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Mille et un mensonges des statistiques
mercredi 5 octobre 2011, par
Tous les jours, nous sommes bombardés de statistiques. On compare sans cesse des chiffres entre eux et c’est très souvent au delà de la validité des comparaisons. Les pourcentages utilisés sont calculés faussement et les conséquences que l’on prétend en tirer sont erronées. Il ne suffit pas qu’on dispose de chiffres pour raisonner de manière juste. On fait semblant que les chiffres sont toujours scientifiques et indiscutables. En réalité, le choix des paramètres de comparaison démontre généralement... ce que l’auteur veut démontrer... Cela ne signifie pas que les statistiques ne soient pas une science - il y a même une physique statistique -, mais qu’elle est systématiquement manipulée par le pouvoir et les classes dirigeantes. Les patrons des grandes entreprises commandent régulièrement des statistiques de comparaison des salaires qui démontrent immanquablement que vous êtes payés correctement par rapport à ce qu’ils veulent... Quand il compare l’ensemble des salaires de l’entreprise, le patron fait la moyenne arithmétique de tous les bulletins de salaire. Son calcul est juste également en théorie, mais il intègre les quelques très hauts salaires de cadres supérieurs, car il sait qu’une moyenne doit être calculée sur la base de toutes les observations de la série. Ces forts salaires, à eux seuls, tendent à décaler l’identification du centre vers le haut. La notion de moyenne semble être un indicateur déterminant pour beaucoup de gens mais cela n’est pas nécessairement le cas.
Par exemple, la moyenne n’est pas un paramètre réel dans la plupart des raisonnements en climatologie et c’est donc une manipulation de l’utiliser pour comparer directement des époques climatiques. Une des raisons est l’importance des "effets de pointe’.
Que penser de la distribution suivante d’observations discrètes ? Quel est son "centre" ? Quel est le chiffre qui est significatif du "milieu de la série" ?
[ 2, 2, 2, 4, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 7, 7, 7, 8, 8, 9, 1000 ]
Si on calcule la moyenne, on trouve : 1104/19 = 58,1.
Est-il raisonnable de penser que le "milieu" de cette série de chiffres se situe significativement aux alentours de 58 ? Non, bien évidemment. Visiblement, "il y a un intrus" : le résultat 1000 n’est pas dans le même ordre de grandeur que les autres. Il provient peut-être d’une réponse erronée non décelée ou d’une erreur de saisie, mais il peut aussi tout simplement représenter une réalité "hors normes". A ce niveau de l’interprétation statistique, on ne peut plus modifier les résultats de l’enquête : elle a été rendue.
On n’a donc pas le droit de le supprimer sur la simple idée qu’il apparaît différent des autres.
En outre, les règles de la statistique stipulent1 que le calcul de quelque caractéristique que ce soit doit absolument dépendre de toutes les observations de la série. En effet, si l’on ne suivait pas cette consigne, on aboutirait à des échantillons "épurés" qui faciliteraient certainement l’obtention de splendides résultats, mais qui perdraient toute validité scientifique. Il serait donc faux et malhonnête de supprimer ce résultat 1000 - par là même, dans ce présent cas, le choix de la moyenne s’avère être un mauvais choix.
Il vaut mieux choisir la médiane qui, laissant 9 observations "avant", et 9 observations "après", se trouve être beaucoup plus significative. Le résultat médian est 6. On a utilisé ici toutes les observations de la série. C’est effectivement plus réaliste que 58,1, mais il n’en reste pas moins que ce dernier résultat ne peut en aucune manière être qualifié de faux : il est mal adapté, c’est tout. On peut remarquer que, dans cet exemple, le mode (valeur dominante) est égal à la médiane, ce qui peut renforcer le choix de 6 comme centre de la série.
Un autre exemple : les retraites
Le principale argument du Medef et de l’UMP a consisté à affirmer que la réforme était inéluctable en raison du vieillissement de la population.
Cet argument est asséné par les médias depuis le livre blanc de Rocard en 1991. Il est repris par les partis de gauche qui du coup approuvent le projet de loi de l’UMP. Cet argument est aussi accepté par les directions des confédérations syndicales. Qu’en est-il de sa pertinence ? Où prend-t-il sa source ?
