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Quelle physique s’applique à l’échelle de Planck ?
samedi 6 mai 2023, par
Quelle physique s’applique à l’échelle de Planck, là où relativité et quantique s’appliquent en même temps ? La réponse n’est pas surprenante mais renversante !
Aux dimensions de Planck, limites inférieures des dimensions universelles de temps, d’espace et d’énergie, là où relativité et quantique s’appliquent en même temps, il n’y a pas de différence entre vide quantique et matière : à cette échelle, il faut dire adieu aux instants de temps, adieu aux points de l’espace, adieu à la variété espace-temps, adieu aux observables et aux mesures, adieu à la masse, adieu aux trajectoires, adieu à la permanence de la matière, adieu aux mesures, adieu aux observations, et même adieu à la séparation diamétrale entre matière et vide.
Le texte qui suit est extrait de l’article de Christophe Schiller dans l’ouvrage collectif « Le Vide » dirigé par Edger Gunzig et Simon Diner, article intitulé « Le vide diffère-t-il de la matière ? ». Il raisonne entièrement aux dimensions de Planck et démontre qu’à cette échelle, toute la physique est bouleversée, y compris la physique quantique et la relativité.
« Le face-à-facede la mécanique quantique et de la relativité générale conduit à des conclusions surprenantes concernant l’espace et le temps. Nous montrons que les concepts de continuité de l’espace-temps, de point d’espace, de moment de temps, de particule ponctuelle, de causalité, perdent tout fondement dans le domaine des distances inférieures à la distance de Planck, ou celui des énergies de Planck. Le vide lui-même devient indiscernable de la matière et du rayonnement.
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Pour décrire le mouvement, ces deux théories (relativité générale et mécanique quantique) recourent à des objets constitués de particules et à la notion d’espace-temps. Voyons comment ces concepts sont définis.
Une particule – et en général tout objet – est défini comme une entité permanente, à laquelle une position peut être attribuée et qui peut se déplacer (l’étymologie du terme « objet » se rapporte à ce dernier trait). En d’autres termes, une particule est une petite entité dont la masse, la charge, etc. se conservent. Cette particule peut changer de position avec le temps.
Cependant, dans tous les traités de physique, les temps est déterminé à l’aide d’objets en mouvement, qu’on appelle habituellement « horloges », ou à l’aide de particules en mouvement, comme celles qui sont émises par des sources de lumière. De même, l’unité de longueur se définit également avec des objets, par exemple les règles comme autrefois, ou le mouvement de la lumière qui n’est rien d’autre qu’un ensemble de particules en mouvement.
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Pour éviter les contradictions entre la mécanique quantique et la relativité générale… les changements conceptuels nécessaires sont si spectaculaires qu’ils devraient intéresser tous ceux qui manifestent un certain intérêt pour la physique… La mnière la plus efficace d’approcher ces changements sera de fixer notre regard sur les détails du domaine où la contradiction entre les deux théories standard prend son tour le plus saillant et où elles sont toutes deux nécessaires en même temps…
La relativité générale et la mécanique quantique proposent chacune un critère pour déterminer quand la physique galiléenne n’est plus applicable… La relativité générale montre qu’il est nécessaire de prendre en compte la courbure de l’espace-temps lorsque l’on s’approche d’un objet de masse m à des distances de l’ordre du rayon de Schwarzschild qui vaut deux fois la constante de gravitation universelle de Newton fois la masse et divisé par le carré de la vitesse de la lumière… Un objet plus petit que son propre rayon de Scwarzschild est un « trou noir ». Selon la relativité générale, aucun signal issu de l’intérieur du rayon de Schwarschild ne peut parvenir au monde extérieur d’où le nom « trou noir ».
De même, la mécanique quantique montre que la physique classique galiléenne doit être abandonnée et les effets quantiques pris en compte lorsque l’on approche d’un objet à des distances qui sont de l’ordre de la longeur d’onde de Compton qui est égale à la constante de Planck h barre divisée par le produit de la masse et de la vitesse de la lumière. Naturellement, cette longueur n’a d’importance que si l’objet lui-même est plus petit que sa longueur de Compton. A ces échelles, on observe des effets quantiques relativistes, comme les créations et annihilations de particules-antiparticules (théorie quantique des champs).
