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La révolution chinoise de 1911 - Cheng Du, capitale du Setchouan, mai 1911 : à la veille de l’insurrection
vendredi 6 octobre 2023, par
Dans son livre « L’arbre blessé », l’écrivaine HAN Suyin, à travers la vie de sa famille puis la sienne, décrit la société chinoise et les révolutions qui la bouleversent. Son père est chinois et rencontra sa mère en Belgique où il fit ses études d’ingénieur afin de participer à son retour au développement des chemins de fer chinois.
La révolution de 1911 est liée à la question des chemins de fer qui se posa dès 1900. Le père d’HAN Suyin fit partie de la vague d’étudiants chinois envoyés en Europe par leur famille dans le même but. Son "Troisième Oncle" rappelle à HAN Suyin ce contexte :
il ne s’agissait pas seulement d’envoyer des étudiants à l’étranger. Après 1900, un nouveau sentiment se répandit. Chaque province désirait développer ses propres ressources, et dans le Setchouan nous avions beaucoup de ressources minérales, du charbon en abondance et aussi du fer ; ce qui nous manquait surtout c’était un réseau de communications, une voie ferrée pour faire sortir nos produits de la province plus facilement.
Ce fut à cause de ces chemins de fer que ton père fut envoyé en Belgique. A cette époque les chemins de fer intéressaient non seulement notre province mais toutes les provinces de la Chine. Les mots « Voie Ferrée » acquirent subitement une signification tant politique quémotionnelle si formidable qu’ils devinrent le symbole de l’indépendance nationale et finirent par être un des principaux facteurs dans le déclenchement de la révolution de 1911.
Entre les Poings Justes de 1900 et la Révolution de 1911, il ne s’écoula que onze années, mais, pendant ces onze années, l’Empire fut renversé, la République proclamée, et la Chine avait entrepris son long et pénible voyage en avant qui la ferait pénétrer dans les temps modernes.
L’Arbre blessé, chapitre VIII
Au chapitre XVI, c’est un écrivain qui raconte ses souvenirs de jeunesse sur la révolution de 1911 au Setchouan (province des quatre rivières), qui fut le prélude à la révolution du 10 octobre 1911 à Wuhan, capitale de la province voisine.
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Vous dites que je fus un témoin oculaire de la révolution : mais quel est l’homme qui a vu dans son ensemble le grand bouleversement qu’est une révolution ? C’est pourquoi nous cherchons toujours à rapetisser la grandeur à notre propre taille, en faisant tenir un paysage sur une feuille de papier : arbres et rochers, une montagne et un lac, en une rocaille miniatures, donnant à notre coeur une noble ampleur sans nous sentir écrasés. Comme écrivain j’en ai conscience, et je sais que tous les mots sont impuissants à reproduire avec exactitude la réalité. Surtout la réalité d’une révolution qui semble donner une poussée au temps normal, en sorte que nous vivons avec le sentiment d’être dépassés par les événements, d’être contraints de courir vite, rien que pour rester en place. Tant de choses se produisent et je ne me sens pas préparé pour l’époque, je suis encore stupéfié, j’essaie de mettre en ordre dans mon esprit les décennies passées car il me semble que 1911 était la semaine dernière.
Au printemps de 1911 je revins du Japon, en même temps que d’autres étudiants. J’avais étudié le droit et les affaires courantes, sans méthode rigide, pendant cinq ans : déjà je désirais écrire et j’avais écrit dans des journaux d’étudiants, dont quelques uns étaient très progressistes, surtout le Magazine du Setchouan publié au Japon. Il y avait environ 5000 étudiants du Setchouan au Japon quand je revins à Changhaï, et ils étaient considérés comme les plus passionnés après les étudiants du Hounan. Cela semblait paradoxal, le Setchouan étant, de toutes nos régions, l’une des plus fermées et des moins influencées par l’Occident. Les étudiants du Setchouan, précisément à cause de leur attachement féodal à leur sol, étaient de fougueux patriotes et leur aristocratie avait très peu de rapports avec les intérêts financiers étrangers. Il n’avait pas surgi chez eux de classe marchande intermédiaire comptant sur l’occident pour sa richesse et sa puissance propres, et le plus grand nombre des étudiants du Setchouan qui, comme moi, revenaient du Japon étaient des révolutionnaires convaincus, membres de la Ligue révolutionnaire de Sun Yat-sen.
