Accueil > 02 - SCIENCES - SCIENCE > Formation et filiation de l’homme > L’être humain est-il préprogrammé pour se tenir assis et s’asseoir, se tenir (…)
L’être humain est-il préprogrammé pour se tenir assis et s’asseoir, se tenir debout et marcher ?
samedi 16 octobre 2021, par
La station debout et la marche sont-ils propres à l’homme ?
L’être humain est-il préprogrammé pour se tenir assis et s’asseoir, se tenir debout et marcher ?
La réponse est à la fois oui et non !!! C’est un bel exemple des contradictions dialectiques du vivant…
Et c’est aussi un exemple typique de la dialectique corps/cerveau qui pilote les relations psychomotrices.
Ce n’est pas le corps qui connaît d’avance et dicte les gestes.
Ce n’est pas le cerveau qui sait d’avance comment faire et pilote les étapes.
Chacun joue sa partie et tous deux explorent les possibilités, puis intègrent leurs connaissances. Cela ne se déroule pas totalement au hasard mais le hasard joue aussi son rôle. Aucun enfant ne fait exactement pareil qu’un autre enfant. Il y a quasiment autant de manières de ramper, de se tenir assis, de s’asseoir et de marcher qu’il y a d’enfants.
On pourrait se dire : pourquoi parler de dialectique ? Où sont les contradictions là-dedans ? Eh bien, au cours de l’apprentissage, ce que comprend le cerveau est encore limité et ce que sait faire le corps l’est aussi et chacun bloque l’autre et aussi débloque l’autre. Les avancées de l’un parfois aident, parfois bloquent l’autre…
Apte physiologiquement et intellectuellement à se tenir debout et à marcher, l’homme n’est cependant pas vraiment préprogrammé pour cela. Il n’y a pas un programme fait d’avance et les manières de faire diffèrent d’un enfant à l’autre. Par exemple, il y a quantité de manières de ramper, quantité de manières de s’asseoir, quantité de manières de se redresser et de marcher…
On lit souvent sur les sites spécialisés dans l’enfance et s’adressant aux parents que « le bébé est programmé pour se tenir debout et marcher ». Cela leur est souvent dit pour leur éviter de se faire trop de souci ou de vouloir aller plus vite que la musique… Cela signifie surtout que l’aide des parents, pour utile qu’elle soit si elle bien menée, n’est pas tout à fait indispensable. Ce qui est indispensable, c’est que l’enfant ait pu largement s’agiter sur des surfaces propices au sol et ainsi explorer à la fois le monde et ses capacités potentielles propres.
Cependant, dit ainsi, c’est une très mauvaise expression voire une idée fausse. Un programme, c’est quelque chose de préétabli et de fixé d’avance comme le message de l’ADN et dont on hérite dès la naissance, donc qui ne se construit pas progressivement en fonction des expériences réalisées par le bébé lui-même. Ici, c’est le contraire, la progression vers la position assise, vers la station debout et la marche est réalisée par la progression des tentatives du bébé et par les évolutions qu’elles produisent dans sa perception du monde et de ses propres capacités.
Non seulement, l’être humain ne naît pas en se tenant debout et en sachant marcher mais sa formation à la marche, pour spontanée qu’elle est (et il faut répéter que le bébé n’aura pas nécessairement besoin d’aides et d’incitations de son entourage pour le faire, même si cela est souvent un peu utile), n’est pas préprogrammée, ce qui veut dire que nous n’avons pas un programme inscrit dans l’espèce qui indique par avance les étapes et le moment de leur enclenchement menant à la capacité de se tenir debout et de marcher. Tous les humains ont normalement cette capacité par eux-mêmes mais elle se construit au fur et à mesure, par un échange dialectique entre expérience individuelle et incitation automatique, et n’est pas inscrite dans le capital génétique mais provient des interactions, sans cesse changeantes au cours des âges du bébé, du développement du corps et du développement du cerveau. Il faut là aussi parler de dialectique car cela se produit avec des contradictions, le cerveau comme le corps pouvant activer ou inhiber une avancée psychomotrice. Par exemple, un cerveau occupé à développer le langage chez le bébé inhibe les avancées psychomotrices vers les étapes de la marche debout.
Mais, direz-vous, on connaît pourtant ces étapes vers la station debout et la marche et elles sont suivies par les bébés sans que leurs parents aient besoin de leur apprendre à les réaliser. C’est donc bien qu’elles sont inscrites d’une manière ou d’une autre dans le corps ou le cerveau du bébé, que l’on appelle ou pas cela un programme ?
En effet, on constate que le bébé va progressivement, à des dates qui diffèrent suivant les enfants, franchir certaines de ces étapes, mais il ne passera pas nécessairement dans un ordre prédéfini par toutes ces étapes. L’ordre de ces étapes n’est pas le même suivant les bébés et il n’y a pas un ordre des opérations meilleur qu’un autre. Certaines étapes seront même sautées par le bébé sans que cela signifie un défaut ou une erreur.
Voici ces grandes étapes qui mènent à la station debout humaine :
– exercices sur le dos, mouvements et préhension des objets
– relèvement du dos et repli des membres permettant ensuite de tourner
– passage de la position sur le dos à la position sur le ventre
– efforts pour rester de plus en plus longtemps sur le ventre et s’en servir pour percevoir le monde et interagir avec
– sur le ventre, redressement de la tête et renforcement du dos, exercices sur le ventre, notamment « l’avion », « le sphinx », la prise d’objets, mouvements de natation, bras tendus, etc.