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Si nous rassemblons ces deux résultats, les situations qui demandent la combinaison des concepts de la théorie quantique des champs et de la relativité générale sont celles où ces deux conditions sont satisfaites simultanément. La distance d’approche critique admise est un rayon de Schwarschild double de la longueur d’onde de Compton. On constate que c’est le cas lorsque les longueurs sont de l’ordre de la « longueur d’onde de Planck » et les temps de l’ordre du « temps de Planck ».
La longueur d’onde de Planck « lP » vaut 1,6 fois dix puissance moins 35 mètres et le temps de Planck « tP » vaut 5,4 fois dix puissance moins 44 secondes.
lP vaut tP multiplié par la vitesse de la lumière c. Le carré de lP vaut la constante de Planck h barre fois la constante de gravitation universlle G divisé par la puissance trois de la vitesse de la lumière.
Si l’on approche un objet à ces échelles, la relativité générale et la mécanique quantique jouent toutes deux un rôle.
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Est-il possible de construire une horloge qui soit susceptible de mesurer des intervalles de temps plus courts que le temps de Planck ? Il est remarquable que la réponse soit non ; même si dans la relation d’incertitude temps-énergie (produit des incertitudes de temps et d’énergie supérieure ou égale à h barre), il semble que qu’en donnant l’incertitude de d’énergie une valeur arbitrairement grande, l’on peut rendre l’incertitude de temps aussi petite que l’on veut.
Une horloge est un appareillage qui comporte des pièces mobiles qui peuvent être des roues mécaniques, des particules matérielles en mouvement, des champs électromagnétiques variables – des photons -, des particules radioactives en désintégration, etc. Pour chaque composant mobile d’une horloge, par exemple les aiguilles du cadran, le principe d’incertitude s’applique… Or, à propos d’une horloge quelconque, l’on doit connaitre le temps marqué et l’énergie pour chaque aiguille sans quoi ce ne serait pas un système classique, c’est-à-dire que ce ne serait pas un système d’enregistrement… Il est évident que le plus petit intervalle de temps qui peut être mesuré par une horloge est toujours plus grand que la limite quantique, et donc plus grand que la précision temporelle qui résulte de la relation d’incertitude pour ses parties en mouvement. On a donc la relation : plus petit intervalle de temps plus grand ou égal à h barre divisé par l’incertitude sur l’énergie du composant en mouvement.
Cette incertitude sur l’énergie est certainement plus petite que l’énergie totale du composant lui-même qui vaut la masse fois le carré de la vitesse de la lumière…
Qui plus est, toute horloge fournit de l’information ; il faut donc que des signaux puissent en émaner. Pour permettre ceci, l’horloge ne doit pas être un trou noir ; sa masse ne doit donc pas être plus petite que la masse de Schwarschild pour sa taille, soit inférieure ou égale au produit de la taille de l’horloge par le carré de la vitesse de la lumière divisée par la constante de gravitation universelle G. Et finalement, la taille de l’horloge doit être plus petite que le facteur vitesse de la lumière fois le plus petit intervalle de temps lui-même, pour permettre une mesure adéquate de l’intervalle de temps ; sinon les diverses pièces de l’horloge ne pourraient travailler ensemble pour afficher le même temps…
Si l’on réunit toutes ces conditions, on obtient que le plus petit intervalle de temps est plus grand ou égal au temps de Planck.
En résumé, l’on obtient la conclusion générale que les horloges ne peuvent mesurer que des intervalles de temps plus courts que le temps de Planck, et ce à partir des trois propriétés simples de toute horloge, n’avoir qu’une seule horloge (pas d’horloge avec, en paire, son antihorloge), savoir lire son cadran et qu’elle donne des informations adéquates.
On observera que cet argument est indépendant de la nature du mécanisme de l’horloge. Que celle-ci soit mue par des moyens d’ordre gravitationnel, électrique, simplement mécanique, voire nucléaire, les relations ci-dessus s’appliquent.
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L’on est ainsi conduit à conclure qu’il existe dans la nature un intervalle de temps minimum. En d’autres termes, aux échelles de Planck, le terme « instant du temps » ne s’appuie ni sur la théorie ni sur l’expérience. Utiliser ce concept n’a donc aucun sens.