J’avais coupé ma natte au Japon, et j’avais acheté à Changhaï une fausse tresse cousue à une calotte. Tandis que je remontais le Grand Fleuve jusqu’à Han-Kéou, comme passager d’entrepont d’un vapeur britannique, la rareté des costumes européens devenait frappante, bien qu’au Japon un Chinois en longue tunique fût une curiosité ; aussi la plupart d’entre nous en étions venus à porter l’uniforme des étudiants japonais appelé plus tard le complet Sun Yat-sen et désigné maintenant sous le nom d’uniforme communiste. En fait le col ajusté, le veston et le pantalon sont encore aujourd’hui le costume des étudiants japonais. Je l’abandonnais à Han-Kéou pour revêtir une longue et fraîche robe de toile de ramie, un pantalon et des chaussures de coton. Je réintégrais ainsi la peau de mon ancien moi-même et c’était une sensation étrange, comme si je reculais dans le temps.
Au Japon, dans les milieux universitaires, tout n’était qu’effervescence, discussions sans fin, discours sans fin sur la révolution, depuis que la Ligue de Sun Yat-sen s’étint installée à Tokyo. Il me semblait que je me retrempais dans une mare d’eau stagnante, fétide et morte... mais je découvris vite à quelle point cette impression était fausse. Comme un vieux temple, aux majestueuses peintures, la structure de la dynastie, son éternelle corruption basée sur la défaite et la sordide misère, était encore debout ; pourtant à l’intérieur tout était rongé. Je n’étais pas le seul à être ainsi trompé à première vue. Je lus les journaux étrangers à Changhaï : tous exprimaient leur satisfaction devant l’état des affaires. « Jamais la dynastie n’a été plus populaire », écrivaient-ils en 1911. Ils consolidaient leur propre pouvoir et il semblait que nous n’eussions pas bougé. Ce même printemps, dans le Sud, une nouvelle insurrection avait échoué et les combats avaient été très sanglants.
La première classe du vapeur britannique sur lequel je voyageais était réservée aux passagers de race blanche et nous étions tous entassés dans l’entrepont. Descendant et remontant le Fils de l’Océan passaient les canonnières étrangères. Une grande famine avait sévi dans la province de Hounan, et la triple cité de Han-Kéou, Wou-Tchang et Han-Yen, métropole triangulaire chevauchant le fleuve, était envahie par des centaines de milliers de paysans faméliques portant leurs enfants dans des paniers suspendus aux deux bouts d’un balancier posé sur leurs épaules. Les concessions des étrangers étaient entourées de grillage en fils de fer barbelé ; des agents de la police sikh ou corses faisaient des rondes, repoussant ou battant quiconque essayait de se glisser pour y mendier de la nourriture. Devant ces concessions étrangères, on ramassait les morts tous les matins : trente mille en une semaine. Ceux qui n’avaient plus la force de bouger restaient assis en rang et regardaient passer les gens d’un oeil fixe : derrière leurs yeux, leur squelette me regardait.
A Yi-Tchang, où le fleuve quitte la plaine et franchit les gorges pour entrer dans le Setchouan, c’étaient les canonnières britanniques qui patrouillaient. Sur les hauteurs, dominant fièrement le paysage, le consulat anglais et une grande église catholique à la flèche et à la croix tout à fait blanche, fortifiés de hautes murailles blanches, couronnaient les collines. Dégringolant la pente, menaçant ruine, de sombres taudis malpropres étaient soutenus par de hauts pilotis : là vivait mon peuple. Et cette vue, s’ajoutant à la conscience nationaliste que je venais d’acquérir au Japon, faisait monter dans ma bouche l’eau amère, si amère, de la haine. Pays d’esclaves, pays d’esclaves, tous esclaves.
