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Vide quantique et relativité d’Einstein sont-ils contradictoires ?

samedi 9 février 2019, par Robert Paris

La thèse du vide quantique, fondement universel de la matière et des champs, ne s’oppose pas à la théorie de la relativité d’Einstein

Einstein dans « L’éther et la théorie de la relativité » :

« Le développement de la théorie de l’électricité selon les voies indiquées par Maxwell et Lorentz fit prendre un tour tout à fait inattendu et singulier à l’évolution de nos représentations de l’éther.

Pour Maxwell lui-même, l’éther était sans doute encore une structure possédant des propriétés purement mécaniques, même si ces propriétés mécaniques étaient d’un genre beaucoup plus complexe que celles des corps ordinaires. Mais ni Maxwell ni aucun de ses successeurs ne parvinrent jamais à inventer pour l’éther un modèle mécanique d’où l’on pût déduire une représentation mécanique satisfaisante des lois de Maxwell concernant le champ électromagnétique. Les lois étaient simples et claires, les interprétations mécaniques lourdes et pleines de contradictions…

Voilà où en étaient les choses au moment où intervient H.A. Lorentz. Lorentz réussit, en simplifiant de façon prodigieuse les fondements théoriques, à mettre la théorie en accord avec l’expérience. Il fit accomplir à la théorie de l’électricité un progrès tel qu’elle n’en avait pas connu depuis Maxwell, en ôtant à l’éther ses qualités mécaniques et à la matière ses qualités électromagnétiques. A l’intérieur des corps matériels, tout comme dans l’espace vide, c’est l’éther uniquement, et non la matière conçue sur le mode atomiste, qui est le siège des champs électromagnétiques… Lorentz réussit ainsi à réduire tous les phénomènes électromagnétiques aux seules équations de Maxwell dans le vide. S’agissant de la nature mécanique de l’éther de Lorentz, on peut dire en plaisantant que l’immobilité est la seule propriété mécanique que Lorentz lui ai laissé. On peut ajouter que le changement apporté par la théorie de la relativité restreinte à notre conception de l’éther a simplement consisté à le dépouiller de sa dernière qualité mécanique : l’immobilité. Nous allons maintenant expliquer ce qu’il faut entendre par là…

La théorie du champ électromagnétique de Maxwell a servi de modèle à la théorie de l’espace-temps et à la cinématique de la relativité restreinte ; elle satisfait donc aux exigences imposées par la théorie de la relativité restreinte, ce qui n’empêche pas qu’elle apparaisse sous un jour nouveau si on l’envisage du point de vue de cette dernière… Se pose alors une redoutable question : pourquoi la théorie obligeait-elle, en supposant que l’éther est immobile à privilégier un système de coordonnées par rapport auquel l’éther serait immobile, système de coordonnées qui, du point de vue physique, est totalement équivalent à un système de coordonnées en déplacement rectiligne et uniforme par rapport à l’éther ? (…)

La position la plus naturelle, face à une telle situation, semblait être la suivante. L’éther n’existe tout simplement pas. Les champs électromagnétiques ne sont pas des états d’un milieu, mais des réalités autonomes qui ne renvoient à rien d’autre et qui ne sont liées à aucun support, tout comme les atomes de la matière pondérable.

Cette conception semble s’imposer d’autant plus que, d’après la théorie de Lorentz, le rayonnement électromagnétique, à l’instar de la matière pondérable, emporte avec lui de l’impulsion et de l’énergie et que, selon la théorie de la relativité restreinte, matière et rayonnement ne sont que des formes particulières de la distribution d’énergie, la masse perdant ainsi sa position privilégiée et n’apparaissant plus que comme une forme particulière d’énergie.

Une réflexion plus précise indique cependant que le principe de relativité restreinte n’implique pas de façon nécessaire l’abandon de l’éther. On peut très bien supposer qu’il existe un éther ; il faut seulement renoncer à lui attribuer un état de mouvement déterminé ; autrement dit, il faut, par un processus d’abstraction, lui enlever la dernière caractéristique mécanique que lui avait laissée Lorentz.

Nous verrons plus loin que cette manière de voir, dont je vais montrer grâce à une comparaison un peu boiteuse qu’elle n’a rien d’impossible à imaginer, est justifiée par les résultats de la théorie de la relativité générale…

S’il n’existait pas des corps flottants permettant de suivre les mouvement des particules d’eau et si, plus généralement, de tout ce processus (celui des vagues dans l’eau, ondulations de la surface de séparation entre l’air et l’eau) rien d’autre n’était perceptible que la modification au cours du temps de l’espace occupé par l’eau, nous n’aurions aucune raison de supposer que l’eau est constituée de particules mobiles ; cela n’empêcherait pas d’en parler comme d’un milieu.

Il se passe quelque chose d’analogue dans le cas du champ électromagnétique. En effet, on peut se le représenter comme constitué de lignes de force. Si l’on veut interpréter ces lignes de force comme quelque chose de matériel, au sens ordinaire du terme, on est tenté d’interpréter les processus dynamiques comme des processus de mouvement affectant les lignes de force, et par là même de suivre chaque ligne de force au cours du temps. On sait bien cependant que cette manière de voir les choses débouche sur des contradictions.