C’est ainsi que l’on peut lire dans le n°2 du mensuel de la CGT, Ensemble !, à la page 8 : « Le vieillissement de la population oblige à poser la question de la réforme des retraites et de son financement. Aujourd’hui la France compte 13 millions de retraités pour 25 millions d’actifs. Ils seront 16 millions en 2020 et 18 millions en 2030 ».
Ou encore :« notre système de retraite est confronté au défi majeur de son temps. Les besoins sont réels en raison du vieillissement démographique. »
– Cette manière de présenter les choses est erronée, et ce, pour deux raisons :
*
o La première :
Elle laisse croire que les retraites reposent uniquement sur les cotisations salariales. Ce qui est faux. Les patrons cotisent au régime général à hauteur de 9.9 %. Du coup, dans les consciences, cette représentation démographique épargne la part contributive des patrons dans le financement des retraites.
Si bien que les patrons et leurs médias peuvent poser le problème comme uniquement inhérent aux seuls salariés. Dés lors les patrons peuvent présenter comme seule solution juste, équitable, l’allongement de la durée des cotisations pour tous les salariés afin d’augmenter les versements.
C’est pourquoi, les salariés en face de cette escroquerie, posée par patrons et syndicats comme un axiome incontournable, souscrivent bien malgré eux, à l’allongement des cotisations au nom de l’« équité ».
*
o La deuxième raison :
Elle laisse entendre que les patrons ne sont pour rien dans les déficits et qu’il n’est pas possible de les mettre à contribution, d’augmenter les cotisations patronales. Ce qui est faux. La part patronale ne cesse de baisser et il est toujours possible de l’augmenter comme la Cour des comptes l’a suggéré. Ou encore d’augmenter son assiette à tous les revenus du capital. C’est ainsi que la SNCF cotise à hauteur de 33.4 % pour les cheminots.
Les patrons s’épargnent ainsi avec cet alibi démographique, typiquement malthusien, toute contribution financière en laissant croire que les retraites reposent sur les cotisations de seules actives. La belle affaire en or.
L’équité voudraient que les patrons soient aussi mis à contribution. Or, on assiste au contraire. Depuis 30 ans les différents gouvernements avec les partenaires sociaux, se sont employés à fortement diminuer la part des cotisations patronales et à augmenter la part salariales, jusqu’à rendre les comptes des caisses générales déficitaires. Voilà quelle réalité masque l’argument démographique.
– C’est pourquoi il faut combattre cet argument malthusianiste :
Malthus considérait qu’il n’y a pas de richesses suffisantes pour tout le monde et prétendait que c’est à cause du trop grand nombre d’individus sur terre. Il en concluait qu’une concurrence était inévitable et que seuls les plus forts, les plus intelligents, les plus viables s’en sortaient. Il justifiait ainsi l’accaparement des richesses par une classe exploiteuse.
Ce même type d’argument nous est servi quand on nous parle de la faim dans le monde, on parle de surpopulation. Pour les retraites, on nous dit qu’il y aura trop de personnes âgées et pas assez de jeunes au travail, un « vieillisement ». Pour les salariés, le mépris en plus, on parle de dégraissage, sous-entendu qu’il y aurait trop de salariés inutiles, qu’il faut se débarrasser de la mauvaise graisse.
Bref la vacuité de l’alibi démographique est profondément réactionnaire. Elle laisse croire que les responsabilités reposent sur les individus eux-mêmes et jamais sur le système qui organise la distribution des richesses produites. Et prône par conséquent des solutions individuelles et égoïstes à l’encontre de l’intérêt général.
– La clef du problème : les cotisations patronales
Il faut dénoncer sans hésiter la baisse des cotisations patronales et revendiquer sans relâche l’augmentation des cotisations patronales. La clef du problème est là. Ce n’est qu’ainsi que les travailleurs du privé peuvent comprendre qu’il est largement possible de revenir au 37.5 annuités pour tous. Que les sacrifices consentis ne servent, encore une fois, qu’à grossir les profits des patrons du CAC 40.
Le but des patrons est de poursuivre la baisse des cotisations patronales jusqu’à extinction et de les reporter sur les cotisations salariales par l’allongement de la durée de cotisations DE TOUS LES SALARIÉS. Ce sont les patrons pyromanes de nos retraites que le gouvernement charge d’éteindre l’incendie qui consume nos pensions.