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Depuis 1903, nous ramassions de l’argent dans le Setchouan pour notre chemin de fer. Les grosses et les petites actions s’étaient bien vendues parmi nos riches notables, mais combien de riches notables nous restait-il ? Moins de 2 % de la population. Sur quoi, la société des chemins de fer avait eu recours aux "actions de jouissance" qui étaient garanties par le loyer des terres, et l’équivalent de 3 % de ce revenu assuré par la location des terres. Il était censé être payé par les gros propriétaires mais en réalité on en laissait la charge aux paysans qui louaient les champs. De nouvelles levées furent opérées au profit du chemin de fer, sur le sel, les denrées de consommation (non étrangères) et ajoutées au likin ou taxes de transport, et le peuple paya tout. La somme en montait à 14 millions d’onces d’argent, mais l’on estimait que 70 millions seraient nécessaires.
"Dites-moi quand cette histoire cessera d’être sans queue ni tête ? Il y a une querelle constante entre les directeurs de la société, tous bourgeois, et une autre entre le bureau central de Tcheng Tou [capitale de la province] et les succursales de Yi-Tchang et Tchong-King. Tous ces directeurs mettent de l’argent dans leur poche : et c’est l’argent de nos compatriotes, qui l’ont gagné, en bien des années, à la sueur de leur front, pour qu’il soit dépensé maintenant en banquets et en opium."
Je savais déjà cela en partie. Après sa fondation en 1903, la société des chemins de fer était graduellement tombée sous contrôle gouvernemental à la suite de nominations officielles. ; les actions issues des loyers de la terre et des droits de transit (likin) furent l’objet de détournements. . En 1906, les étudiants du Setchouan au Japon, l’avaient déjà signalé, et avaient demandé que la société devienne une authentique société privée, dirigée par les marchands du Setchouan. Tant qu’il s’y trouverait des fonctionnaires, la corruption pure et simple y règnerait et les fonds se volatiliseraient ; mais qui pis est, le danger du retour du gouvernement à l’édit de 1903 concernant la vente de nos droits sur les chemins de fer aux étrangers existait toujours.
En 1907, deux étudiants revenant du Japon, deux amis à moi, avaient organisé une tentative de rébellion à Tcheng-Tou ; elle avait échoué et les chefs avaient été décapités. Mais le peuple ne dormait pas. D’une manière ou d’une autre, parce que les prélèvements d’argent pour les chemins de fer avaient affecté un si grand nombre d’entre eux, toute la population connaissait le problème et quand les étudiants furent décapités le magistrat qui avait été contraint de les condamner démissionna de sa charge et adhéra au parti de la Révolution.
En 1910, notre Association d’étudiants du Setchouan au Japon avait démasqué de nouveau le Directeur général qui, une somme prélevée sur les impôts lui ayant été confiée, l’avait placée, "pour plus de sûreté" dans une banque privée de Shanghaï ; cette année-là à Shanghaï une panique se produisit dans les réserves métalliques et la banque déposa son bilan. L’argent s’envola en fumée. Tout le monde savait que le directeur général l’avait empoché ; mais comme c’était un fonctionnaire nommé par le gouvernement, on ne fit rien.
Ainsi se poursuivaient les propos sur la péniche et nous devenions frères à force de parler. Et parmi les 200 (ou plus) passagers, il y avait des membres de la société secrète Kelao ; je fis le signal des tasses à thé et deux d’entre eux vinrent me parler. Il y en avait aussi un grand nombre au Japon et en un clin d’oeil nous avions organisé notre Fraternité. Je me sentais réconforté et soutenu, sachant qu’au Setchouan le Kelao aiderait les étudiants revenus du Japon comme moi-même. Comme toujours leur système de renseignement était excellent et grâce à eux la Ligue révolutionnaire avait mis sur pied un réseau de messagers couvrant toutes les provinces.
