres des capitalistes, travailleront mieux encore demain sous les ordres des ouvriers armés.)
Enregistrement et contrôle, tel est l’essentiel, et pour la "mise en route" et pour le fonctionnement régulier de la société communiste dans sa première phase. Ici, tous les citoyens se transforment en employés salariés de l’Etat constitué par les ouvriers armés. Tous les citoyens deviennent les employés et les ouvriers d’un seul "cartel" du peuple entier, de l’Etat. Le tout est d’obtenir qu’ils fournissent un effort égal, observent exactement la mesure de travail et reçoivent un salaire égal. L’enregistrement et le contrôle dans ce domaine ont été simplifiés à l’extrême par le capitalisme, qui les a réduits aux opérations les plus simples de surveillance et d’inscription et à la délivrance de reçus correspondants, toutes choses à la portée de quiconque sait lire et écrire et connaît les quatre règles d’arithmétique [Quand l’Etat réduit ses fonctions essentielles à un semblable enregistrement et à un contrôle de ce genre effectués par les ouvriers eux-mêmes, il cesse d’être un "Etat politique" ; les "fonctions publiques perdent leur caractère politique et se transforment en de simples fonctions administratives" (voir plus haut, chapitre IV.2 : "La polémique d’Engels avec les anarchistes").].
Quand la majorité du peuple procédera par elle-même et partout à cet enregistrement, à ce contrôle des capitalistes (transformés désormais en employés) et de messieurs les intellectuels qui auront conservé leurs pratiques capitalistes, alors ce contrôle sera vraiment universel, général, national et nul ne pourra s’y soustraire, de quelque manière que ce soit, "il n’y aura plus rien à faire".
La société tout entière ne sera plus qu’un seul bureau et un seul atelier, avec égalité de travail et égalité de salaire.
Mais cette discipline "d’atelier" que le prolétariat, après avoir vaincu les capitalistes et renversé les exploiteurs, étendra à toute la société n’est nullement notre idéal ni notre but final ; c’est seulement un échelon nécessaire pour débarrasser radicalement la société des vilenies et des ignominies de l’exploitation capitaliste, et assurer la marche continue en avant.
Dès l’instant où tous les membres de la société, ou du moins leur immense majorité, ont appris à gérer eux-mêmes l’Etat, ont pris eux-mêmes l’affaire en main, "organisé" le contrôle sur l’infime minorité de capitalistes, sur les petits messieurs désireux de conserver leurs pratiques capitalistes et sur les ouvriers profondément corrompus par le capitalisme - dès cet instant, la nécessité de toute administration en général commence à disparaître. Plus la démocratie est complète, et plus proche est le moment où elle deviendra superflue. Plus démocratique est l’"Etat" constitué par les ouvriers armés et qui "n’est plus un Etat au sens propre", et plus vite commence à s’éteindre tout Etat.
En effet, quand tous auront appris à administrer et administreront effectivement eux-mêmes la production sociale, quand tous procéderont eux-mêmes à l’enregistrement et au contrôle des parasites, des fils à papa, des filous et autres "gardiens des traditions du capitalisme", - se soustraire à cet enregistrement et à ce contrôle exercé par le peuple entier sera à coup sûr d’une difficulté si incroyable et d’une si exceptionnelle rareté, cela entraînera vraisemblablement un châtiment si prompt et si rude (les ouvriers armés ont un sens pratique de la vie ; ils ne sont pas de petits intellectuels sentimentaux et ne permettront sûrement pas qu’on plaisante avec eux) que la nécessité d’observer les règles, simples mais essentielles, de toute société humaine deviendra très vite une habitude.
Alors s’ouvrira toute grande la porte qui permettra de passer de la première phase de la société communiste à sa phase supérieure et, par suite, à l’extinction complète de l’Etat."

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2274

Peuples premiers : on a juste oublié qu’ils savent vivre sans Etat

https://louvrier.org/sites/default/files/2020-12/H00-%20Peuples%20premiers%2C%20on%20a%20juste%20oublie%CC%81%20qu%27ils%20savent%20vivre%20sans%20Etat.pdf

https://louvrier.org/sites/default/files/2020-12/R11-TABLEAU%20SYNOPTIQUE%20DE%20L%27HISTOIRE%20DE%20L%27ETAT%20ET%20DES%20RELIGIONS.pdf

https://louvrier.org/sites/default/files/2020-12/L%27apparition%20des%20Etats.pdf

Les peuples voudraient compter sur un Etat pour défendre leurs intérêts et ils trouvent, au contraire, leur pire adversaire

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4547

𝐐𝐮’𝐞𝐬𝐭 𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐥’𝐄𝐭𝐚𝐭 𝐞𝐭 𝐧𝐨𝐭𝐚𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐥’𝐄𝐭𝐚𝐭 𝐜𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐥𝐢𝐬𝐭𝐞 !