L’on peut de même déduire qu’il n’est pas possible de construire une règle pour mesurer la longueur ou un quelconque autre instrument de mesure qui puisse mesurer des longueurs plus courtes que la longueur de Planck. Cela découle déjà de la relation longueur de Planck égale vitesse de la lumière c fois temps de Planck.
La manière simple de mesurer la distance entre deux points est de mettre un objet au repos en chacun d’eux. En d’autres termes, des mesures conjointes de la position et de l’impulsion sont nécessaires pour toute mesure de longueur. Or, la longueur minimum mesurable est certainement plus grande que l’incertitude qui porte sur la position des deux objets. A partir du principe d’incertitude, l’on sait que la position de chacun ne peut être connue avec une précision meilleure que celle donnée par la relation d’incertitude :
incertitude sur la position fois incertitude sur l’impulsion égale constante dePlanck h barre
Si l’on exige qu’un seul objet figure à chacune des deux extrémités (autrement dit si l’on veut éviter la production quantique de maires d’objets à partir du vide), cela implique que l’incertitude sur l’impulsion soit inférieure au produit de la masse et de l’impulsion.
La longueur minimum mesurable étant supérieure ou égale à l’incertitude sur la longueur qui est supérieure ou égale à la constante de Planck h barre divisée par le produit de la masse et de la vitesse de la lumière.
De plus, la mesure ne peut être effectuée si des signaux ne peuvent quitter l’objet en question : il ne peut pas s’agir de trous noirs. Les masses doivent donc être si petites que leur rayon de Schwarschild est plus petit que la distance qui les sépare. D’où il découle que la longueur minimum mesurable est supérieure ou égale à la longueur de Planck.
Une autre technique pour déduire cette limite renverse le rôle de la relativité générale… L’on retrouve une fois encore que la limite de mesure de longueur est la distance de Planck.
On peut remarquer que la longueur de Planck étant la plus courte possible, il s’ensuit qu’il ne peut exister d’observations ni de conséquences d’effets quantiques pour des situations où la longueur d’onde de Compton correspondante serait plus petite.
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Par conséquent, dans son sens usuel d’entité sans extension, le concept de « point de l’espace » ne peut s’appuyer sur l’expérience. De la même façon, le terme « événement », qui combine les « points de l’espace » et l’ « instant de temps » perd également sa signification pour la description de la nature.
Ces résultats sont résumés dans ce que l’on appelle le principe d’incertitude généralisé selon lequel le produit des incertitudes sur la position et sur l’impulsion est supérieur ou égal à sa somme de deux termes dont l’un dérive de la physique quantique (h barre sur deux) et l’autre de la relativité (G fois le carré de l’incertitude d’impulsion divisé par la vitesse de la lumière à la puissance trois).
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La description de l’espace-temps en termes de continuum doit donc être abolie en faveur d’une autreplus appropriée.
la nouvelle relation d’incertitude aux échelles de Plack devient :
incertitude sur la longueur fois incertitude sur le temps supérieure ou égale à temps de Planck fois longueur de Planck
Une manière finale de se convaincre que les points n’ont pas de signification est qu’un point ne peut avoir qu’un volume nul ; mais le volume minimum possible dans la nature est le volume de Planck égale distance de Planck à la puissance trois.
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Mais les conséquences des limites de Planck pour les mesures de l’espace et du temps peuvent être poussées beaucoup plus loin…
C’est un lieu commun que de dire qu’étant donnés deux points quelconques de l’espace ou deux instants du temps, il y en aura toujours un troisième entre eux. Les physiciens se contentent de baptiser continuité cette propriété et les mathématiciens parlent de densité. Mais aux dimensions de Planck, cette propriété ne peut plus tenir, puisque l’on ne peut avoir des intervalles plus courts que le temps de Planck : points et instants ne sont donc pas denses, et entre deux points il n’y en a pas toujours un troisième. Mais ceci signifie que l’espace et le temps ne sont pas continus.