Mais en dépit de l’aide des Frères, mon coeur était imprégné de tristesse. O mon pays, quand seras-tu délivré de ces démons ? Pa seulement les démons du dehors, mais aussi ceux de l’intérieur qui entretiennent notre faiblesse ? Personne n’est bon pour les faibles. Ce n’est que lorsque nous pourrons être forts, comme le Japon, que personne n’osera faire parader des canonnières sur nos eaux, pousser nos compatriotes hors du trottoir dans les rues de nos villes, mettre des troupes en garnison sur notre sol. Je murmurai "révolution", et je m’attendais à un présage. Les nuages s’amassaient, obscurcissant la ville de Yi-Tchang, précurseurs d’une tempête nocturne.
A Wan-Hien, à mi-chemin de la traversée des gorges, un homme un homme aux cheveux gris, maigre comme un fumeur d’opium, monta à bord et fut salué par un des Frères du nom de oncle Tchou. Il était employé à la Compagnie des Télégraphes créée en 1907. On pouvait alors expédier des câbles du Setchouan dans le monde extérieur. Tchou étant un "Frère" n’avait pas de secrets pour nous, et il nous parla du projet de nationalisation des chemins de fer.
"Mais qu’entend-on par nationalisation ? demandai-je.
— Rien d’autre que la vente aux étrangers, dit Tchou. Préparez-vous, ô mes frères, car ce que nous redoutions est, en fait arrivé. "
Ces bruits de nationalisation couraient vraiment depuis 1906. On savait qu’à la Cour beaucoup d’étrangers— Anglais, Japonais, Allemands— insistaient pour faire accepter leurs "prêts". Chaque prêt mettant de l’argent dans la poche des ministres, ceux-ci n’étaient que trop disposés à vendre les droits sur les chemins de fer. Mais l’opposition exercée par la bourgeoisie provinciale avait été si obstinée qu’ils avaient craint de bouger. Toutefois les pressions étaient devenues irrésistibles et l’incompétence des compagnies privées était pour les fonctionnaires gouvernementaux une excuse suffisante.
Un consortium bancaire de quatre Pouvoirs avait offert un prêt considérable pour la construction du chemin de fer. Une fois de plus ils s’étaient emparés de Cheng Hin-souen, ministre des Postes et Télégraphes (maintenant directeur des Constructions ferroviaires), ainsi que de quelques autres fonctionnaires chinois, et ils se servaient d’eux pour amener la Cour mandchoue à accepter le prêt. Je crois que Cheng était un des hommes les plus détestés de la Chine à ce moment-là. En 1894-1895, au plus fort de la guerre avec le Japon, il s’était laissé soudoyer par les Japonais, et il avait réalisé une nouvelle fortune en négociant avec la Belgique le contrat concernant la ligne de chemin de fer Pékin-Hankéou, puis un autre contrat en 1908 quand cette ligne fut rachetée par le gouvernement chinois contre la volonté du roi des Belges.
Cheng dirigeait aussi les usines métallurgiques de Han-Ye-Ping, fondées par le vice-roi Tchang Kie-tong dans la Triple Cité. Il les dirigea si bien qu’un déficit de six millions de livres se produisit et que la société se trouva bientôt entre des mains japonaises ; mais Cheng en demeura le directeur officiel et dans tous les contrats qu’il signait concernant les chemins de fer, il était spécifié qu’une partie du matériel sortirait des usines de Han-Ye-Ping. Il n’était donc pas surprenant que Cheng insistât pour que l’on fit un nouvel emprunt important destiné aux chemins de fer et que ceux-ci fussent construits par les étrangers, et qu’il essayât en outre de faire entrer ses amis les Japonais dans le consortium, afin que le contrat stipulât que l’acier employé pour les rails sortirait des fonderies de Han-Ye-Ping qu’il dirigeait, ajoutant ainsi à son énorme fortune.