Affirmer que l’allongement de durée de cotisation, leur « réforme », sert à sauver le système par répartition est exactement le contraire. Car la diminution constante de la part patronale revient à mettre en place un système par capitalisation où par définition les salariés financent leur retraite avec leur seul salaire. Les cotisations des seules salariés ne peuvent financer un régime par répartition.
Le Medef est gagnant sur tous les tableaux. D’un coté, les patrons diminuent leur contribution sociale aux retraites et de l’autre, ils encaissent l’argent des salariés qui devront se constituer une retraite par capitalisation, la fameuse épargne-salariale. À laquelle participent les confédérations syndicales dans leur gestion.
Toutes les publicités des assureurs sur la constitution des retraites découlent directement de l’allongement des annuités. On assiste à un retour au système existant avant 1945 où les patrons ne cotisaient pas pour les retraites des salariés. Un système à l’américaine où les retraités doivent travailler jusqu’à la vieille de leur mort ou vivre dans la misère.
Ainsi, ce sont les plus riches, les privilégiés des yachts et de chez Fouquet’s, les patrons et les gros actionnaires, qui encore une fois sont épargnés au nom de l’équité.
Quelques généralités
Dans statistiques, "Stat" signifie Etat.
Il s’agit donc au départ de chiffres de l’Etat...
C’est dire que cela prétend être sérieux mais que ce n’est nullement fiable car la neutralité de l’Etat est un mythe.
Disraeli, le premier ministre britannique du XIXe siècle, avait déclaré : "il y a trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques !" Statistiques, enquêtes, sondages, moyennes, indices... sont diffusés à longueur de colonnes dans les journaux écrits et télévisés. Ces travaux sont souvent, mais pas toujours, scientifiquement rigoureux. Les médias s’en font l’écho sous des formes très discutables : les illustrations graphiques relèvent parfois de la pure fantaisie. L’usage de la statistique devient abusif. Le grand public reste perplexe et en conclut : "on fait dire ce que l’on veut aux chiffres".
La statistique est d’un point de vue théorique une science, une méthode et une technique.
Les statistiques sont le produit des analyses reposant sur l’usage de la statistique.
La statistique comprend :
* la collecte des données ;
* le traitement des données collectées, aussi appelé la statistique descriptive ;
* l’interprétation des données, aussi appelée l’inférence statistique, qui s’appuie sur la théorie des sondages et la statistique mathématique.
* la présentation afin de rendre les données compréhensibles par tous
Ce domaine des mathématiques ne doit pas être confondu avec une statistique qui est un nombre calculé à partir d’observations. Pour un article (plus technique) sur une statistique consultez l’article statistique.
Cette distinction ne consiste pas à définir plusieurs domaines étanches. En effet, le traitement et l’interprétation des données ne peuvent se faire que lorsque celles-ci ont été collectées. La statistique a des règles et des méthodes sur la collecte des données, pour que celles-ci puissent être correctement interprétées.
John Tukey disait qu’il y a deux approches en statistiques, entre lesquelles on jongle constamment : les statistiques exploratoires et les statistiques confirmatoires (exploratory and confirmatory statistics) :
* on explore d’abord les données pour avoir une idée qualitative de leurs propriétés ;
* puis on fait des hypothèses de comportement que l’on confirme ou infirme en recourant à d’autres techniques statistiques
Quelques erreurs proviennent d’erreur de compréhension dans les calculs de proportion et de pourcentage sont à la source de multiples erreurs de raisonnement statistique.
Par exemple, la plupart des gens, y compris des statisticiens, sont persuadés à tort :
– qu’une quantité, qui augmente de 80% puis diminue de 80%, n’aurait en fait pas changé ! C’est totalement faux : il a diminué de 64% !!!
- qu’une quantité, qui augmente de 80% puis encore de 80%, aurait finalement augmenté de 80%. C’est totalement faux : il a augmenté de 224% !
– qu’une quantité qui augmente dix fois de suite de 80% aura finalement augmenté de 800%. C’est totalement faux : il a augmenté de 35700% !!!!
Ces erreurs de pourcentage proviennent du fait qu’on additionne des pourcentages qui ne sont pas des parties de la même quantité ou d’une quantité qui elle-même varie.