– sur le ventre, relèvement des fesses et repli d’une jambe pour s’incliner à demi
– exercices de rotation du bassin, bébé roule sur les côtés
– exercices de rotation du corps restant sur le ventre, vers la droite ou la gauche
– passage de la position sur le ventre à la position sur le dos, accidentellement ou systématiquement
– position sur le côté, à moitié ventrale et dorsale
– capacité à rester dans la position assise dans les bras
– passage du dos à la position assise de manière fugitive (position trépied ou parachute)
– passage du dos à la position assise de manière durable
– marche à quatre pattes
– étape du rampé, c’est-à-dire se déplacer sur les mains et les genoux (il y a d’un côté le rampé avant et de l’autre le rampé arrière qui sont indépendants). Comme on l’a dit, il y a quantité de sortes de rampés.
– position sur les genoux
– premières tentatives du bébé de rester debout quand il est tenu
– premières tentatives de passer à la position debout
– station debout fugitive
– station debout stable
– marche à pied
– monter des marches d’escalier
etc…
Cette liste n’est pas exhaustive et il y a de nombreuses manières propres à chaque bébé de réaliser ces tâches…
Et surtout toutes ces étapes ne sont pas nécessairement exactement dans cet ordre. Le bébé peut réaliser ces étapes dans cet ordre, dans un autre ordre, ou passer l’une de ces étapes sans nuire à l’ensemble.
Certes, le bébé est fortement incité par son horloge interne physiologique et psychologique à effectuer ces exercices et, en ce sens, il pourrait sembler « programmé » pour ces tâches mais ce programme ne préexiste pas et n’est pas prédéfini ou préinscrit. Il se développe et se construit au fur et à mesure des expériences réalisées par le bébé, en fonction de sa physiologie, de sa psychologie, de son environnement matériel, et de son environnement humain et social.
Le bébé explore, note les réactions de son corps, mémorise, puis va plus loin…
Certaines ne peuvent pas être interverties mais d’autres le peuvent.
Certains bébés ne rampent pas et ne marchent pas à quatre pattes avant d’acquérir la station debout. Certains bébés n’ont pas vraiment expérimenté le retournement du ventre sur le dos non plus.
Le "quatre pattes" n’est pas une étape obligatoire. Tout comme la reptation, ce mode de déplacement devient accessible à l’enfant vers 9-10 mois. Mais tous les petits n’exploiteront pas ces possibilités. Certains choisiront de se pousser en avançant sur les fesses. D’autres se lanceront très vite dans l’acquisition de la station debout. D’autres encore, qui se trouvent très bien assis sur leur tapis de jeu, préféreront explorer les capacités de leurs petites mains. Toutefois, marcher à quatre pattes ou ramper favorise la coordination des mouvements et la latéralisation, encouragez donc les initiatives de votre bébé s’il en manifeste le désir.
On ne peut assez souligner de plus qu’il n’y a pas à proprement parler de date ou de période fixe pour ces diverses tâches. Les notions de « retard du bébé » sont le plus souvent fausses, sauf de rares cas.
Une des raisons de ce caractère tout à fait individuel des étapes vers la station debout et la marche, c’est le fait qu’elles dépendent de la force des muscles, du tronc, et aussi d’autres tâches qui s’accomplissent à la même époque et sont contradictoires, comme l’acquisition du langage. En effet, toutes les tâches sont aussi cérébrales et le langage contredit donc ou retarde les efforts plutôt portés sur la station debout et la marche.
Pour marcher l’enfant a également besoin d’avoir fait préalablement suffisamment d’expériences motrices par lui-même.
La marche implique de :
– se mettre debout et tenir debout sans appuis des mains
– prendre appui sur ses pieds
– avoir le tonus ou la force musculaire dans les jambes de porter son poids
– maintenir son équilibre
– mobiliser son bassin
– avoir confiance en lui et dans ses capacités face aux déséquilibres
– savoir tomber de préférence en mettant les mains en avant
– savoir se relever soi-même
– s’adapter au sol et aux éventuels obstacles.
Pas plus que celui du bébé, le développement de l’enfant n’est pas un programme préétabli, inscrit par exemple dans la génétique ni dans le cerveau. L’esprit n’est pas préprogrammé, la physiologie non plus, le comportement pas davantage. Bien des choses, dans le développement du bébé vont dépendre de lui, de sa psychologie, de ses expériences personnelles et ne sont pas un héritage ni des parents ni de l’espèce.
En conclusion, certes l’enfant acquiert spontanément les capacités de station debout et de la marche mais elles sont émergentes et non préexistantes… Les bébés n’emploieront pas tous la même méthode pour passer de la position allongée à la position assise ou pour pratiquer la marche. Ces méthodes dépendent de leur physiologie, de leur apprentissage précédent, de leur expérimentation, de leur cerveau, de leur psychologie. Ils ne sont donc pas inscrits par avance.
Par contre, ce qui est vrai, c’est qu’il existe une étape qu’il faut que le bébé franchisse, c’est de rouler de la position sur le ventre à la position sur le dos, comme on le voit sur l’image en début de texte. Et aussi de tourner sur lui-même...
D’où l’importance de laisser le bébé explorer, faire des tentatives, essayer, échouer même… Vouloir que le bébé « réussisse » est déjà, de la part des parents, un échec !!!
Car cette conception de la « réussite » est contraire au fait de laisser le bébé explorer librement et sans se limiter… Et de lui faire confiance !!!