Généralisant cet exemple, on dira qu’on peut très bien imaginer des objets physiques étendus auxquels il n’est pas possible d’appliquer le concept de mouvement. On ne peut pas s’imaginer ces objets comme constitués de particules que l’on peut suivre individuellement au cours du temps…

Le principe de la relativité restreinte interdit de supposer que l’éther est constitué de particules que l’on peut suivre au cours du temps, mais l’hypothèse de l’éther, en tant que telle, n’est pas contradictoire avec la théorie de la relativité restreinte. On doit simplement se garder d’attribuer à l’éther un état de mouvement…

D’un autre côté, on peut alléguer à l’appui de l’hypothèse de l’éther l’argument important suivant. Abandonner l’éther, c’est finalement supposer que le vide n’a aucune propriété physique d’aucune sorte, et cette conception ne s’accorde pas avec les faits fondamentaux de la mécanique.

Le comportement mécanique d’un système matériel libre de se déplacer dans le vide dépend, outre des diverses positions relatives (distances) et des vitesses relatives, de son état de rotation, lequel du point de vue physique ne peut pas être considéré comme une caractéristique appartenant en propre au système.

Afin de pouvoir, ne serait-ce que de façon formelle, considérer la rotation du système comme quelque chose de réel, Newton fait de l’espace un objet. Du fait même qu’il compte son espace absolu au nombre des objets réels, la rotation par rapport à l’espace absolu est chez lui quelque chose de réel aussi. Newton aurait aussi bien pu donner à son espace absolu le nom d’ « éther » ; le point essentiel ici est que, pour pouvoir envisager l’accélération et la rotation comme quelque chose de réel, il faut considérer comme réelle, à côté des objets observables, une autre chose, non perceptible.

Mach a tenté d’échapper à la nécessité de supposer réel quelque chose de non observable en remplaçant l’accélération par rapport à l’espace absolu par une accélération moyenne par rapport à l’ensemble des masses de l’univers. Mais toute résistance inertielle à l’accélération relative des masses éloignées présuppose une action à distance immédiate.

Comme le physicien moderne ne se croit pas autorisé à une telle supposition, cette conception nous ramène encore une fois à l’éther, chargé ici de transmettre les effets d’inertie.

Le concept d’éther auquel conduisent les considérations de Mach diffère sur un point essentiel de celui que l’on trouve chez Newton, Fresnel et H.A. Lorentz. L’éther de Mach ne fait pas que conditionner le comportement des masses inertes, il est également conditionné, dans son état, par les masses inertes…

Cette variabilité spatio-temporelle des relations réciproques entre règles et horloges, autrement dit la reconnaissance du fait que le « vide » n’est, du point de vue physique, ni homogène ni isotrope – ce qui oblige à décrire l’état du vide à l’aide de dix fonctions, les potentiels de gravitations -, a sans doute définitivement écarté l’idée que l’espace est physiquement vide.

De ce fait, le concept d’éther a également retrouvé un contenu clair, un contenu évidemment très différent de celui qu’il avait en théorie ondulatoire mécaniste de la lumière. L’éther de la théorie de la relativité générale est un milieu qui, s’il est lui-même dépourvu de toute propriété mécanique et cinétique, n’en contribue pas moins à la détermination des phénomènes mécaniques (et électromagnétiques).

L’éther de la relativité générale a ceci de fondamentalement nouveau par rapport à l’éther de Lorentz que son état est déterminé en tout lieu par des lois qui se présentent sous forme d’équations différentielles et qui le font dépendre de la matière et de l’état de l’éther en des lieux voisins, alors que l’état de l’éther de Lorentz n’est, en l’absence de champ électromagnétique, conditionné par rien qui lui soit extérieur et est le même partout.

L’éther de la théorie de la relativité générale redonne celui de Lorentz si, par la pensée, on remplace les fonctions d’espace qui le décrivent par des constantes, faisant ainsi abstraction des causes qui déterminent son état. Aussi peut-on dire également que l’éther de la théorie de la relativité générale dérive de l’éther de Lorentz par « relativisation »…

Comme les particules élémentaires de matière ne sont, selon nos conceptions actuelles, rien d’autre que des concentrations du champ électromagnétique, notre image actuelle du monde admet donc deux réalités complètement disjointes du point de vue conceptuel mais liées entre elles de façon causale : l’éther de la gravitation et le champ électromagnétique – on pourrait tout aussi bien dire : l’espace et la matière.

On accomplirait évidemment un grand progrès si l’on parvenait à concevoir le champ de gravitation et le champ électromagnétique comme une structure unifiée… L’opposition éther-matière disparaîtrait…

Pour nous résumer, nous dirons donc que l’espace est, selon la théorie de la relativité générale, doté de qualités physiques et qu’en ce sens il existe un éther.

D’après la théorie de la relativité générale, un espace sans éther est impensable, car dans un tel espace non seulement la lumière ne pourrait se propager, mais aussi les règles et les horloges ne pourraient pas exister et il n’y aurait donc pas de distances spatio-temporelles au sens de la physique. Mais il ne faut pas s’imaginer cet éther comme doté de la propriété qui caractérise les milieux pondérables : être constitué de parties que l’on peut suivre au cours du temps ; on ne doit pas lui appliquer le concept de mouvement. »

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