Il y a d’autres types d’erreurs statistiques, liés à l’a priori du continu. On suppose qu’une évolution, démographique par exemple, va continuer de manière linéaire. Du coup, on prévoit que la population du globe va croitre exponentiellement et c’est faux…
Ainsi, les démographes des années 70 ont raisonné sur les chiffres mondiaux de 60-70 qui donnaient une croissance démographique mondiale de 2% et ils ont supposé que cela resterait à 2%... En 2006, le taux d’accroissement démographique de la population mondiale serait de 1,14% annuellement.
Une des utilisations des mensonges statistiques sur la démographie a été la "réforme des retraites". Le gouvernement affirme que « la véritable cause du déséquilibre de nos régimes de retraites est la démographie ». C’est doublement faux. Le Conseil d’orientation des retraites a indiqué dans son rapport d’avril 2010 que la principale raison de l’aggravation des déficits sociaux était la crise financière : en 2006, donc avant la crise, le déficit de l’ensemble du système de retraite était de 2,2 milliards d’euros ; en 2008, il atteignait 10,9 milliards et il devrait être de 32,2 milliards en 2010.
D’autre part, l’allongement de l’espérance de vie ne devient une catastrophe que si on refuse de mettre en débat la richesse produite, sa nature, son évolution et la manière dont elle est répartie.
En climatologie, on va également fonder des analyses sur des statistiques de température, alors que cette dernière n’est pas une cause mais un effet. Les prévisions actuelles des experts fondées sur ces moyennes et ces statistiques ont une marge d’erreur de 300% : la dernière fourchette en date proposée par le GIEC pour l’augmentation de la température au XXIe siècle se situe entre 1,4 et 5,8 °C, soit 300% d’incertitude...
Les mensonges statistiques en démographie
Les mensonges statistiques en climatologie
La première erreur classique en statistiques consiste à souligner une corrélation qui ne comprend aucun lien de causalité entre les deux faits. Ou encore une corrélation qui est absurde d’un point de vue logique.
Exemple du premier cas : des gens d’un quartier mangent plus de frites que ceux d’un autre. Ils prennent aussi moins de médicaments contre l’obésité. Conclusion statistique fausse : les frites protègent contre l’obésité. Il a des chances que le premier quartier soit plus pauvre et qu’il consomme moins de médicaments de toutes sortes, y compris ceux qui n’ont rien à voir avec l’obésité. les apparences statistiques sont trompeuses.
Exemple du deuxième cas : les élèves de premier cycle réussissent moins bien en moyenne que les élèves de deuxième cycle. Solution : faire passer directement les élèves en deuxième cycle ! Bien entendu, les élèves ont été sélectionnés entre les deux cycles et donc les meilleurs restent...
Il en va de même dans les statistiques de réussite des établissements scolaires : le premier établissement a meilleur réputation. On vérifie l’année suivante : il réussit mieux. Nécessairement ! Son recrutement est meilleur puisqu’il est bien classé. Donc il recrute les bons élèves !
Corrélation sans causalité : cherchez la variable cachée
Exemple 1. Dans les communes d’Alsace, il a été observé une étonnante corrélation entre le nombre de naissances et celui des cigognes. Les villages où il est né le plus d’enfants sont ceux où l’on a recensé le plus de cigognes sur les cheminées. Est-ce à dire que les enfants alsaciens ont été apportés par les cigognes ? Bien entendu, il y a ici une variable cachée : le nombre des maisons, ie la taille du village.
Exemple 2. Les services de santé ont observé une corrélation positive entre le taux d’utilisation de crème solaire et le risque de cancer de la peau. Qu’est-ce à dire ? Les crèmes solaires seraient-elles cancérigènes ? En ce cas, la variable cachée est bien sûr « l’exposition au soleil ».
Exemple 3. La plupart des gens en sont convaincus : les antibiotiques fatiguent. De fait, il y a bien une corrélation avérée entre la fatigue du patient et la prise d’antibiotiques. Mais la relation s’explique entièrement par l’intervention d’une variable de confusion : la maladie.
