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La discontinuité dans la conception de Friedrich Hegel

vendredi 29 mars 2024, par Robert Paris

La discontinuité dans la conception de Friedrich Hegel

« On dit que la nature ignore les bonds (...) or le changement n’est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif et consiste dans quelque chose de nouveau, d’autre, dans la rupture de la forme ancienne de l’être. »

Hegel dans « Science de la Logique »

« D’une part, la disparition apparaît comme inattendue quand on peut changer la quantité sans toucher à la qualité et à la mesure, - d’autre part, on croit la rendre intelligible par l’idée de gradualité. On se rabat avec tant de facilité sur cette catégorie pour représenter ou pour expliquer la disparition d’une qualité ou de quelque chose, parce que de cette façon la disparition semble s’accomplir devant vos yeux ; en effet, la quantité étant déterminée comme limite extérieure, la transformation purement quantitative se comprend d’elle-même. Mais en fait on n’explique rien ; la transformation est essentiellement le passage d’une qualité en une autre. (...) Ce qui est faux, c’est le comportement ... de notre conscience ordinaire qui considère une quantité comme une limite indifférente seulement... La ruse du concept consiste à saisir un être déterminé par le côté où sa qualité ne semble pas entrer en jeu. »

Hegel dans « La Grande Logique »

« On dit que la nature ignore les bonds (...) or le changement n’est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif et consiste dans quelque chose de nouveau, d’autre, dans la rupture de la forme ancienne de l’être. »

Hegel dans « La Grande Logique »

« Expliquer une naissance ou une disparition par la gradualité du changement entraîne l’ennui d’une tautologie ; une telle explication présuppose que le naissant ou le disparaissant sont prêts d’avance, le changement devient un simple déplacement d’une différence. »

Hegel dans « Phénoménologie de l’Esprit »

Les philosophes avaient, de longue date, remarqué les paradoxes logiques du grain et du tas de grains et autres paradoxes du continu/discontinu, qui ont fait partie des grandes découvertes philosophiques et scientifiques de Zénon d’Elée comme de celles de Friedrich Hegel.

Zénon comme Hegel ne renvoyaient pas dos à dos discontinuité et continuum et tous deux reconnaissaient le caractère fondamental et universel de la discontinuité, du saut, du changement radical et brutal comme de la quantification de l’univers.

En employant la rupture en deux parties de la dichotomie, Zénon rompait sans cesse tous les continuums apparents.

Si Hegel soulignait que continu et discontinu étaient deux parties inséparables de la contradiction, il retenait que l’univers fonctionnait pas des sauts et donnait à la discontinuité, celle de la réalité comme de son changement, du domaine matériel comme de celui de la pensée, son caractère universel.

C’est le philosophe G.W.F Hegel qui a incontestablement été le fondateur de la plus importante philosophie du discontinu, la dialectique. Hegel écrit dans « Science de la Logique » : « La nature ne fait pas de bond », dit-on ; et l’opinion ordinaire, quand il s’agit de comprendre l’avènement ou la disparition, s’imagine (...) les comprendre en se les représentant comme avènement ou disparition graduels. Mais il s’est déjà manifesté que les changements de l’être ne sont pas le passage d’une quantité en une autre quantité, mais le passage du qualitatif au quantitatif, et inversement, la transition en un autre qui est une interruption du graduel et un changement qualitatif par rapport à l’être déterminé antérieur. L’eau refroidie ne devient pas peu à peu dure (...) L’Etat a une mesure de sa grandeur quantitative au-delà de laquelle il s’écroule intérieurement sous la même constitution qui, avant son extension, faisait son bonheur et sa force. »

La philosophie d’Hegel montre que le mouvement et le changement ne peuvent s’interpréter que comme l’action des contradictions internes préexistantes et menant à une rupture avec changement qualitatif, le système pouvant sauter d’un ordre à un autre parce que ses contradictions internes basculent brutalement d’une forme à une autre.
Hegel écrit dans sa « Logique » que « Quand on veut se représenter l’apparition ou la disparition de quelque chose, on se les représente ordinairement comme une apparition ou une disparition graduelles. Pourtant, les transformations de l’être sont non seulement le passage d’une quantité à une autre, mais aussi le passage de la quantité à la qualité et inversement, passage qui entraîne la substitution d’un phénomène à un autre, est une rupture de progressivité. » Il remarque que cette constatation a un caractère universel, allant de la nature à la société. Dans tous ces domaines, il démontre la nécessité de philosopher sur la transformation qualitative et de ne pas se contenter d’une philosophie de l’observation d’objets fixes en déplacement. Le lien entre changement qualitatif et quantitatif, dans les deux sens, signifie reconnaître l’interaction d’échelle. Le mouvement est inséparable du changement, car il est impossible qu’il y ait un déplacement s’il n’y a pas un changement d’état. Le changement et le mouvement nécessitent d’être étudiés à l’aide de concepts intégrant cette capacité de transformation, donc des concepts qui ne soient ni absolus ni éternels.