Les intrigues menées à la Cour de Pékin et entre les Puissances furent intenses, scandaleuses, et la plupart passées sous silence. La Russie avait commencé à se plaindre ; elle voulait adhérer au consortium et réclamait hargneusement l’aide de la France ; l’Angleterre était hostile à la Russie et la France au Japon ; en outre, l’Amérique réclamait 25 % du prêt total, d’après une clause de l’accord de 1904 où il était dit : "Si le capital destiné à la construction du chemin de fer Setchouan-Hankéou et Hankéou-Canton se révèle insuffisant, le gouvernement en informera l’Angleterre et les Etats-Unis d’Amérique". Le capital était insuffisant, affirmèrent les Américains et l’ambassadeur fit observer à la Cour mandchoue en juillet 1909 "qu’à moins d’une réponse satisfaisante, le gouvernement chinois serait tenu pour entièrement responsable de toutes les conséquences..." : l’habituelle menace diplomatique des canonnières. Il en résulta que l’Amérique devint l’associé solidaire du consortium des banques qui convint alors de financer deux lignes de chemin de fer : Setchouan-Hankéou et Hankéou-Canton ; bien que le américains eussent, en 1905, revendu aux Chinois leur part sur cette dernière, dont un tiers était construit à l’époque, ils étaient revenus sur le marché pour les deux autres tiers.
Afin de dissimuler au public le fait que, moyennant finances, le gouvernement acceptait de nouveau le contrôle étranger sur les chemins de fer, le mot "nationalisation" dut être employé. Un emprunt de six millions de livres sterling avait déjà été approuvé par le consortium. Ensuite, par édit impérial, le 9 mai 1911, la nationalisation des chemins de fer fut proclamée, ce qui annulait le droit accordé aux compagnies provinciales chinoises de financer et construire leurs propres chemins de fer.
Notre frère Tchou avait vu les télégrammes ordonnant au gouvernement provincial du Setchouan de se préparer à la nationalisation. "Qu’allons-nous faire ? On nous dira à tous que c’est une bonne chose, que les étrangers doivent construire nos chemins de fer. Les chemins de fer seront construits plus vite. Mais les gens sont contre, surtout nos gens du Setchouan. Le sang va couler et les têtes quitteront les corps. Allons-nous avec trois révérences leur faire don de notre territoire au nom de la nationalisation ? Quant à moi je préfèrerais mourir."
Tandis que notre remorqueur remontait péniblement les gorges, la nouvelle se répandait parmi les passagers et à chaque arrêt circulaient de nouveaux bruits : à Tcheng Tou, les actionnaires tenaient des meetings de protestation ; à Yi-Tchang, le directeur avait télégraphié au bureau central pour demander ce qui arriverait aux cent milles ouvriers et aux ingénieurs, et qui les paieraient si les capitaux changeaient de main : devaient-ils arrêter le travail si les capitaux changeaient de main ? Nous savions tous que c’était une comédie burlesque, qu’il ne pouvait y avoir une nationalisation puisqu’il n’y avait pas d’argent, le Trésor public passait tout entier aux indemnités de guerre, au remboursement des emprunts précédents et aux intérêts de ces emprunts. Tout, tout était dépensé : les droits de douane (et même les taxes likin) étaient hypothéqués ainsi que bien d’autres ressources. Comment l’Etat aurait-il pu nationaliser les chemins de fer ? Comment pouvait-il indemniser les actionnaires des compagnies et leur racheter leurs parts ?
Le 20 mai 1911, quand je débarquais à Tchong-King, j’appris que le contrat du grand emprunt des chemins de fer avait été signé, entre Cheng Hinsouen, ministre des Communications et des Postes et le consortium bancaire des quatre Puissances : Amérique, Angleterre, France et Allemagne.
Vous savez ce qu’est notre Tcheng Tou : une vieille, vieille cité, des arbres, des fleurs, une vieille littérature, de vieilles librairies, une cité paisible, fière de son grand âge et de son histoire. Mais quand j’y revins à la fin de mai 1911, elle était inquiète, irritable, anxieuse ; les maisons de thé des jardins publics, les rues même exsudaient le malaise. Cité angoissée, au bord de l’insurrection.
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