L’assassinat de Nahël remet sur le devant de la scène une question des plus politiques, celle de la Police et de l’Etat ! Bien des gens n’imaginent pas la société sans Etat et sans police ! Et pourtant les communistes ont apportées une compréhension et une politique à mener ! Les communistes sont notamment pour l’abolition de l’Etat bourgeois et l’abolition de la Police et le remplacer par l’Etat-Commune, les soviets ou l’armement du prolétariat pour remplacer la police ou l’armée !

http://matierevolution.fr/spip.php?article1362

"L’Etat, une bande d’hommes en armes"

Friedrich Engels :

« La plus "démocratique" des républiques n’est rien d’autre que la dictature du grand capital défendue jusqu’à la mort par ses forces armées.

L’Etat est la principale tromperie politique qui induit en erreur les masses laborieuses dans le monde entier. Il est présenté partout comme le principal outil de progrès social et de développement de la société alors qu’il est le principal outil des classes dirigeantes en vue de la conservation d’un ordre social fondé sur l’exploitation et l’oppression. Les peuples et les classes ouvrières dénoncent souvent les hommes politiques, les chefs militaires éventuellement, parfois même les chefs religieux mais ils ne cessent jamais de croire que l’Etat "devrait" être au service du peuple. C’est là l’illusion suprême et la plus grave des tromperies.

"Certes, il est beaucoup plus facile de s’exclamer, d’injurier, de pousser les hauts cris, que d’essayer de raconter, d’expliquer, de rappeler la façon dont Marx et Engels ont analysé en 1871, 1872, 1875 l’expérience de la Commune de Paris et ce qu’ils ont dit de la nature de l’Etat qui est nécessaire au prolétariat. »

Lénine dans les thèses d’avril 1917 :

« Etant donné que l’Etat est la forme par laquelle les individus d’une classe dominante font valoir leurs intérêts communs, la forme dans laquelle l’ensemble de la société civile d’une époque se résume, il s’ensuit que toues les institutions communes sont médiatisées par l’Etat, reçoivent une forme politique. D’où l’illusion que la loi repose sur la volonté libre, détachée de sa base réelle. »

Karl Marx dans « Feuerbach » :

"On se rend compte immédiatement que, dans un pays comme la France, où le pouvoir exécutif dispose d’une armée de fonctionnaires de plus d’un demi-million de personnes et tient, par conséquent, constamment sous sa dépendance la plus absolue une quantité énorme d’intérêts et d’existences, où l’Etat enserre, contrôle, réglemente, surveille et tient en tutelle la société civile, depuis ses manifestations d’existence les plus vastes jusqu’à ses mouvements les plus infimes, de ses modes d’existence les plus généraux jusqu’à la vie privée des individus, où ce corps parasite, grâce à la centralisation la plus extraordinaire, acquiert une omniprésence, une omniscience, une capacité de mouvement et un ressort accru, qui n’a d’analogue que l’état de dépendance absolue, la difformité incohérente du corps social, on comprend donc que, dans un tel pays, l’Assemblée nationale, en perdant le droit de disposer des postes ministériels, perdait également toute influence réelle, si elle ne simplifiait pas en même temps l’administration de l’Etat, ne réduisait pas le plus possible l’armée de fonctionnaires et ne permettait pas, enfin, à la société civile et à l’opinion publique de créer leurs propres organes, indépendants du pouvoir gouvernemental. Mais l’intérêt matériel de la bourgeoisie française est précisément lié de façon très intime au maintien de cette machine gouvernementale vaste et compliquée. C’est là qu’elle case sa population superflue et complète sous forme d’appointements ce qu’elle ne peut encaisser sous forme de profits, d’intérêts, de rentes et d’honoraires. D’autre part, son intérêt politique l’obligeait à aggraver de jour en jour la répression, et, par conséquent, à augmenter les moyens et le personnel du pouvoir gouvernemental, tandis qu’en même temps il lui fallait mener une guerre ininterrompue contre l’opinion publique, mutiler et paralyser jalousement les organes moteurs indépendants de la société, là où elle ne réussissait pas à les amputer complètement. C’est ainsi que la bourgeoisie française était obligée, par sa situation de classe, d’une part, d’anéantir les conditions d’existence de tout pouvoir parlementaire et, par conséquent aussi, du sien même, et, d’autre part, de donner une force irrésistible au pouvoir exécutif qui lui était hostile."

Karl Marx dans "Le 18 brumaire de Louis Bonaparte"

Notre principale critique de l’extrême gauche opportuniste : ils ne sont pas clairs sur la nature capitaliste de l’Etat

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5467

Les bases de l’extinction de l’Etat

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er5.htm

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