Exemple 4. Si l’on en croit les statistiques de la sécurité routière, la moto est plus dangereuse que la voiture. Par km parcouru, le risque est en effet beaucoup plus grand d’avoir un accident à moto qu’en voiture. Mais n’y aurait-il pas une variable cachée ? Après tout, motards et automobilistes sont très différents quant à l’age, au sexe, et plus encore, à la personnalité. Toutes choses égales par ailleurs, on rencontre plus de casse-cous, de fous de vitesse chez les motards que chez les automobilistes. Rien ne dit qu’une mère de famille tranquille courre plus de risques sur sa moto qu’en prenant sa voiture.
Source des exemples 3 et 4 : Nicolas Gauvrit : Statistiques, méfiez-vous ! Ellipses Paris, 2007, 16 euros.
Le sens de la causalité : démêlez la cause et l’effet
Exemple 1. 70 % des gens meurent au lit... Donc, ne vous couchez pas !
Dans cet aphorisme célèbre de Pierre Dac, la cause et la conséquence sont inversées ! Si je compare, aujourd’hui à midi, les gens couchés et debout, les deux séries ne diffèrent pas seulement par la position horizontale ou verticale : la première comporte davantage de malades.
Daniel Schwarz, "Statistique et vérité", Journal de la Société de statistique de Paris, 2e trim. 1984
Exemple 2. Fêter les anniversaires est bon pour la santé. La preuve ? Les statistiques démontrent que plus on en fête, plus on devient vieux ! (Den Hartog)
Exemple 3. Les victimes de la psychanalyse
Longtemps, la Psychanalyse a rendu les mères responsables de l’autisme infantile. Le Livre Noir de la Psychanalyse donne de nombreux exemples des errements auquel leur foi a pu conduire les psychanalystes. Pour prouver leur thèse, certains n’ont pas hésité à proférer des énormités qu’on peut résumer ainsi : « les mères d’enfants autistes sont souvent dépressives. L’autisme de l’enfant est donc probablement une conséquence de la dépression de la mère ». Il n’est pas venu à l’esprit de ces ignorants que la maladie de la mère pouvait résulter de celle de leur enfant, et du sentiment de culpabilité qu’elles éprouvaient parce que la psychanalyse les rendait responsable de l’état de leur enfant.
Source des exemples 2 et 3 : Nicolas Gauvrit : Statistiques, méfiez-vous ! Ellipses Paris, 2007, 16 euros.
Exemple 4. Les chercheurs du Ministère de l’Education nationale viennent de faire une découverte : les élèves redoublants sont moins bons que les autres ! Plus précisément, les élèves qui ont redoublé réussissent moins bien que ceux n’ayant jamais redoublé ; et c’est d’autant plus vrai que le redoublement est plus précoce. Ainsi, moins de 10 % des élèves qui ont redoublé leur CP obtiennent le Bac, contre 75 % des redoublants de seconde, et 83-84 % des redoublants de Première & Terminale… Et Le Monde de titrer : « Le redoublement accroît le risque d’échec scolaire » ! Il n’est pas venu à l’esprit des auteurs que c’est plutôt l’échec scolaire qui augmente le risque de redoublement…
Education et formation, n° 66, juillet-décembre 2003, Dix-huit questions sur le système éducatif, DEP
Exemple 5. Le mécanisme de « la prophétie créatrice »
Dans son manuel, Robert Merton rapportait l’exemple suivant. « Apparemment, les faits semblent durs et froids. Les Noirs arrivés récemment d’un Sud non encore industrialisé, ignorent la discipline traditionnelle des syndicats. Le Noir est considéré comme un "briseur de grève". La statistique prétend en effet que le Noir ne participe pas aux grèves ni n’adhère aux syndicats : "avec son niveau de vie inférieur", on nous dit qu’il accepte sans discussions de très bas salaires. En un mot, le Noir est un "traître à la classe ouvrière" et l’on doit donc l’exclure des syndicats. Voilà comment un syndicaliste blanc tolérant mais entêté voit les faits en s’appuyant dit-il sur des statistiques... Il ne se rend évidemment pas compte que lui et les siens ont créé les "faits" qu’il observe. Car définissant la situation (les Noirs en opposition irréductible au principe du syndicalisme) et excluant les Noirs des syndicats, il provoque une série de conséquences rendant difficile, sinon impossible, à nombre de Noirs de n’être pas des "jaunes". Sans travail après la 1ère Guerre mondiale et rejetés des syndicats, des milliers de Noirs n’ont pu résister aux patrons, qui, gênés par la grève, insistaient pour leur ouvrir la porte de l’usine. (...) Les faits ont montré que les Noirs étaient des briseurs de grève parce qu’ils étaient exclus des syndicats (et de toute une série de travaux), et non le contraire.