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La relativité restreinte, la mécanique quantique et la relativité générale reposent toutes trois sur l’idée que le temps peut être défini pour tous les points d’un référentiel donné. Or, deux horloges éloignées d’une certaine distance ne peuvent être synchronisées avec une précision arbitraire. Puisque la distance qui les sépare ne peut être mesurée avec une erreur plus petite que la longueur de Planck, et sachant que la transmission des signaux est indispensable à la synchronisation, il n’est donc pas possible de synchroniser deux horloges avec une précision plus fine que celle que nous impose le temps de Planck. En raison de cette impossibilité, l’idée d’une coordonnée temporelle unique pour un référentiel global n’est qu’une approximation elle aussi et ne peut être maintenue dans le cadre d’une description précise de la nature.
De plus, puisque l’écart entre événements ne peut se mesurer avec une précision plus fine que le temps de Planck, il s’ensuit que pour deux événements éloignés dans le temps de cet ordre de grandeur, il n’est pas possible de dire avec une certitude complète lequel précède l’autre. Ceci constitue un résultat important. Si les événements ne peuvent être ordonnés aux échelles de Planck, le concept de temps, que l’on a introduit en physique pour décrire des séquences, ne peut tout simplement pas être défini.
En d’autres termes, une fois abandonnée l’idée de coordonnée temporelle unique pour un référentiel global, on se voit contraint d’abandonner également celle du temps d’un événement considéré comme un « point » unique.
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L’existence même d’une longueur minimum ciontredit la relativité restreinte où l’on montre que, si l’on passe à un système de coordonnées en mouvement, une longueur donnée subit une contraction de Lorentz. Il ne peut exister de longueur minimum en relativité restreinte ; et donc, aux dimensions de Planck, l’espace-temps n’est ni invariant de Lorentz, ni invariant par difféomorphisme, ni invariant par dilatation.
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Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Aux échelles de Planck, puisque l’ordre temporel et l’ordre spatial s’effondrent, il n’est pas possible de décider si la distance entre deux régions de l’espace-temps assez proches est de type spatial ou temporel. Les limites de la mesure rendent impossible la distinction entre ces deux cas. Aux échelles de Planck, le temps et l’espace ne peuvent se distinguer.
En résumé, aux échelles de Planck, l’espace-temps n’est ni continu, ni ordonné, ni pourvu d’une métrique, ni quadridimensionnel, ni constitué de points.
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Pour achever cet inventaire, si l’espace et le temps ne sont pas continue, les quantités définies comme des dérivées spatiales ou temporelles n’ont pas de définition précise.
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L’expression courante pour une grandeur observable A(x,t) n’a pas de sens…Aux échelles de Planck, les champs physiques ne peuvent être décrits par des fonctions continues… Il est impossible de définir la multiplication des observables par des nombres continus…
En théorie quantique des champs, la différence entre une particule virtuelle et une particule réelle est qu’une particule réelle est « sur sa couche de masse », c’est-à-dire qu’elle obéit à la relation énergie au carré égale masse au carré fois vitesse de la lumière puissance quatre plus impulsion au carré fois vitesse de la lumière au carré, alors qu’une particule virtuelle n’y obéit pas. Aux échelles de Planck, on ne peut pas déterminer si une particule est réelle ou virtuelle.
Mais ce n’est pas tout. Puisque l’antimatière peut être décrite comme de la matière qui se déplace à contre-courant dans le temps, et puisque la différence entre mouvement et mouvement inverse ne peut être observée aux échelles de Planck, l’on ne peut distinguer la matière et l’antimatière à ces échelles.
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De même, l’imprécision sur la position nous empêche de déterminer des positions distinctes précises pour des expériences d’échange. En bref, aux échelles de Planck, on ne peut définir le spin, on ne peut distinguer les fermions des bosons ou, autrement dit, la matière du rayonnement…
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Pour conclure, le vide, c’est-à-dire l’espace-temps vide ne peut se distinguer de la matière aux échelles de Planck. (…) »
Articles scientifiques de Christophe Schiller :
Christophe Schiller, « L’aventure de la Physique » :
Chute, flux et chaleur
https://www.motionmountain.net/MontagneMouvement-volume1.pdf
La Relativité
https://www.motionmountain.net/MontagneMouvement-volume2.pdf
Lumière, charges et cerveau
https://www.motionmountain.net/MontagneMouvement-volume3.pdf
La quantification du changement
https://www.motionmountain.net/motionmountain-volume4.pdf
Mouvement au sein de la matière
https://www.motionmountain.net/motionmountain-volume5.pdf
Une spéculation sur l’unification