Etudier les sciences, ce n’est pas seulement mesurer et trouver des transformations numériques. C’est dévoiler la source de cette capacité de la nature de produire du neuf, spontanément et sans action extérieure. La mutation de philosophie est considérable. Hegel rompt avec les notions métaphysiques. L’interaction remplace la notion ancienne de « force », dans laquelle l’action était forcément extérieure. Le mouvement n’est pas le produit d’un énergétisme ni la vie d’un vitalisme. La constance est conçue comme le produit de la transformation et elle a pour produit une transformation. L’adaptation est guidée par le mécanisme de conservation et non par un but de transformation. C’est également la conservation qui contraint aux transformations brutales en ayant accumulé des contradictions. Le négatif est au sein du positif et le positif au sein du négatif. La négation est indispensable à la construction. Ce qui existe mérite de périr parce qu’il contient déjà les contradictions qui causeront sa perte. Hegel écrit dans « Histoire de la philosophie » : « Il faut rendre justice à l’aspect négatif ... On doit reconnaître la contradiction présente dans l’existence (...). »

Hegel, lui-même, a parfaitement conscience que dire cela c’est faire l’éloge de la révolution puisqu’il enchaîne sur la révolution française de 1789 de la manière suivante : « Les vieilles institutions n’avaient plus de place dans le sentiment développé de la liberté consciente (...). On se comporta destructivement contre ce qui était déjà détruit intérieurement. » A l’image de la révolution française, le processus décrit par Hegel est un développement des contradictions internes du système qui, atteignant un seuil, abolissent brutalement l’ancien ordre. Hegel ne cesse de l’affirmer : l’ordre social, lui-même, contient ses propres contradictions comme toute autre structure. Karl Marx soulignait ce caractère révolutionnaire de la philosophie d’Hegel : « Sous sa forme rationnelle, la dialectique n’est, aux yeux de la bourgeoisie et de ses théoriciens, que scandale et horreur, parce que, outre la compréhension positive de ce qui existe, elle englobe également la compréhension de la négation, de la disparition inévitable de l’état des choses existant ; parce qu’elle considère toute forme sous l’aspect du mouvement, par conséquent aussi sous son aspect transitoire ; parce qu’elle ne s’incline devant rien et qu’elle est, par son essence, critique et révolutionnaire. »

Devons nous interroger un philosophe comme Hegel pour réfléchir aux propriétés de la nature comme la continuité ou la discontinuité ? Ne suffit-il pas d’observer scientifiquement les phénomènes physiques ? L’univers est-il un phénomène rationnel ou irrationnel, déterministe ou indéterministe, réversible ou irréversible, fini ou infini, linéaire ou non-linéaire, moniste ou dualiste, réductionniste ou holiste, agissant par action positive ou par négation ? La réponse nécessite une étude scientifique mais aussi une réflexion philosophique. Les concepts qu’utilise la science n’ont pas été cueillis dans la nature mais dans la philosophie. Les paramètres que l’on mesure lors des expériences ont été conçus par les scientifiques et ne sont pas imposés directement par la nature. Les raisonnements sur la nature n’ont pas été écrits sous la dictée des conditions naturelles mais dans celles de la pensée humaine.

La science examine le monde, mais elle est obligée de supputer, de raisonner, de bâtir des mécanismes de pensée que la nature n’a pas directement dictés. Certains auteurs continuent à prétendre que la science de la nature, ou que la mathématique, est fondée sur des propositions indiscutables. C’est faux. La science de la nature n’est pas nécessairement plus objective que les autres domaines de la pensée et de la société humaine. Même les éléments de sciences apparemment les plus indépendants de la pensée et les sciences apparemment indépendantes des objets de la nature, comme les mathématiques, ne le sont pas. Beaucoup affirment qu’Hegel lui-même ne pourrait pas contredire que « un plus un égale deux ». Et pourtant, le nombre « un » est déjà un concept philosophique et non une simple observation de la nature. Et dans la nature, un plus un peut faire plus que deux ! Les sciences s’appuient sur un grand nombre d’a priori philosophiques, sans nécessairement en avoir conscience, ni les remettre régulièrement en question. Même si les sciences sont réputées objectives, nous avons absolument besoin de concepts philosophiques pour raisonner.

Continu ou discontinu, gradualiste ou saltationniste, voilà deux autres questions philosophiques que nous posons à l’univers. Prétendre que le gradualisme et le continuisme, selon lesquels le monde évolue doucement et régulièrement, seraient des constatations issues directement de l’observation est aussi faux que d’affirmer que ce serait la discontinuité qui fonderait l’univers de façon évidente. Au fait, pourquoi le monde ne serait-il pas parfois continu et, à d’autres moments, discontinu ? C’est un problème que nous allons également examiner et nous constaterons que les deux conceptions sont antithétiques : l’univers est continu ou discontinu mais pas l’un des deux suivant les circonstances. Le préjugé selon lequel « la nature ne fait pas de bonds » a été considéré longtemps comme une évidence sans même qu’il y ait des preuves scientifiques et a été ouvertement présenté par les scientifiques eux-mêmes comme un choix philosophique. Un des arguments de Lyell, en faveur du graduel et de la continu, dans ses « Principes de géologie » est justement le manque de connaissance : « Dans notre ignorance de l’origine et de la nature du feu volcanique, il semble plus conforme à la prudence philosophique de croire qu’il n’y a point d’instabilité dans cette partie du système terrestre. »

L’unité des contradictions du continu et du discontinu pour Hegel :

https://www.google.fr/books/edition/La_science_universelle/a_PvDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=Hegel+discontinu&pg=PT95&printsec=frontcover

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