D’après Robert K. Merton : Eléments de théorie et de méthode sociologique, 1956.
Corrélation et nuages de points
On représente souvent une corrélation sur un diagramme de dispersion. Un nuage de points apparaît, que l’on ajuste souvent au moyen d’une droite de régression. Mais gare aux interprétations hâtives. La corrélation globale ainsi mise en évidence peut n’être due qu’à un petit nombre d’individus.
Exemple. Prélèvements obligatoires et croissance économique
Dans un rapport au Conseil économique et social (« Prélèvements obligatoires : efficacité économique et justice sociale », 2005), Jean Gadrey soutenait qu’ « on ne peut conclure ni à un impact positif ni à un impact négatif (sur la croissance) d’un niveau plus élevé de prélèvements obligatoires, au moins pour les 20 pays les plus développés ». A l’appui de ses dires, il proposait un graphique montrant que la corrélation est quasi-nulle.
Las ! comme l’indiquait le professeur Jean-Marie Hommet dans une communication à la liste InterEs, "le graphique et son interprétation par les auteurs du rapport est un exemple à suivre ou à ne pas suivre selon qu’on veut éclairer ou manipuler l’opinion publique. Le problème est connu en économétrie sous l’appellation de "problème des données influentes", qui se pose particulièrement dans le cas des "petits" échantillons sur des données en coupes transversales. Nous sommes dans ce cas ». En effet, continue JM Hommet, « quand un échantillon est de "petite" taille, une valeur extrême exerce un effet d’attraction disproportionné sur la droite de régression. Or, il y a bien ici deux valeurs extrêmes dont on peut raisonnablement supposer qu’elles perturbent le comportement de la droite et "faussent" l’estimation des coefficients de détermination et de régression, c’est-à-dire rendent inintelligible l’analyse des écarts à la moyenne ».
Il suffit d’exclure la Norvège et le Japon de l’échantillon pour modifier radicalement la conclusion qu’on peut tirer de ce graphique. Il y a, du reste, de bonnes raisons de ne pas inclure ces deux pays. Le premier bénéficie à plein de la rente pétrolière, le second a connu onze années de déflation pendant la période considérée (1990-2001). Par exemple, « l’exclusion de la seule Norvège suffit pour que le coefficient de régression devienne négatif et statistiquement significatif au seuil de signification de 5%. En revanche, l’exclusion de 15 autres pays sur 19 n’exerce qu’un effet marginal sur la mesure de la corrélation, en deçà d’un écart-type ». On trouvera ci-dessous le graphique construit à partir de l’élimination des données relatives à la Norvège et au Japon.
Messages
1. Mille et un mensonges des statistiques, 5 octobre 2011, 20:03, par moshe
Cette manière de présenter les choses est erronée, et ce, pour deux raisons :
* o La première :
Elle laisse croire que les retraites reposent uniquement sur les cotisations salariales. Ce qui est faux. Les patrons cotisent au régime général à hauteur de 9.9 %. Du coup, dans les consciences, cette représentation démographique épargne la part contributive des patrons dans le financement des retraites. Si bien que les patrons et leurs médias peuvent poser le problème comme uniquement inhérent aux seuls salariés. Dés lors les patrons peuvent présenter comme seule solution juste, équitable, l’allongement de la durée des cotisations pour tous les salariés afin d’augmenter les versements. C’est pourquoi, les salariés en face de cette escroquerie, posée par patrons et syndicats comme un axiome incontournable, souscrivent bien malgré eux, à l’allongement des cotisations au nom de l’« équité ».
* o La deuxième raison :
Elle laisse entendre que les patrons ne sont pour rien dans les déficits et qu’il n’est pas possible de les mettre à contribution, d’augmenter les cotisations patronales. Ce qui est faux. La part patronale ne cesse de baisser et il est toujours possible de l’augmenter comme la Cour des comptes l’a suggéré. Ou encore d’augmenter son assiette à tous les revenus du capital. C’est ainsi que la SNCF cotise à hauteur de 33.4 % pour les cheminots. Les patrons s’épargnent ainsi avec cet alibi démographique, typiquement malthusien, toute contribution financière en laissant croire que les retraites reposent sur les cotisations de seules actives. La belle affaire en or.
L’équité voudraient que les patrons soient aussi mis à contribution. Or, on assiste au contraire. Depuis 30 ans les différents gouvernements avec les partenaires sociaux, se sont employés à fortement diminuer la part des cotisations patronales et à augmenter la part salariales, jusqu’à rendre les comptes des caisses générales déficitaires. Voilà quelle réalité masque l’argument démographique.
C’est pourquoi il faut combattre cet argument malthusianiste :
Malthus considérait qu’il n’y a pas de richesses suffisantes pour tout le monde et prétendait que c’est à cause du trop grand nombre d’individus sur terre. Il en concluait qu’une concurrence était inévitable et que seuls les plus forts, les plus intelligents, les plus viables s’en sortaient. Il justifiait ainsi l’accaparement des richesses par une classe exploiteuse.
2. Mille et un mensonges des statistiques, 22 juillet 2012, 14:34, par Robert Paris
Des raisonnements faux pullulent dans les affirmations liées à des pourcentages :
– 40% des accidents de la route sont provoqués par des conducteurs ayant absorbé trop d’alcool. Il y a donc plus d’accidents provoqués par des personnes sobres. Conclusion : on a plus de chance d’avoir un accident si on est sobre…
– Sur dix ans, un prix a augmenté de 80% puis diminué de 80% dans les dix années suivantes. On penserait qu’il s’est globalement maintenu. Faux : il a diminué de 64% !
– Cent pourcent des gagnants ont tenté leur chance, donc vous avez intérêt à jouer…
– Soixante pourcents des élèves de troisième réussissent au bac alors que 80 pourcent des élèves de première y réussissent. Conclusion : passez directement en première augmente vos chances…
– Les taux de variation de la production sont année par année de 3,8 ; 7,5 ; 9,4 ; 10,4 ; 8,3 ; 7,4 ; 6,2 ; 4,9 ; 2,8 ; 1,5. On dirait volontiers que la production a d’abord augmenté puis a diminué, alors qu’elle n’a pas cessé d’augmenter…
Maintenant que vous avez tout compris, un petit problème.
Sachant qu’il y a 105 naissances de garçons pour 100 naissances de filles, quelle chance a une naissance de faux jumeaux d’un garçon et d’une fille ?
3. Mille et un mensonges des statistiques, 16 mai 2014, 09:26
L’application d’une nouvelle méthodologie de l’Insee a fait augmenter la richesse annuelle produite. Mais uniquement sur le papier. Explications.
"On peut faire dire n’importe quoi aux chiffres." Ce scepticisme des Français quant à la fiabilité des statistiques économiques risque encore de s’accentuer jeudi.
Depuis ce matin, la France s’est officiellement réveillée plus riche qu’elle ne l’était hier. Le produit intérieur brut (PIB) hexagonal, indicateur de la richesse annuelle créée, a soudainement été relevé de 60 milliards d’euros en 2010. 61,8 milliards, pour être exact. Cela représente plus de trois points de richesse annuelle, plus que le coût des intérêts de la dette en 2013 !
Mais les conséquences sur les chiffres de l’économie française vont bien au-delà. Car nombre d’indicateurs-clés, comme la dette ou le déficit, sont calculés en pourcentage du PIB. En 2013, l’endettement a finalement atteint 91,8 % du PIB, au lieu de 93,5 % comme annoncé précédemment, et ce, malgré l’intégration partielle de la dette de Réseau ferré de France, l’entreprise qui gère le réseau ferroviaire hexagonal. Et pourtant, en valeur absolue, la dette française se monte à 1 939,7 milliards d’euros, contre 1 925,3 milliards, selon des chiffres annoncés pas plus tard que le 31 mars dernier ! En revanche, le déficit, lui, n’a presque pas bougé, passant de 4,3 à 4,2 %.
La réalité n’a pourtant pas changé, mais la méthode de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour mettre les comptes de la nation en chiffres, si !
4. Mille et un mensonges des statistiques, 6 février 2017, 09:09
« Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. »
Mark Twain
5. Mille et un mensonges des statistiques, 13 avril 2018, 07:57, par alain
pourquoi un site révolutionnaire se préoccuperait de statistiques ? parfois le parti pris universaliste de ce site m’étonne !
6. Mille et un mensonges des statistiques, 13 avril 2018, 07:58, par Robert Paris
Ce n’est pas aussi étonnant qu’il y paraît. Sais-tu, cher lecteur critique, que Karl Marx est l’un des premiers à avoir expliqué que l’économie et la sociologie avaient un grand besoin de cette nouvelle science des statistiques (nouvelle à son époque). C’est au milieu du XIXe siècle que le statisticien belge Adolphe Quételet a proposé les statistiques comme mode d’étude des évolutions sociales et humaines dans un ouvrage de 1835 intitulé « Sur l’homme et sur le développement de ses facultés », où il suggérait que les statistiques pouvaient s’appliquer utilement à la criminalité. Remarquons qu’il y déclarait : « La société prépare le crime et les coupables ne sont que les instruments de son exécution. » !!! Il comparait également ce qu’il appelait la « physique sociale » à la thermodynamique. C’est en 1842 que Karl Marx découvrait cet ouvrage et adoptait immédiatement le point de vue statistique. En 1869, dans une lettre à Ludwig Kugelmann, Marx écrivait : « Quételet a rendu d’éminents services en démontrant que même les incidents apparemment aléatoires de la vie sociale possèdent une nécessité interne de par leur récurrence périodique et leur incidence moyenne… En revanche, Quételet n’a jamais été en mesure d’interpréter cette nécessité. Il n’a pas progressé sr ce point, se contentant de développer le matériel qui lui permettait d’améliorer ses observations et calculs. » Dans « Le Capital », Karl Marx faisait explicitement référence à Quételet et à l’emploi de la méthode statistique.
7. Mille et un mensonges des statistiques, 14 avril 2018, 05:17, par alain
comment peuvent-ils utiliser la statistique pour faire passer des mensonges pour des vérités ?
8. Mille et un mensonges des statistiques, 14 avril 2018, 05:18, par Robert
La première méthode consiste à poser des questions orientées.
Par exemple, un statisticien cite ce genre de résultats :
– à la question « les différences de revenus sont nécessaires au pays », il y a 62% de réponses défavorables.
– à la question « les inégalités ne bénéficient qu’aux riches et aux puissants », il y a 80% de réponses favorables.
– à la question « les inégalités sont nécessaires à la communauté », il y a 57% de personnes défavorables.
– à la question « les inégalités sont inévitables », il y a 43% de réponses défavorables.
Pourtant, on pourrait croire que ce sont à peu près les mêmes résultats que l’on devrait trouver, celles des gens défavorables aux inégalités mais les résultats aux questions posées différemment varient de 43% à 80% !
9. Mille et un mensonges des statistiques, 14 avril 2018, 05:18, par Robert
Un autre exemple de faux raisonnement consiste à souligner une corrélation qui ne correspond pas à un véritable lien de causalité.
Par exemple, on effectue la statistique comparée des personnes ayant une grande pointure de chaussures et celle des personnes condamnées pour faits graves et on remarque que les personnes ayant une très grande pointure de chaussures correspondent à un pourcentage plus important de délinquants ou de criminels. C’est une corrélation mais pas un lien causal. Par exemple, cela provient du fait que les femmes ont des pieds plus petits et qu’il y a moins de femmes que d’hommes parmi les personnes arrêtées pour délits ou crimes. La véritable relation causale n’est donc pas révélée par la statistique.
10. Mille et un mensonges des statistiques, 9 juillet 2018, 07:30, par alain
Pourquoi l’obésité gagne l’Europe ?
11. Mille et un mensonges des statistiques, 9 juillet 2018, 07:30, par R.P.
Les Européens ont toujours su manger trop et être gros mais ils n’avaient pas un grand nombre d’obèse car l’obésité est un signe de détraquement du métabolisme et pas de grosse bouffe…
C’est les USA qui ont démarré la vague d’obésité dans le monde occidental car ils ont les premiers développé la nourriture industrielle.
La malbouffe industrielle capitaliste contient des produits qui cassent le métabolisme et provoquent des grossissements très particuliers, même pour ceux qui ne mangent pas trop en quantité mais trop mal en qualité.